Friday, October 8, 2010

Cote D'Ivoire Politique

Fortune des dictateurs
Félix Houphouët-Boigny dirigea la Côte d’Ivoire pendant trente trois années de 1960 à 1993. Il fut sans doute l’un des chefs d’Etat africains les plus riches d’Afrique. R. Baker évalue sa fortune à 7 milliards $180. Le Quid, en 1992, un an avant la mort du dictateur ivoirien, l’évaluait à 11 milliards $.
Le président ivoirien aurait possédé une dizaine de propriétés en région parisienne dont une gentilhommière de style Louis XIV à Soisy-sur-Ecole, l’ancien appartement de Jean Gabin dans le 8ème à Paris, plus un autre dans le 11ème et enfin sa résidence personnelle rue Masseran (7ème), à côté de l’Ecole militaire avec un parc de 8590m², évaluée en 1998 à 18,3 millions d’euros. A cela s’ajoutent d’autres propriétés, si l’on en croit la Lettre du Continent.181 Il détenait aussi une maison en Suisse, au Chêne Bourg et une propriété en Italie, à Castel Gondolfo. Il possédait aussi des comptes à l’étranger, notamment en Suisse (UBS, SIB, Everlasting). Il avait d’ailleurs déclaré à des enseignants ivoiriens en grève : « Quel est l’homme sérieux dans le monde qui ne place pas une partie de ses biens en Suisse. » 182 Pays qu’il connaissait bien puisqu’il y avait de multiples sociétés immobilières (SI Grand Air, SI Picallpoc, Intercafco) et était actionnaire des bijouteries ­horlogeries huppées de Genève : Piaget et Harry Winston.
Cet argent, il l’obtenait principalement du pillage des ressources du pays, café et cacao. Houphouët-Boigny avait aussi la folie des grandeurs, en faisant en 1983 d’un petit village, où il avait grandi au côté de sa grande tante Yamoussou, la capitale administrative de Côte d’Ivoire, Yamoussoukro. Il y fit construire plusieurs édifices somptueux, l’hôtel de ville, un institut polytechnique, un aéroport international et une imposante basilique183 alors qu’il y avait seulement 12% de catholiques en Côte d’Ivoire. Il a toujours affirmé que c’était lui qui offrait cet édifice à la Côte d’Ivoire. Il aurait dépensé 115 millions d’euros pour la réalisation de cette basilique, un des plus grands édifices religieux chrétiens au monde, réalisée par la société française Bouygues entre 1985 et 1990 pour 250 millions d’euros.
Malgré ses dépenses somptuaires et son train de vie fastueux, il n’a jamais été inquiété par la justice de son pays, ni par la communauté internationale. En France, où pourtant il détenait la majeure partie de ces biens, personne n’osa critiquer sa fortune. En effet, Houphouët aurait longtemps entretenu les hommes politiques français.
Aujourd’hui, la seule affaire qui touche à
sa fortune est de savoir qui sont les héritiers de tous ses biens. A sa mort, le dictateur, ne laissant aucun testament, a confié, par un legs verbal, ses biens à l’Etat ivoirien. Ses héritiers reconnus ont donc dû renoncer à la majorité des biens personnels de l’ancien président, mais ont refusé de perdre la propriété de quelques uns, notamment l’hôtel particulier, rue Masseran et les tableaux de maîtres (Pierre Bonnard, Van Gogh, Bernard Buffet) ainsi que du mobilier qu’il contenait, évalués à 6,6 millions d’euros.184 Ce serait Guillaume Houphouët-Boigny qui aurait eu la charge de gérer les comptes bancaires suisses du Vieux à la SIB et Maître Escher, ceux d’Everlasting et d’UBS.
La succession est traitée en France par l’administrateur judiciaire Pierre Zecri et la propriété par l’Etat ivoirien d’une partie de ces biens vient d’être reconnue par tous les héritiers ! 185
L’Etat ivoirien possèderait ainsi, en particulier autour du 102 avenue Raymond Poincaré, siège de l’ambassade de Côte d’Ivoire en France, deux hôtels particuliers dans la rue adjacente (rue Léonard de Vinci), un de 720 m² sur trois étages loué à peine « 10 000 euros par an les 10 premières années » à une société belge avec un bail de 30 ans, l’autre de 500 m² loué pour 15 ans à un ami du président Gbagbo, son avocat, pour un montant dérisoire. Un troisième se trouverait, boulevard Suchet, ce serait l’ancien siège des services économiques de l’ambassade. A cela s’ajoutent 10 places de parking, rue Beethoven, et une cave, sans précision de surface, avenue Paul Doumer. Ajoutez à cet état des lieux deux étages de bureaux à la Défense, aux 12è et 13è étages de la Tour Norma, dont une partie est louée au groupe Total. Plus 28 places de parking dédiées en sous-sol. C’est ce dernier lot qui devrait être vendu prochainement pour près de 2 millions d’euros, si l’on en croit la Lettre du Continent.186 Enfin, l’Etat ivoirien aurait obtenu la propriété du « château Masseran ».
Son successeur, Henri Konan Bédié, a connu plus d’ennuis. Non pas en France, où il entretenait des relations avec les hommes politiques qui lui offrirent d’ailleurs l’exil quand il fut renversé par un coup d’Etat en décembre 1999. Mais en Suisse, où ses comptes furent gelés le 8 mars 2000 par l’Office fédéral de justice. Ce dernier avait en effet reçu une demande d’entraide judiciaire de la justice ivoirienne pour bloquer les comptes de l’ancien président, qui aurait notamment détourné 24,8 millions $ d’aide européenne à la santé. Seulement 5 à 7 millions de francs suisses furent bloqués dans neuf banques concernées. L’entraide judiciaire accordée à la Côte d’Ivoire n’a depuis pas été poursuivie, faute de volonté politique des nouvelles autorités ivoiriennes dirigées par le Général Gueï, qui n’ont fourni aucune preuve. Elles avaient pourtant délivré à l’époque un mandat d’arrêt international contre H.K. Bédié, qui résidait alors en France. Il ne fut jamais inquiété depuis par la justice de son pays.187
18 décembre 2007
Gbagbo, le peuple, et la responsabilité

Le 24 Octobre 2000, lorsque que la dictature militaire, alliée aux néo-colons, tenta de confisquer le pouvoir, après avoir trafiqué les résultats des élections présidentiels dont Laurent Gbagbo sortait vainqueur, le peuple ivoirien pris ses responsabilités. Il descendit massivement dans les rues, bravant le feu nourri des kalachnikovs des criminels aux ordres de Gueï, pour faire respecter son choix. Il avait décidé que la transition, ou plutôt la dictature militaire, et son corollaire d’exécutions sommaires et d’exactions, devait prendre fin. Nous étions dans les rues de Cocody ce jour là. Nous vîmes des manifestants de tous les partis politiques crier leur ras-bol des militaires. Des militants fanatiques du PDCI, des Bediéistes convaincus, des fous de Gbagbo, bravèrent ensemble les balles des kalachnikovs payées avec l’argent de leurs impôts, et retournées contre eux par ces esprits malsains. Comme partout en Afrique, les militaires ne savent briller que devant des populations sans défense. Mais ce jour là, le peuple ivoirien qui fut toujours qualifié de "moutonnier" dans la sous-région, pris ses responsabilités pour se faire respecter par cette bande de soudards analphabètes, qui tentait de s’imposer à lui, avec la force des armes qu’il lui avait confié pour sa sécurité.
En 2002, lorsque cette même association de malfaiteurs, dirigés par les néo-colons récidiva, elle trouva de nouveau le peuple ivoirien, fièrement dressé pour faire respecter son choix porté sur Gbagbo. Novembre 2004 ne fut pas différent, le peuple fit encore barrage de son corps pour protéger Gbagbo qui à toujours pu bénéficier de son soutient face à ceux qui tentaient de le déboulonner. Le peuple ivoirien, mature, et très en avance politiquement sur la classe politique corrompue, n’à point failli devant ses responsabilités depuis 2000. A chaque fois que Gbagbo fit appelle à lui dans l’adversité, il répondit présent. C’est cela même le sens de la responsabilité, assumer ses choix et les défendre. On peut donc affirmer que le peuple ivoirien est un peuple responsable et mature, même s’il compte en son sein, comme dans tous les pays du monde, des fruits pourris. Il a toujours été responsable vis-à-vis de Gbagbo, l’inverse étant à vérifier.
Ce n’est pas Blé Goudé qui sauva Gbagbo, même si, il y a grandement contribué, c’est le peuple. C’est encore le peuple qui, avec ‘’le syndrome Gueï’’, à empêché l’armée jusqu'à aujourd’hui, de prendre le pouvoir pendant ces moments troubles. Car s’il refuse de sortir protéger Gbagbo, comme il refusa de sortir à l’appelle de Bédié en 1999, les forces obscures auront raison de lui. Déboulonner Gbagbo, et même l’assassiner, a toujours été une petite équation pour les néo-colons et leurs sbires. Ils peuvent le faire dans les minutes ou ils l’auront décidé. S’ils n’en ont rien fait depuis 2000, c’est uniquement par peur de la réaction populaire. Ils craignent de déclencher une situation qu’ils ne pourront gérer, et qui produiras le contraire des effets escomptés ; la destruction totale et irréversible des biens français en Côte d’ivoire. Ils savent très bien qu’il faut se méfier d’un peuple qui ne craint pas les balles de kalachnikov, d’où leur difficulté à réaliser la quadrature du cercle. Comment chasser Gbagbo sans énerver le peuple ?
La responsabilité engageant relativement des droits et devoirs, l’on se demande si Gbagbo à lui aussi été responsable vis-à-vis du peuple ivoirien ? Oui, en se battant pour rester là où le peuple l’à mis. En abandonnant pas le pays, en ne fuyant pas comme certains, aux premiers coups de canons. Non, quand on jette un coup d’œil sur la gestion scandaleuse de la filière café-cacao. Non, quand on pense à l’empoisonnement de la population abidjanaise par des déchets toxiques et hautement cancérigènes. La facilité avec laquelle de sinistres individus on pu déposer ces déchets toxiques en pleine ville, est le signe d’une grande irresponsabilité. Non, quand ce président défendu au prix du sacrifice ultime de vies humaines, trempe dans des scandales qui concernent le bas de la ceinture. Encore non, quand le peuple acculé à tous les sacrifices, voit dans le même temps, l’enrichissement illicite et exponentiel de ceux qu’il a porté au pouvoir, et défendu contre vents et marées. Déception profonde de celui-ci, quand les comportements condamnés hier par l’opposant Gbagbo, sont aujourd’hui reproduit par son entourage immédiat.
Un ami, feu Paulin, gbagboïste convaincu, qui brava à de multiple reprises les balles des néo-colons et de leurs sbires, et qui nous à récemment quitté, « paix à son âme », parlant un jour de Gbagbo, et de l’enrichissement illicite et exponentiel des pontes du FPI, dit ceci : « Il fait le malin, c’est parce qu’on est derrière lui, quand on va le laisser seul ,comme Bédié, avec les militaires français et leurs rebelles, on va voir si ses amis qui nous volent, vont le défendre ». Qu’un homme, supporter fanatique de Gbagbo – Surtout de ses idées- qui à plusieurs reprise risqua sa vie pour le défendre, en vienne à tenir ce genre de propos, en dit long sur la profonde déception qui gagne le peuple face à la déviation du FPI, qui croit l’ivoirien amnésique. Les ivoiriens tombés sous les balles des forces obscures n’ont pas sacrifiés leur vie pour voir reproduire les comportements malsains du PDCI.
Nous souhaitons, comme tous les ivoiriens, que Gbagbo prenne ses responsabilités vis-à-vis du peuple, comme celui-ci le fait depuis 2000. Quand des commerçants et des industriels peu scrupuleux, profitant de la hausse des prix des matières premières sur le marché international, affament les ivoiriens, on aimerait voir Gbagbo réagir et défendre ses employeurs. Si les ivoiriens l’ont mit là où il est, c’est d’abords pour y défendre leurs intérêts. Gbagbo donne l’impression depuis 2002, que n’importe qui peut faire n’importe quoi en côte d’ivoire, tant qu’il ne touche pas au fauteuil présidentiel. Il ne réagit que lorsqu’on veut le chasser du pouvoir, les problèmes quotidiens de ses employeurs et protecteurs que sont les ivoiriens, ne semblant guère l’intéresser. Il serait temps président, que tu songe sérieusement aux problèmes quotidien de tes employeurs, car ceux-ci serait en droit de te remercier si tu ne remplis pas ta part du contrat. L’argument de la guerre ne tient pas dans les hausses sauvages des produits de premières nécessités dans notre pays, sans commune mesure avec les hausses du marché international. Il ne saurait justifier encore moins les comportements déviants et kleptomanes du FPI .100 milliards de francs pour un projet mégalomane et non productif ; la construction d’un sénat et d’une assemblée, pour abriter une classe politique corrompue, est un gâchis inestimable. Un vaste plan de créations d’emplois pour la jeunesse aurait été souhaitable et bienvenue
Le FPI est entré dans une phase de ‘’monarchisation’’ du pouvoir. Très peu aujourd’hui sont capable de dire ce qu’ils pensent à Gbagbo. Parce que tous préoccupés à s’en mettre plein les poches, en oubliant qu’il s’agit de l’argent de ceux qui les ont mis là où ils sont. Et nous n’oublions pas que, si le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. La différence entre le Gbagbo opposant, et le Gbagbo d’aujourd’hui, qui va jusqu'à dire en parlant des ivoiriens ‘’mon peuple’’, comme si la côte d’ivoire était son royaume, est inquiétante.
On peut comprendre que le président n’ait aucun contrôle sur le comportement de ses adversaires politiques. Mais laisser ’’ le FPI donneur de leçons d’hier’’ dévier est inadmissible. Tout porte à croire que le seul homme intègre que compte aujourd’hui ce parti, reste le Pr Mamadou Koulibaly. Gbagbo ne devrait pas se fier aux apparences. Bédié, quelques semaines avant sa chute, était encore accueillit par les vivats de foules en liesses qui l’ont grisés. Le président Gbagbo, à moins à craindre des néo-colons et de leurs rebelles, que du peuple ivoirien, lent à la réaction, mais dont les décisions sont sans appels. Rien n’est encore perdu, Gbagbo peut encore démontrer aux ivoiriens qu’ils n’ont pas donné leurs vies en vain pour lui, et qu’il ne trahira pas le serment qu’il leur fit dans l’opposition, et pendant la campagne électorale de 2000, en mettant fin à l’impunité et à la kleptomanie dans son propre camp.
 
Sur les traces de la fortune d'ADO à Ouattara
Comme Charles Konan Banny qu'il a précédé au poste de gouverneur de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), Alassane Ouattara est aujourd'hui détenteur d'une importante fortune amassée dans des circonstances quelquefois irrégulières. Incursion dans le jardin secret des avoirs du président du Rassemblement des républicains à travers le monde.

Alassane Dramane Ouattara fait son apparition sur la scène politique après février 1990. A part quelques cadres ivoiriens dont l'ancien chef de l'Etat, Henri Konan Bédié, feus Diaby Aboubacar Ouattara et Lamine Diabaté, ancien ministre d'Etat, et ancien directeur national de la BCEAO qui a été inhumé hier, peu d'Ivoiriens connaissent celui que Houphouët Boigny avait fait venir de Dakar pour sauver son pouvoir en déliquescence. La lutte pour la restauration du multipartisme battait son plein et le front social était en ébullition au moment où Ouattara dépose ses bagages sur les bords de la lagune Ebrié. Président d'un comité interministériel chargé de réfléchir sur les maux qui minent le pays et lui apporter des solutions, il devient six mois plus tard le Premier ministre de Côte d'Ivoire. Ce après la réélection d'Houphouët Boigny pour un autre mandat de cinq ans qui sera dirigé d'une part par Alassane Ouattara (3 ans) et d'autre part par le dauphin constitutionnel Henri Konan Bédié (2 ans soit de 94 à 95). En effet, à partir du 7 décembre, date officielle du décès de Félix Houphouët Boigny, c'est le président de l'Assemblée nationale d'alors qui devient le nouveau chef de l'Etat. C'est lui qui est donc aux commandes au moment où la dévaluation du franc CFA survient. L'ère Bédié venait de s'ouvrir. Mais pendant la première moitié du quinquennat d'Houphouët-Boigny, c'est Alassane Ouattara, en sa qualité de premier ministre, qui dirigera le pays. En l'absence du ''vieux'' très affaibli par la maladie et qui suivait des soins dans un hôpital de l'Hexagone. Le Bélier de Yamoussoukro ne pouvait donc rien contrôler et la gestion du pays revenait de fait à celui qui avait été appelé juste pour donner un coup de fouet à l'économie ivoirienne. L'appétit vient en mangeant, dit l'adage. Ouattara qui s'est fait entourer d'une équipe de politiciens et de technocrates ambitieux dont la plupart quitteront par la suite le PDCI pour donner jour au RDR dont il est le président rêve déjà de diriger le pays à la mort de son bienfaiteur. Il se mettra donc en tête d'occuper officiellement le fauteuil de chef de l'Etat de Côte d'Ivoire à la mort d'Houphouët Boigny. ''Président par intérim'', c'est par ce titre redondant, qui dépeint pourtant avec exactitude la réalité du pouvoir pendant cette période, que ceux qui profitaient du ''règne'' de l'ancien gouverneur de la BCEAO aimaient à le désigner. C'est en réalité au cours de cette période au cours de laquelle il a cumulé les postes de Premier ministre et de ministre de l'Economie et des Finances du poumon économique de l'UEMOA que Ouattara a constitué son immense fortune. Par des pratiques contraires aux règles de la bonne gouvernance qu'il a toujours revendiquée parlant de sa gestion des affaires de l'Etat.

De son passage à la Primature


Alassane Dramane Ouattara a longtemps travaillé à la Banque centrale de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) où il a occupé de hautes fonctions. D'abord en tant que vice-gouverneur pour le compte de la Haute Volta (Burkina Faso), puis gouverneur de l'institution bancaire pour la Côte d'Ivoire. Dès 1990, il rentre en Côte d'Ivoire où il est coopté au poste de premier ministre six mois plus tard. Une responsabilité qu'il assumera trois années durant, avant de déposer ses valises à New York afin d'y occuper le poste de directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI). Au terme d'une telle carrière professionnelle, l'époux de Dominique Nouvian Folleroux a pu se constituer un trésor. Quoi de plus normal ! Mais un retour sur le parcours de l'homme, surtout des faits qui ont lieu lors son passage à la Primature, finit de convaincre le plus incrédule que l'essentiel des avoirs d'Alassane Ouattara a été acquis de façon frauduleuse. Alors qu'il était le locataire de la Primature en effet, Alassane Ouattara avait mis sur pied un mécanisme de gestion qui lui permettait de pomper les ressources publiques. La trouvaille est de taille car le Trésor public qui était censé recueillir les recettes de l'Etat en provenance des régies financières est purement et simplement mis à l'écart. Le seul maitre à bord, de surcroit ministre de l'Economie et des Finances, avait préféré à la caisse officielle de l'Etat de Côte d'Ivoire une régie interne à la Primature. Tous les fonds en provenance des régies financières que sont les Douanes ivoiriennes dirigées en son temps par Doua Bi Kalou, les Impôts, le Port d'Abidjan, et même le Trésor public qui en était réduit à collecter des ressources insignifiantes, convergeaient ainsi vers la Primature. Bien évidemment, le président Houphouët Boigny qui était miné par la maladie et qui avait une confiance en Ouattara avait abandonné la machine étatique dans la main de l'économiste qui ne rêvait pas mieux. La caisse de l'Etat en vient petit à petit à être totalement confondue avec les biens privés de Ouattara. Par ce procédé, il arrive à faire main basse sur des ressources financières énormes transportées en Europe à chaque déplacement du premier ministre au chevet du président Houphouët Boigny qui suivait des soins médicaux en France avant d'être transféré en Suisse. Sous le prétexte des visites donc au Bélier de Yamoussoukro dont l'état de santé préoccupait la nation tout entière, Ouattara fera sortir du pays des fonds énormes. Sans avoir à rendre compte à qui que ce soit. Chaque semaine, il prenait la destination de l'Europe où il planquera son butin dans les paradis fiscaux. Des personnes qui ont participé à ces opérations de transferts de fonds et que nous avons pu rencontrer dans le cadre de nos investigations sont convaincues que ce sont des centaines de milliards qui ont été ainsi emportés entre 1993 et 1994. Le général Abdoulaye Coulibaly, qui était le pilote d'Houphouët Boigny, à en croire ces témoins des faits dont certains travaillaient à CODIVAL, est bien placé pour dire la destination de ces fonds. Décembre 1993, Houphouët Boigny décède. Moins d'un mois après, la dévaluation du franc CFA contre laquelle il s'était longtemps battu devient effective. Le jour même de son inhumation. Il n'a pas réussi à s'imposer aux Ivoiriens comme il le souhaitait, en se proclamant comme le président par intérim de la Côte d'Ivoire, mais Ouattara peut désormais jouir de la manne importante dont il dispose, logée dans les banques suisses, dans la principauté de Monaco, au Luxembourg... Avec la dévaluation, les montants emportés deviennent deux fois plus importants. Du simple au double. Dans sa tentative de faire main basse sur le pouvoir par tous les moyens, y compris les coups d'Etat, il n'hésitera pas à s'en servir. La suite, on la connaît. Des actions subversives à répétition depuis la mort de Houphouët Boigny : contre Bédié, puis Guéi Robert et enfin Laurent Gbagbo.

