Saturday, October 9, 2010

QUELQUES ORIGINES DE LA CRISE IVOIRIENNE





La Côte D’ivoire traverse une grave crise politique. les causes, les origines et les conséquences éventuelles de cette crise.
Je suis, Bernard DOZA, un ivoirien venu en France en 1977, poursuivre des études universitaires. Au vu de la situation des pays africains, militant et étudiant anti-impérialiste, je suis devenu journaliste le 25 septembre 1983 grâce à une émission que j’ai créée sur Radio Média Soleil, intitulée « EXIL ». Cette émission avait une spécificité du fait de ma formation politique de militant: Je voulais donner la parole aux opposants politiques d’Afrique francophone. C’est avec cette émission, recevant les opposants tous les dimanches jusqu’en 86, que j’ai été recruté comme journaliste à Média Tropical, (anciennement Tropic FM). J’y ai aussi fait d’autres émissions. Depuis j’ai été conseiller des présidents Blaise COMPAORE et Abdou DIOUF suite à des évolutions dans ces pays au moment des élections du 28 février 88 et, en ce qui concerne le Burkina Faso, au lendemain de l’assassinat de Thomas SANKARA.
Je suis toutefois toujours resté à Paris où à l’aide de mes émissions politiques j’ai aidé à promouvoir des opposants politiques tels Laurent GBAGBO en un temps où les différents soubresauts politiques en Côte d’Ivoire ne permettaient pas d’entrevoir les perspectives d’avenir.
LES FAITS NOUVEAUX DU 19 SEPTEMBRE 2002
Le Grand Soir Info : Depuis le 19 septembre 2002 , une mutinerie de soldats semble s’être transformée en tentative de coup d’Etat. De quoi s’ agit-il ?
Bernard Doza :
Rappelons que c’est la troisième tentative de renversement du pouvoir GBAGBO. Mais cette fois c’est plus grave, car il y avait non seulement intention de tuer à grande échelle, mais l’échec du coup d’état a vu aussi naître une rébellion armée contre la REPUBLIQUE laquelle a maintenant transformé la moitié du pays en « Zone de résistance ».
Dans cette tentative de coup d’état, le plus important à mon avis, ce n’est pas la méthode utilisée pour parvenir au renversement du pouvoir mais le pourquoi de la déchirure... Depuis 1960, les ivoiriens ne sont pas d’accord sur les méthodes de gouvernement et même avec le président de l’époque. Mais ils étaient étouffés, emprisonnés voire assassinés par HOUPHOUET.
En 1990, à la chute du mur de Berlin, ils ont tenté de dire non à la dictature, et ils ont été floués à travers le décret du Multipartisme du 30 Avril, qui entérinait la confiscation de la révolution du peuple par la petite bourgeoisie sortie du PDCI. Depuis cette époque la volonté populaire du changement se cherche des leader pour renverser les institutions et les dignitaires de l’ancien régime.
Lorsqu’en 1990 GBAGBO crée le Front Populaire Ivoirien, le peuple le croit capable de chevaucher ces revendications jusqu’à la chute du système mais HOUPHOUET meurt en héros et depuis c’est l’incertitude....
DE HOUPHOUET A OUATTARA
Le Grand Soir Info :
Monsieur DOZA pouvez-vous évoquer pour nous quelques uns des fondements de la crise que vit en ce moment la Côte d’Ivoire?
Bernard DOZA :
Il faut toujours revenir à l’histoire. Et pour saisir ce qui arrive, il faut remonter jusqu’en 1909 lorsque la guerre coloniale battait son plein en Côte d’Ivoire. Toutes les tribus étaient hostiles à la pénétration coloniale. L’une d’entre elles les Akouès (Baoulés) a alors trahi les autres en s’engageant au côté des colons. En guise de remerciement ces derniers avaient scolarisé une des pupilles de la chefferie traditionnelle, en l’occurrence, Félix HOUPHOUET BOIGNY.
Quand en 1925, M. KOUASSI-NGO (l’oncle d’HOUPHOUET) meurt, et que ce dernier devient chef traditionnel, c’est un gouverneur colonial (Maurice DELAFOSSE) diligenté par la France qui devient conseiller politique d’HOUPHOUET. C’est ce gouverneur colonial là, qui crée la première association des personnes originaires de Côte d’Ivoire. Et conséquemment lorsque HOUPHOUET forme la bourgeoisie africaine dans les années 1930, c’est essentiellement et majoritairement avec de jeunes Akans. A regarder la liste des huit (8) principaux bourgeois qui ont été à la base de la création du Syndicat Agricole Africain en 1944, force est de constater que la majorité d’entre eux est Akan.
Aussi pour comprendre les convulsions que nous vivons aujourd’hui, il faut dire que c’est en partie parce que cette philosophie de l’ivoirité qui a été écrite par M. BEDIE en 1994, puise ses sources dans le pouvoir Akan qui ne veut pas céder la place à une véritable démocratie en Côte d’Ivoire : c’est là, à mon sens, le fond du dossier. Ce pouvoir Akan se met en place dès 1945, lorsqu’au lendemain de la guerre, la France lance à Paris une Assemblée Constituante et demande à l’Outre-Mer d’envoyer des députés. Un grande campagne démarre et confronte d’abord deux principaux candidats : OUEZZIN COULIBALY de la Haute-Volta (puisque les deux pays par la grâce coloniale formaient une même entité) et HOUPHOUET qui venait de la Basse-Côte.
Au cours de la campagne électorale, OUEZZIN était populaire et en avance de presque dix voix au premier tour. Houphouet, déséquilibré, décida de faire campagne sur un thème xénophobique dans le centre et le sud, principalement à Bouaflé, Tiébissou et Sakassou avec des slogan contre les étrangers Mossi. OUEZZIN au vu de ce discours haineux, s’est alors désisté au second tour et a appelé les Voltaïques à voter pour Houphouet.
Dans le même temps il y avait un autre candidat choisi par le parti progressiste : c’était SEKOU SANOGO. Il présentait sa candidature à MANKONO. A Mankono, SANOGO était majoritaire comme dans toute la partie Nord du pays. Et c’est à cause de cela, que la victoire d’Houphouet n’a été proclamée que le 25 novembre. HOUPHOUET BOIGNY ne l’a jamais oublié. C’est aussi l’une des raisons de ce retard dans le développement dont souffre le grand Nord en Côte d’Ivoire.
HOUPHOUET BOIGNY fut le premier à avoir instrumentalisé la xénophobie à l’orée de l’indépendance en 1945. Dès 1958, il approche un jeune Bété, PEPE PAUL, à qui il donne les moyens de créer la ligue des originaires de Cote d’Ivoire. Il faut rappeler que, selon les historiens et même les contemporains tel Samba Diara, c’est le même PEPE PAUL avec d’autres amis comme Groguhet qui, en 1962-63, a servi d’élément catalyseur pour le complot de 1963. HOUPHOUET BOIGNY a ainsi pu briser la dynamique d’une jeunesse qui sortait de la colonisation, galvanisée par Amadou Kone, arrêté et mis en prison. Ce fut lors du complot de 63 appelé le Complot du chat noir que l’on a donc assisté à la première phase de l’élimination de l’élite nationale.
Et pendant que la ligue des originaires, créée en 1958, organisait le lynchage des Dahoméens puis des nigérians en 1968, des maliens en 1975, des mauritaniens en 1982, des ghanéens en 1988 et 1992, HOUPHOUET BOIGNY nommait des étrangers connus qui ne s’étaient même pas donner la peine de changer de nationalité pour devenir ministre en Côte d’Ivoire. On compte parmi eux Amadou Thiam qui avait épousé la propre sœur d’Houphouet, Amoin, Mohamed Diawara, malien d’origine (depuis qu’il n’est plus ministre, il s’est installé au Mali, précisément à Bamako) et Aboulaye Sawadogo (Burkinabé).
Il faut comprendre que le peuple de Côte d’Ivoire vivait entre deux frustrations . Voilà pourquoi les étrangers ouest africains vivant dans le pays subissaient régulièrement les affres de la xénophobie lors des crises politiques, pendant que d’autres étrangers originaires de la bourgeoisie étaient au sommet de l’Etat. Cette frustration combinée va être le lot commun des ivoiriens jusqu’en 1990 lorsque HOUPHOUET BOIGNY, sentant ses forces l’abandonner, décide de nommer un jeune baoulé considéré comme son fils (ce que moi même j’ai écrit dans mon livre « liberté confisquée »). Il s’agit de Henry Konan Bedié dont le curriculum politique national aurait eu peu de chances d’être plébiscité par le peuple ivoirien.
Henry Konan Bedié nommé Ministre de l’Economie en 1966 avait en effet profité de la constitution pour percevoir 1% sur chaque aide perçue par la Côte d’Ivoire. Il a d’ailleurs fêté ses 7 milliards en 75, détourné plus de 35 milliards des usines sucrières du Nord en 77 jusqu’à ce que HOUPHOUET BOIGNY lui même soit contraint de le chasser du gouvernement. Il est alors parachuté à la Banque Mondiale et revient en 1980 au nom de ce que l’on a appelé, dans le temps, « la démocratie dans le parti unique ». Il se fait élire à Daoukro comme député et finance la campagne des jeunes députés du parti unique qui n’avaient pas de moyens, lesquels, une fois élus à l’Assemblée Nationale le plébiscitent comme Président de cette institution pour l’aider à prendre le pouvoir.
HOUPHOUET BOIGNY va jusqu’à sacrifier Yace Philippe connu depuis les années 60. En 1963, à l’occasion du complot de 1963 il avait officiellement accusé ses propres amis d’avoir voulu tuer HOUPHOUET BOIGNY. C’est le même Yace qui a géré la crise entre la Côte d’Ivoire et la Guinée en insultant chaque jour à la radio Sekou Touré (le président guinéen)et qui est brisé alors qu’il apparaissait comme le dauphin au congrès de 1980 à Abidjan. A l’issue des débats, Yace revient du congrès sur une civière au profit de Henry Konan Bédié qui en 1990 était encore Président de l’Assemblée Nationale.
Il était donc devenu nécessaire de nommer quelqu’un qui pourrait tromper le peuple ivoirien. Voilà comment est arrivé Alassane Dramane Ouattara, nommé premier ministre, à qui on a demandé d’établir les cartes de séjours des étrangers africains, de privatiser, d’opérer les relèvements fiscaux, de faire ce que n’avait pas osé faire HOUPHOUET BOIGNY et encore moins son gouvernement. Une fois Alassane Dramane Ouattara devenu impopulaire dans le pays, on pouvait, HOUPHOUET BOIGNY étant décédé, instruire la philosophie de l’ivoirité et lui barrer la route du pouvoir.
On avait cependant compté sans son sens de la stratégie politique et son armée de conseillers. Constatant que sa position en Côte d’Ivoire était déséquilibrée du fait qu’il avait des origines burkinabé (Burkina Faso) que fait-il au cours d’une conférence à Paris ? il annonce officiellement qu’on ne veut pas de lui comme candidat en Côte d’Ivoire parce qu’on ne veut pas d’un musulman pour Président. Dès lors tous les Dioulas, tous les commerçants pour la plupart originaires du Nord, ont commencé à soutenir Alassane Dramane Ouattara.
A partir de 1994, notre pays est entré dans une phase d’affrontement Nord/Sud et c’est sans aucun doute le fruit de tractations politiciennes mises au point par HOUPHOUET BOIGNY pour préserver le pouvoir aux Baoulés et aux Akans. Henry Konan Bedié, ayant pris le pouvoir, logiquement il devait le perdre au profit du neveu d’ HOUPHOUET BOIGNY, Charles Banny qu’il a pris soin de nommer gouverneur de la BCAO au lendemain de la nomination d’ Alassane Dramane Ouattara comme premier ministre. L’explosion à laquelle nous avons assistés depuis l’an 2000, au lendemain du coup d’Etat, n’est que le résultat d’une philosophie que, nous qui nous battons pour la démocratie en Côte d’Ivoire , n’avons jamais voulu partager et encore moins porter à bras le corps. Ceux qui ont décidé de le faire en sont aujourd’hui pour leurs frais. Le pays est divisé en deux, et c’est une preuve de l’échec politique de ceux qui ont lutté depuis les années 80 pour la démocratie en Côte d’Ivoire sans remettre en cause la gestion néo-coloniale.
LA SITUATION ACTUELLE ET L’HERITAGE DE BEDIE : L’ECHEC D’UNE VISION
Le Grand Soir Info :
Quel regard jetez-vous alors M.Doza sur la crise qui secoue votre pays ?
Bernard DOZA :
Ce que je constate, c’est d’abord l’échec d’une vision de la société ivoirienne ; pour ne pas dire d’une certaine pratique de la démocratie. Or je n’ai pas lutté, pas plus que mes amis, pour que en Côte d’Ivoire le Sud se batte contre le Nord, les Bétés contre les Dioulas et encore moins les Bétés contre les Baoulés ou vice versa. La Côte d’Ivoire doit se battre pour construire une NATION. Et le problème fondamental est de savoir avec qui nous allons construire cette nation.
Ce qui nous manque en Côte d’Ivoire ce sont des hommes à la légitimité forte qui soient capables de voir ce dont la Côte d’Ivoire a besoin en tant que puissance régionale économiquement parlant, pour asseoir sa position dans la sous région et contribuer à son développement. Il est patent que le système que nous avons choisi à travers l’ancien Président BEDIE fondé sur une philosophie de la séparation raciale ne peut réussir. Et c’est pourtant cette même philosophie délétère qui a été reprise par des opposants , anciennement socialistes, pour préserver et conserver le pouvoir.
Aujourd’hui que le pays est divisé en deux, je crois qu’on peut parler de l’échec d’une philosophie et d’une politique.
OPPOSITION BETE/BAOULE ET MIRAGES DU DROIT DU SANG
Le Grand Soir Info :
Comment se fait-il qu’aujourd’hui l’opposition Bété /Baoulé qui fut longtemps entretenue est devenue caduque et qu’on désigne aujourd’hui les Dioula comme la bête noire des ivoiriens ?
Bernard DOZA :
Il ne faut pas avoir la mémoire courte. Dès 1957, en même temps que HOUPHOUET BOIGNY considérait le Nord comme l’ennemi à cause de la candidature de Sekou Sanogo, il avait coopté au Nord quelques Dioula qu’il exhibait comme des éléments de l’intégration. C’est ainsi qu’il a pris un Dioula né à Daloa, Diarassouba pour la région de Gagnoa. Diarassouba a été tué en 1957 à Mahidjo et au lendemain une expédition militaire partie d’Abidjan conduite par des gardes mobiles avait frappé à l’époque la ville de Gagnoa. Cela est inconnu du peuple.
C’est donc à partir de cette opération, commanditée par Dignan Bally et Djedje Capri que les Bétés sont entrés dans le collimateur du pouvoir. Tout le temps qu’ HOUPHOUET BOIGNY a régné dans le parti unique, les Bétés étaient considérés comme l’ennemi du pouvoir, mais ce qui me fait aujourd’hui tiquer, c’est qu’au moment où les Bétés étaient considérés comme l’ennemi du pouvoir de 1957 à 1993, aucun intellectuel ivoirien ne s’est levé pour dire : ce n’est pas normal. Et pourtant les Bétés subissaient les affres de la dictature. Quand on était Bété en Côte d’Ivoire, on était considéré comme palabreur, révolutionnaire et anti-social. On vous refusait même la location d’une maison. Plus grave, des emplois vous étaient aussi refusés parce que vous êtiez simplement un Bété. Et cela avait même conduit avant 1990 à ce qu’on appelle depuis « l’immigration dans le milieu Bété » vers les pays européens et d’autres pays africains parce que dans leurs propre pays ils étaient mis au ban de la nation.
On sait qu’en 1982, une simple manifestation provoquée par les étudiants à qui on venait de refuser un débat à l’université, avait été l’occasion pour HOUPHOUET BOIGNY de dire qu’il avait été victime d’un complot Bété. On avait cité trois Bétés à cette occasion ( Laurent Gbagbo, Kipre et Zadi). Ils se plaignaient de l’obscurantisme. A cette époque là, faisaient partie du gouvernement ceux là même qui brandissaient les plumes pour servir le régime en place. Il y avait M. Bala Keita, qui était le griot de service d’ HOUPHOUET BOIGNY en tant que ministre de l’éducation. Il y avait M. Dola Fologo, le directeur appointé de Fraternité Matin. [1]. Il y avait M. Gaoussou Kamissoko qui était du Nord et qui avait écrit la fameuse idéologie du rapprochement entre HOUPHOUET BOIGNY et le régime fasciste de l’Apartheid. Mais tous ces gens mangeaient avec HOUPHOUET BOIGNY. Alors on ne comprend pas aujourd’hui que lorsque HOUPHOUET BOIGNY dans sa stratégie élaborée pour éviter un affrontement Bété / Baoule dès sa disparition ait amené un homme du Nord qui avait quitté la Côte d’Ivoire depuis l’âge de 10 ans et adopté la nationalité de ses pays d’adoption, à revenir en 1980 comme Gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest pour le nommer Premier Ministre là où tous les nationalistes de Côte d’Ivoire ont été tués, là où tous les gens du Nord ont été écrasés, les gens du Sud tués et ceux du centre fragilisés. Houphouet a nommé Ouattara Premier Ministre alors que la question de sa nationalité prêtait déjà à confusion. Et Ouattara veut devenir aujourd’hui Président de la République même au prix de divisions dans le pays.
J’ai pourtant moi même, Bernard DOZA, dénoncé Laurent Gbagbo dans « Liberté confisquée » dès novembre 1991 comme ayant été phagocyté par le régime Akan-Baoule donc devenu une sorte de HOUPHOUET BOIGNY en miniature chargé dans la logique de cette domination de faire le sale boulot des Akans, c’est-à-dire de balayer tous les ennemis des Akans pour leur permettre de revenir au pouvoir par la voie légale.
Je suis donc étonné que les intellectuels du Nord s’élèvent pour dire que le tribalisme s’est déplacé à l’Ouest et qu’aujourd’hui nous assistons à une épuration dans l’armée, que cette armée est en train d’être récupérée par leq Bétés, et je vous pose la question : Depuis le 26 octobre, qui tue en Côte d’Ivoire ?
Les 57 corps du charnier de Yopougon, les 8 gendarmes qui ont été arrêtés et passés devant les tribunaux, il n’y avait pas un Bété parmi eux. Au contraire, celui-là même qui dirigeait les escadrons de la mort est un Gouro, le commandant Gbekpa. Or les composantes de l’armée ivoirienne, de la garde républicaine et de la gendarmerie du régime HOUPHOUET BOIGNY était en majorité des Baoules, des gouros qui sont leurs parents, le reste étant de l’Ouest. Mais à l’Ouest on choisissait les combattant chez les Guere et les Yacouba.
Le grand problème de la Côte d’Ivoire aujourd’hui, c’est l’ivoirité. Concept inventé par les AKANS pour démontrer à la face du monde que si les Akans ne sont pas au pouvoir, le pays, la Côte d’Ivoire est ingouvernable. Aujourd’hui depuis les évènements du 19 SEPT 2002 HOUPHOUET BOIGNY est devenu plus populaire que n’ importe lequel des présidents qui se sont succédés après lui. Pourquoi ? Même les mutins regrettent la Côte d’Ivoire d’ HOUPHOUET BOIGNY et proposent qu’on revienne à la constitution néocoloniale qui avait été élaborée en France par des juristes français et ensuite lue à haute voix et proposée à l’assemblée nationale du parti unique qui l’a adoptée par acclamation le 3 novembre 1960. Alors qu’une constitution est une loi fondamentale , l’essence d’une nation.
En Côte d’Ivoire nous avons trois nations : les AKAN, les KROU et les MANDE. Il faut que ces trois nations s’assoient autour d’une table pour écrire une Constitution qui va intégrer les tenants et les aboutissants de chaque peuple sur laquelle tout le monde peut prêter serment et à partir de laquelle chacun peut se définir comme ivoirien. Je dis que la Côte d’Ivoire de demain c’est la Côte d’Ivoire où celui qui veut être ivoirien doit avoir la nationalité ivoirienne ; celle où un enfant qui est né en Côte d’Ivoire devient ivoirien à sa naissance . Que lorsqu’un africain a plus de 10 ans en Côte d’Ivoire et veut être ivoirien , il lui suffise de faire une demande pour le devenir. Car, nous connaissons trop bien le droit de sang : Ce n’est pas aujourd’hui dans un pays comme la Côte d’Ivoire où nous avons 5 millions d’étrangers pour 16 millions d’habitants que nous allons nous soumettre à ces dérives.
QUI EST MR GBAGBO ET QUEL JEU JOUE-T-IL ?
Le Grand Soir Info :
Que devrait faire M.LAURENT GBAGBO, historien de formation, pour échapper aux pièges de cette manigance politique concoctée depuis l’ère Houphouetiste ?
Bernard Doza :
Lorsque Laurent est arrivé en France en 1982, il est venu avec une conception idéologique fondée sur l’idée d’une transition pacifique vers la démocratie. Nous, étudiants, ivoiriens de Paris, étions dans les partis et les mouvements politiques. Personnellement, j’étais dans le parti socialiste et révolutionnaire de Fulbert Kouassi, avec qui nous avions déjà à l’ époque tenté de lancer des perspectives pour un changement véritable en Côte d’Ivoire Quand il est arrivé je l’ai reçu le 25 Décembre 1983 sur les ondes de la radio. Depuis ce jour, nous avons ensemble lancé le mouvement Ivoirien pour les droits démocratique.
Nous n’avons jamais partagé la même vison politique. Eux étaient pour une transition pacifique vers la démocratie, nous, nous étions des nationalistes de gauche, des révolutionnaires, qui voulions changer la Côte d’Ivoire en remettant en cause la gestion Néo-coloniale. Eux ont voulu contraindre le pouvoir en place, dans une logique d’alliance, afin d’éviter une guerre civile à la Côte d’Ivoire ; celle à laquelle nous assistons précisément aujourd’hui. Il n’a pas de doute que c’est parce que la bourgeoisie a vu que son pouvoir allait à la perte qu’elle a fomenté une division nationale fondée sur le concept d’ivoirité de sorte que demain, elle puisse jouer un rôle de sauveur et faire cesser les troubles tout en préservant ses privilèges.
Mais lorsque vous regardez bien le parcours, vous vous rendez compte qu’en 1982 ( parce qu’ il y a aussi l’histoire des hommes et celle des peuples), le PDCI a récupéré les Bété comme fer de lance de la dictature . Au moment où HOUPHOUET BOIGNY vieillissant commence à mener la bataille contre les multinationales dès les années 80, c’est en 1982 qu’un Bété est dénoncé avec deux de ces complices, comme étant à la tête du complot Bété. Ce Bété est choisi par les éléments modérés Baoulés du gouvernement. On prend dans la frange Bété, qu’ on a combattu comme ennemis du pouvoir, un élément avec qui on se met d’accord pour une transition pacifique. Ce sont donc ces Baoules modérés, qui font sortir Gbagbo de la Côte d’Ivoire et l’ amènent à Paris. Et à la fin de son exil, c’est encore eux qui viennent le chercher par le biais de Aboulaye Diallo, un parent du dictateur HOUPHOUET BOIGNY en personne.
En 1990, Gbagbo crée son parti. Qui finance ? Un bourgeois agraire, Sansan Kouao, c’est encore un Akan. Donc ce Bété phagocyté va agglomérer autour de lui toute la frustration du peuple Bété qui va le considérer comme le dernier des leaders qu’il ait connu : Biaka Boda ayant été tué en 1950 ; Dignan bailly étant mort dans des conditions misérables a Gagnoa en 1969, emprisonné par Leon Konan Kofi, anciennement préfet de Gagnoa ; Christophe Gnangbe ayant été tué en 1970 en compagnie de ses partisans à Ganoa. Ainsi les Bété qui ont perdu beaucoup de leurs leaders dans la répression voient Gbagbo porté par la bourgeoisie baoulé au pouvoir et se considèrent désormais comme les dépositaires d’un pouvoir qui les avait martyrisé. Même s’il ne s’agit que d’un mandat limité, on est prêt à établir un cordon autour de Gbagbo. Voilà donc, à mon sens, la démarche qui galvanise le soutien ethnique.
Mais en réalité c’est une démarche de participation à la préservation du pouvoir Akan. Quand Gbagbo se présente contre HOUPHOUET BOIGNY, en 1990, c’est pour garantir une bonne sortie au dictateur. Quand HOUPHOUET BOIGNY meurt, au moment où le peuple Ivoirien attendait de Gbagbo qu’il lance l’insurrection, que faisait ce dernier ? Il négociait un gouvernement d’ouverture avec Henri Konan Bedié dans son bureau.
