Friday, October 8, 2010

LE DISCOURS DE KRAGBE GNANGBE

Proclamation aux tribus d’Éburnie [1]
Il faut couronner nos efforts, ceux que nous avons déployés depuis le 27 novembre 1966, date de la publication de « L’appel aux tribus d’Éburnie » et du Manifeste du Parti nationaliste. Le travail doit cesser sur l’étendue du territoire. C’est la grève générale.
Songez à Biaka Boda, à Boka Ernest et à beaucoup d’autres morts dans des conditions mystérieuses à Yamoussoukro, cimetière de nos élites, et vous vous apercevrez que les préoccupations majeures d’Houphouët-Boigny sont le meurtre. Doit-on continuer ainsi dans l’impunité?
Depuis dix ans, Houphouët et ses amis n’ont jamais su faire la différence entre l’honneur et la servitude, le mensonge et la vérité, leurs intérêts et ceux du pays.
Depuis dix ans vous avez tous servi, et souvent avec une hargne bestiale, un gouvernement indélicat et antinationaliste; vous avez adoré comme un dieu un chef qui a vendu le pays.
En traîtres ! vous avez été complices en approuvant les emprisonnements illicites, les bastonnades, les tortures, les meurtres. Depuis dix ans, la politique du PDCI/RDA a enfanté et nourri un tribalisme vigoureux et funeste. Houphouët veut faire des Baoulé nos maîtres. Nous ne serons jamais leurs esclaves.
Vous pouvez mourir à tout moment soit par accident, soit de maladie, soit dans votre lit. De quoi avez-vous peur ?
Je vous demande un effort particulier qui nous permette d’arracher notre pays aux étrangers, de prendre en main nos propres affaires, de devenir les bénéficiaires directs de nos sacrifices. Mettez votre vie au service du gouvernement nationaliste. Qui êtes-vous, des hommes ou des animaux pour trembler de peur ?
Il est trop tard, à présent, pour rêver d’élections. Il faut se battre maintenant. Il faut se battre avec tous les moyens, même avec nos mains nues. Dussions-nous y mettre le prix en hommes et en sang. Le sang parle mieux aux masses, car c’est le vrai langage de la politique. Écrasons pour toujours ces assassins et ces escrocs du PDCI. Frappez fort, cognez fort !
Soldats, gendarmes, policiers, à tous, Houphouët et ses amis vous demandent de porter le fer dans votre chair, de répandre la mort dans vos foyers, de détruire vos familles. Pour quelle récompense ? Asseoir définitivement la suprématie tribale des Baoulé. Si vous le faites, ce n’est pas par discipline mais par bêtise. La vraie discipline vous rangera aux côtés du gouvernement nationaliste pour arracher le pays à l’exploitation des étrangers. Si vous tuez vos enfants et vos frères pour de l’argent, vous ne serez jamais les maîtres chez nous. Est-ce cela que vous souhaitez vraiment ? Halte aux crimes odieux de Houphouët.
La situation particulière de la Côte d’Ivoire (colonie déguisée) explique aisément la présence des troupes françaises sur notre sol et leurs fréquentes interventions dans nos affaires. L’armée française doit quitter le pays et ne doit, en aucun cas, prendre part à nos querelles. Pourquoi le gouvernement français veut-il imposer le régime de Félix Houphouët-Boigny ?
À présent, les positions sont claires, les options précises : Houphouët n’est plus notre chef et ne le sera plus, n’en déplaise au gouvernement français. Jusqu’à la convocation, à Abidjan, de l’Assemblée consultative, j’assume le pouvoir politique et militaire à la tête du gouvernement provisoire de l’État d’Éburnie, gouvernement d’union nationale.
À ce titre, je décrète la mobilisation de toutes les forces vives du pays et invite paysans, travailleurs, soldats, policiers, gendarmes, chômeurs, élèves, étudiants, anciens combattants, à se mettre sans tarder à la disposition du gouvernement nationaliste établi à Gagnoa. Organisez partout des comités de soutien à l’État d’Éburnie.
Vive le gouvernement provisoire nationaliste.
Vive l’État d’Éburnie.
Gagnoa, le 27 octobre 1970, Gnagbé Kragbé, chancelier de l’État d’Éburnie et commandant en chef de l’Armée populaire nationaliste.
Loi organique de l’État d’Éburnie
Pour servir de cadre et de base à l’action politique et militaire du gouvernement provisoire, il est promulgué une loi dite « loi organique de l’État d’Éburnie« ou » loi organique d’octobre ».
Article 1
L’Éburnie est la nouvelle appellation de la Côte d’Ivoire.
Article 2
L’Éburnie est un État souverain, laïc, unitaire démocratique. Son emblème est le globe d’ébène, disque noir sur fond blanc en son centre, symbole de l’union et de l’égalité entière entre les tribus.
La devise de l’État est : « Pour la terre de nos pères ».
Article 3
Le chef de l’État prend titre de chancelier de l’État : il est chef du gouvernement et commandant en chef de l’armée populaire nationaliste.
Article 4
Les pleins pouvoirs sont dévolus au chancelier de l’État pour diriger l’action politique, militaire, diplomatique du gouvernement provisoire; il nomme aux hauts postes politiques, militaires, diplomatiques.
En cas d’empêchement, il délègue ses pouvoirs, en partie ou en totalité, pour une période déterminée. Les ministres sont responsables devant lui. Les gouverneurs de province représentent directement le chancelier de l’État.
Article 5
L’autorité civile est prépondérante. Toutefois, dans la période transitoire, des militaires de tout grade peuvent être nommés à des postes civils.
Article 6
En l’absence d’une assemblée régulièrement élue, le chancelier de l’État dirige la politique du gouvernement provisoire par décrets-lois.

Article 7
Liberté de parole, de réunion, d’association et de confession est reconnue à tous comme droit inaliénable.
Article 8
Quels que soient leur appartenance ethnique, leur profession et leur sexe, les citoyens de l’État d’Éburnie sont égaux devant la loi qui leur assure, selon leurs capacités, l’accession à toutes les carrières, tant publiques que privées.
Article 9
Les tribunaux militaires et populaires forment l’armature juridique de l’État. Ils connaissent respectivement des cas de trahisons vis-à-vis de l’État et des cas de simples procédures pénales.
Article 10
La terre est la propriété exclusive des tribus. Elles peuvent la céder à l’État pour les travaux d’utilité publique. L’État ne peut en déposséder les tribus.
Article 11
Les travailleurs des secteurs privé et public sont assurés de la permanence de leur emploi, de même que tous les avantages acquis leur seront confirmés.
Article 12
L’Assemblée consultative sera saisie en temps opportun de la révision de la loi organique sur l’initiative du chancelier. Dans l’espace, les présentes dispositions resteront en vigueur jusqu’à la mise en place de nouvelles institutions.
Fait à Gagnoa, le 27 octobre 1970
 
15 octobre 2007

No comments:

Post a Comment