Le patrimoine d'ADO à l'étranger


En dehors des fonds emportés des caisses de l'Etat, qui ont permis à Alassane Ouattara d'ouvrir des comptes dans les paradis fiscaux, Ouattara dispose de biens immobiliers et autres à travers le monde. Des biens acquis pour la plupart avec l'argent volé dans les caisses de l'Etat. Au nombre des biens immobiliers dont il dispose, on note entre autres un immeuble sis au Plateau, jouxtant la direction du Trésor public. Avec le concours de Mme Dominique Nouvian Folleroux, la patronne de l'Agence internationale de la commercialisation immobilière (AICI) qui deviendra plus tard son épouse, de nombreuses réalisations du patrimoine de l'Etat passeront aux mains de Ouattara. Contre un franc symbolique ou moyennant des sommes en deçà de la valeur des biens ainsi frauduleusement acquis. Hors de la Côte d'Ivoire, il faut dire que le leader du RDR a acheté à des millions de dollars en Haiti une vaste plantation de canne à sucre. Cela, sur conseil de son parrain, feu Grégoire Yacé Philippe. Aussi possède-t-il des bateaux commerciaux qu'il s'est offerts après son départ de la primature, qui lui rapportent énormément. Au Burkina Faso, il détient une cimenterie rachetée et qui n'est pas le seul bien à son actif dans ce pays. Mais c'est au pays d'El Hadj Oumar Bongo que se concentrent la plupart de ses biens. Un parc maritime et des biens de natures diverses à son nom sont dans ce pays de l'Afrique centrale où le chef de l'Etat qui se présente comme son parrain lui fait de nombreuses faveurs. Vu la couverture dont il bénéficie et les largesses dont il est l'objet dans l'acquisition des marchés publics dans ce pays, il ne faut vraiment pas s'étonner d'entendre dire que Ouattara a décidé de bitumer sur fonds propres plus de 1000 km de voie de ce pays. Cela, gratuitement. Par ailleurs, le fonctionnaire international qui a des liens solides dans le milieu de la haute finance depuis Dakar se livre au blanchiment d'argent. Ayant une parfaite maitrise des flux financiers à travers le monde, l'ancien premier ministre se sert de structures écrans pour se livrer à des activités pour le moins répréhensibles. Ainsi, derrière les actions de haute portée humanitaire dont l'ONG Children's of Africa, qui est une propriété de son épouse peut se vanter, circule de l'argent sale. Le circuit que suit ce réseau est tellement complexe et bien pensé qu'il serait impossible à n'importe quel spécialiste de la lutte contre le blanchiment d'argent d'épingler l'ONG. De nombreuses sociétés exerçant dans les secteurs les plus divers, donc beaucoup d'affaires et de sous, se cachent en tout cas derrière le choix des Ouattara de s'adonner à une activité humanitaire. Outre Children's of Africa, il y a Jacques Desange. Et une autre structure comme l'International institute for Africa (IIA) basée à Washington, avec delusion entre Ouattara et cette société. Elle a été mise sur pied depuis son passage à la Primature et a pour mission essentielle de financer de façon subtile les activités subversives du leader politique et de faire du lobbying à son profit dans certains cercles. Mais bien entendu, cette structure de droit américain tire ses revenus du recyclage de l'argent sale en provenance de pays sous embargo. A l'image du Liberia et de la Sierra Leone où la vente de diamant et d'or a été longtemps interdite par le conseil de sécurité de l'ONU. Au pays où il a vécu de longues années en tant qu'étudiant puis directeur général adjoint du FMI, il a pu intégrer les réseaux mafieux de vente d'armes et c'est par des sociétés écran telles l'International institute for Africa (IIA) qu'il a armé sans discontinuer les auteurs des coups d'Etat à répétition qui déboucheront sur une rébellion après un énième échec en septembre 2002.

Les comptes de Ouattara à l'étranger


Comme nous l'avons signifié plus haut, le président du RDR dispose de plusieurs comptes dans les paradis fiscaux et des pays comme la France et les Etats-Unis où il a des intérêts. En Suisse et à Luxembourg particulièrement, on dénombre au total six comptes où s'effectuent des opérations de diverses natures. Selon qu'il s'agisse d'une activité lucrative ou d'une autre se rapportant à ses activités politiques ou subversives. Dans ce dernier cas, c'est l'International institute for Africa (IIA) qui est actionnée. Cette structure qui est sa propriété comme nous l'avons déjà indiqué plus haut, détient un compte à la Dexia Banque international à Luxembourg sise à 69 rue d'Esch, L-2953 Luxembourg. ''Dexia Banque Internationale à Luxembourg est une banque à vocation résolument eruopéenne. Nous recherchons des nouveaux talents pour épauler nos 5000 collaborateurs implantés dans 16 pays afin de contribuer activement à notre mission au sein du groupe Dexia : le développement international des métiers de gestion d'actifs, de banque privée et d'administration de fonds d'investissement. Nous voulons pouvoir compter sur des collaborateurs capables de relever tous les défis et bien décidés à grandir au rythme de notre entreprise. Grâce à nos activités variées et nos filiales implantées en Europe et en Asie, la mobilité interne et internationale sont des réalités au sein de la Dexia BIL. En tant qu'entreprise socialement responsable, Dexia a mis en place de nombreuses mesures visant à améliorer le bien-être de son personnel, que ce soit sur son lieu de travail ou en dehors. Gestion de carrière, formation, égalités des chances, santé, équilibre travail/Vie de famille, autant de domaines dans lesquels Dexia BIL est fière de pouvoir offrir à ses collaborateurs des solutions innovantes'', lit-on sur le site internet de la banque. Le compte de Alassane Dramane Ouattara dans cette banque date de juillet 1999. Et le fait qu'il porte le nom de la société de droit américain ne doit pas étonné car il s'agit d'une société écran. Le vrai propriétaire du compte est bel et bien Alassane Ouattara comme ont pu le confirmer des hauts cadres de l'établissement bancaire qui ont réquis l'anonymat pour des raisons de confidentialité. De même, la déontologie de notre métier ne nous autorise pas à rendre publiques certaines informations en notre possession sur le sujet. A en juger par sa date de création, on se rend bien compte que c'est au moment où il démissionnait de son poste de directeur général adjoint du FMI. Il annonça dans la même période son désir de renter en Côte d'Ivoire pour y prendre part à la vie politique. Surtout, il envisageait de se présenter à la présidentielle. Quelques mois après, soit en décembre 1999, alors qu'il venait de dire publiquement qu'il allait attenter à la sureté de l'Etat, une banale mutinerie emportera le pouvoir Bédié.

Les scandales qui ont émaillé sa Primature Son passage à la tête de la primature a en outre été marqué par plusieurs scandales financiers. Au lendemain de sa nomination au poste de premier ministre, il se signale par l'affaire des 19 tonnes d'effets personnels non dédouanés. L'affaire fera grand bruit mais n'inquiètera pas le gouverneur venu de Dakar qui ne s'arrêtera pas à ce forfait. Il prend gout à la mal gouvernance et il est très difficile de l'arrêter, surtout que Houphouet Boigny est agonisant. Eclate alors l'affaire ''Ouattara vend et rachète''. Le chef du gouvernement brade à tout vent le patrimoine de l'Etat ivoirien. Le hic, c'est qu'il se trouve être à la fois vendeur et acquéreur. Un délit d'initié. La clameur publique dénonce ce pillage en règle du patrimoine de l'Etat. Une action dont lui seul était le bénéficiaire, vu qu'il cédait à vide prix les structures dont certaines étaient très sensibles à des proches et amis. Des sociétés écrans bien sûr étaient déjà dans le jeu. Des contrats juteux sont passés entre le Port autonome, la SODECI, la CIE, et des entreprises françaises telles que Bouygues et Bolloré, moyennant des francs symboliques pour la plupart. Sans les Français, il ne restait plus à la Côte d'Ivoire qu'à déclarer faillite, voulait-on faire croire. Pour toutes ces actions en faveur de la France, Ouattara percevra des pots de vin qui s'élèveront à des milliards. Des ristournes déposées dans des banques françaises particulièrement. Déjà à la BCEAO, il aurait conçu un réseau digne d'une mafia pour ses activités illégales. En accédant au poste de gouverneur de la banque centrale, il s'ouvrait la voie pour venir faire main basse sur la Côte d'Ivoire. Dix sept ans après son arrivée dans le paysage politique ivoirien, l'homme qui a bien planifié son affaire était à deux doigts à la mort d'Houphouët de s'emparer de la magistrature de l'Etat. Avec l'argent des Ivoiriens.

Par Safiatou Ouattara
S: l'intelligent d'abidjan
16.11.2007. 15:09

COTE D’IVOIRE:  Un drame annoncé

La Côte d'Ivoire connaît actuellement une tentative de coup d'Etat qui a déjà
fait de nombreux morts. La situation se dégrade et se complexifie de jour en
jour. Certains évoquent le spectre du Rwanda !
Depuis plus de deux ans, l'ONG "Prévention génocides" tente d'attirer
l'attention tant des citoyens ivoiriens que des décideurs occidentaux sur les
risques que font peser sur la Côte d'Ivoire les discours identitaires,
ethnicistes et xénophobes qui s'y développent depuis une dizaine d'années sur
fond de crise économique. Un film a notamment été réalisé : "Côte d'Ivoire,
poudrière identitaire".
Cette démarche a paradoxalement connu plus d'échos en Côte d'Ivoire que dans
nos pays. Le film a été diffusé par la télévision ivoirienne en août 2001 et
il a impulsé un débat dans la presse.
Une démarche d'analyse originale
Notre intervention commence en octobre 2000. Une équipe de sociologues de
notre ONG est envoyée sur place. Un travail de terrain a été conduit : des
centaines d'entretiens approfondis sont menés à divers niveaux de la société
et dispersés géographiquement. Une analyse des récits médiatiques, des
témoignages, des images véhiculées par les uns et les autres nous ont amené
au printemps 2001 à un diagnostic clair : la société ivoirienne est minée par
plusieurs crises :


Une crise des élites politiques : un combat des chefs entre quatre leaders (
Bédié, Guéi, Ouattara et Gbagbo ) a rythmé la vie politique du pays depuis 10
ans et a souvent conduit à de petits calculs tactiques visant la préservation
ou la conquête du pouvoir plutôt qu'à la détermination de grandes
orientations de développement. La corruption a aussi rongé les fondements
d'un Etat de Droit.


Une crise des finances de l'Etat ivoirien due notamment à la chute des cours
des matières premières, dont le cacao et à l'arrêt de certaines aides
internationales après le constat de détournements massifs de subventions du
Fonds Européen de Développement dans le secteur de la santé.


Une profonde crise identitaire.
Depuis près de 10 ans le concept "d'ivoirité" a été fabriqué de toute pièce
par des décideurs politiques en quête de légitimité.
Une idéologie et une propagande menées par le pouvoir ont petit à petit créé,
au niveau des imaginaires sociaux, deux blocs identitaires : les "ivoiriens à
100%", "de souche" et d'origine "multiséculaire" et les ivoiriens "douteux"
dont la figure est d'abord Alassane Ouattara, opposant, dirigeant du RDR,
(ancien premier ministre d'Houphoët Boigny). Il fut privé d'élections
pour "ivoirité douteuse". A partir de lui, c'est toute sa communauté qui est
visée. Et, au delà de sa communauté, l'amalgame est fait entre les
ivoiriens "douteux" et les étrangers. Une équation est habilement
construite : Ouattara = militants RDR = gens du nord = musulmans = Dioulas =
étrangers. Dans les représentations, le clivage : "eux et nous" s'installe
durablement. Ces images n'ont rien de naturel, ce sont des constructions
sociales. En Côte d'Ivoire, il y a le désir de montrer qu'une partie des
habitants de ce pays n'appartient pas à la même communauté politique. C'est
le primat de la naissance, du village et du sang qui comptent. C'est une
logique aristocratique très éloignée des valeurs de la citoyenneté. Il s'agit
d'une politisation de l'identitaire pour conquérir ou se maintenir au
pouvoir. C'est une idéologie dont un des fondements est la définition de la
pureté identitaire liée aux origines. C'est d'ailleurs un paradoxe que dans
ces sociétés particulièrement métissées, apparaît le phantasme d'un repli sur
soi fondé sur le sang, sur une représentation du passé commun auquel certains
appartiendraient et, irréductiblement, pas d'autres. C'est ainsi qu'on dit,
par exemple, d'un ivoirien naturalisé et vivant dans ce pays depuis plusieurs
générations : " ce n'est pas parce qu'il a ses papiers qu'il est ivoirien".
Et ainsi, on naturalise la culture. Celle-ci devient, comme dit le sociologue
Michel Wieviorka, une sorte d'attribut "génétique" que l'on acquiert à la
naissance et qu'on ne peut acquérir autrement. C'est l'idée de "l'essence".
C'est pourquoi, en Côte d'Ivoire, certains se disent "ivoiriens à 100%,
d'origine multiséculaire". C'est ainsi qu'on racialise et qu'on ethnicise
profondément la vie collective. Et que peuvent se profiler d'abord des
pratiques d'apartheid, puis d'exode et enfin d'épuration.
Un second volet de cette idéologie et de cette propagande est la
victimisation des "vrais ivoiriens". Ils seraient victimes du RDR, des
Dioulas, des étrangers, de la presse internationale, etc. Les stéréotypes
sont durablement fixés dans les esprits et vont alimenter les rancoeurs. Ces
marquages sociaux sont puissants.
La propagande a alimenté la peur et la haine de "l'autre" perçu comme impur
et menaçant. Les humiliations, les exactions et les exclusions sont
quotidiennes. Elles constituent de véritables bombes à retardement, et un
rien peut les faire exploser.


Le virus des origines et la poudrière


La Côte d'Ivoire nous est apparue comme une véritable poudrière. La plupart
des éléments qui ont précédé des déflagrations comme les nettoyages ethniques
en Bosnie et au Kosovo ou le génocide rwandais s'y trouvaient. C'est ce que
nous appelons des "invariants". Et au premier titre de ceux-ci le constat que
la politique a profondément instrumentalisé l'identitaire et l'ethnique.
Bien que nous ne soyons pas déterministes, mais au contraire, convaincus que,
comme l'écrivait Gilles Deleuze, l'Histoire connaît des bifurcations, nous
pensions que même s' il n' y avait qu'une probabilité sur cent que le drame
s'y produise, il fallait tout faire pour l'éviter.
Forts de cette analyse sociologique, et malgré les actions d'intimidation de
certains groupes ivoiriens, nous avons tenté diverses démarches de prévention
et d'alerte. Nous avons notamment plaidé pour une augmentation substantielle
de l'aide apportée à la Côte d'Ivoire ( on a souvent évoqué publiquement un
plan Marschall pour la Côte d'Ivoire ). Selon nous, cette aide devrait être
assortie de nouvelles conditions "socio-culturelles". Par exemple : le
jugement des responsables des crimes ethnico-politiques, dont les auteurs du
charnier de Yopougon, car l'impunité alimente toujours la spirale des désirs
de vengeance, la condamnation du concept d'ivoirité, la promotion de la
multiculturalité, le développement d'une politique d'intégration, etc.).
Complémentairement aux critères de bonne gouvernance ou de démocratie
formelle, la prise en compte de ces nouvelles dimensions sociétales auraient
permis, selon nous, d'essayer d'inverser les logiques de haine, de repli
identitaire et de rejet de l'autre.


La prévention, mission impossible?


Mais, ce faisant, nous avons été confrontés aux difficultés d'un travail de
prévention et de sensibilisation des décideurs occidentaux.
Ceux-ci sont confrontés aux questions suivantes :

Comment agir alors qu'il ne s'est (presque) encore rien passé ?


Le régime de Laurent Gbagbo ayant lancé diverses initiatives de
réconciliation, dont un Forum qui s'est tenu en automne 2001, comment ne pas
se laisser convaincre que la Côte d'Ivoire prenait le chemin de
l'apaisement , car tel est bien le discours des leaders d'opinion ivoiriens

Nourris par notre analyse sociologique des imaginaires sociaux présents dans
cette société ( l'image de soi et des autres, le rapport au monde, au temps
et à l'espace ), nous ne pouvions nous départir du sentiment que les
conditions d'une réconciliation durable n'étaient pas ( encore ) réunies. Et,
que sans elles, la réconciliation se réduirait à un arrangement au sommet,
qui ne pouvait que porter en germe les ferments des conflits futurs. Comme le
note Claudine Vidal ( CNRS, spécialiste de la Côte d'Ivoire ) "l'action
politique des principaux leaders est toute entière orientée sur l'échéance
présidentielle de 2005, sans que soient traités au fond les conflits qui
divisent la société" ( Le Monde, 27 septembre 2002).


La cécité des bailleurs de fonds occidentaux


En réalité, les bailleurs de fonds se sont contentés de conditionner la
reprise des aides, notamment celles de l?Union Européenne, à des
restructurations économiques ( des privatisations ) et à la réalisation de
réformes politiques formelles.


C?était avoir la mémoire courte.


Collette Braeckman, journaliste au " Soir " de Bruxelles et spécialiste
mondialement reconnue de l?Afrique, rappelait dans son intervention à la fin
du film " Côte d?Ivoire, poudrière identitaire ", qu?au Rwanda, les accords
d?Arusha, eux aussi salués par les chancelleries occidentales comme une étape
décisive vers la réconciliation nationale, n?avaient précédé que de quelques
mois le début du génocide.


La question de fond est donc celle de la connaissance de la réalité d'une
société, de sa dynamique pour en déduire le rôle que l'aide internationale
peut y jouer.


La démarche sociologique vise à comprendre les rationalités des actions
individuelles ou collectives.
Elle analyse pour cela les représentations, croyances, valeurs, discours
sociaux qui déterminent le comportement social des acteurs en fonction des
résultats qu'ils en attendent.
Pour le sociologue, les entités collectives abstraites comme l'Etat, la
nation, la loi, l'école n'ont pas d'existence autonome par elles-mêmes mais
ne peuvent être comprises qu'à travers les représentations qu'en ont les
acteurs, là où ces abstractions sont les objets même de la démarche du
juriste ou du diplomate.


Un baril de poudre et des pyromanes


Aujourd'hui, quelle que soit l'étincelle qui a allumé le brasier, les risques
que nous pointions hier sont très malheureusement occupés à prendre corps.
L'écoute des discours actuels des responsables politiques et la lecture de la
presse font conclure que le fragile processus de réconciliation est bien
mort. Plus que jamais, on fabrique la peur et la haine de l'autre. Les vieux
stéréotypes dominent à nouveau. Tout est à recommencer. Si le pire peut être
évité !


Que faire?


En tant qu'administrateurs et responsables de l'ONG "Prévention génocides" :

Nous exhortons sollennellement et fermement tous les acteurs ivoiriens (
politiques, médiatiques, sociaux) à s'abstenir, de manière volontariste, de
tout propos qui pourraient accentuer l' ethnicisation du conflit. Celle-ci
procède souvent par des discours indirects mais ravageurs.
Par exemple,

-Lorsqu'Alassane Ouattara rapporte que " les gendarmes qui sont venus
m'assassiner parlaient la langue bété", ce discours peut être reçu comme une
suspicion jetée sur l'ensemble de l'ethnie de son rival, le président Gbagbo.

-Et lorsque ce dernier intervient à la télévision appelant au "nettoyage des
quartiers" et que la presse de son parti cite explicitement le Burkina Faso
comme le pays envahisseur de la Côte d'Ivoire, cela peut apparaître comme un
encouragement à l'épuration des burkinabés vivant dans ce pays.
Ils sont près de 3 millions sur un total de 16 millions d'habitants ! Passant
de cette parole aux actes, la gendarmerie est allée brûler plusieurs
quartiers précaires d'Abidjan où vivent en majorité des étrangers.