LA PUISSANCE INDUSTRIELLE FRANÇAISE ET LE ROLE DE LA PREMIERE GENERATION DES CHEFS D’ETAT AFRICAINS
Le Grand Soir Info :
Comment M .DOZA explique la passivité de la France dans ce conflit qui déchire son pays ?
Bernard Doza
Pour comprendre l’apparente passivité de la France dans ce conflit, il faut revenir aux origines de la puissance industrielle française dès le 19éme siècle et faire le lien avec le rôle spécifique qu’a joué au profit de France la première génération de chefs d’états africains à l’orée des indépendances. Il faudrait approfondir la question, mais je vais dans l’immédiat tenter de résumer mes pensées.
La France est un petit pays, beaucoup d’africains ne le savent pas. Un petit pays dont le capitalisme a été bâti par Napoléon a partir de 1802. Elle n’a pas de ressources naturelles, elle a du raisin pour fabriquer le vin, du blé et du charbon. Avant Napoléon, jusqu’au Directoire, la France envoyait le raisin à Londres et c’est là qu’on fabriquait le vin. Quand Napoléon a pris le pouvoir il a voulu porter la révolution française dans tous les pays européens, et quand il a conquis le pouvoir, il a obligé ces pays a faire un blocus autour de l’Angleterre pour l’empêcher d’exporter ses produit manufacturés vers les autres pays européens. Il a ensuite convoqué une réunion de tous les industriels a Paris, pour déjà jeter les bases d’un mécanisme de fabrication de ces produits industriels. Cela c’est passé au Palais du Louvres, et c’est à partir de ce moment que la France a commencé petit a petit à saisir la technologie permettant de traiter ses matières premières.
Et donc si on ne connaît pas l’histoire de la France, on ne peut pas comprendre le retard des pays africains. La France en 1885, était le seul pays parti à Berlin exhiber les traités signés par les chefs traditionnels en vue de l’accaparement des pays africains. Sur ce plan là, elle a fait la guerre à l’Angleterre et n’a cessé de lutter et contester la position de l’Angleterre dans ses possessions en Afrique [2]. La France se sentant faible économiquement à l’intérieur de son continent, elle avait besoin des richesses des pays Africains. C’est ainsi qu’elle a hérité de 12 pays africains.
Au lendemain de la première guerre mondiale l’Allemagne qui a été battue a cédé, suite au traité de Versailles, ses quatre colonies qui furent partagés en deux. La France a pris le Togo et le Cameroun, la Tanzanie et la Namibie revenant à l’Angleterre. Si donc on s’intéresse à la situation on réalise que cette France là est toujours présente. Et l’erreur commune que font souvent les dirigeants Africains c’est de croire que l’indépendance factice octroyée en 1960 fut une indépendance réelle . Or qu’est ce qu’une indépendance si ce n’est la liberté pour un peuple de reprendre son pays les armes à la main et ce, à l’issue de luttes et de faits de résistance contre l’occupant.
Le problème est qu’en Côte d’Ivoire nous n’avons jamais résisté à l’occupant français . La France de De Gaulle, voyant qu’elle perdait ses colonies de l’Indochine et de l’Algérie s’est empressée, après que les Américains l’aient chassée du Vietnam, d’octroyer des indépendances factices aux 14 pays africains francophones. Ces indépendances avaient pour fonction de museler les velléités d’indépendance des indigènes à l’intérieur des pays en question. La France a fait en sorte que tous les chefs d’état qui ont pris le pouvoir dans ces pays fussent ceux qu’ elle avait elle-même choisi. Et ces chefs d’Etat n’avaient pas pour fonction de porter la destinée de leur peuple mais de garantir les intérêts de la France. Maintenant nous sommes sortis de l’ère de cette première génération de chefs d’Etat .
Pourquoi la deuxième génération a- t -elle des problèmes ? c’est parce que la deuxième génération qui a fait l’école des indépendances africaines s’imagine que l’indépendance avait un contenu. Chaque fois que cette génération affirme sa volonté de travailler au développement des populations apparaît un ennemi venu de nulle part qui entre dans le corps d’un frère de votre classe ou de votre chambrée et qui vous tue pour le compte des multinationales .
Aujourd’hui c’est la même donne qui se renouvelle malgré la transition pacifique en Côte d’Ivoire. Certains ont voulu se hisser au pouvoir en s’alliant avec une bourgeoise extravertie compradore datant de l’époque néo-coloniale tout en prétendant améliorer la condition du peule ivoirien par le biais d’une remise en cause des intérêts néo-coloniaux. De telles dispositions d’esprit comprennent le risque que leur propre pouvoir soit remis en cause et de fait, aujourd’hui, il y a mutinerie au nord.
La question fondamentale est que la mutinerie a lieu au moment même où le pouvoir FPI qui veut développer la Côte d’Ivoire entend exiger au nom des Ivoiriens les recettes fiscales que beaucoup d’entreprise en Côte d’Ivoire ne payent pas depuis l’époque de la dictature, parmi lesquelles de nombreuses entreprises étrangères. Il ne faut pas oublier qu’en 1959 la France, lorsqu’elle a donné l’indépendance à la Côte d’Ivoire, a imposé à Houphouet Boigny la signature d’un code d’investissement qui permettait aux entreprises françaises de piller notre pays et de rapatrier les capitaux sans payer taxes ni impôts. De fait, si aujourd’hui un nouveau pouvoir arrive et qu’il veut remettre en cause ce code d’investissement, cela veut dire qu’il se met lui même en danger. Pour remettre en cause ce code d’investissement, il faut d’abord une révolution nationale qui renégocie tous les accords signés avec la France.
Mais si rien n’a été négocié comment voulez faire comprendre à des gens comme Bouygues et Bolloré qui considèrent la Côte d’Ivoire comme une vache à lait, que leurs contrats arrivent à terme ? Et qu’en 2004 vous allez lancer un appel d’offre international qui vous permette de choisir parmi les multinationales celles à qui vous ouvrirez les marchés ivoiriens, celles dont l’action bénéficiera réellement aux ivoiriens et permettra de sortir du sous développement. Dans le même temps, quand vous dites cela, vous savez déjà que certaines d’entre elles vont en sous main armer des bandes de dissidents réfugiés dans les pays tiers et en quête perpétuelle de moyen de subsistance. Ceux là, qui tout d’un coup voient une mangue leur tomber du ciel, des armes neuves, des pataugas neuves, des treillis neufs, des liquidités fraîches, vont s’auto définir comme rebelles, revendiquer le droit de vous juger et au delà de ces droits exiger la démission du chef de l’état ou l’organisation de nouvelles élections ; au risque de faire revenir au pouvoir ceux là même qui étaient à la base des intérêts coloniaux.
« IL FAUT SE PASSER DE GUEI, DE BEDIE ET DE OUATTARA, POUR CONSTRUIRE UNE COTE D’IVOIRE NOUVELLE »
Le Grand Soir Info :
Que répondez vous aux réfugiés politiques ivoiriens (résidant aux USA) Fatou Gaye et Timoko Coulibaly qui disaient dans le journal burkinabé l’observateur quotidien qu’ « il faut se passer de Guei, de Bédié et de Ouattara, pour construire une Côte d’Ivoire nouvelle » ?
Bernard Doza
Je demande aux jeunes de lire au moins le programme du RDR et ne pas adhérer pour la seule raison qu’ils viennent du nord. J’entends Guillaume Soro du MPCI dire « je n’ai pas choisi de naître au nord » et qu’il était membre du FPI avant de se rendre compte que Gbagbo trompait tout le monde. Moi Doza je n’ai eu besoin d’aller à Abidjan avec Gbagbo pour comprendre qu’il trompait tout le monde mais Soro a-t-il aujourd’hui la garantie que Ado, qui est un bourgeois venu du FMI, ne peut pas le tromper comme Gbagbo ?
Ce que nous voulons construire aujourd’hui en Côte d’Ivoire, c’est une nation ivoirienne. Ce qui doit unir les ivoiriens du nord, du sud, du centre , de l’ouest et de l’est, c’est l’idéologie politique . Quand j’adhère à un parti politique c’est que je crois à l’idéologie de ce parti . Je crois que dans les déclarations qui ont été faites, on parle de Bété de Dioula. Ce n’est pas le langage de notre génération. Nous, nous sommes nés dans les villes, dans les faubourgs et avons vécu dans les cours communes avec des ressortissants de toutes les régions. Ce que nous voulons bâtir aujourd’hui c’est une nation, une société sans ethnie .
Quand Guillaume Soro est passé à Paris en 1999, nous avons discuté. Martial AHIPAUD était là. C’était à la maison des étudiants de Côte d’Ivoire dans le 13ème arrondissement . On mangeait un repas et je le lui avais dit puisqu’il était de la dernière génération de la FESCI . Il fallait qu’il fasse en sorte de ne pas tomber dans le piège des leaders issus du PDCI RDA. Ces leaders là n’ayant pas un programme mobilisateur national, utilisent leurs régions et leurs ethnies en guise de programme . Aujourd’hui au FPI, c’est 95% de Bété, au RDR c’est 95% de Dioula, le PDCI c’est 95% de Baoulé. Tout cela n’est plus acceptable.
La France a plus de 300 ethnies mais aujourd’hui en France on ne parle plus d’ethnie. Chaque fois qu’un problème se passe en Afrique on commence à parler de religion ou d’ethnie. Moi je veux croire ni aux ethnies ni aux religions. J’aimerais que la jeunesse ivoirienne suive mon exemple. Quand le FPI a pris le pouvoir c’est Doza qui fut son premier ennemi. C’est moi qui ai fait une conférence ici à Paris pour dénoncer le génocidaire que Gbagbo devenait dès sa prise de pouvoir à partir du moment où il invitait les policiers et les gendarmes à se défendre s’ils étaient attaqués par les militants du RDR et par les manifestants. C’est ce combat que nous devons mener.
Car aujourd’hui, que ce soit Ado, Gbagbo ou même Bédié qui prenne le pouvoir, ils chercheront tous à tribaliser l’armée, la police et la gendarmerie pour se garantir une fidélité à défaut de disposer d’une légitimité. Ce n’est donc pas un état républicain. Nous n’avons pas fait la révolution car l’Etat que nous avons en face est un héritage de la colonisation française dont le rôle et l’objectif est de servir les intérêts étrangers. La jeunesse des indépendances doit se mobiliser afin de lutter pour la véritable indépendance. Notre ennemi c’est la France coloniale des multinationales installées en Afrique, ce n’est ni l’USA, ni l’Allemagne, ni l’Angleterre. La France est le seul pays en Europe qui, grâce aux pays africains, puise des ressources économiques dans le CFA. Chaque fois que les pays africains vendent un produit en dollar sur le marché international , il atterrit dans la banque de France qui retient 65% et retourne les 35% à la BCEAO. La BCEAO perçoit sur ces 35% , 20%, en échange d’une prétendue stabilité de la monnaie. Voilà d’où vient le sous développement du continent Africain. On doit donc lutter pour notre véritable indépendance. Les puissances néo-coloniales font en sorte que chaque jour nous nous opposions : Bété contre Baoulé, musulmans contre chrétiens, etc. Voire même Doza contre Gbagbo. Il faut aujourd’hui que nous, qui avons fait l’école occidentale soyons plus intelligents.
RELATIONS ENTRE LE MPCI ET LE RDR
Le Grand Soir Info :
Comment expliquer la création du MPCI à coté du RDR ?
Bernard Doza
Si je voulais être méchant je dirais que le MPCI pour moi ne peut être que la branche armée du RDR. De fait, quand Soro avait quitté la France en 99, arrivé à Abidjan il avait créé une organisation de jeunesse proche du RDR. On vient de m’apprendre qu’en 2002, au moment des législatives, Soro était deuxième de la liste de Mme Diabaté, secrétaire générale du RDR , pour la commune de Port Bouet. Cela veut dire qu’avant même d’être entré dans la clandestinité il était peut être déjà phagocyté par le RDR. Mais j’ajoute aussi que si les jeunes ont clairement décidé de prendre les armes au nord, c’est parce que le régime dictatorial instauré par Laurent Gbagbo, depuis son arrivée au pouvoir (entre le 26 octobre où il a prêté serment et le 19 septembre) totalise au moins 1000 morts.
Houphouet lorsqu’il a massacré 4000 paysans avait eu l’excuse de dire que l’armée avait dépassé ses intentions et que donc, quelque part, il n’en était pas responsable. Mais aujourd’hui en Côte d’Ivoire, on constate, face à la multiplicité des assassinats et des viols, une passivité indéniable du pouvoir qui ne se donne même pas la peine de réprimer. C’est donc que quelque part il y a une complicité. Et cela ne pouvait que mener à l’exaspération actuelle qui pousse les gens à prendre les armes pour lutter contre le pouvoir central.
Il faut donc prendre soin de lutter sur le plan national en tenant compte de ceux qui sont dans l’opposition. Car lorsqu’on ne recrute que dans une région pour faire la révolution, on disqualifie le combat quelques soient les thèmes avancés.
LA DECLARATION DE GUILLAUME SORO AU SUJET DE LA NATION
Le Grand Soir Info :
La déclaration de Guillaume Soro, actuel secrétaire du MPCI, sur la nation en tant que vouloir vivre ensemble est-elle compatible avec vos espérances ?
Bernard DOZA
A Gagnoa, en 1970, a eu lieu une guerre. Un opposant venu de Paris, il s’appelait Jean-Christophe GNANGBE a créé un parti politique à Abidjan . Le PDCI l’a poussé dans ses derniers retranchements en allant l’assigner à Gagnoa.
Le Pouvoir a profité de son état en résidence surveillée pour y envoyer l’armée et a tué 4000 personnes. Est-ce que les Bété de Gagnoa ont pris les armes à cette occasion là ou des éléments Bété dans l’armée ont-ils pris les armes pour se mettre en dissidence et aller à Gagnoa tracer le territoire de l’ouest et dire au pouvoir central du PDCI que nous voulions établir la liberté en Côte d’Ivoire par la lutte armée ? Ce qu’ils sont en train de faire au nord est un dangereux précédent, parce que cela veut dire qu’aujourd’hui s’il faut prendre des armes pour faire passer une idée en Côte d’Ivoire, demain n’importe qui pourra prendre les armes pour défendre sa région . Les Akan sont capables de prendre les armes pour refuser de collaborer avec les gens du Nord, s’il sentent que cela est possible dans une nouvelle constitution. De même pour les gens de l’Ouest. Alors j’ai dit qu’il faut qu’on se batte. La néo-colonie nous a créé en Côte d’Ivoire une république factice. Nous devons malgré tout nous battre sur le terrain de cette république factice pour que devant le peuple, devant les instances internationales et devant les despotes installés par les puissances coloniales dans notre pays , nous puissions arracher la liberté à travers la révolution et que tous, toutes tendances confondues, en payions le prix fort .
Il n’y a qu’à ce prix seulement que le peuple se reconnaîtra dans une libération nationale. Des individus se réclamant d’un mouvement de libération dont l’essentiel se recrute d’une région de la Côte d’Ivoire n’auront pas de légitimité tant que l’autre partie sera frustrée d’avoir été mise devant le fait accompli. Le discours que nous entendons dans le milieu ivoirien est que les Dioula ont été les premiers à jeter les bases de la déchirure . On se souvient qu’en l’an 2000, au lendemain du rejet de la candidature ADO aux législatives, le journal « le Patriote », qui est une création du RDR, avait publié une carte de la Côte d’Ivoire coupée en deux avec comme capitale Bouaké. Lorsque le MPCI a pris le territoire national il a respecté les lignes de cette carte. On a donc l’impression que l’opération était préméditée. C’est pourquoi il est urgent de rappeler que nous sommes ivoiriens et que les ivoiriens doivent respecter l’intégrité du territoire national.
Quelque soit la forme de libération pour laquelle on se bat, au moins soyons d’accord sur l’essentiel : l’intégrité du territoire national. Ceux qui ont pris les armes pour couper le pays en deux donnent l’occasion au dictateur que tout le monde conteste de se légitimer en faisant venir des troupes étrangères dans notre pays pour massacrer ceux là même qu’on a étiquetés comme rebelles mais qui sont en fait une nouvelle génération qui conteste les méthodes de gouvernements que nous ne finissons pas de dénoncer depuis 1980.
DEMOCRATIE ET PREVARICATION EN AFRIQUE Le Grand Soir Info :
En 1990 l’actuel Président français affirmait au cours d’une visite à Abidjan que « la démocratie est un luxe pour les pays en voie de développement » . Monsieur Doza donne- t-il raison à Monsieur Chirac pour ce qui concerne l’immaturité des peuples africains à gérer des régimes démocratiquement
Bernard DOZA
Quand j’entends les européens parler de la démocratie en Afrique je suis un peu sceptique . Moi je crois beaucoup en l’Afrique. Ce qui nous manque en Afrique c’est le respect des institutions parce que souvent ces institutions ne sont pas élaborées avec l’assentiment de l’ensemble populaire. Et l’interprétation de cette institution amène souvent à la remise en cause du pouvoir en place. Voilà pourquoi je parle de révolution nationale. Car quand le peuple se sera assis autour d’une table pour réécrire les libertés, il aura tendance à respecter ces libertés, parce qu’il aura payé un prix de sang pour elles. Le deuxième point, c’est la société de misère.
Pendant la période coloniale, les colons n’ont pas permis l’émergence de la bourgeoisie en Afrique. La plupart des hommes qui aujourd’hui aspirent au pouvoir en Afrique ont d’abord un problème personnel de préservation économique. Lorsque les gens acquièrent un poste ministériel ils ne pensent plus à l’Etat ni à la Nation encore moins au peuple, ils pensent à puiser dans les caisses de l’Etat. Et l’impunité dont ils bénéficient une fois ce poste perdu accumule les frustrations dans le peuple. Voilà pourquoi la démocratie en Afrique est mal interprétée. Parce qu’on a l’impression que le pouvoir sert à enrichir une partie de l’élite au détriment du grand peuple. Et bien que les gens aspirent au changement, chaque fois que les changements se font on constate que les pratiques ne changent pas. C’est cela le vrai problème de l’Afrique : le respect de la chose nationale et du bien public. Et pour en arriver là il faudra faire une révolution bourgeoise pour que la bourgeoisie nationale qui s’est enrichie avec les deniers publics devienne l’élément moteur du développement. Pour qu’une nouvelle génération issue de cette bourgeoisie prenne le pouvoir et arrête de considérer les caisses de l’Etat comme source d’enrichissement perpétuel.
LE MESSAGE DE BERNARD DOZA
Le Grand Soir Info :
Monsieur Doza a t il encore des amis dans le pouvoir ivoirien actuel et quel pourrait être sa contribution ?
Bernard Doza
J’ai dit que je suis prêt à discuter avec tous ceux qui veulent parler de la Côte d’Ivoire Mais j’ai une ligne directrice. Je ne suis pas rentré en Côte d’Ivoire depuis 1983, j’ai fini mes études en 1987, j’ai mon DEA en sociologie politique, et, depuis, j’ai été conseiller de deux chefs d’Etats. J’ai donc un curriculum vitae suffisant pour être ministre ou occuper une fonction d’état. Mais le problème qui se pose est qu’il ne suffit pas d’aller prendre un poste, le plus important c’est de savoir ce qu’on va y faire ?
Je suis un combattant de la gauche nationaliste : si nous arrivons en Côte d’Ivoire qu’est ce que nous voulons : Le Burkina n’est pas notre ennemi , ce n’est non plus le Dioula. Notre ennemi ce sont les Lobbies coloniaux, ce sont eux qui par le biais de 1200 entreprises utilisent notre pays et rapatrient les capitaux sans payer taxes ni impôts. Quand le Général Guei a fait le coup d’état en 99, de Janvier 2000 à décembre 2000, la période où l’on disait que la Côte d’Ivoire était en plein récession, les chiffres d’affaires étaient effrayants. Alors même que les ivoiriens ne mangeaient presque pas, les entreprises française faisaient des chiffres d’affaires qui dépassaient les 20, 30 voire 40 millions de dollars. Quand vous traduisez toute ses sommes en CFA elles sont faramineuses. C’est de cela qu’on parle et aujourd’hui l’enjeu est à ce niveau.
Si j’arrive en Côte d’Ivoire les revendications seront les suivantes :
Premièrement : remise en cause des conditions xénophobes du type « pour être candidat en Côte d’Ivoire il faut être ivoirien de père et de mère eux mêmes ivoiriens de souche ». Je dis non à la règle des quatre quartiers, en rappelant qu’elle fut un élément moteur de la révolution française. Pour être candidat en Côte d’Ivoire, il faut avoir sa mère ou son père ivoirien cela est largement suffisant. Quand on veut être Président en Côte d’Ivoire on peut avoir vécu à l’étranger car l’étranger n’est que l’éloignement du pays. Ce qui est important quand on est à l’étranger c’est l’amour que l’on a pour son pays. On peut d’ailleurs tout aussi bien être en Côte d’Ivoire et y avoir vécu toute sa vie sans éprouver d’amour pour son pays. Le fait que l’on vous ait donné un poste de responsabilité et que vous ayez pillé les caisses de l’Etat constitue une forme de traîtrise plus grave encore que le fait d’avoir vécu à l’Etranger.
Il faut donc remettre tout cela en cause dans les institutions. La plupart des jeunes ivoiriens qui sont venus à l’étranger ont épousé des femmes étrangères, et l’on exige que leurs enfants, pour être éligibles, soient de père et de mère ivoiriens de souche ? Il faut revoir cette loi car dans 10 ans, dans 20 ans, elle ne s’appliquera plus au monde moderne. La Côte d’Ivoire est un pays d’immigration que l’on veuille ou pas. Depuis 1932, les colons ont déversé des étrangers africains en Côte d’Ivoire pour bâtir ce pays économiquement. C’est grâce à ces étrangers que la Côte d’Ivoire est aujourd’hui le premier producteur mondial de cacao et le troisième de café.
Je pense aussi qu’au lieu de faire un forum comme nous le propose Monsieur Gbagbo, pourquoi ne pas aller à l’Assemblée Nationale? la prendre à témoin pour qu’elle vote une loi qui permette au Président de la République, Chef de l’Armée et des institutions d’ enlever cet élément indigne de notre constitution ? D’ailleurs de quelle constitution s’agit-il? Une constitution votée sous Etat d’urgence, sous un régime militaire? Alors s’il faut l’amender pour ramener la paix civile en Côte d’Ivoire, il n’y pas de raison qu’on ne le fasse pas.
Le Grand Soir Info :
Quel message fort aujourd’hui pour la jeunesse?
Bernard Doza
Le message fort que je lance à cette nouvelle jeunesse principalement ivoirienne, c’est que le tribalisme n’est pas une fatalité de l’Afrique. le tribalisme a vécu en Europe. Les nations sont nées malgré lui. Aujourd’hui la Côte d’Ivoire est déchirée. Il faut donc que viennent des hommes de partout, quelque soit leur ethnie et qu’ils disent je suis prêt à mourir pour la Côte d’Ivoire de l’est, du nord, de l’ouest, du sud et du centre. Voilà le message fort.
Le Grand Soir Info :
Le mot de fin, un pronostic pour l’avenir de la Côte d’Ivoire?
Bernard Doza
Le mot de la fin aujourd’hui c’est un appel à la cessation des hostilités en Côte d’Ivoire comme d’ailleurs partout en Afrique suivi du désarmement des mutins. La Côte d’Ivoire de l’an 2000 ne dois être gouvernée les armes à la main, une révolution en revanche n’est pas à exclure. Donc il faut désarmer les belligérants et après on construira la démocratie.