Toute indexation d'une pratique individuelle peut dans ce contexte conduire à
un amalgame : c'est tout le groupe qui est d'emblée désigné à la vindicte
populaire, sinon aux massacres.
Quant à la presse ivoirienne la plus xénophobe elle souffle avec force sur
l?incendie, accusant pêle-mêle les médias occidentaux, les pays africains
voisins, les partis d?opposition, les étrangers présents sur le sol ivoirien,
de vouloir détruire le pays sans motif. Ils mettent ainsi en place toutes les
conditions nécessaires à une conflagration de taille.


Nous demandons à la communauté internationale de concevoir très rapidement un
plan intégré de soutien à la Côte d'Ivoire pour créer les conditions d'une
réconciliation durable.
Nous réitérons notre demande qu'aux critères de bonne gouvernance et de
démocratie formelle soient assorties des conditions de type "socio-culturel"
adaptées au contexte ivoirien.
Sans cette intervention, le scénario du pire est à craindre.
Si les appels à la haine xénophobe et ethnique ne cessent pas, si au
contraire, la politique continue d'instrumentaliser l'ethnique, ce qui risque
d'arriver, c'est :

- l'émigration massive d?une part appréciable des 3 millions de Burkinabés
vivant en Côte d?Ivoire vers leur pays d?origine.
Pour le Burkina Faso, pays parmi les plus pauvres du monde, il s?agirait
d?une catastrophe ingérable vu son incapacité d?accueillir et encore moins de
nourrir un tel afflux de réfugiés, il verrait de plus disparaître la
ressource essentielle à son fragile équilibre économique que constituent les
transferts financiers de ses citoyens travaillant en Côte d?Ivoire.
L?économie de la Côte d?Ivoire serait probablement très affectée par la
disparition brutale d?une telle quantité de travailleurs essentiels à la
survie de pans entiers et vitaux de son économie.

- quant aux conséquences proprement ivoiro-ivoiriennes, elles seraient
proprement effrayantes : les discours ethnicistes virulents, les rancoeurs
accumulées, la recherche de boucs émissaires dans un contexte économique et
social catastrophique mènerait droit à la guerre civile.

Et contrairement à ce que l?on entend parfois prophétiser il ne s?agirait pas
d?une " simple " guerre de sécession entre le Nord et le Sud.
En effet, les diverses religions et ethnies de Côte d'Ivoire sont présentes
dans chaque ville, chaque village, chaque quartier ou chaque cours du pays,
aussi intriquées que ne l?étaient Hutu et Tutsi au Rwanda.
Une guerre civile en Côte d?Ivoire se traduirait plutôt par des milliers de
pogroms localisés et, si sécession il y avait, ce ne serait qu?au prix de
déplacements forcés et massifs de population comme en ont connus l?Inde et le
Pakistan en 1948.
La déliquescence de l?Etat et le règne de la force qui s?en suivraient ne
pourraient qu?amener la Côte d?Ivoire à une situation du type Sierra-Leonaise
ou Liberienne, avec tous les effets prévisibles sur la stabilité de la sous-
région, dont la Côte d'Ivoire est le poumon économique ( 40% du PIB de
l'UEMOA ).

Bruxelles, le 3 octobre 2002


Côte d’Ivoire
Une guerre civile… néocoloniale et française
Par Jean Nanga*Commencée en septembre 2002, ayant entraîné la partition de fait du pays entre un Nord et un centre contrôlés par la rébellion des Forces nouvelles (FN) et le Sud au mains des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI), loyales au président Laurent Gbagbo, la guerre civile ivoirienne est entrée dans une nouvelle phase début novembre 2004, lorsque l’armée française a détruit l’aviation des FANCI.
Faisant fi des accords de Linas-Marcoussis (janvier 2003) et d’Accra III (juillet 2004), Laurent Gbagbo a lancé le 4 novembre l’opération " Dignité ", une offensive aérienne et terrestre contre les positions des Forces nouvelles. Malgré une " guerre sans limites " promise par Guillaume Soro, chef des FN, cette offensive n’avait pas rencontré de résistance véritable au cours des deux premiers jours. Mais au cours de l’opération l’aviation des FANCI a bombardé un campement militaire français, à Bouké, au centre du pays et en zone contrôlée par les Forces nouvelles. Déployée dans le pays dans le cadre de l’opération " Licorne ", l’armée française y jouit également d’un mandat de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), en tant que " force d’interposition ". Le bombardement a fait neuf morts parmi les soldats français, un mort civil états-unien et une trentaine de blessés. En réaction immédiate l’armée française a détruit les avions ayant commis le forfait, puis, sur ordre du chef de l’État français, son aviation a détruit l’ensemble de la flotte aérienne militaire ivoirienne. Cette " riposte " disproportionnée a provoqué à Abidjan une mobilisation des partisans de Gbagbo : violences antifrançaises et anti-opposition, marche vers la base permanente française du 43e Bataillon d’Infanterie de Marine, vers l’aéroport et vers l’Hôtel Ivoire (situé à 500 mètres de la Résidence présidentielle !) occupés par l’armée française. Un face-à-face meurtrier entre l’armée française, qui a ouvert le feu, et les manifestants conduits par les " Jeunes Patriotes ", sous le regard des FANCI. Bilan officiel ivoirien : une soixantaine de morts et plus d’un millier de blessés ivoiriens, victimes des soldats français. Une " guerre franco-ivoirienne ".
Réunis d’urgence à Abuja (Nigeria), les chefs d’États de l’Union africaine ont adopté une résolution condamnant la violation du cessez-le-feu par les FANCI et l’attaque du campement militaire français et confiant au Sud-africain Thabo Mbeki — absent et n’ayant même pas dépêché sur place une représentation — la mission de pourparlers avec les protagonistes… ivoiriens. Le 15 novembre c’est le Conseil de sécurité de l’ONU qui adoptait à l’unanimité la résolution 1572, proposée par la France, par laquelle " il impose un embargo sur les armes à la Côte d’Ivoire et envisage le gel des avoirs financiers et une restriction des déplacements à l’étranger à toute personne menaçant le processus de paix et de réconciliation nationale dans ce pays ". En France, une campagne de propagande était déclenchée par le chef de l’État lui-même, reprise massivement par les médias (1). Des plumes africanistes de la grande presse française en ont profité pour rappeler l’inexistence de la Françafrique, depuis longtemps enterrée, selon elles. Inefficacité de cette invocation face aux faits, réputés têtus. Disparition de la superbe affichée concernant l’invasion états-unienne de l’Irak. Retour des tics de l’ethos impérialiste, des habitus coloniaux, de la supériorité ontologique " blanche " ou française, de la grande presse à la droite gouvernante et à la social-démocratie oppositionnelle, en passant par l’exhibition musculaire de l’un des secteurs de l’avant-garde colonialiste, et encore nostalgique du temps des colonies, la Grande Muette Républicaine : " On ne tue pas impunément des Français ". Doit-on tuer impunément des Africains ? Aucune compassion pour les familles des victimes civiles ivoiriennes de l’Armée française , dont l’existence a eu de la peine à être évoquée. Les biens pillés des familles et entreprises françaises d’Abidjan ont bénéficié de plus d’attention que les Ivoiriens victimes de l’Armée républicaine française. Celle-ci, par la voix de son porte-parole ne se gênant pas (sur RFI le 10 novembre 2004) pour attribuer ces morts aux FANCI, après que leur Chef d’État-major ait fièrement parlé de ses troupes qui avaient pu " blesser ou tuer quelques personnes " en " faisant preuve d’un très grand sang-froid et d’une maîtrise complète de la violence ". Version assumée par la ministre de la Défense, ajoutant que la foule ivoirienne était " armée de kalachnikovs et de pistolets " (2), " Il y a sans doute eu quelques victimes ; nous ne le savons pas avec précision, car lorsque les choses se passent la nuit, il est extrêmement difficile de savoir ce qui se passe ". La nuit noire, avec ces Noirs dont on pouvait néanmoins distinguer les " kalachnikovs " et les " pistolets "... La partie française a pu aussi parler si fièrement de ses " soldats au service de la paix ", sûre que nous vivons une époque d’informations vite passées à l’ardoise magique : l’Armée Française a déjà tiré, sans sommation, sur des manifestants gbagbistes désarmés en novembre 2003 à M’Bahiakro, faisant trois blessés graves. La morgue affichée aux sommets de l’État français n’est pas sans relents coloniaux. Pour le ministère français de la Défense, le soir du 6 novembre " nous étions dans une situation insurrectionnelle "… en Côte d’Ivoire. Les insurgés étant, faut-il le rappeler, les partisans du pouvoir ivoirien ! Propos de nostalgique du temps des colonies, dans lequel s’était aussi embarqué le Chef de l’État français, Jacques Chirac, s’adressant à des étudiants marseillais dans la bonne tradition de l’ethnologie coloniale, version négrophile : " Les Africains sont joyeux par nature. Ils sont enthousiastes. Ils ont le sourire. Ils applaudissent. Ils sont contents... " (3).
Crise " ivoirienne " ? Crise " franco-ivoirienne " ? Crise " françafricaine " ou crise de la domination française en Afrique, comme le laissent entendre des réactions, telles la lettre ouverte à Koffi Annan des intellectuels burkinabé dénonçant la France, ou la lettre ouverte du Comité d’Initiative des Intellectuels Sénégalais à l’Ambassadeur de France au Sénégal (" La France se comporte comme un troisième belligérant ") et autres réactions panafricanistes (4) ?
Le produit de Linas-Marcoussis
Ce qui s’est passé est l’un des effets logiques de la solution apportée à la crise ivoirienne, par l’État français, cautionné par l’Union Africaine, puis l’ONU, à Linas-Marcoussis. Des Accords devenus dogme pour la réconciliation nationale. Alors qu’ils portaient en eux le ver de la conflictualité. Qu’on nous permette de rappeler qu’au lendemain de la signature des dits Accords de Réconciliation nationale, nous les considérions opposés aux intérêts du peuple ivoirien et disions qu’ils risquaient de " rendre la Côte d’Ivoire plus cauchemardesque " (5). Car le but de la manoeuvre était apparent : sous prétexte d’opposition, légitime et nécessaire aux conséquences de l’idéologie de " l’ivoirité ", ces accords étaient un instrument de pression sur la fraction Gbagbo, dont il fallait stopper surtout l’entreprise de restructuration de la dépendance (la " Refondation ", dans la terminologie des gbagbistes) aux dépens de la tradition françafricaine.
La Résolution 1464 (4 février 2004) du Conseil de Sécurité de l’ONU en entérinant l’opération " Licorne " et en lui subordonnant logistiquement, par la suite, la MINUCI, puis l’ONUCI, au lieu de favoriser la mise sur pied d’une force d’intervention non impliquée dans les affaires ivoiriennes, a contribué à la préparation de l’épisode actuel. Forcé ainsi à accepter la présence française, Gbagbo en a profité pour réorganiser son armée. La trêve est un moment classique de réarmement. Après le non-respect de l’Accord de Défense de 1961 — qui dans le cas présent aurait dû conduire l’armée française à prêter main-forte à Gbagbo contre la rébellion — les marchands d’armes français ont fini par livrer le matériel commandé par l’Armée ivoirienne, redoutant les conséquences de la diversification du partenariat militaire entreprise par Gbagbo. La France n’entendant pas pousser les extrémistes de la fraction Gbagbo à demander le démantèlement de la base du 43e BIMA et s’appuyant sur la sympathie de certains officiers des FANCI jouait la réconciliation en envoyant plus d’une fois la Ministre de la Défense, Michelle Alliot-Marie, en Côte d’Ivoire, même pendant les fêtes de fin d’année 2003. En cadeau de nouvel an 2004, Gbagbo l’avait faite Commandeur de l’Ordre National Ivoirien. Le réalisme de Gbagbo pour desserrer la pression a conduit la France à lancer des rappels à l’ordre, médiatisés, à la rébellion. Mais sans aucune pression véritable pour le respect du programme de Désarmement-Démobilisation-Réinsertion. Avec cette surprenante symétrie, de la part d’hommes d’États bourgeois, parfois établie, entre l’armée ivoirienne et la rébellion, en matière de désarmement. Ce changement a produit des frictions entre les Forces nouvelles et l’armée française, avec mort de soldats français (alors " des bavures "…).
La réorganisation des FANCI accomplie, Gbagbo a actionné le retour à la solution militaire. Avec pour première démonstration de force la criminelle répression de la manifestation de mars 2003. Les Forces nouvelles ne pouvaient désarmer, même en cas d’amendement à l’article 35 de la Constitution devant permettre l’éligibilité de Ouattara et de bien d’autres victimes de " l’ivoirité ". Il y a eu ainsi double violation des Accords d’Accra III : d’une part, évocation par le camp Gbagbo d’un référendum sur la révision constitutionnelle, de l’autre, non-respect de la date du 15 octobre, pour le désarmement (6). La mutation politique des Forces Nouvelles n’étant pas effective, elles ne pouvaient se suicider et perdre ainsi leur principal instrument de " légitimité ". De plus, le contrôle du Nord et du Centre du pays est une situation rentière : au-delà des revenus ministériels et du hold-up de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (7), trafics très rentables de diverses matières premières minières, par exemple l’or (8), mais aussi des produits agricoles... L’offensive des FANCI — qui a aussi fait des victimes ivoiriennes et suscité de nouveau le déplacement des populations — ne devait pas surprendre les chancelleries occidentales. Les États-Unis ont installé à Abidjan, dans le quartier du palais présidentiel, le relais africain du système d’écoute des communications Échelon.... Le Canard enchaîné (du 10 novembre 2004) a évoqué l’appel téléphonique de Chirac à Gbagbo, au cours duquel le premier mettait en garde le second sur le respect des intérêts français. Ce qui peut laisser penser que l’attaque du campement est une prophétie auto-réalisée. Dans ce cas, c’est Gbagbo qui aurait négligé cette mise en garde, tout gonflé qu’il était par l’imminence du succès de l’opération dite de reconquête de l’intégrité territoriale, qui le mettrait en position de force jusqu’aux élections d’octobre 2005. De son côté, en ordonnant les représailles, Chirac avait sous-estimé le patriotisme que susciterait cette manifestation de l’arrogance impérialiste — pouvant rappeler la répression coloniale de Dimbokro en 1950 (9), dans une sous-région ayant une partie de l’élite assez panafricaniste, même si les intellectuels tant burkinabé que sénégalais n’ignorent nullement la politique de l’" ivoirier " menée par Gbagbo. Ainsi, à l’Élysée, le réflexe françafricain l’a emporté sur l’ambigu mandat onusien de l’opération " Licorne ". L’Élysée a trouvé son Oussama Ben Laden en la personne de Laurent Gbagbo. Avec cet avantage sur la Maison-Blanche, que Gbagbo est localisable : des chars français du 43e BIMA, peuvent même se tromper de route et se retrouver devant sa porte.
Morte, la Françafrique ?
Le Rapport de la Commission d’enquête internationale sur les allégations de violations des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire du 19 septembre au 15 octobre 2004, malgré son origine marcoussiste et onusien, confirme, dans un langage certes prudent, l’enjeu économique de la crise ivoirienne. On peut y lire, par exemple : " La Commission a reçu des témoignages faisant état d’événements qui peuvent faire croire à un certain optimisme quant à l’avenir économique de la Côte d’Ivoire. Il serait notamment question de découvertes de puits de pétrole dont la réserve serait proche de celle du Koweït et qu’ainsi, la Côte d’Ivoire pourrait devenir le deuxième producteur africain de pétrole après le Nigeria. Au surplus il serait question, toujours selon ces témoignages, du pétrole "vert ", très prisé. A côté du pétrole, on aurait également découvert, selon des témoignages, du gaz entre San Pedro et Sassandra : la réserve en permettrait l’exploitation pendant un siècle. D’autres ressources existeraient aussi tels l’or, les diamants, outre des métaux rares actuellement utilisés dans la fabrication des satellites ". Il s’agit là de sources de barbarie capitaliste néocoloniale. Ledit rapport ne l’évoque pas, mais d’après l’Annexe II de l’Accord de Défense entre les Gouvernements de la République Française, de la République de Côte d’Ivoire, de la République du Dahomey et de la République du Niger, du 24 avril 1961, la France serait privilégiée dans l’acquisition de ces " matières premières classées stratégiques ". En effet, selon l’art. 2, " la République Française informe régulièrement la République de Côte d’Ivoire (…) de la politique qu’elle est appelée à suivre en ce qui concerne les matières premières et produits stratégiques, compte tenu des besoins généraux de la défense, de l’évolution des ressources et de la situation du marché mondial .". Selon l’art. 3 " La République de Côte d’Ivoire [et les deux autres] informent la République Française de la politique qu’elles sont appelées à suivre en ce qui concerne les matières premières et produits stratégiques et des mesures qu’elles se proposent de prendre pour l’exécution de cette politique ". Et pour finir, l’art. 5 : " En ce qui concerne ces mêmes produits, la République de Côte d’Ivoire [et les deux autres], pour les besoins de la défense, réservent par priorité leur vente à la République Française après satisfaction des besoins de leur consommation intérieure, et s’approvisionnent par priorité auprès d’elle ". La réciprocité entre les signataires, faut-il le rappeler, est faussée par l’inégalité des rapports réels, de domination, entre la puissance coloniale ayant, dans le cas de ces pays, organisé l’" indépendance " quelques mois auparavant (en août 1960).
Cette posture privilégiée de la France est confirmée par la commission onusienne : " Les témoignages recueillis ont aussi permis de savoir que la loi de 1998 portant code rural et foncier serait liée à la position dominante que la France ou les intérêts français occupent en Côte d’Ivoire. Selon ces sources, les Français posséderaient 45 % de la terre et, curieusement, les sièges où se trouvent la Présidence de la République et l’Assemblée Nationale ivoirienne feraient l’objet d’un bail conclu avec des Français. Ces derniers contrôleraient les secteurs de l’eau et de l’électricité qui représentent une somme de 10 milliards de francs CFA par mois ".
Le rapport ne donne pas de détails sur cette position dominante des intérêts français qu’il n’est pas inutile de rappeler, en ces temps de propagation du mythe injurieux de l’action généreuse du Capital occidental en Afrique. On y trouve de nombreux premiers de la classe capitaliste française :
— Bolloré (leader des transports maritimes français en 2003), principal opérateur du transport maritime avec Saga, SDV et Delmas, est quasiment maître du port d’Abidjan, le premier port de transit dans la région ouest-africaine et le second port à conteneurs d’Afrique, dont le principal terminal à conteneurs, celui de Vridi, a été récemment acquis par Bolloré de façon scandaleuse d’après les autres opérateurs portuaires français et ivoiriens confondus. Il est aussi maître du chemin de fer ivoiro-burkinabé, Sitarail. S’il s’est récemment replié du cacao, il s’est par contre maintenu en leader dans le tabac et le caoutchouc ...
— Bouygues (leader du bâtiment et des travaux publics en France, aussi présent comme Vinci, second des Travaux Publics en France), y est depuis l’indépendance le traditionnel n° 1 du BTP (on y rencontre aussi Colas, troisième des travaux routiers en France). Il a aussi, par la privatisation-mise en concession, le contrôle de la distribution de l’eau courante (Société des Eaux de Côte d’Ivoire), de la production et la distribution de l’électricité à travers la Compagnie Ivoirienne d’Électricité et la Compagnie Ivoirienne de Production de l’Électricité. Il est aussi présent dans l’exploitation récente du pétrole ivoirien...
— Total (première entreprise de France) est détenteur du quart des actions de la Société Ivoirienne de Raffinage (SIR, n°1 des entreprises de Côte d’Ivoire) et propriétaire de 160 stations de distribution des hydrocarbures.
— France Telecom (septième entreprise de France et leader des télécommunications), est le principal actionnaire de Côte d’Ivoire Telecom et de la Société Ivoirienne des Mobiles (environ 85 % du capital ), depuis leur mise en concession, dans le cadre de la privatisation des entreprises publiques.
— Dans le secteur des banques et des assurances, sont présents la Société Générale (sixième banque de France, Société Générale des Banques de Côte d’Ivoire, 55 agences), le Crédit Lyonnais, BNP-Paribas, AXA (seconde entreprise de France et leader du secteur des assurances, présente en Côte d’Ivoire depuis la phase coloniale).
— La doyenne des entreprises françaises est le Groupe Compagnie Française de l’Afrique de l’Ouest de Côte d’Ivoire (CFAO-CI, principale entreprise " françafricaine " de l’empire colonial français en Afrique subsaharienne, équivalent colonial privé d’ELF), multicarte (automobile, pharmacie, nouvelles technologies... après avoir longtemps monopolisé l’exportation, la grande distribution...) dont la rentabilité (pas une seule année de perte, de sa création en 1887 à 2003) en a fait récemment une propriété du Groupe Pinault-Printemps-La Redoute (10). C’est le n° 9 des entreprises de Côte d’Ivoire, après session de sa filière bois dans laquelle elle a été très présente pendant des décennies.
— A tout seigneur, tout honneur, nous ne pouvons arrêter cette liste indicative, sans l’évocation de la présence du chef du patronat français, le baron Ernest-Antoine Seillères, à travers Technip (dans l’équipement du secteur pétrolier) et Bivac (attributaire, en mai 2004, du scanner du port d’Abidjan).
Cette présence du Capital français, témoigne de la rentabilité capitaliste de la Côte d’Ivoire. Et bien que les investissements directs français n’y excèdent pas 3,5 milliards d’euros — l’acquisition des ex-entreprises d’État les plus rentables relevant souvent de la braderie — les profits tirés annuellement sont énormes. Comme l’a si clairement rappelé l’ex-sénateur français Jean-Pierre Camoin (du Groupe Bolloré et Président du Cercle d’Amitié et de Soutien au Renouveau Franco-Ivoirien, créé en février 2004) : " les industriels ne sont pas des philanthropes. Une entreprise n’existe que si elle fait des bénéfices, si elle progresse ; sinon elle disparaît " (11).
Derrière " l’ivoirité ", des enjeux capitalistes
Il est paradoxal qu’en ces temps de dénonciation spectaculaire de la marchandisation du monde, la compréhension des crises qui affectent la partie de l’humanité la plus victime du rouleau compresseur néolibéral ait de la peine à échapper au culturalisme, à la sous-estimation de leurs ressorts économiques. Le génocide des Tutsis, couplé au massacre des démocrates Hutus au Rwanda en 1994, est régulièrement utilisé (en évacuant souvent le massacre des démocrates Hutus) pour légitimer ce culturalisme. Ainsi, dans la crise ivoirienne, " l’ivoirité " est présentée comme sa cause majeure, au lieu de la comprendre comme une réponse réactionnaire à la crise structurelle du néocolonialisme (au même titre, par exemple, que les résultats électoraux du Front National en France sont l’expression de l’insécurité sociale). La relation entre la progression du néolibéralisme et la poussée de la xénophobie, du chauvinisme et autres formes d’exclusion, d’altérophobie semble pourtant évidente. Ce qui ne signifie nullement l’absence de précédents ni d’autonomie relative de la conscience raciste, xénophobe. Dans le cas de " l’ivoirité " les ingrédients ont été produits par le système colonial, puis par la phase ascendante du néocolonialisme, colonialisme indirect ou réformé dont la Côte d’Ivoire a bien été le " modèle "
La demande publique de distinction entre Ivoiriens et non-Ivoiriens est exprimée en 1990, durant " l’ouverture démocratique ", à la veille des premières élections multipartistes de la Côte d’Ivoire dite indépendante, par le candidat à la présidence Laurent Gbagbo, adversaire de l’autocrate Houphouët-Boigny. Cette " ouverture démocratique " est une réponse à la contestation socio-politique des effets de la crise structurelle du néocolonialisme, caractérisée, entre autres, par les difficultés de trésorerie. La distinction entre Ivoiriens et non-Ivoiriens est l’une des sources possibles de renflouage des caisses de l’État, par l’instauration de la carte de séjour pour les étrangers. Une mesure préconisée aussi par Alassane Dramane Ouattara (alors premier ministre de Houphouët-Boigny), qui va aussi décider de l’instauration de la carte d’identité nationale infalsifiable. Ces mesures ne sont pas une spécificité ivoirienne. Alassane Ouattara, ex-Directeur Afrique du Fonds monétaire International, a sillonné l’Afrique subsaharienne durant les années 1980 pour expliquer aux États surendettés et soumis ou candidats à l’Ajustement Structurel qu’il leur fallait désormais réduire les budgets sociaux et élargir les recettes de l’État. L’instauration (ou le renchérissement) de la carte de séjour pour les résidents africains a été aussi à l’ordre du jour dans d’autres pays africains que la Côte d’Ivoire, du Nigeria à l’Afrique du Sud post-apartheid. C’était tout à fait en phase avec la politique menée en la matière par les États capitalistes développés.
La tentative de théorisation de " l’ivoirité " par l’intelligentsia organique de la fraction Bédié après la victoire de Konan Bédié sur Ouattara, dans la guerre de succession à Houphouët-Boigny, était non seulement une opération de légitimation de l’hégémonie patrimonialiste-capitaliste de cette fraction du Parti démocratique de la Côte d’Ivoire (PDCI, ex-Rassemblement démocratique ivoirien, le parti-État de Houphouët-Boigny) mais aussi une légitimation de la tradition françafricaine houphouétiste, sectoriellement menacée par le néolibéralisme orthodoxe et intéressé de l’ex-Directeur Afrique du FMI. Ses années de Premier ministre chargé d’appliquer le Programme d’ajustement structurel (PAS), sous l’autorité d’Houphouët-Boigny — veillant malgré tout aux intérêts sacro-saints de la Françafrique, par exemple en freinant les ambitions de Cargill, dans la filière cacao — étant considérées comme l’avant-goût de la néolibéralisation sous son éventuelle présidence. L’alliance Gbagbo-Ouattara contre Bédié, sous forme de Front Républicain qui a boycotté l’élection présidentielle de I995 (Ouattara en était exclu pour nationalité considérée douteuse), était aussi basée sur le projet anti-houphouétiste du Front populaire ivoirien (FPI) de Gbagbo. Le recours à " l’ivoirité " ou sa critique, apparaît ainsi plutôt instrumental à la lumière des tragiques épisodes Guéi — auteur du coup d’État en 2000 pour soi-disant mettre un terme à " l’ivoirité " et ayant fini par s’en draper, pour exclure Ouattara de la course à la présidence — et Gbagbo, voire de la rébellion. Car le rapport de la Commission onusienne confirme l’existence de charniers dans la zone sous contrôle des Forces nouvelles, marque d’un chauvinisme à rebours.
Cette " ivoirité " est en fait rythmée par les enjeux capitalistes néolibéraux que représente le contrôle de l’appareil d’État. La première offensive anti-Ouattara, menée par Bédié, avant la mort d’Houphouët-Boigny, fut l’obstruction qu’il a organisée, en tant que Président de l’Assemblée Nationale, à la privatisation de Côte d’Ivoire Telecom (CIT). Bouygues était prêt à cueillir le CIT, après avoir hérité de la Société des Eaux de Côte d’Ivoire, en acquérant la SAUR au début de la privatisation, au milieu des années 1980, et obtenu, en 1990, la concession pour quinze ans de l’Énergie Électrique de Côte d’Ivoire, par un scandaleux gré à gré, sous-évalué, ficelé par Alassane Ouattara. En bon haut fonctionnaire de la Finance internationale, Ouattara est aussi un grand entrepreneur. L’acquisition par son ami Bouygues de CIT (finalement concédé à France Telecom par Bédié devenu Chef de l’État ivoirien) aurait accru sa puissance en Côte d’Ivoire : " En 1991, le continent noir a représenté 7 milliards de francs de volume d’affaires dont 2 milliards pour la seule Côte d’Ivoire... Si l’Europe dépasse légèrement l’Afrique avec 7,7 milliards de francs dans les activités du groupe, l’Amérique et l’Asie arrivent loin derrière avec respectivement 3,4 milliards de francs et 2,1 milliards de francs " (12). Il aurait aussi davantage profité à Alassane Ouattara, qui ne privatisait pas que pour les autres, selon les autres barons du PDCI-RDA, ses rivaux, menacés ou détrônés de leurs fiefs rentiers par la privatisation, menée hors de leur contrôle.
Ce qui est considéré comme un programme de braderie du patrimoine public, passe aussi dans l’opinion, conditionnée, pour " un acte antipatriotique ". De quoi s’interroger sur la nationalité de son responsable. Le Premier ministre, Ouattara, a ainsi servi dans ce cas de fusible à l’intouchable Président Houphouët-Boigny. Ouattara, qui avait de plus étudié et travaillé hors de son pays, qui par ailleurs avait envoyé la troupe contre les étudiants, était dans une situation semblable à celle de Kengo Wa Dondo, Premier ministre de Mobutu, au Zaïre, dont le zèle à appliquer l’ajustement structurel avait induit la remontée en surface, dans l’opinion, de ses filiations polonaise et tutsie. Le conditionnement nationaliste conduisait à croire, qu’un " Zaïrois authentique " ne l’aurait pas fait…
Pour la Françafrique conservatrice, Ouattara était celui qui avait favorisé la pénétration, dans la filière café-cacao, du capital états-unien. L’autocrate ivoirien, francophile, n’en voulait pas, n’ayant historiquement fait exception que pour Nestlé. Et pour cause, au-delà de la francophonie, il avait des biens immobiliers, des comptes et des actions en Suisse. Les multinationales intéressées par le cacao ivoirien — Archer Daniel Midland (ADM) et Cargill — étaient les principales du secteur au niveau mondial. Impossible de leur fermer la porte en période d’ajustement structurel organisé par les institutions de Bretton Woods, dans lesquelles les États-Unis détiennent un veto. La porte leur avait donc été entrebâillée. Ainsi, sous Bédié, ADM s’était retrouvé en partenariat minoritaire avec l’un des majors de la filière, la SIFCOM, dont Bédié détenait près de 12 % des actions. Ce co-actionnariat ne pouvait être dépourvu de quelque attente de soutien politique, pour l’ancien ambassadeur de Côte d’Ivoire aux États-Unis, avant d’être ministre de l’Économie et des Finances, conscient des relations états-uniennes de son rival aux prochaines élections présidentielles de 2000. Est-ce une simple coïncidence si Bédié, qui tout en accentuant " l’ivoirité " avait rendu moins défavorable la concurrence pour ADM et Cargill, ait été renversé par les mutins de décembre 1999, ayant servi dans la Mission des Nations Unies en République centrafricaine sous les ordres de l’Armée française, et que ces derniers aient porté à la tête de l’État Guéi, l’ancien Chef d’État Major de Houphouët-Boigny, qui s’est révélé par la suite très françafricain ?
Bien que le putsch eut été assez bien accueilli pour sa dénonciation, le Gouvernement de transition n’a pu régler le problème de " l’ivoirité ". Car le discours ivoiritaire couvrait l’accumulation particulière réalisée par les " vrais Ivoiriens " de Bédié. La privatisation des entreprises d’État et la libéralisation des marchés est une phase particulière d’accumulation et de mutation de parvenu en capitaliste. Ainsi, dans l’unité nationale retrouvée (sans Bédié, exilé en France), la transition a été en Côte d’Ivoire l’occasion de recadrer le processus de privatisation et de libéralisation des marchés que la fraction Bédié avait manigancé avec ceux qui sont présentés comme des " généreux-investisseurs-volant-au-secours-d’une-Afrique-non-rentable ", les puissants corrupteurs que cache la médiatisation des seuls corrompus. Vu la composition du dit gouvernement de transition, avec pour forces politiques principales le Rassemblement des Républicains (RDR, parti de Ouattara) et le Front Populaire Ivoirien (FPI, de Gbagbo), l’accord sur le sort de ces manigances ne pouvait se limiter qu’à la suspension de leur exécution. Si la part belle faite aux entreprises françaises (Bouygues, France Telecom, Total...) dans ces combines ne pouvait convenir au Ministre du Budget, puis de l’Économie et des Finances, par ailleurs, conseiller économique de Gbagbo, Mamadou Koulibaly (13), l’autre libéral (Ouattara) ne se serait pas opposé aux faveurs préparées, par exemple, pour son ami Bouygues par l’équipe Bédié. Autrement dit, le gouvernement de transition devait " assainir " la gestion de la chose publique malmenée par le régime Bédié et laisser aux vainqueurs des futures élections la relance de la privatisation et de la libéralisation. Les deux candidats provisoirement alliés — Ouattara et Gbagbo — partageant fondamentalement le programme des institutions de Bretton Woods, la course au pouvoir politico-économique n’a pu se passer du discriminant anti-Ouattara, " l’ivoirité ". Les ambitions du Général Guéï lui ayant fait perdre le soutien de certains anciens putschistes, plutôt liés à Ouattara, la bataille de " l’ivoirité " allait désormais se mener aussi par la violence armée. Il est plus d’une fois arrivé dans l’histoire que la crise de légitimité politique s’accompagne d’une perte du monopole de la violence. Ainsi, " l’ivoirité " était devenue aussi paramilitaire, chaque camp se préparant pour la fin de la transition. La bataille constitutionnelle — de père ivoirien " et ", ou bien " ou ", de mère ivoirienne — relative à l’éligibilité, s’est terminée aux dépens de Ouattara, exclu des élections, alors qu’il avait appelé à voter " oui " au référendum constitutionnel, sûr de son " ivoirité " prouvée par l’état-civil. La transition s’est terminée par le charnier de Yopougon, au nom de " l’ivoirité " : des partisan/es de Ouattara, assassinés par des gendarmes partisans de Gbagbo, considéré vainqueur après la tentative de putsch électoral de Guéï enrayée par la manifestation des partisans de Gbagbo, suivie de la répression d’une manifestation des partisan/es de Ouattara en ayant profité pour demander la reprise de l’élection à laquelle ils n’avaient pas participé.
Les opérations de " réconciliation " entreprises par Gbagbo ne pouvaient aboutir tant qu’elles n’étaient pas accompagnées d’une volonté de redistribution équitable, pour ses adversaires, des rentes de situation de la privatisation, de la libéralisation des marchés, de la réforme de la propriété foncière pénalisant les allochtones dans un pays où la part de production de l’agriculture est si dominante. La volonté de réaliser la " refondation ", version néolibérale du nationalisme africain, dans un climat de déchirement du tissu national, symbolisé par l’existence des milices partisanes, principalement celle du pouvoir, ne pouvait que favoriser l’entrée en scène d’une rébellion cristallisant les frustrations de toute une partie de la population, subissant les exactions des sbires du pouvoir et le climat d’insécurité sociale. Si tout laisse penser que la rébellion a été co-organisée par le régime burkinabé (14), devenu le relais militaire de la Françafrique dans la région après la mort d’Houphouët-Boigny, le terreau était fécond.
Au regard des charniers découverts dans la zone sous contrôle des Forces nouvelles, des témoignages recueillies par la Commission onusienne sur leurs rapports avec certains régimes de la sous-région dont celui du tyran togolais Eyadéma (15), il est presque évident que la forme choisie pour combattre " l’ivoirité " — aussi par son manque d’originalité : tentative de putsch, puis rébellion armée, censée conduire le chef politico-militaire des rebelles au pouvoir selon la méthode éprouvée au Liberia (Charles Taylor), au Congo-Brazzaville (Sassou Nguesso), en Centrafrique (Bozizé) — était motivée plus par des intérêts traditionnels que par la passion démocratique. Que les discriminations anti-burkinabé soient importantes, que soient importants leurs transferts financiers (des dizaines milliards de francs CFA par an, pouvant se tarir en cas d’expulsion…) n’aurait sans doute pas suffi pour motiver la déstabilisation de ce pilier de l’économie ouest-africaine et de la zone Franc CFA, qu’est la Côte d’Ivoire. Pour cela il fallait des raisons plus traditionnelles ou au moins l’aval de la métropole françafricaine.
Conservation du " pré carré " français en Afrique
L’implication, sous prétexte humanitaire, de l’État français dans la crise en Côte d’Ivoire, ne déroge pas au principe de la conservation du contrôle de ce qu’elle considère son " pré carré " en Afrique subsaharienne. La fibre humaniste n’est sensible qu’en cas de remise en cause substantielle des intérêts considérés historiques et inébranlables de la France, comme métropole néocoloniale, portés par ses grandes entreprises. Chaque fois qu’un régime a essayé de remettre en question les fondamentaux de cette domination, même sans être porteur d’une alternative révolutionnaire socialiste, il en a, d’une façon ou d’une autre, fait les frais ; le peuple en pâtissant toujours plus que le régime déchu. L’Afrique " indépendante " des coups d’État est un héritage de la politique coloniale avec ses fraudes électorales organisées, ses changements de majorité dans les assemblées territoriales par corruption, aboutissant déjà à des conflits dits ethniques.
Il est symbolique que le premier putschiste meurtrier de la zone CFA — le Togolais Étienne Eyadéma — soit encore au pouvoir et aussi qu’il soutienne le chef de la rébellion en Côte d’Ivoire, Guillaume Soro. A titre de rappel, déjà en 1963, il s’agissait d’une mutinerie des soldats, démobilisés de la guerre d’Algérie, contre le président togolais Sylvanus Olympio. Que reprochait-on à ce dernier ? D’avoir demandé en 1958 l’indépendance du Togo, sous mandat franco-onusien. Puis, une fois l’indépendance acquise en 1960, de vouloir réviser le contrat d’exploitation du phosphate togolais, considéré léonin, en faveur du capital français ; d’avoir entrepris la diversification du partenariat économique avec d’autres États occidentaux, dont l’Allemagne, ex-métropole coloniale qui devait aussi le soutenir dans la création d’une monnaie nationale, en sortant de la Zone Franc... La mutinerie au cours de laquelle Olympio va être assassiné a lieu, comme par hasard, quelques jours avant la sortie officielle du Togo de la Zone Franc. Sylvanus Olympio n’était pas un brin socialisant, mais un bon libéral, qui avait même subordonné la " justice sociale " à l’établissement des " équilibres macro-économiques ", proposant aux soldats togolais de l’armée coloniale en Algérie une reconversion plutôt qu’agrandir les rangs d’une armée togolaise non-productive de quelque trois cents soldats.
D’autres putschs et tentatives de putsch — parfois à l’aide de mercenaires, ces " corsaires de la République ", suivront. Dont celui contre Hamani Diori, activiste avéré de la Francophonie, co-signataire avec Houphouët-Boigny de l’Accord de Défense d’avril 1961, qui dispose, en annexe, de la fourniture prioritaire des matières premières stratégiques à la France ; de l’uranium nigérien, en l’occurrence, exclusivité de la COGEMA, que Diori, au grand dam du général De Gaulle, a voulu mettre à la disposition des autres puissances occidentales aussi préoccupées par la puissance nucléaire (16), afin que le Niger tire plus profit de cette — nocive — ressource naturelle, en période de forte demande sociale de la jeunesse nigérienne. Il avait aussi mis à l’ordre du jour la fin de la base militaire française au Niger. Marien Ngouabi (Congo-Brazzaville) va être assassiné en 1977, quelques heures avant la rencontre franco-congolaise, à Paris, portant sur la révision du contrat pétrolier, également considéré léonin en faveur d’ELF par la partie congolaise. Révision dont il n’a plus été question pendant une décennie.
La liste est longue. Comme le disait Mitterrand, qu’on peut suivre à ce propos, il ne s’agit pas de pratiques passées : " En Afrique le fonctionnement gaulliste demeure aujourd’hui identique. Le personnel a changé mais les méthodes restent. Le RPR est actuellement maître de toutes les représentations d’ELF en Afrique. Les hommes du RPR sont aussi des agents du SDEC (…) Ce genre de pratique continue de nos jours (…) Foccart continue. Il travaille aujourd’hui pour Chirac " (17).
Ainsi, sans être le moins du monde anticapitalistes, voire des anti-impérialistes — Gbagbo, ayant oublié ses convictions socialistes sur le chemin de la " démocratisation " de l’Afrique — ni des démocrates avérés, mais plutôt un capharnaüm oligarchique de " nationalistes " néolibéraux, de manipulateurs de l’ethnicité, de pentecôtistes-affairistes branchés sur leurs frères et sœurs " born again " de la classe dirigeante états-unienne, les " refondateurs " ivoiriens ont eu l’outrecuidance de remettre en question certains intérêts inébranlables de la domination française dans la zone Franc. Ils l’ont fait en surestimant leur légitimité et leur habileté à manœuvrer. Que la France ait choisi de ne pas actionner l’Accord de Défense d’avril 1961, malgré la demande de Gbagbo, ne s’explique nullement par quelque principe de non-ingérence dans une crise faussement présentée ivoiro-ivoirienne. L’implication du régime burkinabé ne pouvait échapper à la surveillance militaire française de la région. L’Accord ne pouvait être actionné parce que dans la conception néocoloniale française, Gbagbo, qui avait choisi de conserver cet accord néocolonial, était coupable de l’avoir violé. La rébellion comme prolongation du putsch avorté devait alors servir de moyen de pression sur Gbagbo, et non d’une grotesque installation au pouvoir d’une équipe de rechange. La France — " troisième belligérant, sinon le belligérant de l’ombre " selon le Comité d’Initiative des Intellectuels Sénégalais — pouvait même jouer le rôle d’obstacle à la marche de la rébellion sur Abidjan. Ainsi, de Lomé à Linas-Marcoussis, il s’agissait de ramener à l’ordre, à travers un Gouvernement de " réconciliation nationale ", les divers intérêts politico-économiques de la puissance métropolitaine et ceux des différentes fractions de la " classe politique ivoirienne " confondue avec le capital ivoirien.
Car la " refondation " gbagbiste néolibérale était coupable d’avoir rouvert les dossiers des privatisations et concessions suspendus pendant la transition, de les soumettre à des appels d’offre en " bonne et due forme ". Avec pour conséquence le fort probable risque pour certaines multinationales françaises — ayant bénéficié des faveurs d’Houphouët-Boigny, Ouattara, Bédié — de ne pas bénéficier d’un renouvellement de juteuses concessions arrivant à terme sous le régime Gbagbo. De ne pas se voir attribuer de gré-à-gré les juteuses entreprises à privatiser. De ne pas bénéficier des plus juteux marchés publics, sur lesquels, contrairement à l’idée d’un retrait irremplaçable des entreprises françaises, il y a la concurrence des entreprises chinoises, sud-africaines, états-uniennes et de bien d’autres dont la présence sur le marché ivoirien n’est pas dépourvue d’ambitions monopolistes (18).Vu qu’en " période de récession, l’Afrique ne peut survivre qu’en situation de monopole " (19).
Le cas d’ADM et de Cargill dans la filière cacao a prouvé la plus grande efficacité des multinationales états-uniennes en matière de " libre concurrence ". De la fin de la décennie 1990 aux premières années de la décennie 2000, elles sont passées de la situation de partenaires minoritaires ou d’entreprises secondaires au leadership, absorbant au passage certaines filières de leurs anciennes partenaires majoritaires, poussées à un déficit astronomique. Comme l’écrivent la Banque Africaine de Développement et l’OCDE : " des évolutions remarquables se sont produites en termes de destination des produits ivoiriens au sein même de l’Union Européenne. Par exemple, alors que la France et les Pays-Bas représentaient respectivement 15,2 % pour cent et 9,8 % des exportations ivoiriennes en 2000, la première ne comptait plus que pour 13.9 % en 2001 contre 14,1 % pour les Pays-Bas. Ceci s’explique par le fait que le cacao domine les exportations ivoiriennes, cacao dont la transformation est dominée par des multinationales qui ont connu de profondes mutations en termes de propriété du capital. Cette mutation s’est opérée en faveur de groupes tels que Cargill, ADM, Callebaut qui ont une tradition de transport en vrac, plus avancée qu’en France, en vue de gagner en efficacité et d’économiser sur les coûts liés à la logistique de transport. De plus les ports disposant d’une meilleure logistique pour la réception en vrac du cacao sont les ports d’Amsterdam et de Hambourg où se situent des filiales industrielles importantes appartenant à ces grands groupes " (20). La percée du capital états-unien dans cette filière a, par exemple, poussé Bolloré à se débarrasser de sa filiale, pourtant l’une des majors…
Impérialisme secondaire, intérêts divergents
La sophistication des tentatives métropolitaines pour ramener à l’ordre le président Gbagbo — un choix imposé à l’Élysée par les rapports de force mondiaux —, tout comme la pression de la concurrence, a mis aussi à jour les divergences au sein du capital colonial français. Pour la préservation de leurs intérêts d’une part et devant l’affaiblissement du soutien français à la rébellion d’autre part, des patrons français ont créé, avec des patrons ivoiriens plutôt proches de Gbagbo, le Cercle d’amitié et de soutien au Renouveau Franco-Ivoirien (CARFI), présidé par l’ex-sénateur UMP Jean-Pierre Camoin (groupe Bolloré) et ayant parmi ses membres bienfaiteurs... Laurent Gbagbo. Le réalisme capitaliste de l’entreprise est exprimé par le président du CARFI : " Tout le monde s’attendait à ce que cette économie s’effondre avec un pays coupé en deux, une circulation entravée. Malgré cela, la Côte d’Ivoire a prouvé qu’elle pouvait vivre toute seule, sans aide, payer des fonctionnaires, faire fonctionner l’électricité, l’eau (...) On peut se poser la question pourquoi cette situation s’est aggravée ? Je crois intimement que les générations passées ont fait un travail immense, ont su construire la Côte d’Ivoire ; mais actuellement, la jeune génération est là avec des jeunes formées dans les grandes écoles, qui ont envie de prouver ce qu’ils savent faire. Cette jeune génération est celle qui nous intéresse. Que veut-elle cette jeune génération ? Elle veut un partenariat basé sur l’égalité, un vrai partenariat où il n’y a plus une France tutélaire qui vient donner des leçons à la Côte d’Ivoire pour développer son industrie, pour développer toutes ses exportations. Il y a de l’autre côté, une Côte d’Ivoire adulte avec des élites formées qui ont besoin de la France pour pouvoir également développer leur pays, ce grâce à un partenariat avec un pays dont on partage la langue, la culture et pour tout dire pour qui on a une certaine affection (…) Notre intérêt c’est l’entreprise. Que ce soit M. Gbagbo ou M. X ça ne nous intéresse pas ! Ce que nous voulons c’est que le candidat et ensuite le Président tienne compte de notre avis. " (21)
Comme par hasard, fin 2003 et premier semestre 2004 sont marqués, en plus de l’achat des armes françaises par Gbagbo, par l’acquisition française de marchés : Alcatel, Technip et Bivac (baron E-A Seillères)… et surtout la scandaleuse concession à Bolloré, pour quinze ans, du Terminal à conteneurs de Vridi, au Port Autonome d’Abidjan dont le directeur général, Marcel Gossio, est le vice-président du CARFI. Une opération publiquement contestée par Jean-Louis Billon, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire (manutentionnaire comme Bolloré, chargeur de cacao SIFCA, co-actionnaire de Bédié, sous la présidence de celui-ci et non partisan du CARFI). Bolloré a ainsi obtenu une situation de quasi-monopole sur le deuxième port africain, après celui de Durban (Afrique du Sud). Ainsi, " le jeudi 24 juin dernier, Marc Rose, directeur d’exploitation de la SETV [Société d’Exploitation du Terminal à conteneurs de Vridi] a adressé une note à Jacques Remy de la Sivom [entreprise de J-L. Billon] dans laquelle il écrivait ceci : "Nous ne prendrons plus les conteneurs Sivom au terminal à l’exception des lots devant être chargés sur nos navires..." " (22). La Banque Mondiale n’a pas manqué de critiquer cette enfreinte à la liberté des affaires : " La procédure qui a été suivie remet en cause les efforts déployés par la Banque et les autres bailleurs de fonds pour aider la Côte d’Ivoire à créer un environnement propice au développement du secteur privé, entre autres en garantissant une concurrence loyale. Le résultat obtenu est que les intérêts du pays n’ont pas été sauvegardés et que le partage des risques et bénéfices est très inéquitable entre le pays et la SETV en faveur de cette dernière pour une période d’au moins quinze ans. " (23) Ainsi, pour la stabilisation du front " extérieur ", Gbagbo a recouru aux procédés traditionnels de la Françafrique.
Cette scandaleuse attribution, rappelant celle de l’électricité offerte à Bouygues par Ouattara, s’accompagnait d’un partage très inéquitable des directions d’entreprises d’État, considéré comme une des causes du blocage dans l’application de l’Accord de Marcoussis. Parmi les points à l’ordre du jour des rencontres entre Gbagbo et ses opposants figurait pendant cette période la répartition équitable et concertée des postes de direction, c’est-à-dire des situations rentières. Privilège que Gbagbo n’entendait pas céder, soucieux de confier les entreprises les plus rentables et les plus en rapport avec les opérateurs étrangers — source possible de manigances économico-politiques — à ses proches. S’étant ainsi constitué un lobby dans la Françafrique, Gbagbo s’est permis de réprimer dans le sang la manifestation de l’opposition, les 25 et 26 mars 2004, après la sortie du gouvernement des ministres contestant la nouvelle donne économico-rentière. Déboussolés par la réaction française, dans les villes sous contrôle des Forces nouvelles, les partisans de celles-ci ont manifesté leur colère contre les soldats français, en leur criant, à Korhogo par exemple : " Vous êtes des calculateurs comme Gbagbo, quittez notre ville ! " (24). La violation du cessez-le feu de novembre 2004 — dont avaient été prévenues, par Gbagbo, l’ONU et les autorités françaises — s’inscrit bien dans cette dynamique de réconciliation avec des secteurs du capital français. Car la division de la Côte d’Ivoire dessert aussi les entreprises ayant d’importantes activités (canne à sucre, coton...) au Centre et au Nord et ne pouvant aisément acheminer la production vers les marchés du Sud. Le climat de guerre étant aussi favorable à la " concurrence déloyale " des marchandises frauduleusement introduites des pays voisins. Ainsi, par exemple, en fin avril, le " très influent et discret président du groupe Castel-BGI, Pierre Castel, spécialiste du vin et des brasseries, a demandé au président ivoirien, Laurent Gbagbo, une lutte plus sévère contre les fraudes récurrentes et massives constatées dans le domaine sucrier. Chaque année, la branche ivoirienne de son groupe, la BGI-Solibra et ses différentes unités perdent 15 milliards de FCFA selon M. Castel " (25). Mais il s’agissait bien d’une réconciliation sectorielle et non d’un alignement de Gbagbo sur les intérêts français. Et l’écrasement de la rébellion, tenté par Gbagbo en novembre, n’était pas prévu à l’ordre du jour élyséen. D’où la réaction brutale de Chirac et sa décision de bombarder l’aviation de Gbagbo.
Enjeux pétrolier et financier
Du point de vue métropolitain, il y a un enjeu plus important que les affaires de M. Castel. Il s’agit du champ pétrolier. En Côte d’Ivoire, les pétroliers français accusent un retard sur les États-Unis et le Canada. De 2000 à 2003 la production pétrolière a triplé, le pétrole devenant ainsi le second produit d’exportation de la Côte d’Ivoire. Sans Total, se contentant de ses 25 % dans la Société Ivoirienne de Raffinage — dont il n’est pas sûr de remporter la mise en concession suspendue en 1999-2000, pour non-respect de la procédure — et de son parc de stations-service. De surcroît, les réserves se révèlent au fil du temps plus importantes qu’annoncées au départ.
Le régime Gbagbo ne semble pas prêt à dévier de la trajectoire anglo-américaine prise et, fort probablement, asiatique dans le futur. Évitant ainsi d’augmenter l’emprise française sur l’économie et — à la lumière des précédents historiques dans le Golfe de Guinée — sur la politique ivoirienne. Les dispositions annexes de l’Accord de Défense d’avril 1961, citées précédemment, ne sont pas respectées. Ailleurs, où il était question de révision du monopole français dans l’exploitation pétrolière, ont eu lieu putschs et milliers de morts, en période de " démocratisation " néolibérale. Comment le pays " modèle " de la Françafrique échapperait-il à cette " règle " consignée ici par l’Accord de Défense ?
La participation multinationale au capital de Total ne change rien à l’affaire. Ce que prouvent aussi bien la position française sur l’Irak que l’état actuel des relations franco-angolaises, entre autres. N’est-ce pas aussi en rapport avec les intérêts pétroliers qu’a été décidée l’annulation de la procédure judiciaire dite des " disparus du Beach " par la Cour d’appel de Paris, le 22 novembre 2004, concernant la disparition de trois centaines de jeunes Congolais confiés aux autorités congolaises ; " une décision sans précédent " d’après Me Patrick Baudouin, avocat de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme ? Une affaire au cours de laquelle la prétendue " séparation des pouvoirs " caractéristique de " l’État de droit " a été mise à mal par la très vespérale audience de week-end, vers 1 heure du matin, le 4 avril 2004, afin de libérer et renvoyer au Congo le directeur général de la police congolaise mis en examen pendant un séjour d’agrément dans la région parisienne. Avec pour conséquence le déplacement vers un autre tribunal du juge d’instruction de Meaux l’ayant incarcéré. Pratique de république bananière en plein pays de Montesquieu qui ne peut surprendre que ceux et celles qui ne veulent rien entendre des pratiques de corruption réciproque entre dirigeants politiques françafricains de la métropole et des territoires africains. L’association coup d’État/guerre-pétrole/minerais est plus rationnelle que l’association coup d’État/guerre-cacao.
Au nom de la " Refondation " libérale les partisans de Gbagbo, tel Mamadou Koulibaly, n’entendent pas perpétuer la dépendance à l’égard de l’ancienne métropole au travers de la Communauté Financière Africaine et de sa " zone Franc CFA ". La dévaluation du Franc CFA annoncée par la France en 1994, avant convocation des Chefs d’État de la zone CFA, a été vécue comme un humiliant rappel de la facticité de l’" indépendance " ou de la " souveraineté nationale ". Une monnaie nationale, régionale ou continentale est pour bon nombre d’économistes africains un projet à réaliser. Les performances économiques capitalistes de la Côte d’Ivoire, plus importantes que celles d’autres pays africains pourvus d’une monnaie nationale, le permettraient. En 2003 la Côté d’Ivoire a en effet produit 38,5 % du PIB et 45 % de la masse monétaire des huit pays de la sous-région Union Économique et Monétaire de l’Ouest Africain (UEMOA) de la Communauté Financière Africaine. D’où le récent rappel de Gbagbo à ses pairs soutenant la rébellion : sans la Côte d’Ivoire il n’y a pas d’UEMOA. Ce qu’il avait déjà méchamment démontré en retardant sa contribution en 2003, grippant ainsi la Banque Centrale des États de l’Afrique Occidentale (BCEAO, dont Ouattara a été Gouverneur, poste réservé à la Côte d’Ivoire).
Cette importance économico-monétaire de la Côte d’Ivoire est aussi la raison pour laquelle ce projet de " souveraineté " ne peut être accepté par la métropole monétaire qui a conservé, malgré le passage à l’euro, la garantie du Franc CFA par le Trésor français. Cette tutelle monétaire assure le contrôle des économies de la zone et garantit les bénéfices des capitaux français en assurant la convertibilité illimitée, la parité fixe avec l’euro et surtout la liberté des transferts. Le mécanisme de tutelle est assuré par la centralisation des réserves de change. " Elle apparaît à deux niveaux puisque les États centralisent leurs réserves de change dans chacune des deux grandes banques centrales tandis qu’en contrepartie de la convertibilité illimitée garantie par la France, les banques centrales africaines sont tenues de déposer au moins 65 % de leurs réserves de change auprès du Trésor français, sur le compte d’opérations ouvert au nom de chacune d’elles " (26).
Il s’agit d’un instrument de domination que la France n’entend pas céder. Ainsi, le projet piloté par le Nigeria d’une monnaie régionale de tout l’Ouest Africain, programmé en 1992 pour 1994, n’avait pu être réalisé. Les deux banques centrales régionales n’ayant pas par la suite été réceptives aux arguments du courant anti-Zone Franc CFA exprimés lors du colloque sur le Franc CFA organisé par la principale institution panafricaine, non-gouvernementale, le Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences Sociales en Afrique, à Dakar en 1998. L’un des animateurs n’était autre que l’actuel n° 2 de l’État ivoirien, Mamadou Koulibaly, qui en économiste monétariste ne démord pas sur la question. Que Gbagbo, comme Olympio en son temps, ait entrepris la préparation d’une sortie de la Zone Franc ne serait pas surprenant, vu le développement des relations avec l’Angola, l’un des rares États africains dont la monnaie nationale (kwanza) est liée au dollar. Ainsi, ce hasard du calendrier aussi relevé par le Comité d’Initiative des Intellectuels du Sénégal " nous avons du mal à croire que, seulement une semaine après la Conférence Internationale d’Abidjan pour la Réforme de la Zone Franc, l’armée française ouvre le feu sur les symboles visibles de la souveraineté de la Côte d’Ivoire de manière violente et barbare, haineuse et sanguinaire ".
Barbarie ou… ?
Le langage des armes dans une ambiance d’ethno-confessionalisation, relative certes, des clivages, en un temps où l’espérance révolutionnaire active a encore du mal à se relever des décennies d’escroquerie sur le socialisme, rend plus difficile la situation des partisans d’une réponse anticapitaliste à cette crise du néocolonialisme et des organisations radicales du mouvement social. Ainsi, les organisations révolutionnaires ivoiriennes, victimes aussi des milices de Gbagbo, n’ont pas manqué de rappeler la nature réelle de ce conflit, franco-ivoirien dès le départ, dans lequel, comme d’habitude, le peuple est l’herbe sur laquelle se battent les éléphants, pour leurs intérêts oligarchiques.
Par malheur, le sort du peuple ivoirien, comme celui des immigrés ouest-africains, libanais, syriens, français… dépend des co-gestionnaires de l’ordre établi, au niveau international, de ceux qui ont co-organisé Linas-Marcoussis et Accra : de Chirac à Mbeki en passant par Eyadéma, de l’ONU à l’Union Africaine en passant par la CEDEAO et la Francophonie.
La paix civile qui pourrait être restaurée ne va pas mettre un terme à la violence économico-sociale de la néolibéralisation (implicitement inscrite dans l’Accord de Marcoussis par la participation des institutions de Bretton Woods au suivi du dit Accord), sur laquelle ne s’opposent pas substantiellement les tenants de " l’ivoirité " et leurs comparses prétendument anti-ivoirité, bien qu’ils aient voté le très " ivoiritaire " Code foncier et se soient montrés aussi habiles en charniers humains. Dans ce pays à l’État si endetté depuis le temps du père de la dépendance néocoloniale risque de s’accentuer la déscolarisation des enfants — les filles surtout —, le travail des enfants, la prostitution, le chômage… Bref, l’insécurité sociale, humus du chauvinisme, de la violence du lumpen-prolétariat… Ainsi, la paix civile, au-delà des élections, choix entre deux maux — maintenir Gbagbo ou le remplacer par l’un de ses rivaux néolibéraux - devrait être mise à profit pour l’unité des luttes des exploités, opprimés de Côte d’Ivoire, au-delà des différences d’appartenance ethnique, régionale, nationale, confessionnelle, ou de genre.
Poumon économique de la région, la Côte d’Ivoire pourrait aussi devenir l’un des pôles de la construction d’une dynamique anticapitaliste régionale, favorisée par la présence dans plus d’un cas des mêmes multinationales dans le voisinage (Ghana, Liberia, Nigeria… " anglophones " compris), par l’existence d’organisations régionales néocoloniales contre lesquelles devrait se construire une dynamique de solidarité régionale des peuples exploités et opprimés. De la région au continent, du continent à l’intercontinental, tous et toutes ensemble contre l’ordre criminel capitaliste.
Au procès Coulibaly, des prévenus admettent que leur objectif était de "tuer" Laurent Gbagbo
mercredi 12 mars 2008 par Loccidental
Certains des mercenaires présumés, jugés à Paris depuis lundi 10 mars pour avoir tenté de fomenter un coup d’Etat en Côte d’Ivoire en 2003, ont fini par reconnaître mardi que l’objectif était de "tuer" le président ivoirien Laurent Gbagbo.
Treize prévenus sont jugés par la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour la préparation d’un coup d’Etat dont avait eu vent la Direction de surveillance du territoire (DST) au cours de l’été 2003. Trois sont absents, dont l’ancien chef rebelle ivoirien Ibrahim Coulibaly, alias "IB", aujourd’hui en fuite, soupçonné d’être l’instigateur et le bénéficiaire potentiel de l’opération. Celle-ci visait à recruter des mercenaires, par l’intermédiaire d’un ex-recruteur de la Légion, Jean-Michel Chapuis, et de leur confier la mission d’attaquer au lance-roquettes le convoi présidentiel de Laurent Gbagbo.
La mission consistait officiellement dans la "protection d’une personnalité désireuse d’investir dans un parc animalier" en Côte d’Ivoire, a expliqué mardi M. Chapuis. Programmée entre le 23 et le 25 août 2003, elle devait rapporter 250 000 francs (environ 40 000 euros) à chacun des cinq hommes de main recrutés. "On partait là-bas pour une mission de protection et on devait être rémunéré en fonction de l’avancée de la mission", a déclaré Jacky Muliakaaka.
LA FRANCE "DERRIÈRE LA MISSION" MAIS SANS Y AVOIR "PARTICIPÉ"
Aujourd’hui absent, un des mercenaires présumés, Soakimi Vea, a reconnu lors de sa garde à vue à la DST que l’objectif était tout autre et visait en fait à mener un coup d’Etat. Les dépositions de M. Vea, lues à l’audience, ont permis au président Jean-Claude Kross de pousser dans leurs retranchements les anciens militaires comparaissant devant lui. Lors d’un rendez-vous fixé à la gare de Lyon, à Paris, le 21 août 2003, "on nous a dit que la mission n’était plus de la protection mais de l’instruction de militaires locaux", a convenu Jurgen Pohl, sans donner davantage de précisions.
Son frère aîné, Daniel Pohl, s’est montré plus disert. Au cours d’une réunion, organisée le 22 août 2003 à Orange, dans le Vaucluse, "Jean-Michel Chapuis nous a dit que l’affaire avait changé. Il a dit que le but était de renverser Gbagbo. Il a dit que la France ne participait pas à la mission mais qu’elle était derrière", a expliqué Daniel Pohl.
D’après les déclarations en garde à vue de Soakimi Vea, le but de la mission, "tuer Gbagbo", avait été clairement exposé à Orange. "Je l’ai entendu", a confirmé l’un des participants à cette réunion, l’ancien légionnaire Eric Valentin, tandis que Jean-Michel Chapuis a finalement admis "l’avoir dit". Daniel Pohl n’est pas allé aussi loin : il s’agissait de "destituer" Laurent Gbagbo et "on peut renverser un régime sans faire de mal", a-t-il affirmé.