L’Exécution
En quittant le Burkina Faso dans l’après midi du 18 novembre 1986, le service du protocole est furieux. François Mitterrand aussi.
La hardiesse de Thomas Sankara</ST1&NBSP;:PERSONNAME avait dépassé les bornes. Face à un chef de fil de l’Afrique francophone, le capitaine Sankara aurait dû s’en tenir au discours de formalités. Il avait déjà fait affront au Président français par son absence remarquée au sommet franco-africain.
Thomas Sankara</ST1&NBSP;:PERSONNAME avait opposé l’arrogance à la main tendue. Il fallait mettre un terme définitif à sa carrière…
Le processus sera cette fois indirect, nous sommes loin du temps des colonies. Il y a assez de forces antagonistes au sein du pouvoir burkinabè et dans la région contre le régime de Sankara, que le recours à la méthode Guy Penne n’est plus nécessaire. En décembre 1986, l’ordre est donné : "Sankara doit partir…"
Courant janvier 1987, le Président Houphouët Boigny reçoit secrètement Blaise Compaoré à plusieurs reprises.
Le capitaine ministre de la justice, déjà conditionné par sa femme Chantal Terrasson a fini par se convaincre que le pouvoir lui revenait.
</O&NBSP;:PHouphouët débloque alors des fonds énormes – le secrétaire Général de Présidence, Coffie Gervais, parle de 5 milliards FCFA – pour développer une guerre de tracts tous azimuts qui déchirera le Burkina au cours du mois de juin 1978. Tout en dénonçant la déviation "militaro fasciste" du régime Sankara, les tracts tentent de créer la division entre les 4 chefs de la Révolution.
Croyant à une réelle contestation du peuple Sankara annonce le 4 août 1987, une " pause dans la poursuite de la révolution". Mieux il se propose à une retraite anticipée du pouvoir tout en restant Président du Faso. Il projette de se retirer des locaux de la Présidence pour se consacrer aux "problèmes organisationnels" et "aux actions de mobilisation des masses" laissant Blaise Compaoré s’occuper directement de l’exécutif. Ce dernier dirigeant le gouvernement travaillerait dans les bureaux de la Présidence. Sankara propose même à Compaoré le poste de Premier Ministre qu’il refuse.
"Je ne tenais pas à diriger une équipe dont les trois quarts auraient été choisis par Sankara pour leur fidélité à sa personnalité", affirmera-t-il par la suite.
Alors le 22 août 1987 Sankara passe à la contre offensive. Décidant de marginaliser le CNR (Conseil National de la Révolution) où siège l’ensemble des instances dirigeantes, il crée une structure indépendante du pouvoir, chargée dit-il, officiellement, de l’assister (une sorte de cabinet spécial du Président)/
La tension se durcit au point que courant septembre 1987, Sankara confie à des proches : "Je ne pense pas que Blaise veuille attenter à sa vie. Le seul danger, c’est que lui-même se refuse à agir, l’impérialisme lui offrira le pouvoir sur un plateau d’argent en, organisant l’assassinat…
Même s’il parvenait à m’assassiner ce n’est pad grave ! Le fond du problème, c’est qu’ils veulent bouffer, et je les en empêche !
Mais je mourrai tranquille, car plus jamais après ce que nous avons réussi à inscrire dans la conscience de nos compatriotes, on ne pourra diriger notre peuple comme jadis…"[1]
Fin septembre 1987, Blaise Compaoré est de nouveau à Abidjan en compagnie cette fois de Pierre Ouedraogo le secrétaire national des CDR.
Au-delà d’une visite de courtoise, il reçoit la confirmation après un tête à tête avec Houphouët qu’il sera le prochain Président du Faso.
On en est tellement convaincu dans les allées du pouvoir ivoirien que même Coffie Gervais le glisse à un ami de passage : " Regardez l’homme assis sans la salle d’attente, c’est le Président du Faso" Son interlocuteur reconnaissant Blaise Compaoré, adresse au secrétaire de la Présidence ivoirienne un regard étonné. Ce dernier pour toute explication, l’enjoint de garder pour lui la confidence.
"A cette occasion" ajoute Sennen Andriamirado[2], "des artiste africains" l’apercevant dans le salon d’honneur lui demandent de les introduire auprès de Thomas Sankara</ST1&NBSP;:PERSONNAME. Compaoré leur répond :"C’est moi qui sera votre interlocuteur, mais venez pas à Ouaga avant novembre.
Entre temps des mais ont prévenu Thomas Sankara</ST1&NBSP;:PERSONNAME que Blaise Compaoré disposant de beaucoup d’argent, recrute des fidèles".
Sankara finit par comprendre que sa sécurité ne peut plus dépendre exclusivement des hommes de Blaise
Il décide fin septembre 1987 de la mise sur pied d’une force de sécurité rapprochée, la FIMATS[3], dirigée par son garde du corps Vincent Sigué, le terrible mercenaire craint au Burkina Faso jusqu’au sein des commandos de Pô.
Et c’est pour empêcher cette force politique et militaire parallèle de se mettre en place que la décision est prise par Compaoré d’arrêter Sankara.
Le matin du 15 octobre 1987, une violente dispute éclate entre Blaise,son lieutenant Gilbert Diendéré, et Salif Diallo, devenu par la duite son directeur de cabinet. Gilbert Diendéré exposé à Blaise Compaoré qu’à 20h les nouvelles forces de sécurité de Thomas Sankara</ST1&NBSP;:PERSONNAME profiteront de la réunion du CNR pour exécuter tous les membres dirigeant du gouvernement, y compris Blaise lui-même. Il l’exhorte de donner l’ordre de contre-attaquer pour devancer l’opération. Face à l’hésitation de Compaoré, Diendéré déclare menaçant : "Si avant 20h tu n’as pas donné ton accord, nous allons attaquer… !"
A 15 h Blaise donne son accord…
Gilbert Diendéré dirige lui-même les commandos. L’homme tient à régler personnellement ses comptes avec Thomas Sankara</ST1&NBSP;:PERSONNAME. Camouflés à bord d’une voiture bâchée, les commandos arrivent au Conseil de l’entente où se réunissent Sankara et son fameux cabinet spécial.
Il est environ 16h15 lorsque la voiture bâchée s’arrête devant la villa "Haute Volta" du Conseil. Immédiatement le vacarme des kalachnikovs déchire l’atmosphère.
Les sept hommes réunis dans la salle, se couchent au sol. Sankara se relève et ordonne à ses conseillers : "Restez.. C’est moi qu’ils veulent…"
Puis il quitte la salle les bras en l’air. A peine est-il sorti qu’il se trouve nez à nez avec Yacinthe Kafando un membre
de la garde personnelle de Blaise Compaoré, qui le descend de deux balles au front.
Un autre commando entre dans la salle et pousse au dehors ceux qui refusaient de sortir : "dehors.. dehors.. !"
Dès leur sortie, ils sont à leur tour abattus…
Deux jours après l’assassinat de Sankara, le Président togolais Eyadéma, reconnaît le premier, le nouveau Front Populaire du Burkina Faso, instauré par Blaise Compaoré. La Côte d’Ivoire ne réagit pas, accusée par la presse internationale d’être l’instigateur du coup d’état.
François Mitterrand regrette : "C’est une histoire terrible, c’est une nouvelle qui m’attriste. C’est un homme jeune, intelligent, plein de sincérité et d’élan…"
A Ouagadougou, Blaise Compaoré endosse la responsabilité du coup d’état sanglant : "Sankara et un révolutionnaire qui s’est trompé.."