Henri Konan Bédié, l'Akan maladroit
Docteur en économie de l'université de Poitiers en France, propulsé à l'âge de 27 ans ambassadeur de Côte d'Ivoire à Washington, Henri Konan Bédié est né le 5 mai
1934 à Pèplessou, un quartier de Diadékro, village situé lui-même à deux kilomètres de Daoukro, à 300 km au nord d'Abidjan.
Comme Houphouët, c'est un Baoulé, un sous-groupe ethnique des Akans. Son appartenance ethnique est une des causes majeures de ce qui arrive aujourd'hui en Côte d'Ivoire. Depuis l'arrivée d'Houphouët-Boigny au pouvoir en 1960, les Akans, ou du moins les cadres et ce qu'on appelle communément l'élite Akan, sont persuadés que le pouvoir doit impérativement resté dans leurs mains. Personne n'échappera à cette volonté farouche de garder le pouvoir, leur "likê", en langue baoulé.
En 1969, les Agnis ont payé chèrement d'avoir mener la fronde contre Houphouët, dès 1946. Bilan, selon certaines sources, près de 1500 morts. Dans les années 70, ce fut le complot "bété" ethnie de l'Ouest de la Côte d'Ivoire, à laquelle appartient Laurent Gbagbo, l'actuel leader du Front populaire ivoirien. A l'époque, une expédition punitive de l'armée coûta la vie à quelques 4000 paysans Guébiés, un sous-groupe bété (voir l'histoire de la Côte d'Ivoire). Depuis, le pouvoir aura toujours brandi l'épouvantail du tribalisme, arguant que ses adversaires politiques ne sont en fait que des représentants d'un groupe ethnique. Gbagbo ne fut perçu et présenté que comme le leader des Bétés, puis ce fut au tour de Ouattara d'être indexé comme un "étranger", car il était plus difficile à Konan Bédié de reconnaître que le Nord musulman, essentiellement Dioula, lui échappait, du moins politiquement. En 1995, au lendemain de l'élection présidentielle, le pouvoir lança des rumeurs alarmistes sur des "massacres" de Baoulés soi-disant perpétrés par les Bétés à Gagnoa, la ville d'où est originaire Laurent Gbagbo. A la même époque, les opposants à Bédié dénonçaient comme un vilain symbole la présence d'une statue de la reine Abla Pokou, reine de la légende baoulé, qui trône sur þ la place de la République à Abidjan.
Baoulés, face aux Bétés et aujourd'hui aux Dioulas, c'est un raccourci dangereux, mais un raccourci qu'a dessiné lui-même le président Bédié.
Même des gens comme Laurent Dona Fologo, le secrétaire général du PDCI, le parti présidentiel, ont toujours regardé d'un ¦il inquiet la dérive tribaliste de Bédié, l'Akan. A propos de la loi électoral écartant les "étrangers" présumés, Laurent Dona Fologo avait cru bon de rappeler quelques évidences : "Vous pouvez trouver des Ivoiriens «bon teint» qui s'appellent Ouedraogo, un nom proprement burkinabé, ou Thiam, qui est un nom sénégalais", avait-il souligné, lui-même étant originaire de la région de Sinématiali, située à une soixantaine de kilomètres de la frontière avec le Burkina Faso.
Aussi, pour faire bonne mesure et sans doute pour "asseoir" sa légitimité, Bédié, né dans une famille de planteurs de cacao, s'est targué d'ascendances royales dans l'ethnie Baoulé. Il porterait en fait le nom d'un roi local, Bê'ndié qui était l'ami de son grand-père. Les journalistes ivoiriens qui ont tenté d'enquêter sur sa filiation, en supposant que sa mère pouvait être d'origine ghanéenne - les Akans étant venus dans le passé du royaume Ashanti du Ghana - l'ont payé chèrement: 12 mois de prison ferme pour De Be Kwassi, journaliste à l'hebdomadaire La Patrie et même peine pour son directeur de publication, Abou Cissé, tous deux condamnés pour "offense au chef de l'Etat". C'était en 1995, la guerre avec Ouattara l'étranger, était déjà bien lancée. "L'empereur de l'Ecole normale de Dabou"
Elève appliqué, le fils de Klolou Bédié et de Kouakou Akissi, a fait ses premières études à Daoukro, puis le collège de Guiglo et l'école normale de Dabou( 50 km à l'ouest d'Abidjan, où sont passés une bonne partie des "élites" ivoiriennes).Un de ses biographes (pardon hagiographe), Georges Amani (*) affirme qu'à l'époque ses camarades l'avait surnommé l'"empereur de l'Ecole normale de Dabou", ajoutant que "tout grand chef aura été jeune chef", c'est tout dire.
Il a obtenu le baccalauréat en 1953, avant d'aller en France, à l'université de Poitiers (droit et d'économie). L'on raconte qu'avant de s'envoler pour la France, le jeune Bédié avait un penchant prononcé pour les thèses indépendantistes de Kwame N'Krumah, et qu'on l'a même surpris un jour, entrain de tenir une conférence dans le quartier populaire de Treichville à Abidjan, dénonçant la communauté africaine proposée par de Gaulle et réclament l'indépendance immédiate.
De retour en Côte d'Ivoire, haut fonctionnaire, Félix Houphouët-Boigny, alors Premier ministre, le propose pour un stage au ministère français des Affaires étrangères, qu'il effectuera à l'ambassade de France à Washington. Après l'indépendance en 1960, il devient à 27 ans le premier ambassadeur de Côte d'Ivoire aux Etats-Unis, jusqu'en 1966. Il est rappelé à Abidjan pour devenir ministre de l'Economie. Onze ans durant, il conservera ce poste, jusqu'au moment où il est éclaboussé par le scandale financier des "complexes sucriers", une affaire d'usines surfacturées qui lui vaut la colère du "Vieux". Il entreprend alors une confortable traversée du désert à la Banque Mondiale. Revenu en grâce en 1980, il se fait élire député du parti unique et dans la foulée, président de l'Assemblée nationale, écartant ainsi de la succession d'Houphouët, Philippe Yacé, "propulsé" à la tête du Conseil économique et social.
Mais 10 ans plus tard, en novembre 1990, à la surprise générale, "le Vieux", très malade, nomme pour la première fois un Premier ministre, Alassane Dramane Ouattara. Débute alors un choc d'ambitions, qui conduira M. Bédié à un raidissement qui aura beaucoup contribué à sa chute.
Marié depuis 1958 à Henriette, père de quatre enfants, il sera aussi la cible de nombreuses accusations de népotisme, l'influence de ses deux fils dans les milieux d'affaires étant mal ressentie de la population.
"Maman Henriette", madame Henriette Koizan Bomo très exactement, épouse Bédié, s'est surtout fait remarquée par de pompeuses constructions à Koukourandoumi, son village natal. Outre sa propre villa, avec boite de nuit en sous-sol, réalisée par l'architecte franco-libanais Fakoury, "Maman Henriette" n'a pas oublié ses voisins villageois. Un centre d'apprentissage et de loisirs pour les jeunes, qui porte son nom, mais aussi fin du fin, un hôtel, baptisé "La Renaissance", au cas où certains auraient eu envie de venir visiter la région natale de Madame la première Dame. En inaugurant ce "complexe hôtelier", le haut commissaire au Tourisme de l'époque, Kindo Bouadi, avait cru bon de saluer l'investissement privé dans le secteur touristique !
Mais "Maman Henriette", c'était aussi et surtout la fondation "Servir", crée en 1996. A l'époque, nos confrères de Fraternité-Matin (gouvernemental) écrivaient : "C'est pour promouvoir au plus haut point ces valeurs de solidarité et de partage que la Première dame de notre pays, femme et mère au grand c¦ur, Mme Henriette Konan Bédié vient de créer «Servir»". Depuis ce jour, et grâce à Fraternité-Matin, les Ivoiriens ne manqueront plus la moindre action charitable menée par "Maman Henriette". Parfois sans finesse comme cette Une très délicate de Fraternité Matin du 21 octobre 1996: "1400 démunis servis" þ
Quant au président, lui non plus n'avait pas oublié son village natal, ce qui avait fait écrire au journal d'opposition, La Voie (avant qu'il ne soit incendié par des inconnus), que les douze travaux de l'Eléphant d'Afrique, en référence aux grands chantiers lancés par Bédié, avaient déjà commencé þ dans son village de Daoukro. En 1997, ce patelin a bénéficié de crédits budgétaires de 3,5 milliards de F CFA pour des travaux de voirie et de 1,5 milliard de FCFA pour des travaux d'assainissement.
Tribalisme, népotisme, exubérance, mais aussi maladresses politiques. Il faut s'appeler Bongo pour pouvoir gagner des élections sur mesure. Visiblement les deux hommes n'ont pas le même couturier, ou les mêmes conseillers, et Bédié, le craintif, habitué à une ascension programmée, a préféré tenter de mettre K.O.. ses adversaires avant de monter sur le ring. Son discours mielleux du genre "trouver un autre candidat" qu'il a lancé à l'adresse des partisans de Ouattara le dernier jour de sa présidence, il l'avait déjà sorti en 1995, quand toute l'opposition avait appelé au boycott actif. Il lui a fallu à l'époque soudoyer Francis Wodié, dirigeant du PIT (un parti pourtant réputé de gauche) pour faire avaler la pilule d'une élection qui n'en était pas une, Wodié étant le seul candidat face à Bédié. A l'époque, Ouattara, lui non plus pas très téméraire, avait préféré renoncer à se présenter.
La présidentielle de 1995 l'a donc "légitimé" à la tête de l'Etat, malgré le "boycott actif" décrété par l'opposition. Mais la situation économique du pays s'est dégradée sous l'effet de la chute des cours des matières premières, et d'une gestion très douteuse, condamnée par les institutions financières internationales. La révélation de détournements de fonds a achevé de rendre le régime, et surtout sa figure de proue, impopulaires.
Dans ce climat de contestation sociale, le retour de son rival Alassane Ouattara le poussera à la faute. "HKB" s'engage alors dans un combat sur tous les fronts, politique, policier et judiciaire, avec l'emprisonnement des partisans de M. Ouattara. Une polarisation de la situation qui conduira les soldats qui se sont mutinés le 23 décembre à passer très vite de revendications sociales à des doléances politiques. La fin de non recevoir opposée par le président allait mener en moins de 72 heures sa chute finale.

ALASSANE OUATTARA:  DE LA HAUTE VOLTA A LA COTE D’IVOIRE, HISTOIRE D’UN PARCOURS CONTROVERSE
(Afrique Education du 16 au 31 décembre 2004)


Autant il est difficile à l’historien, contemporain des évènements, d’être objectif dans la présentation des faits auxquels il fut partie prenante, autant il est impossible au journaliste ayant participé ou intéressé aux évènements de les relater sans parti pris et avec une appréciation proche de la vérité.
Appuyées sur des foules passionnément dévorées par des préoccupations à courte vue et les réactions irréfléchies de leurs rivaux, soutenues par d’autres foules fanatisées aux yeux rivés sur des intérêts spécieux, toutes aussi mal informées et manipulées que les premières, les ambitions personnelles débridées de politiciens ivoiriens ont vite fait d’obscurcir le débat sur la juste détermination de la nationalité ivoirienne, préalable à la refondation nécessaire de l’Etat ivoirien et à la véritable modernisation industrielle de la société ivoirienne.

Telle que se présente actuellement la situation politique générale un peu partout en Afrique et spécialement en Côte d’Ivoire, le déchaînement des passions ne doit pas faire perdre raison : les drames angolais, burundais, congolais, libérien, sierraléonais, somalien, soudanais et surtout la tragédie rwandaise obligent de proclamer contre vents et marées ce qui est vérité pour apaiser les rancœurs, rapprocher les cœurs et prévenir et éviter tout nouveau génocide sur le terre africaine.

I : DES VERITES HISTORIQUES INCONTESTABLES.

N’en déplaise aux falsificateurs de l’histoire, l’ancien premier ministre Alassane Dramane Ouattara a beau naître, en 1942, sur le territoire de la Côte d’Ivoire actuelle. En 1960, année de l’indépendance de la Haute-Volta, actuel Burkina Faso, et de la Côte d’Ivoire, il était sans conteste aucun ressortissant voltaïque et se reconnaissait tel jusqu’en 1985. N’a-t- il pas fait, jusqu’à cette date fatidique ses études primaires et secondaires, ses études supérieures aux Etats-Unis et entrepris sa carrière de fonctionnaire comme citoyen voltaïque jusqu’à occuper, au titre de la Haute-Volta, le poste de vice-gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ?

Refusant en cette année, pour des raisons insoupçonnées, de mettre ses compétentes au service de la révolution burkinabé lancée par le bouillant capitaine Thomas Sankara, il dut abandonner son poste de vice-gouverneur à la BCEAO pour être récupéré par le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny (FH-B) qui n’entendait pas laisser la révolution s’installer en Haute-Volta et faire irruption dans son pays, la Côte d’Ivoire et aux alentours.

Viscéralement hostile à la révolution burkinabe et ennemi juré du Capitaine Thomas Sankara, l’ancien citoyen voltaïque, titulaire du passeport diplomatique voltaïque, se retrouvait, par la bienveillance du père de l’indépendance ivoirienne, nanti du passeport diplomatique ivoirien et fonctionnaire au Fonds monétaire international (FMI). Puis, à la mort brusque, en 1988, de l’Ivoirien Abdoulaye Fadiga, gouverneur de la BCEAO, le président ivoirien, fort de son influence auprès de ses pairs de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) et piétinant les dispositions statutaires de la BCEAO pour une direction tournante, imposait par le forcing son poulain Alassane Dramane Ouattara comme nouveau gouverneur à l’étonnement et au grand dam des ses homologues notamment le Béninois Mathieu Kerekou qui avait son propre candidat en la personne de Baba Moussa, son ministre du Plan.

Et, sans être nullement indisposé par la nationalité imprécise du nouveau gouverneur de la BCEAO, le président FH-B, sur les conseils voire sous les pressions des dirigeants des institutions financières internationales notamment le FMI et la Banque mondiale, l’appelait, en tant que technocrate, à prendre en mai 1990 la direction du gouvernement ivoirien.

Les réticences voire les sentiments d’hostilité exprimés à cette occasion par la quasi-totalité de la classe politique et de l’opinion ivoiriennes furent vite contenus par le rappel de la vieille pratique éprouvée du président ivoirien, panafricaniste pragmatique, nommant à des postes politiques des cadres africains non ivoiriens pour leur compétences reconnues, par la crainte d’une punition sévère de la part d’un président à autorité réfractaire à toute contestation et surtout par les rumeurs selon lesquelles l’intéressé fut choisi sur indication expresse des bailleurs de fonds, uniquement pour redresser la situation économique : ce qui sous-entendait qu’il devait se garder de porter ombrage au successeur constitutionnel du président de la République, le président de l’Assemblée Nationale, en l’occurrence Henri Konan Bédié (HKB).

Mais, c’est oublier que « la nature humaine est insondable » et compter sans les ambitions insoupçonnées des hommes.

Une fois hissé au poste de premier ministre chargé de redresser la situation économique du pays, le technocrate Alassane Dramane Ouattara, qui ne s’était jamais frotté à la politique, s’est vu pousser aussitôt de grandes ailes politiques. Fort des succès à lui reconnus par d’aucuns dans la mise en œuvre en Côte d’Ivoire de la politique de réajustement économique et social préconisée par les institutions de Bretton Woods, il lui est vite venu à l’esprit l’idée qu’il pouvait aspirer valablement à la magistrature suprême en cas de disparition du président de la République de Côte d’Ivoire : il se transmuait en ADO pour des centaines de milliers de partisans, subjugués par son charme flamboyant.

Dès lors, les dix-huit derniers mois de l’existence du président FH-B, malade, hospitalisé voire agonisant à l’étranger, furent alors propices à diverses intrigues, manœuvres et manigances ténébreuses qui n’ont pas manqué de laisser dans la classe politique locale des ressentiments indélébiles caractérisés par des inimitiés profondes et des rancoeurs tenaces entre les prétendants à la magistrature suprême du pays.

Premier ministre assurant l’intérim du chef de l’Etat indisposé, ADO par des actes déplorables pour le moins inexplicables, s’aliéna maladroitement.la quasi totalité des ténors d’une classe politique ivoirienne aux aguets depuis des années pour la succession du père de l’indépendance : par manque de courtoisie à plusieurs occasions à l’égard de HKB, président de l’Assemblée Nationale et successeur constitutionnel du chef de l’Etat, il eut le culot, avide du pouvoir, de tenter une révision constitutionnelle, assimilée par d’aucuns à un coup d’Etat constitutionnel, bloquée grâce à la ferme opposition du général Robert Gueï, alors ministre de la Sécurité, en suggérant le remplacement de la disposition constitutionnelle stipulant que le président de l’Assemblée Nationale termine le mandat du président décédé ou dans l’incapacité reconnue d’exercer ses fonctions par un amendement imposant une élection présidentielle après un intérim limité à soixante jours.

Pour les partisans de Henri Konan Bédié, tout près d’investir l’Etat, plus que de l’imposture et de la forfaiture, c’était une tentative d’usurpation qui relève du crime de lèse-majesté.

DE LA RESPONSABILITE DES APPRENTIS-SORCIERS DE LA POLITIQUE.


Apparues comme une offre publique d’achat (OPA) lancée par un premier ministre à la nationalité indéterminée et de surcroît novice en politique sur la présidence de la République au détriment des prétendants de longue date, les ambitions présidentielles d‘ADO firent exploser les relents de xénophobie qui somnolaient chez des groupements ethniques se voulant les premiers occupants du sol ivoirien : dans ce pays aux données démographiques peu fiables avec des communautés étrangères représentant près de la moitié de la population totale, l’engouement fanatique des immigrés de seconde et troisième génération et de beaucoup de résidents étrangers pour ADO, devenu leur recours, ne fit que renforcer le sentiment de répulsion des Ivoiriens de souche à l’endroit des allogènes. Il est reproché à ces derniers qu’en plus des emplois volés aux autochtones, ils veulent désormais leur ravir la présidence de la République.

En effet, avec la bienveillance de l’administration coloniale française et du gouvernement du président Félix Houphouët-Boigny, outre des Européens et des Levantins, de nombreux Ouest-Africains (Béninois-Dahoméens, Burkinabè-Voltaïques, Ghanéens, Guinéens, Mauritaniens, Maliens, Nigériens, Nigérians et Togolais), s’étaient rués en Côte d’Ivoire pour participer à sa mise en valeur. Après l’indépendance, la volonté du président FH-B de développer son pays lui imposait le recours massif à une main-d’œuvre disponible dans les pays limitrophes et en Afrique de l’Ouest.

Mais, depuis les temps coloniaux, les Ouest-Africains, indispensables comme main-d’oeuvre corvéable, n’étaient acceptés comme résidents que du bout des lèvres : une Association de défense des autochtones vit le jour dès 1934 et, en 1958-1959, à l’instigation de la Ligue des originaires de Côte d’Ivoire, des milliers de Dahoméens et de Togolais devenus indésirables et victimes de brimades et d’exactions au cours d’un pogrom, durent rentrer les mains vides dans leur pays.

D’ailleurs, ils furent indemnisés par les soins du président FH-B qui, en panafricaniste pragmatique jouant ainsi l’apaisement, sut vite recréer les conditions de paix et de sécurité qui firent revenir en masse les travailleurs ouest-africains, créateurs de la prospérité. Sur cette lancée et sûr de lui, le père de l’Indépendance, tout en veillant à une répartition quelque peu équitable ethniquement, régionalement et confessionnellement des pouvoirs, honneurs et richesses, FH-B par solidarité africaine fit des descendants les plus compétents des tout premiers immigrés des dirigeants des grands corps de l’Etat, des services publics, des entreprises publiques, semi-publiques et parapubliques voire des ambassadeurs et des ministres.

Ainsi, quoique fort perceptibles, les inégalités économiques et les injustices sociales sur les bases raciale, ethnique, régionale et religieuse ne revêtaient pas une ampleur antagonique et conflictuelle avérée : le père de l’indépendance put même octroyer à des résidents étrangers le droit de vote qui ne fut supprimé qu’en 1994, au lendemain de sa mort. Néanmoins, chaque fois dans les années 1960, 1970 et 1980, qu’il voulut donner la nationalité ivoirienne à ses chers résidents étrangers, des hostilités tenaces se manifestaient chez les groupements ethniques autochtones. C’est confronté à une situation interne ivoirienne frappée au milieu des années 1980 par la régression économique et par de vifs ressentiments des autochtones à l’égard des étrangers taxés de voleurs d’emplois que le président FH-B dut affronter la révolution burkinabé du Capitaine Thomas Sankara.