Côte d’Ivoire : brève psychanalyse de la crise ivoirienne
vendredi 17 décembre 2004.
Dans cette interview exclusive réalisée par le journaliste ivoirien Philippe Kouhon, Bernard Doza, journaliste-écrivain, observateur de la vie politique de son pays la Côte d’Ivoire, nous donne sa logique du nouveau bras de fer qui oppose désormais Laurent Gbagbo à Jacques Chirac.
Deux ans après les fameux accords de Marcoussis et de Kléber, parisiens, Après plusieurs jours de balades et de pique nique à travers les pays de la sous région à la recherche de solution à la crise ivoirienne qui dure maintenant trois ans.
Au moment où la Côte d’Ivoire d’Houphouët Boigny, (ex-pré carré) de la France de De Gaule vient d’être sanctionnée par l’ONU, à l’instigation du deuxième, Au moment où, la date du 15 décembre prochain comme toutes les autres dates à retenir de cette crise, s’apprête à entrer dans les annales, nous avons tendu notre micro, à un intellectuel ivoirien basé en France depuis des années.
Philippe Kouhon :
Ce n’est pas la première fois que vous vous exprimez sur ce qui se passe dans votre pays la Côte d’Ivoire. Après les récents évènements du mois de novembre dernier, remettant en cause tous les efforts de médiations pour la résolution de cette crise dite ivoirienne et qui semble faire mentir tous les pronostics, quelle est selon vous la vraie logique de cette guerre qui « n’aura pas lieu » ?
Bernard DOZA :
La situation en Côte d’Ivoire est très compliquée pour ceux qui ne suivent pas de très près ce qui se passe en Afrique. J’ai vu des chefs d’Etats africains voter une motion pour soutenir la France dans sa condamnation contre la Côte d’Ivoire. Parce que chacun avait peur de son siège. Il va falloir expliquer clairement ce qui se passe en Côte d’Ivoire aux africains :
Abidjan- Paris : les premiers rapports de force.
La Côte d’Ivoire est le seul pays en Afrique francophone dont la liberté est liée à celle des peuples africains. Pourquoi ?
Par ce que depuis la colonisation, c’est le seul pays où l’impérialisme français a crée les conditions de l’enrichissement d’une bourgeoisie africaine à travers le café et le cacao. C’est dès 1932, qu’Houphouët Boigny qui est une création de la colonisation s’est rebellé contre le colonialisme et a débauché des jeunes africains de l’administration pour créer un syndicat agricole africain qui était allié au syndicat agricole européen.
Lorsqu’en 1940, Hitler, prend le pouvoir à Paris, nomme le maréchal Pétain, ce dernier impose le code de l’indigénat en Afrique francophone et principalement en Côte d’Ivoire. Houphouët Boigny qui était alors « lettré » et qui bénéficiait des mêmes droits qu’un européen, tombe sur les coups de ce code au même titre que les noirs africains.
Les « lettrés » donc qui constituaient la force d’appoint du colonialisme se sont mis aux côtés du peuple et ont crée le 10 juillet 1944, le syndicat agricole africain. C’est ce syndicat qui se mettra en guerre contre le syndicat agricole européen dirigé par le colon Jean Rose. Ce dernier voyant que Félix Houphouët Boigny était devenu très vindicatif, fera appel à l’administration coloniale. C’est ce système, qui depuis Paris a décidé par le biais de François Mitterrand, alors ministre des colonies, d’envoyer sur le terrain le gouverneur Péchoux.
Le gouverneur Péchoux interdira tout mouvement politique en Côte d’Ivoire. Le syndicat agricole africain convoque à son tour une première réunion pour dénoncer cet impérialisme français. Mais il sera divisé et ses membres les plus radicaux tels que, Dignan Bailly, Djédjé Capri et autres iront créer un parti de la coloniale, sur la base que le Pdci-Rda d’Houphouët était allié au parti communiste français. C’est donc sur cette base de l’anti communisme que beaucoup d’africains quitteront le pdci-rda, pour rejoindre les colons.
Après les élections de 1945, quand Houphouët devient député à l’assemblée nationale française, il s’engage une bataille de rapport de force opposant Péchoux qui venait de remplacer son homologue français, Latrille, à Houphouët.
Houphouët trahit la lutte
Le 01 décembre 1949, le PDCI réunit un comité directeur qui, demandera à Mme Anne-Marie Ragi, son porte parole, de lancer le boycott du commerce français et des gens de maison. C’est-à-dire, qu’en Côte d’Ivoire, aucun Ivoirien ne doit rien acheter, ni travailler chez un français. Voilà comment nous avons assisté du 01 décembre 1949 en juin 1950, un véritable massacre de la population de la part de l’armée française en Côte d’Ivoire. Pour donc comprendre l’histoire actuelle de la Côte d’Ivoire, ce passage est très significatif.
Deux bourgeoisies vont donc s’affronter : une agraire africaine conduite par Houphouët et une agraire européenne, protégée par l’armée coloniale. Et quand le gouverneur Péchoux demande à Houphouët de se rendre à Bassam pour être jugé pour s’être rebellé, ce dernier ira se réfugier à Yamoussoukro. L’armée coloniale ira jusqu’à Dimbokro. Mais convaincu du sort qui lui était réservé, qu’Houphouët enverra M. Biaka Boda, son conseiller et ancien sénateur de la Guinée Conakry, pour rencontrer les autorités coloniales à Dimbokro.
Logé chez l’Almamy Diaby devenu membre du parti colonial à l’insu de son parti le PDCI-RDA, Biaka Boda sera cueilli vers 2 heures du matin par les troupes françaises. Il sera tué puis brûlé dans une forêt proche.
Le peuple voyant qu’Houphouët était harcelé par les colons, va alors se constituer en bouclier humain autour de sa résidence à Yamoussoukro. C’est donc la même situation que nous vivons actuellement en Côte d’Ivoire. Voilà pourquoi j’avais écrit dans mon livre en 1991(cf. Liberté Confisquée, le complot Franco-Africain. Ed. Biblieurope) que Gbagbo Laurent était Houphouët Boigny en miniature. Voilà comment à force de combattre Houphouët, son premier opposant a fini par récupérer tout ce qui a fait sa grandeur.
Pourquoi, Houphouët est-il présenté jusqu’aujourd’hui dans les médias français comme un bon président ?
C’était simplement l’adversaire que les colons ont gagné sur le terrain de la bataille. C’est lui qui encerclé par l’armée coloniale en 1950 et défendu par le peuple ivoirien, finira par être contacté pour venir à Paris. Houphouët demandera à Raphaël Sallère (qu’il nommera ministre de l’économie de la Côte d’Ivoire libérée), de dire officiellement à l’assemblée nationale française qu’il se désengage de l’alliance avec le PCF. C’est donc Raphaël Salière qui enclencha la dynamique de négociation.
Cette dynamique de négociation aboutira à un pacte. Un document signé des propres mains d’Houphouët en présence de François Mitterrand. C’est un document dans lequel Houphouët dira qu’il prend l’engagement de ne plus menacer les intérêts français en Côte d’Ivoire. Mais vu l’ambiguïté de la conclusion des propos d’Houphouët, Mitterrand lui-même prendra le stylo pour rectifier la dernière phrase. Ce document est encore présent dans les archives du ministère des colonies devenu, ministère d’Outre-Mer. Voilà comment avant de devenir ministre du gouvernement Guy Mollet en 1956, déjà, Houphouët parlait de la Françafrique en 1955 au congrès du RDA en Guinée Conakry.
Les faux complots d’Houphouët Boigny
Quand Houphouët devient premier ministre de la Côte d’Ivoire en 1959, commencèrent alors les faux complots. Mais ce qu’on ne dit pas assez, est que de décembre 49 à juin 50, tous ceux qui se sont rebellés contre l’armée française, ont été emprisonnés. Je veux parler de Jean Baptiste Mockey, Koffi Gadeau, anne-Marie Raggie, Sery Koré...Ils seront oubliés en prison par leur chef de file. Il a fallu que leurs épouses, dirigées par Marie Koré, se mobilisent pour obtenir leur libération de la prison de Bassam.
A partir de 58-59, quant au congrès de la jeunesse du PDCI, Mockey, demande à ses camarades que les dirigeants du parti soient votés et non nommés par Houphouët, ce dernier fera l’objet d’un complot fétichiste. Le complot du chat noir. Mais en réalité, il fallait procéder à l’élimination de l’aile progressiste du parti.
Plus tard, Houphouët, profitera du coup d’Etat au Togo contre Sylvanus Olympio pour arrêter l’ensemble des militants RDA anti colonialistes en 1963. Après plus de trois ans passés derrière les barreaux, ils seront conduits au boxing club de Treichville (quartier d’Abidjan) où ils demanderont publiquement « pardon » à Houphouët.
La nouvelle Côte D’Ivoire sans Houphouët
Voici donc la Côte d’Ivoire pacifiée dans laquelle nous avons vécu jusqu’en 1993, date de la mort d’Houphouët. Et quand M. Gbagbo prend le pouvoir en 2000, il sait très bien qu’il n’y a pas de démocratie en Côte d’Ivoire et que le pouvoir ne repose que sur le tribalisme. Or, selon les dernières estimations démographiques, on compte près de 3,8 millions de Baoulé sans compter le reste des « Akan » de la tribu d’Houphouët base électorale du PDCI de Bédié ; environ 2,5 millions du peuple du nord, fief du RDR et enfin près de 2 millions du peuple krou, à moitié favorable au président Gbagbo après la mort de Guei Robert de la même tribu.
Si nous allons donc aux élections, les populations étant beaucoup mues aux instincts tribaux, il est claire que le candidat élu proviendra du premier groupe. Dans ces conditions comment voulez—vous que monsieur Gbagbo aille aux élections dans un pays où la démocratie n’a pas encore pris racine pour permettre à tous les candidats d’être jugés au programme de société.
Gbagbo-Houphouët : Copie conforme
Gbagbo sachant alors qu’il n’a pas d’autres moyens pour briguer à nouveau la magistrature suprême du pays, va donc défier officiellement la France comme Houphouët à l’époque, pour signer un nouveau pacte. Dans cette défiance, la France lui impose une rébellion par le biais des réseaux. Nous savons tous que le pauvre étudiant Soro Guillaume n’a pas les moyens pour s’acheter des armes. Nous savons que le pouvoir de Ouagadougou a été mis en place par la France en assassinat Thomas Sankara. Mais comment la France de Chirac s’est-elle piégée sur le dossier ivoirien ?
Qui aurait pensé à Paris que les hommes qui sont au pouvoir à Abidjan ne sont plus la vieille garde des indépendances africaines. Ils ont fait tous des études en europe. Ils sont docteurs, professeurs...Ils ont pour la plus part milité dans des organisations anti impérialistes. Ils sont Staliniens, Maoïstes, Trotskistes voire Léninistes. Ce sont des avisés du combat contre l’impérialisme. Et comme ils ont à affaire à des gens comme Alassane Ouattara et Konan Bédié qui en réalité n’ont jamais fait l’école du militantisme, il est simple de se jouer de ces derniers.
Mais ce qui est surprenant c’est qu’aucun journaliste français ou occidental n’a réfléchi sur les vraies causes des évènements du 6 au 9 novembre dernier en Côte d’Ivoire. Je vous donne la démarche.
Dans un premier temps on a vu la Côte d’Ivoire officielle de Gbagbo mettre la France en accusation depuis le déclenchement de la crise en septembre 2002. La France voyant que malgré qu’elle se soit interposée, puis est allée chercher le mandat de l’ONU au lendemain des accords de Marcoussis, elle restait toujours dans le camp des pros Gbagbo comme ayant financé la rébellion. Voilà pourquoi, elle a fermé les yeux sur les interventions des avions ivoiriens vers le nord.
Mais en réalité comment s’est passée cette intervention ? Une réunion a eu lieu la veille. Au cours de cette réunion, une décision a été prise. Les radios étrangères devraient être coupées avant les premières frappes, suivi de l’incendie des sièges des partis d’opposition pour empêcher de donner une version des évènements, saccager les journaux d’opposition pour ne pas qu’ils intoxiquent le peuple, prendre possession de la télévision nationale pour qu’elle soit au service du pouvoir.
On a donc muselé les médias de l’intérieur et on a coupé l’électricité et l’eau au nord pour isoler les populations et mieux, fragiliser les rebelles. C’est donc une technique qui a été réfléchie. Je suis étonné que les gens se demandent pourquoi les seules images que nous avons de ces récents évènements viennent de la télé ivoirienne. Mais c’est un régime qui travaille. C’est un pouvoir qui a compris qu’après la bataille aérienne, allait suivre celle des médias.
Aujourd’hui il est installé dans les locaux du palais présidentiel à Abidjan des centres de décryptage de tous les médias européens et africains évoquant la question ivoirienne. Nous ne sommes plus dans l’Afrique de l’époque. Certes certains pays africains continuent à fonctionner encore à l’état brut, mais la Côte d’Ivoire, a compris qu’il était possible de combattre l’étranger avec ses propres moyens.
Tout a été conceptualisé. Voilà pourquoi, après que Gbagbo ait galvanisé son entourage sur le rôle ambigu de la France, l’expédition du Nord a pris la responsabilité sur elle de frapper la position française. C’est par ce que les hommes de Gbagbo savaient qu’en frappant ces cantonnements, la France allait réagir. Mais à Abidjan l’on a pensé qu’à Paris, il y avait des gens qui réfléchissaient et qui pouvaient se retenir dans leur comportement pour éviter à la Côte d’Ivoire de les mettre dans un piège.
Gbagbo a atteint ses objectifs.
Malheureusement, au lendemain de ce bombardement, c’est la France officielle qui a réagi vigoureusement en détruisant les avions de Gbagbo et en se déployant dans les rues d’Abidjan. A travers cette réaction, elle s’est découverte en tant que force belligérante et colonialiste tirant sur des populations à mains nues. Gbagbo venait là d’atteindre ses objectifs. Objectifs qui étaient d’éliminer le débat avec la rébellion et une opposition qui était à l’extérieur.
Le clou fut enfoncé par Alassane Ouattara l’homme des gaffes qui applaudira la France lorsque le président Chirac annonce qu’il est parti en Côte d’Ivoire pour y apporter la liberté et l’état de droit. Dites-moi depuis quand, dans l’histoire des peuples, un Etat étranger vient apporter la liberté et l’état de droit à un autre Etat. On appelle cela de l’impérialisme ou du colonialisme.
Quand tu aimes ton pays, quel que soit le débat intérieur, lorsqu’il y a une intervention étrangère, tout le monde s’unit pour combattre cette invasion et après on discute sur la question de la démocratie interne. En Irak, personne n’aimait Sadam Hussein. Mais quand les Etats-Unis ont décidé d’envahir l’Irak, qu’ils soient sunnites ou chiites, tout le monde s’est uni pour combattre l’invasion américaine. C’est après cela que les Irakiens eux-mêmes chercheront certainement à mettre en place un gouvernement issu d’un vote populaire.
L’ivoirité, un bon vieux prétexte
L’on nous parle de l’ivoirité en Côte d’Ivoire. De quoi s’agit-il ? C’est bien une conception de la bourgeoisie agraire du PDCI qui ne voulant pas perdre le pouvoir l’a utilisé comme bras extérieur de l’akanité (le concept clanique de l’époque du parti unique).
C’est un concept bien réfléchi, pensé et écrit par des intellectuels d’Abidjan constitués en cercle nommé, « le Curdiphe. Des écrits sur ce concept existent encore en bibliothèque. Je rappelle que ce concept a même été voté à l’assemblée nationale puis introduit dans les textes fondamentaux du pays (loi électorale de 94) ; qui disait clairement que pour être candidat à l’élection présidentielle il faut être de père et de mère ivoiriens, eux-même ivoiriens de naissance.
C’est donc un concept qui est pensé pour exclure la masse ouvrière étrangère qui jusque là formait le gros du travail en Côte d’Ivoire. Le tout pour brouiller les pistes de la révolte du peuple ivoirien pour ne pas aller au jugement de ceux qui avaient volé pendant le parti unique. Voilà le fond des débats politiques en Côte d’Ivoire.
Quelle doit être la nouvelle réflexion des intellectuels ?
La réflexion des intellectuels aujourd’hui doit être la suivante : Monsieur Gbagbo a défié la France. A Paris, le débat de l’ivoirité est éclipsé. Le débat de la rébellion est oublié, le seul débat aujourd’hui, c’est la guerre des images.
Les seules images que nous avons sont celles que monsieur Gbagbo et ses amis ont travaillées, montrant l’armée française tirant sur le peuple ivoirien. A cela, les intellectuels français ont une lourde responsabilité. Les médias français qui sont arrivés à Abidjan et encadrés par l’armée française ont une lourde responsabilité en ce sens que ce sont des médias indépendants.
Et en tant que médias issus d’un pays dit démocratique, ces médias adoptent aujourd’hui le profile bas. C’est à ce niveau que monsieur Gbagbo vient de démontrer qu’il est très avancé politiquement que tous leurs experts qu’ils (les Français) forment ici. Voilà comment le débat s’est déplacé. Et cela se passe face à un Gbagbo, minoritaire dans son pays, qui a donc chevauché le discours du colonialisme, du combat anti colonial afin de devenir l’interlocuteur de la puissance coloniale qu’est la France. quel pourra être l’issu de ce combat ?
L’Issue des débats
C’est là tout le sens donné par la comparaison d’un Gbagbo sur les traces d’un Houphouët. Car, et c’est cela qui est aussi la vérité. Gbagbo, dans sa démonstration avec les jeunes « patriotes » veut montrer au pouvoir français que si lui, n’est pas président en Côte d’Ivoire, les intérêts français ne seront pas sauvegardés.Il l’a une fois dit dans le journal « le Monde », que s’il était écarté du pouvoir, la Côte d’Ivoire vivrait une guerre civile qui durera plus de dix ans. Voici en clair, la logique dans laquelle nous sommes dans ce nouveau bras de fer qui oppose désormais le pouvoir central ivoirien à la puissance colonisatrice.
A propos du retrait de la base militaire française, le double langage de Gbagbo.
Nous avons un président démocratiquement élu en Côte d’Ivoire en la personne de monsieur Laurent Gbagbo. Veut-il que l’armée française quitte la Côte d’Ivoire ? Alors qu’il signe un décret qu’il fera voter par l’assemblée nationale par la suite. Si dans les 24heures qui suivent, on constate que cette armée française résiste, alors je pense que le peuple ivoirien a le droit et le devoir de rentrer dans les maquis pour se battre contre cette armée y compris tuer un soldat français par jour.
Mais quand on demande à monsieur Gbagbo s’il souhaite que l’armée française évacue la Côte d’Ivoire, il répond que la question n’est pas à l’ordre du jour. Et en sous main on demande aux « patriotes » d’aller manifester contre la présence de l’armée française. Mais quel est le pouvoir de ces « patriotes » ? Ce ne sont que des éléments de la rue. Car seuls, ils ne peuvent arriver à bout de l’armée française à mains nues. A condition qu’ils soient eux-aussi armés, ce qui nous conduira à une guerre de libération.
A chacun son opinion
Voilà la logique de cette crise que je m’efforce à longueur de journées d’expliquer aux gens. Mais pendant que nous parlons de cela, des personnes sont encore accrochées aux problèmes d’individus. Au moment où on parle de la liberté de la Côte d’Ivoire, on nous parle de Gbagbo, au moment où on parle aux militants du RDR de la liberté et la sauvegarde du peuple de Côte d’Ivoire, eux parlent d’Alassane Ouattara.
Au moment où on dit aux partisans du PDCI que les dignitaires doivent être jugés pour les massacres pendant le parti unique, eux parlent de Bédié. Par ce que simplement nous avons en Afrique la fibre ethnique, religieuse et régionaliste. C’est cela que nous avons combattu depuis les années 80 et c’est de cette Côte d’Ivoire que nous voulons sortir.
Paris 12 décembre 2004.
Propos recueillis par Philippe KOUHON , journaliste