Mais, à vouloir éviter le Charybde de la révolution burkinabé, le père de l’indépendance ivoirienne fit échouer le navire ivoirien sur le Scylla des ambitions d’ADO dont le capitaine Blaise Compaoré, le Bonaparte du Burkina Faso, n’a pas su mesurer les inconvénients pourtant perceptibles au regard des réalités socio-politiques ivoiriennes : manifestement les ambitions présidentielles d’ADO, fermement soutenues par de petits ambitieux locaux tapis dans l’ombre et couvertes, pour des raisons inavouées, par le chef de l’Etat burkinabé sûrement averti de la complexité de la nationalité du prétendant, étaient appelées à déstabiliser la Côte d’Ivoire et les pays de la sous-région.

De fait, au lieu d’une ivoirité intégrative, le président Henri Konan Bédié, revanchard et rancunier à l’égard d’Alassane Dramane Ouattara, usurpateur potentiel, en fit un instrument d’exclusion, endossé avec empressement par son successeur le général Robert Gueï et, de façon subreptice, par le président Laurent Gbagbo voire par les élites des ethnies et tribus se proclamant autochtones en Côte d’Ivoire : le code foncier de 1998 et les dispositions constitutionnelles relatives aux conditions d’éligibilité à la magistrature suprême en portent la marque.

Jamais les ambitions présidentielles d’un seul individu n’ont autant pesé sur le devenir d’un pays, la Côte d’Ivoire et celui d’une sous-région, l’Afrique de l’Ouest. Déchaînant les passions au point d’empêcher toute réflexion sereine, cela met à rude épreuve le nationalisme patriotique, l’idéologie de refondation de l‘Etat et d’une société industrielle moderne et ouvre la voie à des dérives incontestablement ethno-chauvines et xénophobes inacceptables.

DU NATIONALISME A L’ETHNO-CHAUVINISME : L’ETAT-NATION EN QUESTION

Entre le nationalisme patriotique, fondement idéologique de toute juste politique de libération et d’indépendance nationales, de modernisation de l’Etat et d’industrialisation de la société dans l’intérêt de l’ensemble du peuple, et l’ethno-chauvinisme xénophobe, fauteur de guerres pour le malheur de tous, la conscience universelle impose la dénonciation et le rejet du second partout dans le monde, notamment en Côte d’Ivoire pour sauver les peuples de l’Afrique de l’Ouest d’un cataclysme aux conséquences effroyables.

Parce que les nations industrielles avancées, impérialistes impénitents, fondent en réalité la politique actuelle de mondialisation sur des valeurs ethno-chauvines avérées comme le font les conquérants anglo-saxons et hébreux, la dénonciation de la dérive ivoirienne ne saurait épargner ceux qui, se proclamant faussement démocrates et défenseurs des droits de l’homme, en donnent l’exemple dans leur comportement de dominateurs et d’envahisseurs incorrigibles.

Au regard de l’histoire et de la sociologie politique, la règle veut que, dans tout pays, la nation ne se conçoit pas sans que les forces structurelles que sont les ethnies, les classes et couches sociales ne se soient muées en une véritable communauté de destin avec un dessein collectif déterminé sous l’égide d’élites nationales. Et les vieilles nations constituées partout dans le monde ne sont-elles pas œuvres d’hommes d’Etat rassembleurs d’ethnies et nationalités diverses en de puissantes communautés épanouies par la modernisation industrielle ?

Sans nullement biffer leurs origines raciale, ethnique, régionale et leur croyance religieuse qui restent des données ineffaçables, ces élites gouvernantes s’affirmaient des nationalistes authentiques parce qu’ils incarnaient jalousement les intérêts collectifs de l’ensemble de leur communauté sans distinction aucune. Une disposition d’esprit essentielle que les gouvernants africains arrivent difficilement à se donner.

En effet, ils ont beau se proclamer nationalistes : une fois parvenus au pouvoir qu’ils tiennent à conserver ad vitam, non pour assurer le développement du pays et y réduire les inégalités sociales mais pour jouir de ses délices, l’instinct ethnique voire tribal l’emporte sur tout dessein national : transmuée en nation et objet de toutes les préoccupations, l’ethnie ou la tribu de l’élite gouvernante devient le bouclier de la conservation du pouvoir, quitte à anéantir les autres ethnies et tribus promues ennemis et, du nationalisme qui exige le dépassement de soi et de son ethnie ou tribu pour l’intérêt de tous et le bien collectif de toutes les ethnies et tribus, le passage à l’ethno-chauvinisme est vite fait.

A l’ombre d’une pareille idéologie réductrice, se manifestent, non des méthodes de type fasciste mais plutôt des pratiques sauvages qui refusent à l’autre, l’étranger, voleur de la terre ou voleur de l’emploi, le droit à la terre, le droit au travail et donc, le droit à la vie.

EN GUISE DE CONCLUSION.

Les dérives idéologiques condamnables de certains gouvernants ivoiriens actuels ne doivent surtout pas pour autant faire la part belle aux affidés de l’ethno-tribalisme qui ont lancé une OPA toute aussi inacceptable sur la Côte d’Ivoire.

Comme tout pays indépendant et souverain, la Côte d’Ivoire se doit de déterminer dans la sérénité les critères et les valeurs qui fondent une ivoirité intégrative des communautés appelées à créer une nation ivoirienne forte et prospère et à déterminer les conditions d’éligibilité aux fonctions électives, à commencer par la magistrature suprême.

Le soutien voire la compromission, pour des raisons inavouées, des dirigeants africains ou des forces et puissances étrangères dominatrices à la gâchette facile avec des usurpateurs potentiels ne fait que compliquer l’état d’une société ivoirienne malade des exactions de tous genres et qui mérite plutôt un sursaut salvateur sous l’égide d’une nouvelle équipe dirigeante acceptable pour le peuple ivoirien tout entier sans distinction de race, d’ethnie, de région et de religion.

Atsutsè Kokouvi AGBOBLI.

reponse poste par: Historien sur abidjan.net

" Houphouet avait recuperé Dramane apres sa brouillle avec Sankara pour en faire le Pr voltaique en remplacement de Sankara dans un futur immediat. Puisque Blaise s'est empressé a materialiser le plan en eliminant Thomas le 15 Octobre 1987, il a fallu utiliser Ado ailleurs, voila la source de vos malheurs. Et Blaise sera toujours disposé a fournir les "preuves" que Ado n'est pas de chez nous. "

Houphouet, le patron de la francopholie etait un destabilisateur. Bongo a depuis, pris sa place. Tout est clair.

BI-HEBDOMADAIRE DU PDCI-RDA
MARDI 20 JUILLET 1999

M. Abdoulaye Koné (Ancien Ministre ivoirien de l'Économie et des Finances)
"Je l'ai décoré en 1982 comme Voltaïque à Abidjan"
DEVANT DIEU ET DEVANT LES HOMMES...
Pour l’histoire de l’évo-lution pacifique et har-monieuse de notre belle Côte d’Ivoire, voici ce que nous rapportons de notre bref entretien le Mardi 22 Juin à Abidjan avec M. Abdoulaye Koné, ancien ministre de l’Economie et des Finances: "J’ai décoré en 1982 Alassane Dramane Ouattara à Abidjan en sa qualité de fonctionnaire Voltaïque à la BCEAO. C’est vrai qu’il y avait plusieurs récipiendaires et que je ne suis pas allé fouiller dans son dossier. Mais une chose est sûre: Alassane Ouattara ce jour-là (Mercredi 22 Décembre 1982) a été présenté sous la nationalité Voltaïque".
Voilà le témoignage sans appel que nous a fait brièvement le ministre Abdoulaye Koné, acteur vivant, actuel PCA de la CAA. En sa qualité de ministre de l’Economie et des Finances de la Côte d’Ivoire ce Mercredi 22 Décembre 1982, c’est le ministre Abdoulaye Koné, lors du 10è anniversaire de l’UMOA (Union Monétaire Ouest-Africaine) qui a remis sa décoration à M. Alassane Dramane Ouattara de la Haute Volta. A l’époque, il venait d’être promu comme Vice-Gouverneur (Poste qui revient toujours selon les statuts de la BCEAO à la Haute Volta). En même temps que M. Patrice Kouamé de Côte d’Ivoire alors Directeur des Opérations bancaires à la BCEAO, Alassane Dramane Ouattara, Voltaïque, a reçu les insignes de Chevalier de l’Ordre National de Côte d’Ivoire des mains de M. Abdoulaye Koné, acteur vivant qui nous a fait la brève déclaration plus haut citée.
Le compte-rendu de cette cérémonie a été publié dans "Fraternité-Matin" du Lundi 27 Décembre 1982 à la page 3 sous la plume de Ladji Sidibé (Journaliste vivant) qui ne peut être taxé d’intoxication puisqu’il est aujourd’hui lui-même un militant du RDR.
Nous publions à nouveau les photos et le compte-rendu de cette historique cérémonie de décoration. Comme le reconnaît et l’affirme le ministre Abdoulaye Koné, il est bien indiqué que ce Mercredi 22 Décembre 1982 à Abidjan, Alassane Dramane Ouattara était bien présenté sous sa nationalité voltaïque.
Avec le ministre Abdoulaye Koné qui présidait la cérémonie et d’autres acteurs tout aussi vivants (Séri Gnoléba, Yaya Ouattara, Amadou Thiam, etc), nous reviendrons sur ces faits précis et constants qu’aucun témoin sérieux ne peut contester.
Yao Noël


Magie, manisme, sorcellerie, rationalisme, tradition et informatique

Mise en garde.

Le présent texte utilise des notions issues des traditions d'Afrique Equatoriale de l'Ouest. Les auteurs sont loin d'avoir tout compris dans ce domaine et il y a des variations suivant les tribus. Donc si une personne compétente vous dit que certaines choses dans ce texte sont fausses et d'autres trop simplifiées, elle a probablement raison.

La magie est la science des essences. L'essence d'une chose est quelque chose qui l'imprègne et qui la définit. C'est ce qui fait que la poussière inerte s'est assemblée pour former cette chose. Par exemple un arbre a l'essence de l'arbre et cette essence imprègne toutes les parties de l'arbre. La preuve : si vous plantez une branche de cet arbre en terre, elle va pousser et devenir un arbre à son tour. La branche contient l'essence de l'arbre, donc elle absorbe de la poussière par ses racines pour croître et former un arbre.

Toute chose a une essence mais certaines choses en ont très peu. Les cailloux par exemple. Peut-être n'en ont-ils même pas du tout.

Il y a beaucoup d'essences que nous ne pouvons pas percevoir. Certaines plantes par exemple, contiennent par définition une essence, mais nous aurons beau les toucher, les renifler ou les manger, nous ne sentirons rien. D'autres essences de plantes au contraire peuvent avoir un effet très fort sur nous. Certaines peuvent nous guérir, nous rendre malades ou nous donner des hallucinations. Mais même si l'essence d'une plante n'est pas directement perceptible, cela ne vous empêche pas de l'utiliser. Vous pouvez par exemple porter sur vous une amulette réalisée dans le bois d'un arbre qui représente la force. L'essence de cet arbre vous imprégnera et vous donnera donc de la force.

L'essence d'une chose peut se répandre et avoir un effet sur d'autres choses. Mais elle n'a aucune intelligence propre. C'est comme un verre de vodka. Son essence est évidente. Elle se respire à plein nez, elle vous suffoque. Vous pouvez vous en servir pour faire un tas de choses, comme vous droguer, manipuler une autre personne ou y mettre le feu. Mais le verre d'alcool en lui-même ne prendra aucune initiative. Lui parler ne sert pas à grand-chose. Il ne vous écoute pas.

Les humains ont des essences très puissantes. Le chef, par exemple, a l'essence de l'autorité. Quand il fronce les sourcils et prend une grosse voix, vous sentez son essence prendre possession de votre corps. Vous devenez tout petit et vous ne pensez plus qu'à lui obéir. Même quand il n'est pas là son essence continuera à vous imprégner. Vous ferez ce qu'il vous a dit de faire.

Un scientifique vous dira que dans certains des exemples cités ci-dessus, l'essence est quelque chose de purement psychologique. Il a raison. Mais cela importe peu. Ce qui compte, c'est que toute chose semble posséder une essence et que vous pouvez en subir les effets. La frontière entre effet psychologique et effet réel est d'ailleurs souvent très floue.

Dans les tribus on garde des ossements des ancêtres. Parce qu'ils contiennent toujours l'essence de ces ancêtres. Ils sont donc une protection pour la tribu. Si après le décès d'une personne il se passe des malheurs dans le village, on peut se demander si l'essence de cette personne n'était pas tout compte fait maléfique. Alors on réduira ses ossements en poussière pour détruire l'essence de la personne.

On fait des mélanges d'essences. Il est bon pour un guerrier de porter une amulette faite d'une plume d'hirondelle et d'un morceau de chêne. L'hirondelle donne la vitesse, le chêne donne la force. L'amulette, constituée de ces deux essences, a en elle-même son essence propre, différente. Le guerrier ressent pour elle des sentiments différents de ceux qu'il ressent pour l'hirondelle ou pour le chêne.

Un chef coc est un magicien. Quand vous goûtez ses épices séparément vous sentez bien leurs essences. Mais quand il a mélangé quelques unes de ces épices pour faire une sauce, vous goûterez avec émerveillement combien l'essence de cette sauce est plus riche que celles de ses ingrédients séparés.

Un musicien est un grand magicien. Si vous tapotez les touches d'un piano l'une après l'autre, vous serez amusé de leur son. Elles contiennent un peu de magie. Mais si vous laissez un musicien s'enflammer au piano, le mélange de notes de musique qu'il produit aura sur vous un effet extraordinaire.

Un magicien plus inquiétant est la personne qui charge les masques de la tribu. Quand un masque vient d'être fabriqué il ne contient pas particulièrement d'essence. C'est le travail du chargeur de lui donner son essence. Il fait un mélange de choses secrètes, il place ce mélange dans un petit sac et ce sac est fixé dans le masque. Certains masques acquièrent ainsi une essence très puissante, dont dépend la survie de la tribu. A tel point que l'on met à mort un non-initié qui aurait eu le malheur d'apercevoir le masque.

Les fleurs ont des essences extraordinaires. Certaines personnes se sont ruinées pour posséder une fleur pendant quelque jours. L'industrie du parfum commercialise les essences de fleurs et réalise des chiffres d'affaire colossaux.

La façon dont la magie opère est parfois sujet de discussion. Par exemple il est clair qu'une poupée est un puissant objet de magie pour un enfant. Parce qu'elle fait partir l'enfant dans des rêves. Pour certains, la poupée a une essence, qui agit sur l'enfant. Chaque poupée donne des rêves différents à l'enfant, donc chaque poupée à son essence propre. Pour d'autres, la poupée n'a pas d'essence, parce qu'elle est un objet inanimé. Elle est un prisme qui renvoit à l'enfant son propre esprit. Chaque poupée est un prisme différent, qui renvoit à l'enfant un aspect différent de lui-même et donc engendre des rêves différents.

Le manisme est parfois confondu avec la magie. Mais il y a des différences fondamentales entre les deux. L'essence d'une chose (dont s'occupe la magie) n'a aucune intelligence. Chaque personne a une essence. Mais on voit bien que chaque personne a aussi une intelligence. D'où vient cette intelligence ? Et bien elle vient du "fantôme". Le fantôme est ce qui dans la personne réfléchit, se souvient des choses, a un avis, peut écouter les autres et leur parler... Le manisme est la science des fantômes. Une personne a donc à la fois une essence et un fantôme.

A la mort d'une personne, le fantôme se séparera du corps et de l'essence. Il peut rester hanter sur Terre un moment puis monter graduellement vers l'au-delà. Un fantôme de défunt a peu de moyens d'action sur le réel, puisqu'il est séparé de son essence. Il n'est qu'un un observateur capable de comprendre les choses et avec qui on peut discuter. D'un autre côté, en tant que fantôme il peut savoir et apprendre des choses auxquelles les vivants n'ont pas ou difficilement accès.

Il existe des objets capables de contenir un fantôme ou d'être un relais vers ce fantôme. Un peu comme un téléphone mobile permet de contacter un vivant. Supposons que vous vous trouvez à la porte d'une entreprise et le gardien refuse de vous laisser entrer. Pourtant vous êtes un ami du patron. Et bien utilisez votre téléphone mobile pour l'appeler. Vous passez votre téléphone au gardien, le patron lui parlera et l'affaire sera réglée. Vous pourrez passer. Votre téléphone mobile est un puissant relais vers un grand nombre de personnes vivantes. Votre importance dans la société dépend en grande partie des personnes que votre téléphone mobile peut appeler. De même, les objets conteneurs de fantômes sont des relais vers des personnes décédées. Un objet donné ne peut contenir qu'une âme à la fois.

Un scientifique moqueur dira que l'objet ne contient aucun fantôme et que les fantômes n'existent pas. Il expliquera que la personne qui utilise l'objet a un souvenir de la personne décédée, qu'elle se souvient du caractère et des points de vue de cette personne. L'objet lui sert donc juste de support visuel pour se remémorer l'esprit du défunt et le faire fonctionner sur des questions et problèmes. Ou pour effrayer ou rassurer d'autres personnes qui connaissaient également le défunt. Peu importe. Le fait que le cerveau humain soit capable de faire fonctionner l'esprit d'une autre personne est quelque chose d'extraordinaire. Peut-être les africains ont-ils tort de croire que l'esprit de la personne défunte est effectivement dans l'objet. Mais c'est un détail. Ce qu'ils font est génial et le scientifique moqueur est un sot.

Il est intéressant de comparer ce système de croyance d'Afrique Noire au Monothéisme. Le christianisme permet les comparaisons les plus intéressantes. A la base, les africains et les chrétiens croient à la même chose : Dieu est unique et a créé le Monde. Les récits de la Création du Monde par Dieu selon les tribus africaines sont très riches. Ils contiennent énormément de détails, dont certains sont impressionnants de complexité intellectuelle ou étonnants de clairvoyance. En comparaison, la Création du Monde par Dieu selon les chrétiens ressemble à une version très allégée destinée aux petits enfants. Les chrétiens considèrent pourtant leur religion comme supérieure à celle des africains. Pour une raison bien précise : Dieu a pris contact avec eux. Chez les africains, Dieu est inatteignable. On peut espérer envoyer des messages vers Lui, au travers des âmes des ancêtres et des Grands Ancêtres, sans plus et sans garanties. Pour les chrétiens au contraire Dieu est présent, tout près d'eux. Il s'est même fait homme au travers du Christ. On peut lui parler à tout moment dans la prière. Ce fait de vivre en proximité avec Dieu est fondamental. Les africains fabriquent des objets capables de contenir ou de relayer le fantôme d'un défunt. Un tel objet se manie exactement comme un chrétien utilise un crucifix : on peut le brandir face à un danger ou on peut s'en servir pour parler à ce fantôme. Il faut avoir la Foi : il faut croire sincèrement en ce fantôme et en sa présence dans l'objet. Comme cet objet ne contient qu'un fantôme humain, il a donc ses limites. Il ne peut pas faire plus que ce que peut faire le fantôme d'un simple humain. Les africains sont formels sur cette question : aucun fétiche, amulette ou gri-gri n'est l'arme absolue. Ils ont tous ont leurs limites, tous peuvent être vaincus ou mis en échec. Le crucifix d'un chrétien, par contre, contient ou relaye Dieu lui-même. La différence est énorme. Le crucifix est donc une arme absolue, que par définition rien ne peut supplanter. Il permet de s'adresser à Dieu lui-même, directement et à tout moment. Cette comparaison peut sembler humoristique pour un athée. Mais il faut tenir compte du fait que les gens vivent dans ces superstitions et y croient. En Afrique, les combats entre personnes, par objets interposés, consomment une bonne partie des ressources. On y perd une quantité considérable de temps, de tension nerveurse et de biens. Chez les chrétiens il y a moins de gaspillages et de pertes de temps. On a en main une référence absolue, qui surpasse tout le reste puisqu'elle est Dieu lui-même. Les combats entre chrétiens n'ont pas de sens : voyez-vous un chrétien affronter un autre chrétien, chacun brandissant un crucifix ? Absurde. L'union entre les chrétiens est donc plus grande qu'entre les africains. Ils se sentent aussi plus sûrs d'eux. Les africains disent d'ailleurs que les chrétiens sont trop imbus d'eux-mêmes. Les chrétiens peuvent plus facilement s'unir entre eux pour construire de grandes choses. Le christianisme a aussi ses désavantages. Les chrétiens n'hésitent pas à détruire la Nature et à l'asservir, puisque Dieu la leur a donné (pensent ils). Les africains sont plus humbles et se considèrent comme un élément parmi les autres de la Nature. Ils la respectent. Qui faut-il croire ? Quel est la meilleure des deux attitude ? Que faut-il faire croire aux enfants ? La Modernité et son outil la Science essayent de répondre à ces questions. On étudie la Nature, on essaye de la comprendre, pour vivre le mieux possible avec elle. Parfois la science donne raison aux africains, parfois elle donne raison aux chrétiens, parfois à aucun des deux. L'important est d'essayer de faire pour un mieux et de ne pas se laisser enfermer dans des superstitions.