POLITIQUE NATIONALE
Comment Bédié complique la tâche au PDCI
vendredi 13 avril 2007 par Sylla ARUNA
éàdu même auteur “ J’ai dit à M. Ouattara que je ne comprenais pas, et il y a beaucoup d’hommes qui ne le comprennent pas, pourquoi il s’est attaché un éléphant mort à la cheville, qui le tire vers le bas. Je fais allusion à M. Bédié... ”, confiait Alpha Blondy au quotidien “ Le Patriote ” dans son édition des samedi 3 et dimanche 4 février 2007. Cette opinion de la méga star du reggae est largement partagée par de nombreux observateurs de la vie politique ivoirienne. C’est que le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), qui a perdu le pouvoir d’Etat suite au coup d’Etat du 24 décembre 1999, a toutes les chances de revenir aux affaires à la prochaine élection présidentielle, tant il est vrai que le “ vieux parti ” est le mieux implanté en Côte d’Ivoire. Toutefois, il appartient à l’actuelle direction du parti, créé par feu Felix Houphouët Boigny, le 9 avril 1946 à l’immeuble “ Etoile du sud ” sis à Treichville-Abidjan, de faire sa mue, son auto-critique et son toilettage. Depuis la mort du premier président du Pdci, le 7 décembre 1993, les critiques contre Henri Konan Bédié sont monnaie courante. Les départs du parti aussi. A commencer par celui de feu Djéni Kobénan. Qui a claqué, en 1994, la porte du Pdci pour créer le Rassemblement des républicains (RDR). De nombreux militants du Pdci l’ont rejoint, dont Alassane Dramane Ouattara, l’unique Premier ministre d’Houpouët Boigny, qui deviendra, le 1 août 1999, le président du Rdr. Quelques mois plus tard, soit le 24 décembre 1999, la Côte d’Ivoire connaissait son premier coup d’Etat. Le président de la République, Henri Konan Bédié, est contraint à l’exil. Le Pdci traverse l’un des moments les plus délicats de son histoire. Quand il s’est agi de choisir le candidat du parti pour la présidentielle de 2000, de nombreuses personnes se sont signalées. Henri Konan Bédié (qui était encore en exil en France), Emile Constant Bombet, Emile Brou, Lamine Fadiga, Amoikon Edjampan Tiemelé s’affrontent, à Yamoussoukro, en août 2000, au cours de la convention. Le choix des militants se porte sur Emile Constant Bombet. En dépit de ce choix, M. Bédié -qui tenait à récupérer son fauteuil- et huit autres personnalités déposent leur candidature à la présidentielle d’octobre 2000. Finalement, tous les dossiers des candidats du Pdci sont rejetés par Tia Koné, le président de la Cour suprême. Le Pdci venait d’étaler sa division sur la place publique, par la faute d’Henri Konan Bédié, ont vite conclu des militants du parti. De sorte que, lorsque feu le général Robert Guéï a fait créer l’Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI), de nombreux barons du Pdci ont trouvé là une porte de sortie. Akoto Yao, Danielle Boni Claverie, feu Balla Kéïta, Oulaï Tiabas, Bleu Lainé et autres tournèrent le dos à Bédié. Et, ce n’est pas tout. En avril 2002, lors du congrès du parti, Laurent Dona Fologo se présente contre Henri Konan Bédié pour occuper la présidence du Pdci. L’actuel président du Conseil économique et social avait posé une problématique : “ Fallait-il continuer avec un chauffeur qui a fait une sortie de route ? ”. Ayant perdu les élections “ dans les conditions frauduleuses ”, selon lui, Fologo prend ses distances, officielles, vis-à-vis de Bédié. Et, avec lui de nombreux cadres dont les plus connus sont Alain Caucautrey, Ouattara Gnonzié et Doudou Pio. Ils se retrouvent aujourd’hui au sein du Rassemblement pour la paix (RPP), qu’ils présentent, volontiers, comme un mouvement. Mais force est de constater que le RPP tisse sa toile et mobilise de nombreux partisans au profit de la “ République ” incarnée par Laurent Gbagbo. Bien plus, Fologo est vice-président du Congrès national de la résistance pour la démocratie (CNRD), un conglomérat de partis politiques, de syndicats et d’Ong militant pour la réélection du président Gbagbo. On y retrouve des figures de proue du Pdci comme Séry Gnoléba, Bra Kanon, Vincent Pierre Lokrou, Tanoh Brou
Necessaire remise en cause ! Si ce n’est pas une saignée du parti d’Houphouët Boigny, cela y ressemble fortement et étrangement. Toutes ces personnalités, qui ont travaillé à l’implantation du parti, ont tous des griefs contre Henri Konan Bédié. Ils le trouvent coupé de la base. Depuis son retour d’exil, avancent-ils, le président du PDCI s’est installé dans un immobilisme. La tournée nationale annoncée en 2006 par Maurice Kacou Guikahué n’a jamais eu lieu. Pourquoi ? Les militants continuent de s’interroger, estimant que leur président ne veut aller au charbon et préfère l’opposition de salon. L’un des problèmes auquel le “ vieux parti ” est confronté, nous a confié un membre du secrétariat général, est l’insuffisance de ressources financières. Des militants dénoncent également “ le tribalisme outrancier ” qui prévaut au sein du PDCI. Ils en veulent pour preuve la récente nomination de Niamkey Koffi au poste de porte-parole “ là où Djédjé Mady, accusé de rouler pour son frère Gbagbo, jouait bien ce rôle ”. Le report du congrès, qui devrait se tenir au cours de ce mois d’avril, a fait monter au créneau des membres du bureau politique comme Yéo Tchobon, Ehoussou Narcisse, Guèye Jean Pierre. Mal leur en a pris. Ils ont été convoqués par le conseil de discipline dirigé par Noël Nemin. La convocation de mardi dernier à laquelle Yéo Tchobon, Guèye Jean Pierre et Kouadio Koffi Simon ont répondu, se serait terminée en queue de poisson. A dire vrai, il existe de véritables problèmes au PDCI. Henri Konan Bédié, qui a environ 73 ans aujourd’hui (il est né le 5 mai 1934 à Dadiékro dans le département de Daoukro), a été le premier ambassadeur de la Côte d’Ivoire indépendante aux Etats-Unis d’Amérique et au Canada. Il a été ensuite ministre des Affaires économiques et Financières sans discontinuer de 1966 à 1977, puis député et maire de Daoukro. De 1980 à 1993, il fut président de l’Assemblée nationale, avant de devenir président de la République de Côte d’Ivoire de 1993 à 1999. A l’évidence, l’actuel président du PDCI a servi à toutes les hautes fonctions étatiques. C’est pourquoi, ces détracteurs, vu les problèmes de personne qu’il a avec bien des barons du parti et considérant son âge, pensent que le temps est venu pour que Bédié se mette de côté. Afin de permettre à une autre personnalité plus dynamique de porter les flambeaux du PDCI à l’élection présidentielle prochaine. Le retour du PDCI au pouvoir pourrait être à ce prix.



BANGOLO : LUTTE CONTRE L’INSECURITE
Comment la brigade mixte traque les tueurs de l’ouest
jeudi 24 mai 2007 par Sylla ARUNA


“ Bonjour messieurs, je veux voir le commandant de brigade. J’ai une information capitale à lui donner ”. Vêtu d’une chemise blanche et d’un pantalon bleu nuit, un quadragénaire de teint noir, avec une calvitie précoce, s’adresse, ce samedi 19 mai 2007, aux deux agents de la brigade mixte de la gendarmerie de Bangolo chargés de recevoir les visiteurs et autres plaignants. Il n’a pas fini de décliner son identité qu’un homme en treillis, à forte corpulence, portant sur la tête un béret rouge et de son grade de lieutenant, raccompagne un visiteur à la porte. Sans perdre le temps, le quadragénaire se dirige vers le lieutenant. Visiblement, il venait de voir la personne qu’il recherchait. “ Je suis ... Il y a un bandit que je viens d’apercevoir au centre ville. Il est impliqué dans toutes les tueries dans le département de Bangolo. Il s’appelle Ganhiet Lilier. Il porte un tricot marquée Côte d’Ivoire, un jean de couleur noir et une casquette bleue. Si vous ne venez pas, il s’en ira ”, indique t-il, l’air très pressé. Immédiatement, le lieutenant donne des instructions à ses éléments. “ Prenez des menottes et foncez au centre ville ! ”, ordonne t-il, avant de donner les précisions qu’il venait de recevoir, sur le présumé bandit. Sous nos yeux, une équipe de 9 éléments se met en place. On n’arrive pas à faire la différence entre les ex-rebelles et les ex-loyalistes qui composent la brigade mixte de Bangolo, tant il règne une ambiance harmonieuse. Les éléments, qui venaient de recevoir les instructions de leur chef, sautent dans un véhicule de type pick up. Direction, le centre ville... La scène, qui vient de se dérouler, traduit, éloquemment, le traintrain quotidien des gendarmes de la brigade mixte de Bangolo. Depuis son installation, le 30 avril 2007. Après le départ de l’équipe de gendarmes sur le terrain, nous nous approchons du lieutenant en question. Le contact se fait sans difficulté. “ Je suis lieutenant Koné Ibrahima. Je suis le commandant de la brigade mixte de gendarmerie de Bangolo ”, nous confie-t-il. Lorsque nous voulons en savoir davantage sur le bilan de son action et les éventuelles difficultés qu’il rencontre sur le terrain, le lieutenant Koné -il était MDL avant le 19 septembre 2002- nous demande, poliment, de nous adresser au colonel Kouakou Nicolas, commandant du Centre de commandant intégré (CCI) basé à Yamoussoukro. “ Bientôt, le colonel va animer un point de presse pour vous situer sur le fonctionnement et le bilan de toutes les brigades mixtes ”, nous informe-t-il. En dépit de notre insistance, le lieutenant, bien que courtois, reste inflexible. Il a, pour ainsi dire, observé la loi de l’omerta. Toutefois, nos sources, crédibles, nous ont permis d’avoir nombre d’informations. C’est que la brigade de Bangolo fonctionne en ce moment avec 24 gendarmes. 10 sont issus des Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire (FDS-CI), 10 proviennent des Forces de défense et de sécurité des Forces nouvelles (FDS FN, ex-rébellion) et 4 éléments sont de l’UNIPOL (police des Nations unies). Une section, composée de 30 militaires des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI), sert d’appui à la brigade mixte, en attendant l’arrivée annoncée de 30 éléments des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN). Le Lt Koné et ses hommes sont confrontés à un réel problème de matériel, a t-on appris sur place. Ils sont dotés d’un seul véhicule de type jeep (voir encadré). Généralement, ils sont obligés de réquisitionner les véhicules des Fanci. La traque !
Nonobstant les moyens très limités, la population est unanime à reconnaître le travail d’hercule que la brigade mixte abat. Au quotidien. Les faits, parce que têtus, parlent d’eux-mêmes. Dimanche 29 avril 2007, trois commerçants sont exécutés entre le village de Sebaf et Fengolo. Le lendemain de cette tuerie, la brigade mixte est installée. La population est sous le choc. Pis, la peur et l’angoisse s’amplifient. Véritable défi, s’il en est pour le lieutenant Koné et ses hommes ! Ils ont là l’occasion de démontrer à la population qu’elle peut compter sur eux. Peu après leur installation, le 30 avril 2007, les gendarmes vont rassurer sur leur capacité à traquer les tueurs de l’ouest. Dès la tombée de la nuit, ce lundi 30 avril, ils parviennent, à l’issue d’intenses échanges de tirs, à mettre le grappin sur les coupeurs de route à Bangolo. Ils sont au nombre de 6. Interrogés, ces bandits passent à table. Aujourd’hui, ils croupissent dans la prison de Daloa. A la grande satisfaction de la population du département de Bangolo. Qui ne savait plus à quel saint se vouer. Koné et ses hommes ne baissent pas les bras pour autant. Ils continuent de traquer les scélérats qui sévissent dans l’ouest montagneux. Le 6 mai 2007, Gbaha Jean Claude alias JC, considéré comme le chef des bandits qui sévissent dans le département, est arrêté. Il est, aujourd’hui, en détention à la prison de Daloa, attendant de passer devant le tribunal. Son arrestation a sonné dans tout le département comme la fin du calvaire des populations, tellement JC avait une triste réputation. La troisième action, en moins de trois semaines, qui justifie l’estime et l’admiration de Bangolo vis-à-vis de la brigade mixte de gendarmerie, c’est celle qui s’est produite, le 19 mai dernier, en notre présence. De fait, les gendarmes, exploitant l’information anonyme qu’ils ont reçue, ont pu arrêter Ganhiet Lilier dont nous parlions plus haut. Il a été pris sur lui une kalachnikov. Le jour de son arrestation, il s’apprêtait à aller à Guiglo, où les miliciens de l’ouest devaient déposer les armes en présence du président de la République, Laurent Gbagbo. Il n’a pas eu le temps d’emprunter le car qui devait convoyer les populations, qu’il a été mis aux arrêts. M. Gnahiet a expliqué aux gendarmes qu’il allait déposer son arme en tant que milicien de l’Ape wê. Et ce, conformément à la volonté du chef de l’Etat. Or, des informations font état de ce qu’il serait impliqué dans plusieurs crimes, dont l’assassinat d’un jeune de Bangolo, il y a quatre mois. Cependant, il a été libéré par la brigade de gendarmerie au bénéfice du doute. Par contre, Méan Ange Constant, lui, continue de croupir dans l’espace carcéral de la gendarmerie de Bangolo. Ce même samedi 19 mai, il a été freiné par une patrouille à V14, une localité située à l’est de Bangolo. Il avait sur lui un calibre 12 à canon scié. C’est avec cette arme qu’il a agressé un commerçant, ce jour-là. Malheureusement pour lui, ses activités criminelles ont été interrompues. Pour apporter la quiétude et la paix, les nouveaux gendarmes font des patrouilles à Bangolo ainsi que dans les différentes localités pendant les jours de marché.
Des actions unanimement saluées
Toutes les actions menées par la brigade mixte sont appréciées et saluées par Médecin sans frontière (MSF), la population, les fonctionnaires, les élus et cadres de Bangolo. Ils se sentent, sinon soulagés, du moins libérés. Située dans la zone de confiance, depuis fin 2003, Bangolo a souffert le martyre. Il ne se passait de jours sans qu’il n’y ait d’agression sur les paisibles populations. S’aventurer sur l’axe Duékoué-Bangolo, avant le retour de la brigade mixte, revenait à prendre rendez-vous avec la mort. Les coupeurs de route, sans foi ni loi, tiraient sur tout véhicule personnel ou de transport qui empruntait les routes du département. De jour comme de nuit, ils sévissaient. Généralement, dans le sang. “ Il y avait 99% de probabilité d’être agressé sur l’axe Duékoué-Bangolo avant le 30 avril dernier ”, se rappelle encore un cadre du département. “ Les militaires français ou ceux de l’Onuci, lors de leurs patrouilles, ne réagissaient pas lorsqu’ils surprenaient les bandits en flagrant délit ”, nous a raconté K. Geneviève. “ Les Français filmaient les bandits s’ils ne leur demandaient pas, à l’aide de mégaphone, d’arrêter d’agresser ”, se souvient-elle encore. Pour tout dire, l’insécurité était devenue galopante dans la zone. Les paysans n’arrivaient plus à se rendre, paisiblement, aux champs. Les voyageurs de l’axe Bangolo-Duékoué attendaient d’être plusieurs avant d’être escortés par l’Onuci. Aujourd’hui, avec l’installation de la brigade mixte, cette situation est en passe de devenir un vieux et triste souvenir. “ Depuis l’installation de la brigade mixte, nous dormons. Même les enseignants qui avaient quitté la zone, sous le crépitement des armes, sont revenus ”, s’est réjoui Guéssehi Richard, un agent municipal, soulignant que la collaboration entre la brigade mixte et la population est harmonieuse. “ C’est un ouf de soulagement pour l’éducation nationale, surtout. Parce que nous avons assez souffert. Dès l’installation de la brigade, les enseignants sont revenus. Nous avons repris les cours. Nos élèves, qui étaient dans les villages, sont revenus et jusque là, nous n’avons pas encore entendu de coup de feu ”, a témoigné le proviseur du lycée, Kodou Gnally Toussaint.
Le bilan fait par MSF
“ Tous les parents que j’ai rencontrés sont satisfaits du travail abattu en si peu de temps par la brigade mixte. Il est important d’encourager cette brigade mixte pour que Bangolo soit nettoyée de tous les ténias ” a souhaité le maire de la commune de Bangolo, Guiri Aimé. “ En si peu de temps, tous les délinquants qui sillonnaient le département de Bangolo ont disparu et certains ont été mis aux arrêts. Il y a beaucoup d’arrestations. Mais, de nombreux bandits sont encore dans le département. Ils doivent tout faire pour les mettre sous l’éteignoir ”, a t-il ajouté. Tous ces témoignages ont été confirmés par Médecin sans frontière (MSF, Belgique). “ L’arrivée de la brigade mixte a changé les choses. Depuis leur installation, nous n’avons plus enregistré de victimes. La population me dit qu’elle est très soulagée de l’arrivée de la brigade mixte, qu’elle se sent en sécurité, qu’elle dort mieux. Leur travail est très encourageant ”, a confirmé Caroline Rose, responsable terrain de MSF (Belgique) exerçant à Bangolo, donnant des chiffres précis. “ En janvier 2007, par exemple, nous avons enregistré 2 cas de viols (nous venions de commencer à prendre en compte ces cas-là), 12 blessés par balles, 4 blessés à l’arme blanche et 14 autres cas de traumatisme. En avril 2007, MSF a reçu 5 cas de viols, 12 blessés par balles, 1 blessé à l’arme blanche et 15 personnes traumatisées ”, suite à leur agression, a précisé Caroline Rose. C’est la preuve que la situation sécuritaire était on ne peut plus alarmante. Il a fallu le retour de la brigade mixte de gendarmerie pour que la population retrouve la quiétude d’antan. Le constat est à la normale à présent : les véhicules de transport font leur aller et retour quotidien sans escorte de l’Onuci. De même que les véhicules personnels. Les jeunes, les vieux et les femmes empruntent les différentes voies. Sans peur ni crainte. Soit pour aller au champ soit pour rallier le chef lieu de département. Le dimanche 20 mai 2007, lorsque nous quittions la ville, le marché hebdomadaire, qui se tenait, grouillait de monde. Bangolo revient peu à peu à la normalité. Pour accompagner cette dynamique, les autorités compétentes doivent encourager la brigade mixte à mieux poursuivre son travail. En lui donnant les moyens adéquats. C’est le souhait de la population tout entière.
SYLLA Arouna (Envoyé Spécial)
BON A SAVOIR
Situation géographique : Bangolo est située à l’ouest de la Côte d’Ivoire, à environ 550 km d’Abidjan. C’est un département qui comprend 4 sous-préfectures (Zou, Zéo, Diéouzon et Bangolo), 4 cantons : Thouaké, Zérabahan, Zibiao et Zaragnan et 85 villages. Les autochtones Gueré accueillent les allogènes qui y mènent leurs activités.
Retour : Occupé par la rébellion en fin 2002, le département de Bangolo est devenu zone de confiance en 2003. C’est au cours de cette année que la première brigade mixte a été installée. Mais, avec la reprise des hostilités par l’armée loyaliste, en novembre 2004, elle a disparu, laissant la zone sous la surveillance des forces impartiales. Avec l’accord de Ouaga, qui a fait supprimer la zone de confiance, une nouvelle brigade mixte a été installée par le ministre de la Défense, Amani N’Guessan Michel, le 30 avril 2007.
Coupure : Depuis des mois, des quartiers de Bangolo sont privés d’eau et d’électricité. Une panne sur le réseau de distribution expliquerait cette coupure. Avec la normalisation de la situation générale sur le terrain, les populations et MSF, qui fait déjà beaucoup pour le département, souhaitent, vivement, que ce problème soit réglé. Illico.
Reprise : Les cours ont repris dans les établissements primaires et secondaires de Bangolo le 7 mai dernier. Ils avaient été interrompus le 20 mars 2007 à cause de l’insécurité qui prévalait : des individus armés avaient passé à tabac un enseignant et tiré dans la maison d’un autre. Le quartier Soghefia où habitent les enseignants étaient devenu un véritable champ de bataille.
Rencontre : Pour les encourager pour l’esprit de sacrifice dont ils ont fait preuve pour le département, le maire Guri Aimé a reçu, le samedi 19 mai dernier, au foyer polyvalent, les enseignants. Ils se sont dit réconfortés par cette marque de sympathie et d’attention. Selon eux, c’est la première autorité politique de Bangolo à avoir reconnu le travail qu’ils font.
Une sélection de SYLLA A.
Le handicap !
Les “ Bangolois ” se réjouissent du travail abattu par la brigade mixte de gendarmerie. Mais, leur joie sera encore plus grande si les moyens adéquats sont mis à la disposition du lieutenant Koné et de ses hommes. Dans une zone aussi dangereuse, la brigade mixte dispose d’une seule jeep. Or, elle procède, quotidiennement, à des patrouilles urbaines et rurales. Pour faire face aux urgences, les gendarmes sont obligés, le plus souvent, de réquisitionner l’un des trois véhicules pick up des Fanci qui leur servent d’appui. A ce niveau aussi, l’état de ces véhicules n’est guère reluisant. Il faut compter avec les pannes. Qui sont régulières. Nous en avons été témoin. Le samedi 19 mai dernier, c’est après moult difficultés que le véhicule devant conduire les gendarmes chargés d’arrêter le présumé bandit Ganhiet Lilier a eu du mal à démarrer. Ce n’est pas tout ! L’armement ferait défaut. Il nous est revenu que des scélérats, retranchés à Gouédji (un village devenu pratiquement un quartier de Bangolo) et très armés, envoient des messages de défiance au Lt Koné et à ses éléments. Ils menaceraient de s’attaquer à la gendarmerie. La raison : ils tiennent pour responsables de la fin de leur activité...criminelle, les nouveaux gendarmes. Pis, notre source avance que les gendarmes vivent dans des conditions exécrables. Ils logent à la brigade mixte. Et comment ? Ils se retrouvent à plusieurs dans des bureaux qui leur servent de chambre. Il n’y a pas de nattes encore moins des matelas. Ils dorment à même le sol. En dépit de ces problèmes, ces gendarmes sont déterminés à traquer les tueurs de l’ouest. C’est pourquoi le maire Guiri Aimé, le secrétaire général de la préfecture, Lué Denis, en somme toute la population de Bangolo, appellent à l’équipement de la brigade mixte. Le CCI du colonel Kouakou Nicolas est plus que jamais interpellé.

APRES LE SEMINAIRE DU GOUVERNEMENT
Le flou demeure !
vendredi 4 mai 2007 par Sylla ARUNA
A quoi a servi le séminaire gouvernemental qui s’est tenu, mercredi dernier, à Yamoussoukro, sur l’accord de Ouaga ? Cette question est d’autant plus pertinente qu’à l’analyse du rapport final du séminaire, le flou demeure sur le chronogramme d’exécution dudit accord. Pas plus qu’un chiffrage précis n’est annoncé sur le financement du processus de paix. Or, à l’ouverture des travaux, le Premier ministre, Soro Guillaume avait clairement fait savoir que le séminaire allait adopter “ les délais d’exécution et les coûts estimatifs ” du programme de sortie de crise défini par l’accord de Ouaga. “ ...Les mesures prévues par ledit accord pour la résolution des problèmes soulevés, doivent être clairement identifiés : les actions à mettre en œuvre, les structures et acteurs compétents à cet effet, les délais d’exécution et le coût estimatif de ces actions ”, annonçait Soro Guillaume à l’ouverture du séminaire. A la clôture des travaux, le successeur de Charles Konan Banny a admis que tout n’était pas achevé. “ Tout n’est donc pas définitivement achevé avec les conclusions du séminaire gouvernemental de Yamoussoukro. Les aspects pratiques de la feuille de route feront l’objet de rencontres spécifiques et sectorielles. Des groupes de travail et des comités de pilotage seront créés. Les principaux acteurs ayant été identifiés et désignés, il leur reviendra de développer les aspects opérationnels ”, a reconnu le chef du gouvernement à la fin de la journée. Le chronogramme de Ouaga est-il toujours d’actualité, quand on sait que le démantèlement des milices, qui devrait commencer le 21 avril 2007, n’a pas eu lieu ? Mystère et boule de gomme ! Finalement, c’est “ une grille des actions à mener ” qui a été élaborée, mercredi dernier, dans la capitale politique ivoirienne. A l’évidence, il n’y a rien eu de nouveau à Yamoussoukro. Car, l’accord de Ouaga avait déjà défini les actions à mener. Elles tournent autour de “ quatre principales composantes ” qui sont l’identification générale des populations, le redéploiement de l’administration, la question de l’Armée et la libre circulation des personnes. Les ministères et/ou structures impliqués dans l’application du compromis politique de Ouaga étaient facilement identifiables. “ Au terme des débats, la matrice d’action (du processus de paix) a été adoptée dans sa globalité ”, indiquent, sans plus de précisions, les conclusions du séminaire. C’est la preuve qu’on pouvait faire l’économie d’un tel séminaire gouvernemental.


INTERVIEW/ Koné Katinan Justin (DDC de Gbagbo à Katiola) à Soro :
“ Le fétichisme des dates s’impose ”
jeudi 19 avril 2007 par Sylla ARUNA


N° 278
du 03/10/2003







Côte d'Ivoire

Il y a un an, les rebelles du MPCI
s’attaquaient au pouvoir du président Gbagbo
Un an plus tard, si les armes se sont tues, les causes profondes de cette rébellion n’ont pas changé bien au contraire : la fracture ethnique reste très forte et il faudra sans doute beaucoup d’années avant que les Ivoiriens ne se regardent plus comme des ennemis potentiels selon qu’ils soient Bété, Dioulas, Akhans ou encore Sénoufo, pour ne citer que quelques-uns des nombreux groupes qui forment la population de Côte d’Ivoire

C’est dans une morosité certaine qu’a été «fêté» le début de l’offensive des rebelles du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), qui, le 19 septembre 2002, ont tenté en vain de prendre le pouvoir à Abidjan, alors que le président Laurent Gbagbo était en visite officielle en Italie. La motivation principale des rebelles était simple : briser une fois pour toutes le cercle infernal dans lequel se trouvaient enfermées les populations issues du Nord du pays, depuis que le président Henri Konan Bédié, pour des raisons électorales, avait lancé le désastreux concept d’Ivoirité. Ce concept d’Ivoirité n’est en fait rien d’autres qu’un artifice juridique dont la seule fin était d’exclure des élections, à la fois le principal représentant du Nord du pays, l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara, en lui déniant la nationalité ivoirienne, mais aussi les électeurs qui lui sont potentiellement favorables, en l’occurrence les populations originaires elles aussi du grand Nord ivoirien. Quand les rebelles du MPCI se sont emparés des préfectures de Korhogo ou de Bouaké par exemple, ils y ont trouvé des milliers de cartes d’identité dont les titulaires s’acharnaient en vain à obtenir la délivrance. En langage clair, les «Touré», les «Koné» étaient devenus a priori des étrangers «potentiels» pour l’administration en place et des milliers d’Ivoiriens semblaient voués à ne plus avoir de nationalité du tout.
Cette classification des Ivoiriens a été instaurée - il est bon de le rappeler - par le président Henri Konan Bédié, un Baoulé, ethnie dont l’origine conduit pourtant tout droit au Ghana voisin. Senoufo, Malinké, Agni ou Baoulé, pratiquement tous les peuples de Côté d’Ivoire ont migré au fil des siècles et au gré des guerres entre royaumes avant de se stabiliser. Ce n’était sans doute pas tant la culture historique qui faisait défaut au président Bédié, mais une base électorale confortable.
«Dauphin constitutionnel» et de cœur de feu le président Félix Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, en prenant les rênes du pouvoir à la mort du «vieux» en 1993, accède à la tête de l’Etat dans des conditions difficiles. Le passage du flambeau présidentiel est déjà contesté par Alassane Ouattara, alors Premier ministre. Quelques mois plus tard, Bédié perd une part importante de l’électorat de son parti, le PDCI (ancien parti unique) quand Ouattara fait créer en juin 1994 par personne interposée (Djény Kobina, aujourd’hui décédé) le Rassemblement des Républicains (RDR). Personne n’est dupe à l’époque et tout le monde sait déjà que la grande majorité de l’électorat du Nord va se retrouver dans ce nouveau parti politique. La Côte d’Ivoire n’échappe pas à la règle qui veut que l’on vote pour un leader politique non pas en fonction de son programme mais en fonction de son origine régionale ou ethnique. Si Bédié remporte la présidentielle de 1995, c’est surtout parce que l’opposition a boycotté le scrutin. Ouattara s’en retourne alors au Fonds monétaire international, mais attend son heure. Et il sait, comme Bédié, que les populations d’origine du Nord de la Côte d’Ivoire sont les plus nombreuses. Sa «base» électorale est de loin supérieure à celle de Bédié. C’est simple comme une addition à deux chiffres et Bédié, pour se défaire de cette évidence mathématique n’a d’autres solutions que de soustraire Ouattara de la vie politique en lui déniant la nationalité ivoirienne. Ainsi naît le concept d’Ivoirité.
Le coup d’Etat de décembre 1999 qui chassa Henri Konan Bédié de la présidence et porta au pouvoir le général Gueï fut mené par les mêmes hommes qui ont pris les armes en ce jour de septembre 2002. Les «Wattao», les «colonels Adam’s», les «Chérif Ousmane» étaient déjà de la partie en 1999. Avec aussi et déjà «IB», le sergent-chef Ibrahim Coulibaly, leur leader de l’ombre. Si trois ans plus tard, l’on a retrouvé les mêmes figurants qu’en 1999, c’est que le problème n’avait pas changé d’un iota et qu’il avait même empiré avec l’arrivée de Laurent Gbagbo au pouvoir. L’arithmétique lui étant encore plus défavorable qu’à Bédié ou à Gbagbo, le général Gueï qui s’était pris à rêver d’un destin national, s’attela lui aussi à écarter de la présidentielle d’octobre 2000, Alassane Ouattara mais aussi Henri Konan Bédié. Qui pourrait aujourd’hui admettre avec sincérité que la présidentielle de l’an 2000 qui a porté au pouvoir Laurent Gbagbo fut une élection légitime, «ouverte» et démocratique ?

Laurent Gbagbo peut se targuer d’avoir été «élu» avec 59,36 % des suffrages exprimés, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur 5.475.143 d’électeurs inscrits, Gbagbo n’a obtenu que 1.065.597 voix. A peine 20 % des électeurs inscrits !
Mal élu, Laurent Gbagbo aurait pu profiter de son mandat pour réconcilier les Ivoiriens en pratiquant une franche politique d’ouverture et en associant réellement les frères ennemis du passé à la gestion du pays. Il s’est plutôt acharné dès les premiers mois de son régime à tenter d’enraciner définitivement l’exclusion d’Alassane Ouattara de la vie politique ivoirienne et de réduire à la portion congrue l’électorat potentiel de l’ancien Premier ministre.
Bédié invente l’Ivoirité, Gbagbo l’applique

Dans la Côte d’Ivoire de ce mois d’octobre 2000, pour écraser la demande des partisans d’Alassane Ouattara qui réclamaient la reprise de l’élection présidentielle avec leur candidat «naturel», le Front populaire ivoirien (FPI - parti de Gbagbo) lance dans la rue ses militants abreuvés depuis des mois d’un discours xénophobe irrationnel. «Burkinabè, on veut pas» crient alors les gros bras du FPI dans les rues d’Abidjan, lançant ailleurs des «On va les tuer» qui en disent déjà long sur le programme politique du président. Gourdins et machettes en main, les «Fpéistes», appuyés par la gendarmerie, pourchassent pendant plusieurs jours tout ce qui ressemble à un «Dioula», les ressortissants du Nord, région d’origine de Ouattara. Pour mémoire, Laurent Gbagbo pouvait se sentir des ailes puisque ses «amis» socialistes français, alors au pouvoir à Paris, semblaient lui avoir donné le feu vert : «Il y a eu une élection dans un contexte particulier puisque certains candidats ont été écartés, mais elle s’est produite et les résultats semblent montrer que celui qui l’a emporté (Gbagbo) l’a emporté largement et a recueilli une légitimité», avait cru bon de déclarer le Premier ministre français de l’époque, Lionel Jospin.
Pourtant la Côte d’Ivoire venait de connaître sans doute les trois jours les plus sombres de son histoire : entre le 24 et le 27 octobre 2002, des centaines de Dioulas, de Musulmans, de «Nordistes» ou tout simplement d’Etrangers ont été tués, qui à l’arme blanche, qui par les forces de l’ordre, qui arrêtés sur dénonciations. Lorsque le RDR, le parti de Ouattara enterre ses morts au cimetière musulman de Williams Ville, un quartier d’Abidjan, Henriette Diabaté, secrétaire générale de ce parti, déclare qu’il n’y aura «pas de réconciliation dans la haine, pas de réconciliation sans justice». Une réponse à Laurent Gbagbo qui trois jours plus tôt, rendant lui aussi hommage aux victimes de ces folles journées, avait cru bon de déclarer : «La mort n’a pas de parti, elle n’a pas de religion et elle n’est d’aucune région». Lors de cette cérémonie organisée au stade Houphouët-Boigny d’Abidjan, Ouattara fut hué à son arrivée par des milliers de militants du FPI criant «Mossi dehors», à l’adresse de l’ancien Premier ministre, faisant référence à l’ethnie majoritaire du Burkina Faso.
Le 30 novembre de cette terrible année 2000, la Cour suprême rejette la candidature d’Alassane Ouattara pour les élections législatives prévues en décembre, remettant une nouvelle fois en cause la nationalité ivoirienne de l’ancien Premier ministre. «Ce sont des choses qui visent à l’exclusion de toute une partie de la population», commente alors Henriette Diabaté. «L’exclusion d’Alassane Ouattara des élections législatives fait planer plus que jamais le risque de guerre civile sur le pays», pouvions-nous titrer à l’époque (Afrique Express N° 218)
Las, Gbagbo organisa en force une nouvelle mascarade électorale, le RDR ayant décidé de boycotter ces législatives de décembre 2000. Le résultat fut clair pour qui veut bien lire dans les chiffres. Le taux de participation de ces législatives n’a pas dépassé les 33 %. Dans certaines circonscriptions, des députés ont été élus avec des pourcentages dépassant l’entendement, comme à Korhogo-Commune, la «capitale» du nord, où le candidat du Parti démocratique de Côte Ivoire (PDCI) l’a emporté avec 83 % des 4.977 votes recensés sur …59.921 inscrits. Elu donc avec 83 % de … 8,3 % des électeurs.
La fracture avec le Grand Nord était sans doute définitivement consommée à cette date. Aujourd’hui, des responsables rebelles du MPCI confient volontiers que c’est dès cette époque qu’ils décidèrent de préparer leur tentative de prise du pouvoir qui les a conduits à prendre les armes en septembre 2002.

Mal élu à la présidentielle, peu rassuré par les résultats des législatives qui ne l’ont finalement pas plébiscité, Laurent Gbagbo va-t-il enfin tendre la main en cette fin d’année 2000 ? Loin s’en faut. La «justice» ivoirienne croît plutôt bon, à l’époque, de sortir de ses tiroirs le dossier de l’attaque de la résidence du général Gueï qui avait eu lieu au mois de septembre 2000.
Les généraux Lassana Palenfo et Abdoulaye Coulibaly, numéros 2 et 3 du pouvoir sous le régime du général Gueï, tous deux considérés comme proches de Ouattara, avaient été arrêtés le 8 novembre, maintenus en détention, puis inculpés de «détournement d’armes» et de «détournement de deniers publics» en plus de l’accusation de tentative d’assassinat du général Gueï.
Qui mène à l’époque l’instruction de ce dossier aux antipodes de la réconciliation nationale ? Le capitaine Ange Kessy, commissaire du gouvernement (équivalent du procureur de la république dans la justice militaire), le même qui vient de faire mettre sous les verrous début septembre à Abidjan 18 personnes dans le cadre de l’ «affaire IB», après la mise en examen de ce dernier en France.

Première alerte

Arrive janvier 2001, avec une première tentative de coup d’Etat contre le régime de Gbagbo. Nous écrivions à l’époque : «La situation actuelle du pays, que ce soit sur les plans politique ou judiciaire, ne donne pas à penser que cette tentative de coup d’Etat soit la dernière». (Afrique express N° 220)
Les attaquants réussissent seulement à s’emparer des sièges de la radio et de la télévision et à lire un communiqué succinct sans connotation vraiment politique. Mais les violents combats qui s’en suivent font au moins deux morts dans les rangs loyalistes, et sans doute une dizaine de victimes du côté des putschistes, dont certains sont retrouvés dénudés, le crâne fracassé.
A l’époque, les autorités pointent du doigt le «Grand Nord», sans oser accuser nommément Alassane Ouattara. Par petites touches, ministres et autres responsables brossent le portrait type des comploteurs : des «nordistes, mêlés d’étrangers»…
Le ministre de la Défense, Moïse Lida Kouassi, se croît toutefois obligé de rappeler que les personnes interpellées suite à cette tentative de coup d’Etat seront «poursuivies pour ce qu’elles ont fait et non en fonction de leur ethnie».
La justice ivoirienne va donc avoir encore du pain sur la planche alors qu’elle n’a pas encore eu le temps de trouver le moindre supposé responsable des dizaines de victimes des derniers conflits électoraux. Et nous écrivions encore à l’époque (Afrique Express 221) : «Les généraux Palenfo et Coulibaly en prison, le général Gueï intouchable, le sergent Boka Yapi dans la nature, de quoi donner des idées à des gens comme le sergent-chef Ibrahim Coulibaly, lui aussi dans la nature depuis qu’il a quitté le poste d’attaché militaire à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Ottawa au Canada, où Gueï l’avait «placardé» après avoir limogé de la junte Palenfo et Coulibaly. Ibrahim Coulibaly alimente lui aussi ces derniers temps les rumeurs abidjanaises. On le dit en train de recruter des hommes du côté du Burkina Faso.»
A Abidjan, le ton ayant été à nouveau donné par les autorités, la chasse aux «étrangers» peut reprendre de plus belle. Dans le quartier de Cocody, on a pu voir des étudiants de la cité Mermoz procéder à des contrôles d’identités, confisquant les pièces d’identité des étrangers, après les avoir dépouillés de leurs affaires.
Le président du Burkina Faso ne s’en laisse pas compter. Blaise Compaoré se déclare «attristé» par la situation en Côte d’Ivoire et déplore un «déficit de dialogue». «Nous vivons cette situation avec beaucoup de tristesse car nous continuons à penser que le déficit de dialogue, d’unité nationale peut conduire à des dérapages très dangereux (..) pour la Côte d’Ivoire et pour la sous-région», déclare-t-il à Ouagadougou.
Mais à Abidjan, en cette fin janvier 2001, le régime fait entrer dans la danse ses «partisans» d’un nouveau genre, appelés aujourd’hui «jeunes patriotes». Des centaines de jeunes manifestent en conspuant le président sénégalais Abdoulaye Wade qui avait osé déclarer «qu’un Burkinabé subit en Côte d’Ivoire ce qu’un noir ne subit pas en Europe».
La justice mène son «instruction» de la tentative de coup d’Etat du début de l’année et six militaires sont activement recherchés, étant accusés aussi d’avoir pris part à l’attaque du domicile du général Robert Gueï en septembre 2000. Qui sont ces six militaires ? Le caporal-chef Abdourhamane Issa, le caporal-chef Adama Coulibaly, le caporal-chef Oumar Diarrassouba, le caporal Ouattara Issiaka, le caporal-chef Koné Gaoussou et le sergent Tuo Fozié. Tous responsables miliaires du MPCI ou proches, comme Oumar Diarrassouba, alias «Zaga-Zaga», ami intime d’Ibrahim Coulibaly, et aujourd’hui décédé.

Sur le terrain politique la machine judiciaire poursuit son travail de «réconciliation» : Henriette Diabaté, la numéro 2 du RDR, est inculpée mais laissée en liberté, pour «atteinte à l’ordre public, complicité de destruction de biens d’autrui et rébellion». La justice tente d’établir sa responsabilité dans les violences qui avaient éclaté les 4 et 5 décembre 2000, lorsque les militants du RDR protestaient contre l’invalidation de la candidature de leur leader aux législatives.
Deux hauts responsables du RDR - Aly Coulibaly et Gilbert Kafana Koné - et plusieurs militants du parti restent détenus depuis ces manifestations, ainsi que le fils de Mme Diabaté. Un des secrétaires de Ouattara est mort lui en détention, vraisemblablement suite à d’interrogatoires musclés.
Quant à Jean-Jacques Bechio, un conseiller de Ouattara, arrêté le 31 janvier à son domicile, il se voit inculpé et mis sous mandat de dépôt le 15 février à Abidjan pour «complot contre l’Etat de Côte d’Ivoire, atteinte à l’autorité, organisation de bandes armées pour déstabiliser et changer la nature du régime, acquisition et port d’armes sans autorisation». Rien de moins.

Les droits de l’homme sur la sellette

Alors que le Mouvement ivoirien pour la défense des droits humains (MIDH) envisage des actions en justice contre le président Gbagbo et plusieurs de ses ministres en raison de leur rôle et de leur responsabilité dans la répression des manifestations des 4 et 5 décembre 2000 à Abidjan, les Etats-Unis par la voix de leur ambassadeur à Abidjan, Georges Mu, mettent le doigt où ça fait mal.
Fin février 2001, l’ambassadeur américain, en présentant le rapport 2000 du Département d’Etat, dénonce une détérioration «sans fin» de la situation des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire. «Des violations des droits de l’Homme ont commencé sous le régime du président Gbagbo et continuent», déplore l’ambassadeur. «Nous constatons que les forces de sécurité agissent dans l’impunité, pratiquent l’extorsion, pénètrent dans les maisons des particuliers, cela dans tout le pays», insiste Georges Mu.
Le rapport du Département d’Etat fait état de cas de «torture à mort», de «répression politique», d’ «arrestations arbitraires», et de «centaines de tueries extrajudiciaires».
Le rapport note également une augmentation des attaques xénophobes, soulignant que l’ambassade du Mali avait déclaré que «plus de 20 Maliens avaient été tués et dix portés disparus après les élections présidentielles d’octobre».
«Sur un plan général, le gouvernement fut incapable d’amener les auteurs de ces crimes devant la justice, le gouvernement commit des arrestations et des détentions arbitraires (...), les journalistes et les membres de l’opposition, en particulier furent détenus sans procès pendant de longues périodes», note encore le Département d’Etat américain.
Malicieux mais réaliste, l’ambassadeur américain en profite pour rappeler que l’actuel «gouvernement a été élu dans un cadre non représentatif», parce que 14 des 19 candidats déclarés avaient été exclus de la présidentielle.
A la mi-mars, le tribunal militaire d’Abidjan condamne à un an de prison ferme le général Lassana Palenfo pour «complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat» et acquitte le général Abdoulaye Coulibaly. Leur procès aura surtout permis de mettre à jour les «pratiques» de la justice ivoirienne. Au cours des audiences, d’autres militaires accusés dans ce procès ont affirmé avoir cité le nom du général Palenfo «sous la torture».