La sorcellerie est la science de la force vitale. Nous savons que chaque personne à une essence et un fantôme. Encore faut-il que les deux soient liés par la force vitale. Si la force vitale baisse, le tandem essence-fantôme aura des râtés. La personne deviendra malade. Si sa force vitale s'échappe complètement, la personne meurt et son fantôme quittera son corps pour entreprendre son chemin vers l'au-delà.

Si une personne tombe malade, cela veut dire qu'une autre personne est venu lui prendre sa force vitale. Les gens qui font cela sont de dangereux prédateurs, des sortes de vampires. Forcément des sorciers, puisque ce sont eux qui ont la capacité d'agir sur la force vitale. Ils volent l'essence des gens parce qu'ils en ont besoin. Ils se la distribuent entre eux et forment des sociétés secrètes maléfiques. Chaque membre est prié d'apporter régulièrement l'esssence d'une nouvelle victime. Ils la mangeront ensemble. La tribu essaye bien entendu de lutter contre ces gens.

Heureusement il y a aussi les bons sorciers. Bien sûr ils prennent de la force vitale des gens. Mais ils le font de façon écologique, sans causer de grands dommages. On va voir le bon sorcier quand on a un problème de force vitale, c'est à dire quand on est malade. Il se chargera de lutter contre les mauvais sorcier qui ont vampirisé la force vitale du malade. Il tentera de négocier avec eux. Par exemple en leur proposant une chèvre en échange de la restitution de la force vitale. C'est pour cette raison qu'il faut apporter une chèvre au bon sorcier, pour qu'il puisse entamer les négociations. Mais le combat semble bien inégal. Quoi qu'on fasse, des personnes continuent à tomber malade.

Le scientifique scolaire, qui a été rabroué quelques paragraphes plus haut, pointe à nouveau son nez. Il nous dit que cette histoire de sorciers qui se déplacent la nuit et qui font des choses surnaturelles, cela n'a pas de sens. Donc les sorciers mentent. Ils font croire qu'ils se déplacent la nuit pour impressionner les gens. Mais eux-mêmes savent bien qu'il n'en est rien. Ce n'est pas si simple. A mon sens les sorciers vivent réellement ces choses extraordinaires la nuit. Mais en état d'hypnose. Chaque sorcier est sagement en train de "dormir" chez lui. Mais son cerveau est en transe hypnotique. Donc il se voit lui-même en train de se déplacer dans un décors, il prend des décisions, il rencontre des choses... Le lendemain il se réveille ne ayant le souvenir de tout ce qui s'est passé. La question est alors de savoir pourquoi les différents sorciers d'un village ont l'impression d'avoir passé la nuit ensemble, dans le même décors. Il y a sans doute plusieurs explications à cela. Tout d'abord il y a le fait qu'ils ont une culture commune et qu'ils habitent le même lieu. Ensuite, ils se connaissent entre eux et savent donc en gros quelle type de réactions peut avoir telle ou telle personne ou quelles capacités elle a. Un élément important de l'hypnose est qu'elle sera influencée par ce qu'on a décidé consciemment avant de tomber en transe. Donc si plusieurs personnes parlent entre elles et se mettent d'accord sur certaines choses, elles vont forcément ensuite vivre des choses équivalentes. Malgré tout il y a aura des incohérences et des discordances. Mais l'esprit humain est très souple pour cela : on adapte, on oublie, on se persuade, on trouve des explications "logiques"... Donc les sorciers peuvent sincèrement penser qu'ils se promènent la nuit dans les alentours du village, qu'ils se rencontrent et font des choses surnaturelles.

Les sorciers étant capables de gérer la force vitale, ils sont donc capables de créer des choses. Ils font des inventions. Pendant leurs déplacements la nuit ils peuvent voir et faire des choses étonnantes. D'une façon générale, si une personne fait des choses hors du commun, c'est donc un sorcier ou une sorcière. Il est même possible qu'elle en soit un sans le savoir. Si elle n'est pas un sorcier très initié, elle peut ne garder aucun souvenir de ses déplacements la nuit, des choses qu'elle a créées ou des personnes qu'elle a vampirisées. Mais elle l'a bel et bien fait et le lendemain les résultats sont là. Vous-mêmes, vos idées les plus intéressantes ne vous sont-elles pas venues en dormant ? Un sorcier professionnels a parfaitement conscience de ce qu'il fait et est capable de choses impressionnantes.

Une femme qui rend les hommes fous est une sorcière. Son essence de femme est très puissante. Peut-être fait-elle des choses pour augmenter encore son impact, comme bien s'habiller ou regarder les hommes d'une certaine façon. Mais à la base elle ne comprend pas elle-même pourquoi elle fait autant d'effet. Un homme capable de construire et de faire voler un modèle réduit d'avion est un sorcier. Vous pouvez essayer de copier son petit avion avec exactitude, vous pouvez même lui voler son pot de peinture pour que votre avion ait exactement la même couleur que le sien, et bien quand vous lancez le vôtre il tombe bêtement par terre, comme n'importe quel morceau de bois. Tandis que le sien vole au loin et monte haut dans le ciel... Il a réussi à mettre "quelque chose" dans cet avion : une essence, une âme, de la force vitale... allez savoir. Pourquoi un chasseur ramène-t-il plus de gibier que les autres ? Certains diront que son esprit sort la nuit pour voir où se trouve le gibier. D'autres diront qu'il a mieux appris à lire les traces que les animaux laissent dans la forêt. D'autres encore vous diront qu'il a beaucoup de force vitale et que donc il est plus fort et il vise mieux. Peu importe : il ramène plus de gibier que ce qui est normal, donc c'est un sorcier.

La sorcellerie n'est pas spécifiquement liée à la magie ou au manisme. Certains sorciers font de la magie ou du manisme. Mais pas tous.

La sorcellerie est inévitable parce que la tribu a besoin des bons sorciers. Mais les mauvais sorciers sont la source de problèmes très graves, comme le décès prématuré des gens. Les bons sorciers luttent contre eux. Quoique, un bon sorcier peut avoir fait partie d'un groupe de mauvais sorciers... les choses ne sont pas nettes. C'est tout un travail que de gérer cela. On essaye d'initier les futurs sorciers, de s'occuper d'eux pour qu'ils penchent à devenir de bons sorciers. Un système d'inquisition est là pour traquer les mauvais sorciers. Beaucoup de gens dans le village sont plus ou moins sorciers. Les sorciers font des inventions, ils explorent et découvrent des choses nouvelles. Parfois ces découvertes sont bonnes pour la tribu, parfois pas. C'est une fois encore tout un travail que d'essayer de déterminer si un invention d'un sorcier est bénéfique ou non. La sorcellerie, l'invention, sont plutôt l'apanage des jeunes.

La tradition au contraire est l'apanage des personnes âgées. Ils sont l'autorité de la tribu et les gardiens de ses essences. Ils assurent la stabilité, veillent à ce que les règlent soient appliquées. Ils gèrent la case des ancêtres et assurent l'enseignement des plus jeunes.

Pour qu'une tribu vive bien, il faut un équilibre entre la sorcellerie et la tradition. Les vieux doivent laisser les jeunes faire des inventions et explorer de nouveaux territoires. Tout en leur mettant le haut-là quand il y a des dérives, des choses qui peuvent devenir dangereuses. Les jeunes doivent accepter les règles et l'autorité de la tribu. Tout en ayant la possibilité de critiquer les règles et les faire évoluer.

Ces superstitions coûtent très cher aux africains. Ils perdent beaucoup de temps et de moyens à "lutter" contre les "mauvais sorciers". Ils sacrifient des animaux et se méfient les uns des autres inutilement. Une personne qui a été élevée dans ces surperstitions ne peut pas comprendre ce que sont les microbes. Elle ne peut donc pas comprendre les règles d'hygiène, qui sont pourtant le levier le plus imortant de la Santé Publique. Dans certaines régions les africains disent même qu'il ne faut jamais parler des maladies, sinon elles vont arriver. Forcément, dans leur esprit, quand on parle du malheur on atire les vampires. Ces africains-là interdisent aux enseignants ou au corps médical de faire des exposés sur la prévention du SIDA. Vous imaginez les conséquences... La Modernité est sensée balayer cela. Encore faut-ils que tous les africains puissent aller à l'école et aprendre des notions de biologie et de médecine.

Le rationalisme est tout à l'opposé de la magie ou du manisme. Les rationalistes bruts n'ont aucun sentiment pour les choses qu'ils utilisent, aucune sensation. Pour eux tout n'est que leviers et rouages ; une mécanique mathématique et précise. Si une plante peut vous guérir, c'est parce qu'elle contient un produit chimique. Chaque molécule de ce produit chimique est un petit levier, un petit rouage qui va avoir un effet bien précis sur la mécanique des bactéries qui sont la cause de votre maladie. Pour un rationaliste, tout est question de comprendre quels sont les rouages en présence : quelle ficelle relie telle chose à telle chose. Une fois qu'un rationaliste a compris la mécanique d'une chose, il pourra l'utiliser, la transformer ou l'adapter suivant ses besoins. Les machines que fabriquent les rationalistes sont à l'image de leur mode de pensée. Leurs voitures et leurs ordinateurs sont faits de leviers innombrables, de câbles précis et de mémoires exactes.

Les rationalistes font peur. Leur âme semble dénuée d'essence, vide comme le gouffre béant de la mort. Alors que les gens de magie sont gorgés d'essences, ils sont chauds, savoureux. Pourtant les deux sont nécessaires. Une personne qui ne vit que dans la magie peut faire des erreurs graves. Ou ne pas trouver de solution à des problèmes pourtant simples. Une personne qui ne vit que dans la rationalité va elle aussi faire des erreurs. Elle aussi ne trouvera pas de solution dans certaines situations. Pour qu'une personne soit vraiment performante, elle doit vivre les magies tout en faisant preuve de rationalité. Il faut un équilibre entre la magie et le rationalisme. Il faut apprendre les deux.

En informatique, Il y a aussi de la la magie, du manisme, de la rationalité, une tradition et de la sorcellerie.

La mauvaise tradition et la mauvaise sorcellerie sont représentés par Microsoft. Cette entreprise crée des systèmes lourds, peu performants, technologiquement en retard, qui ont été fabriqués en partie en volant des logiciels d'autres entreprises. Ils diminuent l'intelligence de l'utilisateur et son niveau de performance, en le faisant s'effondrer dans des solutions de facilité. Mais presque tout le monde veut l'essence Microsoft dans son ordinateur. Si on n'a pas pas versé le CD d'installation de Microsoft Windows dans son ordinateur, l'utilisateur se sentira mal, angoissé, en déséquilibre. Seule l'essence Microsoft lui apporte le bien-être, la sensation d'être l'homme le plus riche du Monde. Son ordinateur peut planter et faire des gaffes tout le temps, cela n'a pas d'importance. Pourvu que l'essence Microsoft soit là.

La bonne tradition est représentée par les standards ANSI, ISO et POSIX ainsi que par les systèmes de référence Unix, VMS... C'est ce à quoi se réfèrent les grandes entreprises et les gens qui veulent travailler de façon sérieuse.

La sorcellerie en informatique se manifeste de diverses façons. La firme Apple, par exemple, a réalisé de très grands coups de sorcellerie en commercialisant les ordinateurs Apple II et plus tard le Macintosh. Ils ont fait trembler l'informatique sur ses bases. Puis ils n'ont plus rien fait. Ils sont devenus une petite tradition qui survit. Ils ont changé les matériaux avec lesquels leurs ordinateurs sont construits : nouveau microprocesseur très puissant, nouveau design des boîtiers... Mais la façon dont on utilise l'ordinateur, "l'interface utilisateur" est restée presque la même qu'aux premiers jours. A cause de cela c'est devenu le système informatique le plus lent et pénible de la planète. Il faut deux à quatre fois plus de temps si on veut faire un travail avec un Apple Macintosh. Pour une action donnée, il faut de nombreux mouvements de souris, sur de grandes distances à l'écran. Il faut parfois même une action combinée des deux mains, comme si c'était une machine à manivelles. Sur Windows ou sur Linux, vous réaliserez cette même action en deux petits mouvements de souris et deux clics tout simples. Chez Apple la volonté de préserver la tradition a été exagérée. Le résultat est catastrophique. Il y a vingt ans les Macintoshs étaient immensément plus faciles à maîtriser pour les débutants. Actuellement il faut être un débutant motivé et suivre des cours pour réussir à se débrouiller sérieusement avec un Macintosh. Dernièrement la situation semble avoir changé. Apple a adopté un nouveau système d'exploitation, proche de la grande tradition. L'interface utilisateur aussi a changé. Elle conserve des aspects des mauvais jours mais il y a moyen en partie d'y remédier et d'obtenir un système efficace.

La bonne sorcellerie, pour la micro-informatique publique, se manifeste actuellement par exemple dans les logiciels "libres". Des dizaines de milliers d'informaticiens collaborent pour créer des système informatiques de qualité, que tout le monde a le droit d'utiliser. Non-seulement ils font leurs propres logiciels, ils ont même carrément leur propre système informatique : Linux. Ce système respecte le plus scrupuleusement possible les bonnes traditions. Il permet à des millions de personnes de travailler dans de bonnes conditions. Linux est parfois ardu au départ. Parce que les sorciers libres n'aiment pas les petites solutions de facilité. Une fois qu'on a fait l'effort de comprendre les mécanismes, on a en main un outil puissant et fiable. Tout est prévu dans Linux pour que tout qui pourrait le faire, devienne aussi un sorcier. Cette bonne sorcellerie envahit même la mauvaise tradition : de plus en plus de logiciels libres et de systèmes de programmation libres fonctionnent sur les systèmes de Microsoft.

La distinction entre magie et sorcellerie est importante pour comprendre l'approche de l'individu face à l'informatique. Le sujet est ébauché dans le paragraphe 80 du texte suivant :
L'escroquerie en beaucoup de leçons.

Le manisme se retrouve en informatique en ce sens que chaque logiciel créé par un informaticien contient un peu d'intelligence. Il est une reproduction d'une petite portion du fantôme de son auteur. Un ordinateur est donc littéralement un de ces objets capables de contenir un fantôme. On s'en moque souvent, parce que les ordinateurs sont réputés être "très bêtes". Le fait demeure qu'ils contiennent une part d'intelligence et que cette intelligence est disponible pour tout qui veut bien apprendre à l'utiliser. Avec les progrès technologiques, les ordinateurs contiendront des âmes de plus en plus performantes. Il existe depuis longtemps les "système experts". Ce sont des logiciels qui centralisent les compétences de plusieurs personnes. Par exemple de plusieurs médecins ou de plusieurs chimistes. Ainsi ils contiennent un part de l'âme de plusieurs personnes en même temps.

Plus avant que l'état d'esprit magique ou rationnel de l'utilisateur, c'est le processus dans la tête de l'informaticien qui est intéressant. Pour la majorité des gens les ordinateurs fonctionnent très bien (enfin à peu près). Mais ces gens seraient bien incapable d'imaginer la nature du travail qui a été fourni pour que ces ordinateurs et ces logiciels existent. Certains croient même subconsciemment qu'aucun travail n'a jamais été fourni. Pour eux, l'informatique apparaît de la Sainte Lumière de Microsoft. "Microsoft fit apparaître les ordinateurs et Bill Gates vit que c'était bon." Pour d'autres, les logiciels informatiques se trouvent dans les livres et les livres se trouvent dans les bibliothèques. Si vous voulez un logiciel précis, toute la question est de trouver le bon livre. Si vous ne trouvez pas le bon livre, c'est que vous n'êtes pas dans la bonne bibliothèque. Si quelqu'un prétend écrire un logiciel qui ne se trouve dans aucun livre, c'est un fou, un escroc, tout au moins quelqu'un qui n'a pas compris l'informatique. Pour les vrais informaticiens la réalité est bien sûr toute autre. Les logiciels, petits ou grands, ils les construisent de toutes pièces. Mais pour être capable de faire cela il faut des années d'études, de la pratique, des maîtres, d'innombrables lectures et expérimentations...

Un logiciel informatique est à la base quelque chose de strictement rationnel. C'est une séquence d'ordres simples et extrêmement précis, que l'ordinateur exécutera dans un ordre rigoureux. Un peu comme le papier à musique des pianos mécaniques. La bande de papier avance dans le piano et les trous dans la bande font se jouer les notes l'une après l'autre. Si vous avez mis les trous aux bons endroits dans la bande, vous aurez une belle mélodie. Sinon, une cacophonie désagréable, un n'importe quoi. Il suffit de mal placer une seule note pour que l'ensemble devienne un couac immonde. De même la séquence d'ordres d'un logiciel informatique fait s'enchaîner des actions et des calculs qui ont un sens, qui produisent un résultat utile. Savoir créer une séquence d'ordre qui produit un résultat utile, c'est une sorte de puzzle à résoudre. Cela fait intervenir votre intelligence et votre expérience. Le problème de beaucoup de débutants en informatique est qu'ils essayent instinctivement d'aborder le sujet de façon magique. A l'école ou dans des revues, ils voient des exemples de logiciels informatiques. Ils y reconnaissent des commandes ou des ensembles de commandes. Si on leur demande de faire un petit logiciel eux-mêmes, ils vont assembler dans le désordre des commandes qui leur semblent avoir un rapport avec le sujet. Pire : ils vont faire un amalgame de langage parlé, d'algèbre mathématique et de ces commandes. Ils sont comme un jeune enfant qu'un chef coc a prié d'épicer les plats. Le résultat est radicalement inefficient. Pour apprendre l'esprit informatique à ces débutants, il y a des trucs. Par exemple leur demander d'être un ordinateur. Il faut leur soumettre de petits logiciels et leur demander d'en exécuter les ordres pas à pas, en les reprenant à chaque erreur. On peut même faire cela avec de jeunes enfants, à condition d'utiliser un langage informatique adapté. Il faut leur faire manipuler des choses concrètes autour d'eux ou les faire se déplacer dans la pièce. On peut aussi leur demander de s'écrire des logiciels les uns aux autres, pour se faire faire des choses. Un deuxième truc consiste à focaliser l'attention des étudiants sur les commandes informatiques en elles-mêmes. Par exemple en leur montrant beaucoup de logiciels qui ne sont faits que de une, deux, maximum trois commandes. Enfin, une voie très importante mais que l'on oublie trop souvent, est de leur montrer plusieurs logiciels différents mais qui font tous la même chose. Car il n'y a jamais une seule solution à un problème informatique donné. Beaucoup de débutants restent bloqués parce qu'ils ne trouvent pas "la" solution. Alors qu'ils doivent seulement trouver "une" solution.

Une fois qu'un jeune informaticien a appris la rigueur et la pauvreté rationnelle du langage informatique, il faut lui réapprendre la magie. Car on ne va nulle part en informatique en étant strictement rationnel. Quand vous avez un logiciel sérieux à écrire, qui fait des choses ambitieuses et concrètes, vous ne pourrez jamais trouver comment le réaliser en essayant simplement de disposer des suites de commandes. Il y en a trop. Il faut d'abord que votre instinct d'informaticien vous fasse deviner quelle "genre" de choses globales vous pourriez bien assembler pour réaliser un logiciel de cette nature. Ces genres de choses ont toutes leur saveur. Un ensemble que vous construisez avec aura la saveur de l'objectif visé ou ne l'aura pas. Ce n'est que pour l'assemblage des détails qu'il faudra faire usage de rigueur et de rationalité. La différence entre un bon magicien et un rationaliste appliqué peut être grande. Je me souviens d'un ami qui venait de commencer des études d'informatique. Depuis deux semaines il travaillait avec d'autres étudiants à réaliser laborieusement un logiciel demandé par un professeur. Il était en train d'y mettre la touche finale. Il y en avait pour trois pages de commandes. Quand il m'a expliqué ce que le logiciel était sensé faire, j'ai souri. Un quart d"heure après je lui tendais une demi page. Mon logiciel devait bien être cinq fois plus rapide que le sien. Il m'a assuré qu'il était impossible que mon logiciel fonctionne. Bien sûr il fonctionnait.

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