Le 25 mars 2001 ont lieu des élections municipales et cette fois le Rassemblement des républicains décide d’y participer. Les résultats donnent le parti de Ouattara en tête des suffrages exprimés et en tête des communes conquises. Le RDR obtient 27,24 % des suffrages, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI de Bédié) 26,97 %, et le Front populaire ivoirien (FPI de Gbagbo) 25,18 %. Sur les 197 communes en jeu, le RDR en remporte 63, le PDCI 60, le FPI 33. On comprend aisément pourquoi Bédié, Gueï puis Gbagbo ont tout fait pour écarter Ouattara des élections majeures.
«En dehors du Nord, nous avons démontré que le RDR est un parti national», réagit Henriette Diabaté, tandis que Sébastien Danon Djédjé, le secrétaire national aux élections du FPI, reconnaît que les résultats ne sont «pas terribles» pour son parti. Et d’ajouter à propos du RDR : «Aujourd’hui on voit que c’est une force avec laquelle il faut compter. Il faut qu’on décrispe la situation».

Décrispation ?
En avril de cette année 2001, alors que le porte-parole du RDR, Aly Coulibaly, et Gilbert Kafana Koné, le secrétaire national à l’organisation du parti, qui étaient détenus depuis les manifestations de décembre, bénéficient d’une remise en liberté provisoire tout en restant inculpés de «complicité de destruction de biens publics et privés et atteinte à l’ordre public», le parti de Ouattara fait les comptes : 65 de ses militants et responsables sont encore détenus dans l’attente d’un procès.
Et l’on entend parler de Louis Dacoury-Tabley, l’ancien camarade de Gbagbo et membre fondateur du FPI, qui se fait brièvement interpellé par la police à Abidjan avant d’être relâché alors qu’il rentrait en Côte d’Ivoire après un séjour à l’étranger. Louis Dacoury-Tabley, propriétaire du journal Le Front, a eu sans doute le tort d’avoir pris ses distances avec la direction du FPI en refusant de suivre la ligne xénophobe de ses anciens compagnons de lutte. On retrouvera aussi Dacoury-Tabley à la tête du MPCI en 2002

En cette année 2001, l’Ivoirité se vit au quotidien, pour les responsables politiques comme pour l’homme de la rue. Si en juin, Mme Diabaté et Gilbert Kafana Koné bénéficient d’un non-lieu au terme de l’instruction sur les affrontements de décembre, les effets pervers du concept d’Ivoirité sont loin d’être terminés. Depuis la fin du mois de mai, dans la préfecture d’Adiaké dans l’Est de la Côte d’Ivoire, des Ivoiriens d’ethnie Abouré terrorisent des étrangers pour les chasser des plantations d’ananas qu’ils cultivent dans cette région.
«Je n’ai pas été saisi officiellement, je n’ai pas encore d’élément pour apprécier la situation, la population n’a pas porté plainte», commente alors placidement le préfet d’Adiaké.
Toujours en mai, un affrontement sanglant entre Ivoiriens d’ethnie Guéré et des étrangers, essentiellement des Burkinabè, fait six morts et 16 blessés, dans le village de Goya à 540 km à l’ouest d’Abidjan, et toujours pour des problèmes fonciers.
Triomphant, voire provocateur, à Paris où il était en visite privée, mais où il a été reçu tant par le président Chirac que par le Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, Laurent Gbagbo a achevé le mois de juin sous le coup d’une plainte pour «crimes contre l’Humanité».
Cette plainte collective a été déposée en Belgique contre le président, deux de ses principaux ministres, mais aussi contre son prédécesseur au pouvoir, le général Robert Gueï, par quelque 150 plaignants dénonçant des actes intervenus en octobre et décembre 2000, lors des troubles électoraux.
Question «réconciliation», devant les députés français, Laurent Gbagbo ironise sur le «vagabondage de nationalité» d’Alassane Ouattara. «Il est malsain pour quelqu’un qui veut être président d’un pays de prendre de façon opportuniste, une nationalité ici et là, au gré de ses intérêts personnels», déclare-t-il, provoquant la fureur du RDR.

Sous le regard d’Amnesty International

Question droits de l’homme, Amnesty International apporte sa pierre au dossier en dénonçant dans un rapport les violations des droits de l’homme «très graves» en Côte d’Ivoire depuis septembre 2000, pressant le gouvernement de mettre fin à l’impunité qui règne depuis des années dans le pays. «L’usage de la torture et des mauvais traitements ont pris une intensité jamais vue en Côte d’Ivoire depuis au moins dix ans», écrit à l’époque Amnesty International.

En juillet 2001, les plaintes déposées devant la justice belge par le «Collectif des victimes en Côte d’Ivoire» (CVCI) pour «crimes contre l’Humanité» font des remous. Gbagbo lâche ses «partisans» qui défilent dans le quartier du Plateau à Abidjan, pour dénoncer l’ «ivoirophobie» dont est selon eux victime la Côte d’Ivoire.
Un porte-parole des manifestants, Séverin Sérikpa, lance une mise en garde qui donne le « ton » du régime : «gare à celui, qu’il soit européen, américain ou africain qui va vouloir bafouer les intérêts de la Côte d’Ivoire ! Nous sommes prêts à donner nos vies pour défendre Laurent Gbagbo».
Mouammar Kadhafi qui a senti monter la crise réussit à organiser une rencontre, début juillet, entre Laurent Gbagbo et Blaise Compaore, à Syrte en Libye. Pour calmer le jeu, les autorités burkinabés interdisent même au président du Mouvement ivoirien des droits de l’Homme (MIDH), le juge Epiphane Zorro, de participer à un débat public sur l’ «Ivoirité» à Ouagadougou. Le juge Zorro s’était rendu célèbre en délivrant un certificat de nationalité ivoirienne à Ouattara, certificat dont l’intéressé n’a jamais pu faire usage.
En août, le général Palenfo sort de prison après huit mois de détention, la Cour suprême ivoirienne ayant finalement cassé toutes les procédures à son encontre.

L’impunité prend du galon

Donnant-donnant ? Car au début de mois d’août, le tribunal militaire d’Abidjan venait d’acquitter huit gendarmes accusés dans l’affaire du charnier de Yopougon, où 57 corps avaient été découverts le 27 octobre 2000, estimant que leur implication n’avait pu être prouvée.
Si la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et Reporters sans frontières (RSF) entre autres s’indignent de ce verdict qui selon la FIDH et RSF «renforce le sentiment qu’en Côte d’Ivoire les militaires bénéficient d’une totale impunité», Notre Voie, le journal du parti de Gbagbo, le FPI, écrit à l’époque que «la Côte d’Ivoire (est) lavée de toute souillure». L’impunité vient de prendre un premier galon.

Arrive septembre 2001, et les autorités publient un nouveau bilan officiel des violences qui ont eu lieu pendant les périodes électorales : 303 morts, 65 disparus et 1.546 des blessés. Ce bilan a été établi par un comité mis en place par le gouvernement pour faire la lumière sur les violences qui ont eu lieu lors de l’élection présidentielle, mais aussi lors des législatives et lors de la tentative de coup d’Etat de janvier 2001.
Si «la mort n’a pas de parti, elle n’a pas de religion et elle n’est d’aucune région» comme l’avait dit Gbagbo, les «morts», eux, ont une coloration politique car, dans le détail, ce rapport-bilan précise que 206 personnes ont été tuées et 1027 blessées les 24, 25 et 26 octobre 2000 lors d’affrontements entre les partisans de M. Gbagbo et les militaires favorables au général Gueï, à l’issue du scrutin présidentiel controversé. Une globalisation un peu hâtive car à partir du 25 octobre, ce sont les forces de l’ordre, et notamment la gendarmerie aux ordres de Gbagbo, qui s’en sont pris aux sympathisants de Ouattara (affaire du charnier de Yopougon entre autres).

A l’époque, on annonce aussi la tenue pour le mois d’octobre d’un Forum national de la réconciliation. Le parti de Ouattara, le RDR, pose d’ores et déjà ses conditions concernant notamment la «réhabilitation dans ses droits» de Ouattara. «Sans la réhabilitation d’Alassane Ouattara, il n’y aura pas de réconciliation nationale», déclare Henriette Diabaté, qui ajoute : «Il ne peut y avoir de réconciliation, sans la libération de nos militants incarcérés. Ceux qui ont violé et tué, il faut qu’ils soient découverts, jugés et punis. La réconciliation doit se faire autour d’une Constitution revue. Il faut aussi la reprise générale des élections et la nomination d’un facilitateur honnête et objectif».
Après Amnesty International, c’est au tour de Human Rights Watch d’enfoncer le clou en accusant certains dirigeants d’être à l’origine d’une vague de xénophobie qui menace de déstabiliser le pays. Dans un communiqué, HRW ajoute que «la conférence des Nations Unies contre le racisme, qui s’ouvre à Durban le 31 août, devrait condamner les dirigeants ivoiriens qui ont fait l’apologie de l’intolérance basée sur des critères ethniques ou religieux».
Dans son rapport intitulé «Le Nouveau racisme : manipulations politiques de l’ethnicité en Côte d’Ivoire», Human Rights Watch assure avoir enquêté sur plus de «200 cas de meurtres, actes de torture, viols et détentions arbitraires». «Les Africains ont souvent été victimes du racisme, mais ils peuvent aussi en être les auteurs», écrit Peter Takirambudde, directeur de la division Afrique d’HRW. «Nous voyons en Côte d’Ivoire le genre d’intolérance et de sectarisme à propos desquels la Conférence (de Durban) a été créée. Les dirigeants ivoiriens et les forces de sécurité responsables de ces atrocités doivent être largement condamnés et traînés en justice». Un doux rêve …

Quant à Louis Dacoury-Tabley, il est toujours dans le collimateur du pouvoir : début septembre, des «inconnus» cambriolent les locaux de son journal, Le Front. La liberté de voyager n’est pas acquise pour tous, car à la même époque, on l’empêche de quitter la Côte d’Ivoire en compagnie de Bamba Moriféré, secrétaire général du Parti pour le progrès des socialistes (PPS) et de Hamed Bakayoko, président du Conseil d’administration de Radio Nostalgie et éditeur du Patriote (quotidien d’opposition proche du RDR de Ouattara). Tous trois sont retenus à l’aéroport d’Abidjan pour s’expliquer sur le but de leur voyage et le contenu des documents qu’ils transportent. Le quotidien pro-gouvernemental, Notre Voie, écrit alors que Bamba Moriféré et Dacoury-Tabley sont «deux pyromanes au service du diable» et des «ennemis de la République».
Le concept d’Ivoirité continue à faire des victimes : dernier exemple en date, 1 500 pêcheurs Bozos d’origine malienne sont chassés de leur campement par de jeunes Ivoiriens d’ethnie Baoulé. L’enjeu du conflit ? Le contrôle de la pêche sur le Lac Kossou, situé à quelque 350 km au nord-ouest d’Abidjan. Bilan des affrontements : tous les campements incendiés par les jeunes Baoulés et un Bozo tué.
Sur le plan politique, on commence à s’interroger sur les objectifs réels du Forum sur la réconciliation nationale qui sera présidé par Seydou Diarra (l’actuel Premier ministre) qui «implore» une trêve médiatique, alors que la presse déverse quotidiennement des tombereaux d’accusations, voire d’insultes, sur tel ou tel dirigeant politique.
Côté droits de l’homme, RSF et la FIDH relancent le dossier du charnier de Yopougon en publiant le 27 septembre le témoignage d’un rescapé du charnier qui a reconnu sur photos deux des gendarmes qui avaient été acquittés.

Un Forum pour rien ?

En octobre de cette année 2001, c’est le grand retour au pays de l’ancien président Henri Konan Bédié, 22 mois après avoir été renversé lors du premier putsch de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Bédié revient pour participer au Forum de réconciliation qui a enfin démarré.
La justice, quant à elle, s’en prend maintenant à des proches du général Gueï. Son aide de camp, le capitaine Fabien Coulibaly et cinq autres militaires sont interpellés puis inculpés fin octobre d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Selon Ange Kessy, encore et toujours commissaire du gouvernement, le capitaine Coulibaly aurait cherché à obtenir des renseignements sur l’armurerie du premier bataillon blindé basé à Abidjan. Le capitaine Coulibaly et une poignée d’autres militaires avaient suivi Gueï dans sa retraite à Gouessesso, dans l’Ouest, après la chute de son régime en octobre 2000.
A la mi-novembre, lors de son intervention devant le Forum, Bédié ne se prive pas de dénoncer le «déficit de légitimité démocratique» qui caractérise selon lui la situation politique du pays depuis le coup de force du 24 décembre 1999 qui l’a renversé.
Mais dans le même temps, le gouvernement lance son opération «identification» des populations, en signant un contrat de concession donnant l’exclusivité de l’identification à la Société ivoirienne de télécommunication (SITEL), pour un montant de 70 millions d’euros. «Cette concession à une société ivoirienne pour sécuriser notre état civil, identifier la population et produire ensuite les titres d’identité» est «l’un des actes majeurs de la deuxième République», déclare alors le ministre de l’Intérieur et de la décentralisation, Emile Boga Doudou. Acte majeur ?
«A partir de cette identification, nous allons construire une base de donnée nationale et contrôler aussi le flux migratoire», ajoute dans la foulée le président du Conseil d’administration de la SITEL, Amadou Fadiga.
La Côte d’Ivoire compte 15.366.672 habitants, dont plus de 11 millions d’Ivoiriens et 4,47 millions d’étrangers, selon le dernier recensement officiel effectué rendu public le 6 novembre. Parmi les étrangers, «la grande majorité est originaire de la CEDEAO, 97 % sont originaires des pays voisins de la Côte d’Ivoire dont 2.238.548 Burkinabès» qui constituent la première communauté immigrée dans le pays, devant le Mali.
On verra par la suite que cette opération d’identification de la population n’avait d’autre but que de «filtrer» les «bons» et les «mauvais» Ivoiriens, afin de réduire au maximum l’électorat supposé «pro-Ouattara».

Fin novembre, c’est au tour du général Gueï de s’exprimer devant le Forum : le général se montre particulièrement virulent contre Gbagbo, faisant des remarques transparentes sur sa vie privée et demandant s’il avait «oublié les visites nocturnes qu’il (lui) rendait» sous la transition militaire, accréditant les nombreuses rumeurs sur un «pacte secret» entre les deux hommes qui n’aurait pas été respecté par la suite par Gbagbo Il nie aussi catégoriquement avoir donné l’ordre à sa garde rapprochée de tirer sur les manifestants qui réclamaient son départ du pouvoir en 2000.

S’exprimant lui aussi devant le Forum, le 1er décembre, Alassane Ouattara réitère l’essentiel de ses griefs, réclamant «l’élaboration d’une nouvelle Constitution» et de nouvelles élections présidentielle et législatives. Evoquant les déclarations de Gbagbo, qui a reconnu devant le Forum que certaines conditions d’éligibilité de la Constitution avaient pour but «d’éliminer» Ouattara, l’ancien Premier ministre dénonce «une loi fondamentale dirigée contre un citoyen et tous ceux qui le soutiennent». Tout est dit.
Quelques jours plus tard, Ouattara ajoute : «Je suis venu pour rester. Ma place est ici. Je suis de retour en Côte d’Ivoire. Bien sûr que je reviens pour être président de la République ! Comme Bédié, comme Gueï».
In fine, les résolutions finales du Forum de réconciliation nationale ne règlent pas grand-chose. Au mieux, le Forum aura servi à “légitimer” la présence de Gbagbo à la tête de l’Etat.
A propos de la constitution, le Forum répond que la constitution est valide car approuvée par référendum en juillet 2000, mais qu’il conviendrait de créer un «comité de juristes» pour en «harmoniser certaines dispositions».
Quant au «cas Ouattara», si le Forum a jugé que l’intéressé est bel et bien ivoirien, il se contente seulement de «recommander» aux autorités judiciaires compétentes de délivrer à Ouattara un certificat de nationalité ivoirienne.
Dans son discours de clôture du Forum, le président Gbagbo s’engouffre d’ailleurs dans tous les vides qu’ont laissés les «recommandations». Pour ce qui est de la nationalité de Ouattara, Gbagbo s’en remet à la justice pour régler ce contentieux et réaffirme son refus d’une modification de la Constitution.
Arrive janvier 2002. Une rencontre entre Gbagbo et ses trois principaux rivaux politiques à Yamoussoukro s’achève sans annonce concrète. Mais le président Gbagbo, le général Gueï, l’ancien président Bédié et Alassane Ouattara, ont quand même discuté en tête-à-tête pendant 24 heures. Quelques jours plus tard, la présidence publie le «communiqué final» de cette rencontre au cours de laquelle les frères ennemis ont étudié les 14 «recommandations» formulées par le Forum de la réconciliation nationale.
Sur l’épineuse question de la nationalité et de l’éligibilité de Ouattara, le texte, signé par les quatre hommes, «invite instamment (Ouattara) à déposer sa demande de certificat de nationalité auprès des autorités judiciaires compétentes».
Les quatre politiciens déclarent aussi avoir «pris acte des résolutions du Forum sur la reconnaissance de la légitimité des pouvoirs publics issus des élections générales passées» et «regretté les éliminations de certains candidats à l’élection présidentielle passée et se sont accordés sur le fait que cela ne se répète plus».
Leur communiqué commun souligne toutefois que Ouattara a proposé un référendum sur l’organisation de nouvelles élections législatives, son parti ayant boycotté celles de décembre 2000 après le rejet de sa candidature.
Le communiqué annonce aussi la création d’un «comité de juristes» pour préparer un colloque international sur la Constitution ivoirienne, dont les dispositions sur l’éligibilité sont critiquées.
Prenant acte que le Forum a souhaité la condamnation des coups d’Etat, les quatre «s’engagent à tout mettre en œuvre pour éviter à jamais la répétition d’une telle situation».
Ils «demandent que la lumière soit faite» par la justice sur les événements sanglants de 2000 et 2001 et soulignent que d’éventuelles mesures de pardon ou d’amnistie «ne seront prises qu’à l’issue des procédures judiciaires».
Le communiqué commun des frères ennemis aborde également les tensions ethniques et religieuses. Les quatre leaders demandent «la transparence et la justice dans la délivrance» des cartes d’identité et «déplorent que les ressortissants du nord soient soupçonnés, a priori, dans le cadre de diverses démarches administratives et de contrôles de police, d’être des étrangers». Ils «encouragent le gouvernement à poursuivre ses efforts en vue de mettre définitivement fin à cette situation».

En mars, Oulai Siene, le ministre de la Justice et des Libertés publiques, annonce la réouverture de l’enquête sur le charnier de Yopougon. Un peu normal. Il est pressé de questions devant la Commission des droits de l’Homme de l’ONU à Genève. Le ministre précise même que le chef de l’Etat a décidé la réouverture de toutes les procédures d’enquête sur les événements consécutifs aux élections d’octobre et de décembre 2000. Pas de chance. Le commandant Victor Bè Kpan, acquitté avec sept autres gendarmes «faute de preuves», décède le 1er avril.

Gros nuage à l’horizon

En juin, un gros nuage pointe à l’horizon. Tous les habitants de Côte d’Ivoire, nationaux comme étrangers, seront «identifiés» par l’Office national d’identification (ONI) d’ici à la fin 2003, annonce l’homme qui dirigera cette gigantesque opération, le colonel Almustapha Kone.
En présentant cette vaste entreprise de recensement et d’informatisation des registres d’état civil et d’enregistrement des étrangers vivant en Côte d’Ivoire, il tient quand même à préciser que «cette opération a pour but de mettre de l’ordre, mais n’est dirigée ni pour ni contre quelqu’un».
Le processus d’enregistrement des quelque 15,4 millions d’habitants aboutira à l’obtention d’une carte d’identité (orange) pour les nationaux d’un coût de 1.000 FCFA, d’une carte de séjour (verte) pour les ressortissants des pays de la CEDEAO d’un coût de 35.000 FCFA pour cinq ans, et d’une carte de séjour (bleue) pour les autres résidents étrangers d’un coût de 300.000 FCFA pour cinq ans également.
Ouattara réagit aussitôt : «Il est à craindre que cette identification ne se fasse dans une perspective d’exclusion de pans entiers de la communauté nationale. Elle pourrait favoriser la mise en place d’un apartheid à l’ivoirienne».

En mai, le Premier ministre de l’époque, Pascal Affi N’Guessan, met de l’huile sur le feu à deux mois des élections régionales et dans un contexte de réconciliation nationale plus que fragile. Lors d’un déplacement en province, le chef du gouvernement, qui est également chef du FPI, s’en prend directement à Ouattara, à Bédié et au général Gueï.
A l’adresse de Ouattara, Pascal Affi N’Guessan lance : «On évoque des questions de certificat de nationalité. Si vraiment ce sont des problèmes de papiers qui préoccupent certains partis politiques, qu’ils laissent tomber la politique pour créer une ONG de défense des sans papiers, un Rassemblement des sans papiers» (un jeu de mot sur le nom du parti de Ouattara, le RDR).
Bédié et son parti, le PDCI, ne sont pas mieux lotis : «Ils cherchent à se donner un nouveau souffle avec des poumons réchappés». Et poursuivant sa métaphore, Affi N’Guessan assène : «le pneu est usé, il faut l’amener au garage et mettre de nouveaux pneus pour que la Côte d’Ivoire aille vite. Ils ne vont plus revenir au pouvoir».
Quant au général Gueï, Affi N’Guessan lui rappelle crûment son passé putschiste et le met en garde contre toute tentation de coup de force.
On est aux antipodes de la rencontre de Yamoussoukro du début de l’année, entre Gbagbo, Bédié, Ouattara et Gueï.

Fin mai, au cours d’un entretien télévisé, Gbagbo défend son bilan de président, mais évite les sujets qui fâchent. «Ce qui était humainement possible, nous l’avons fait et je suis fier de ce que le gouvernement a fait en si peu de temps. Nous sommes revenus à la normale alors que nous étions dans l’anormalité», déclare-t-il. Mais il se défausse sur l’épineux dossier de la nationalité de Ouattara.
A propos de la nationalité de Ouattara et de sa possibilité ou non de se présenter à des élections, Gbagbo déclare simplement que «tout a été dit au Forum et lors de la rencontre à Yamoussoukro des quatre leaders. Tout a été dit et écrit. Que tout soit donc accompli».
Concernant l’affaire du charnier de Yopougon, il estime que l’on «est injuste en se focalisant sur 57 morts, alors que les enquêtes parlent de plus de 300 morts».

Le 10 juin, l’opération d’identification de la population démarre effectivement sur le terrain : les Ivoiriens sont invités à se rendre dans l’un des 186 bureaux de postes disséminés sur l’ensemble du pays pour se faire identifier. Mais déjà deux partis politiques, l’UDPCI et le RDR s’insurgent d’une décision de la Commission électorale indépendante selon laquelle seules les nouvelles cartes d’identité et les nouvelles attestations d’identité seront acceptées pour voter aux élections régionales du 7 juillet.
Gbagbo nomme les quatre membres du comité de juristes chargé d’organiser un colloque international sur la Constitution ivoirienne. Sitôt nommé, le président du comité, le député Paul Yao N’Dré (membre du FPI de Gbagbo) déclare : «Il n’est pas question de révision, il s’agit de réfléchir sur la Constitution, la faire connaître et la diffuser au cours d’un colloque international».

Le 28 juin, la justice ivoirienne délivre enfin un «certificat de nationalité» à Ouattara, se conformant en cela aux recommandations du Forum de réconciliation. Mais il reste que Ouattara, au regard de la Constitution est toujours inéligible, une clause constitutionnelle interdisant à toute personne s’étant prévalue d’une autre nationalité de pouvoir être candidat à la moindre élection. Hors Ouattara a travaillé un temps pour le compte du gouvernement du Burkina Faso.
Le «cas Ouattara» est-il en passe d’être réglé ? A lire la presse ivoirienne et à entendre la réaction des dirigeants à cette décision de justice, il vaut mieux en douter.
Gbagbo qualifie cette affaire de «banale», et ajoute : «Un certificat de nationalité a une durée de vie de trois mois (...), je ne me laisserai pas distraire».
La presse proche du pouvoir se déchaîne à nouveau. Le journal nationaliste, Le National, titre en Une : «le hold-up juridique». Notre Voie, l’organe quasi-officiel du FPI, souligne lui : «peine perdue pour Dramane Ouattara, 50 millions FCFA pour un certificat de nationalité». Et le journal affirme que le juge «a signé dans la plus grande discrétion ce papier puisqu’il lui a été proposé et remis 50 millions en coupures de 500 euros ».
La vice-présidente du tribunal d’Abidjan «Matto Cissé (qui a signé le certificat) est d’origine guinéenne», écrit pour sa part et très finement le journal La Bombe, qui ajoute encore que le certificat de Ouattara «est un document douteux».
«Une banale affaire», comme l’a dit le président Gbagbo ? Pas si «banale» que ça puisque cinq journalistes de la télévision nationale sont suspendus de leur fonction pour avoir simplement diffusé un reportage sur une conférence de presse des avocats de Ouattara relative à l’obtention de son certificat de nationalité.

Fin juin, un général de la police, Alain Mouandou, est arrêté pour sa participation supposée à une opération de déstabilisation du régime. Dans une intervention télévisée le 5 juillet, Gbagbo déclare : «Il n’y aura pas de coup d’Etat en Côte d’Ivoire», mais il ajoute : «on voit le dos des «nageurs» qui entretiennent des petits gars à nos frontières».
En Belgique, la justice déclare irrecevable la plainte pour crime contre l’humanité déposée contre Gbagbo, Gueï et deux ministres.

En juillet, ont lieu des élections départementales. Le décompte de voix place le RDR en tête (27 % des suffrages), devant le FPI (22 %) et le PDCI (21,31 %). Le scrutin qui s’est déroulé dans le calme, mais avec une faible participation a été dominé par une polémique sur les pièces d’identité requises par la CEI pour pouvoir voter. Les attestations provisoires d’identité et la nouvelle carte nationale d’identité sécurisée constituaient les seules pièces admises pour accéder aux urnes.
De nombreuses personnes à Abidjan et à l’intérieur du pays n’ont pas pu prendre part au vote, n’ayant pu produire ces documents.

Le 1er août, l’ancien ministre ivoirien Balla Kéïta, est assassiné à son domicile de Ouagadougou, où il s’était «exilé». Originaire de Korhogo, longtemps ministre sous Houphouët-Boigny, puis conseiller spécial du général Gueï après le coup d’Etat de décembre 1999, Balla Kéïta avait été nommé en mai 2002 secrétaire général de l’UDPCI, le parti de Gueï. Il n’était jamais renté en Côte d’Ivoire pour assumer cette fonction.
Sur le plan politique, un nouveau «gouvernement d’ouverture» incluant le RDR de Ouattara, le PDCI de Bédié et l’UDPCI du général Gueï, est formé le 5 août. Ce gouvernement reste toutefois dominé par le parti de Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI) et moins de trois jours après son entrée au gouvernement, le parti du général Gueï claque la porte, estimant n’avoir pas eu assez de ministres.
Toujours en août, le mouvement ivoirien des droits de l’homme (MIDH) dénoncé les «actes de torture, les détentions illégales, les arrestations cavalières» de la Direction de la surveillance du territoire (DST, service de contre-espionnage ivoirien).
Dans un communiqué, le MIDH interpelle «les autorités politiques de l’Etat sur la nécessité de mettre un terme aux activités illégales de ce service», l’organisation de défense des droits de l’homme affirmant avoir recensé plusieurs cas «d’arrestations cavalières, de détentions illégales, de violation des droits de la défense et des actes de torture».
Côté justice, si le général de police, Alain Mouandou, est remis en liberté sans avoir été inculpé, Jean-Jacques Béchio, le conseiller de Ouattara, est condamné à 12 mois de prison avec sursis, après avoir été poursuivi pour «détention illégale d’armes et munitions de 1ère et 4ème catégorie». Après son arrestation en janvier 2001, le ministre de l’Intérieur, Emile Boga Doudou, avait affirmé qu’il avait été pris en flagrant délit de conspiration contre la sûreté de l’Etat.

Début septembre, le général Gueï lâche tout ce qu’il a sur le cœur. Pour bien marquer la rupture avec le régime, le général Gueï lance : «le pouvoir arrête des citoyens, les emprisonne, les torture sans l’ombre d’une preuve. Les réformateurs (du FPI) sont atteints de complotite aiguë».
Dans un entretien accordé au quotidien Le Jour, le 17 septembre, Louis Dacoury-Tabley règle ses comptes avec le régime du président Gbagbo. "Au jour d'aujourd'hui, il n'est pas en train de se passer ce dont nous avions rêvé: un pays où la parole était libre, où il y avait la justice, l'équité, où l'on donnait la possibilité aux uns et aux autres d'entreprendre dans la justice", déclare-t-il. "Quand la loi sert à un seul individu, les choses ne peuvent pas bien aller. C'est ce que nous reprochions au régime du président Houphouët et de son annexe qui était celui de Bédié. Il est clair selon moi qu'aujourd'hui nous n'avons rien changé", ajoute-t-il.
Arrive enfin le 19 septembre, et nous pouvions titrer à l’époque : «Un coup d’Etat sans visage, mais pas sans causes».

R-J Lique


Interview de Bernard Doza

Bernard Doza , présenté comme l’opposant le plus virulent depuis le régime d’Houphouêt Boigny n’a vraiment pas sa langue dans la poche. Journaliste ivoirien à paris, il est l’auteur du célèbre livre critique :Liberté confisquée, paru aux éditions Biblieurope. Après la censure de son second livre en France(Liberté confisquée II : La fin du règne des sous préfets africains), Bernard Doza ne désarme point. Il s’apprête à publier un troisième livre dont lui seul a le secret de la forme du contenu.

Interrogé sur la situation de crise qui secoue son pays, il répond ceci :

Kouhon Philippe : M. Bernard Doza, bonsoir. C’est toujours un plaisir de vous entendre quand il est question de la politique africaine. Dès le mois de novembre 2002, vous accordiez une interview à notre journal dans laquelle vous expliquiez les causes et les conséquences de ce qui a frappé votre pays le 19 septembre 2002. Actuellement les choses semblent s’apaiser suite aux différentes compromissions. De Marcoussis à l’amnistie en passant par la formation d’un gouvernement de réconciliation et la fin de l’état de guerre signée par les belligérants. Quelle est la nouvelle lecture de M. Doza ?

Bernard Doza : Je remercie votre journal, qui à chaque fois qu’il y a un rebondissement dans la crise en Côte d’ivoire , me fait l’honneur d’éclairer les Ivoiriens et l’opinion internationale. Pourquoi juste après la première interview que je vous ai accordée, les ivoiriens ont massivement réagi ? Sachez qu’en politique il n’y a pas de génération spontanée. En politique, ce sont ceux qui posent les actes qui font l’histoire. Depuis les années 80 je fais partie de ces intellectuels qui ont dénoncé la dictature qui sévissait dans mon pays la Côte d’ivoire. Aujourd’hui aux yeux de bon nombre d’ivoiriens et d’africains, je suis un leader d’opinion par rapport à la question ivoirienne à l’étranger. Depuis les évènements du 19 septembre 2002, je suis sujet de beaucoup de rumeurs. Je fais l’économie de tout cela. Mais permettez-moi de faire un rappelle : Quand j’ai quitté la maison des étudiants dans le 13è arrondissement en 1999 , on racontait que j’étais à la solde d’Alassane Ouattara. La vérité est que ma chaîne de radio que j’ai intégrée depuis 1985, venait de m’octroyer une maison par le biais de 1% patronal. Et vue que ma famille s’agrandissait, j’ai dû partir de la MECI(maison des étudiants de Côte d’Ivoire). Mais ce que je ne dis pas souvent est le suivant : Houphouêt Boigny, en 1989, avait envoyé M. Balla Keita à paris me convaincre de rentrer dans le gouvernement. J’ai refusé ; la rencontre a eu lieu à l’hôtel Meridien paris- montparnasse. Il y avait deux témoins. Le même Balla est revenu me voir lors de l’hospitalisation d’Houphouët en 1993. Ma réponse n’a pas varié.

Quand M. Konan Bedié a pris le pouvoir, il a envoyé M. Jean Marie Adiaffi m’inviter à rentrer dans son gouvernement. C’était en janvier 1994. Chose que j’ai refusée. En juin 1994, il a envoyé M. Osseyi Gnansou son conseiller spécial et député d’Agboville. Nous avons discuté à l’hôtel Castaglione du côté de l’assemblée nationale à paris , devant huit témoins. J’ai dit non. Car je considère le PDCI comme la vigile coloniale des intérêts français en Côte d’ivoire. Donc en tant que nationaliste révolutionnaire, il est clair que je dérange les régimes successifs du PDCI, de Guei Robert jusqu’à ce que l’actuel pouvoir de M. Gbagbo me considère comme un élément dangereux lorsque j’ai dénoncé en décembre 2000 la dérive génocidaire du pouvoir FPI. Je ne suis donc pas un homme de compromis. J’ai toujours considéré que les organisations des sociaux démocrates qui refusent en fait la révolution nationale pour instaurer un système en accord avec le parti socialiste français(crée par Mitterrand au congrès d’Epinay) qui ne cherchent pas le développement de la Côte d’ivoire mais plutôt à adoucir la souffrance du peuple en faisant croire que la démocratie hexagonale peut s’exercer dans un pays africain sans que la question de l’indépendance réelle soit posée. Voilà notre divergence idéologique. Donc ce que je constate c’est que depuis le 24 décembre 1999, il y a eu un coup d’état en côte d’Ivoire. Quel pourrait être aujourd’hui le lien avec l’arrestation d’Ibrahim Coulibaly alias « IB » ?

Kouhon Philippe : Justement je m’apprêtais à vous demander votre commentaire sur cette arrestation.

Bernard Doza : Concernant l’arrestation d’ « IB », beaucoup de choses ont été dites ; des dépêches d’AFP aux médias français et ivoiriens en passant par des déclarations du quai d’orsay. On nous a même annoncé que des mercenaires auraient avoué d’avoir été recrutés par « IB » en vue de déstabiliser la Côte d’ivoire et de tuer le président de la république.

Pour être un observateur des rapports franco-africain, permettez-moi de poser juste une question : Je rappelle qu’après la révolte du PDCI RDA en décembre 1949 qui a conduit jusqu’en juin 1950, la réédition d’Houphouêt Boigny en signant une lettre devant François Mitterrand dans laquelle il disait que désormais il était au service de la France, depuis cette date la Côte d’ivoire est devenue la vigile coloniale de la France en Afrique de l’ouest. Ainsi, lorsque le 24 décembre 1999, des jeunes soldats de retour d’une mission de l’Onu en Centrafrique, devant le refus du pouvoir- Bédié d’honorer leur solde de mission, renversent ce dernier par un coup d’état, qui prend le pouvoir ? Le général Guei Robert Les meneurs : Il y a d’un côté le sergent-chef Boka yapi, responsable de la poudrière qui au lendemain du coup d’état devient le chef des Brigardes rouges, et de l’autre côté se trouve Ibrahim Coulibaly(IB) qui prend la tête de la Cosa Nostra. Nous avons au centre, les généraux Guei Robert, Palenfo ,Coulibaly et tous ceux qui les entourent tels Fabien coulibaly, Balla keita et autres...Quelle sera la suite des évènements ? --Premièrement on a assisté à une opposition d’ « IB » et Boka yapi. Mais seulement souvenez-vous. A la prise du pouvoir par Guei, il disait qu’il était venu jeter les bases d’une Côte d’ivoire qui n’est ni du nord, du sud, de l’est , du centre encore moins de l’ouest. Mais une Côte d’ivoire unique, une et indivisible. « IB » ayant été perçu et agité dans l’opinion publique comme étant le porte voix de la révolte des militaires issus du Nord, devrait être opposé à Boka yapi qui lui était considéré comme le protecteur du sud et le dernier rampard du pouvoir Guei. C’est au milieu de tout cela que le leader du FPI (M.Laurent Gbagbo) viendra jeter l’huile sur le feu. C’est lui qui ira jusqu’à tribaliser le coup d’état au lendemain de la formation du gouvernement. « Il faut qu’on nous dise si c’est un coup d’état RDR », martelait le leader du FPI, quand il a constaté un nombre important de ministres issus du nord dans le gouvernement. Donc nous sommes en face de deux chefs d’accusations :
les puschistes qui sont considérés, dans les journaux de l’opposition proches du FPI, dans leur grande majorité comme étant des éléments téléguidés par le RDR et l’accusation portée par le président du FPI à l’encontre du RDR au vue de la composition du gouvernement de transition militaire. A partir de cet instant, le général Guei au lieu d’être vigilant face à certains éléments mafieux du PDCI et du FPI, va jeter dehors « IB » et toute sa bande qui composait la Cosa nostra pour soupçon d’alliance avec « l’étranger » Alassane Ouattara. Voilà comment petit à petit on va déstabiliser pour ensuite mieux les traquer et les éliminer un à un, en réalité les auteurs du renversement du pouvoir de Bedié. Une stratégie de liquidation de tous les coupables du coup d’état de 99 sera donc mise en place : On commence par pousser « IB » dehors. Il se retrouve au lendemain des élections de 2000 au Burkina Faso d’où ils s’organisera avec les éléments qui l’ont suivi et y prépareront les différentes tentatives de coups d’états contre les pouvoirs successifs en Côte d’Ivoire. Quant à Boka yapi, il est porté disparu à la chute du général Guei.

Faisons une analyse : Ceux qui ont choisi de supporter le général Guei, sont pris en otage à la chute de ce dernier à la maison de la télévision à Abidjan. Balla part sur un brancard pour le centre hospitalier de la pisam, Ahipaud sort inextrémis et se réfugie à Londres. « IB » est réfugié au Burkina , Boka se retrouve au Bénin. Aujourd’hui en Août 2003 regardez la liste des auteurs du coup d’état du 24 décembre 99. Combien en reste-t-il ?

En 2002 qui assassine Bala Keita ?C’est un conseiller militaire dont je tais le nom, attaché à l’ambassade de Côte d’Ivoire au Burkina proche de Konan Bedié qui organise le crime. Guei se rend donc à Abidjan où il dénonce ouvertement la trahison de la promesse faite par Laurent Gbagbo pendant les élections de 2000.

Donc Gbagbo qui savait que Guei nourrissait les ambitions d’un retour, laisse la rébellion au nord se préparer. Gbagbo qui était informé par ses renseignements généraux que depuis le mois de février, suite à l’échec de la liste d’Henriette Diabaté(RDR) où figurait Soro guillaume à Port Bouët, ce dernier avait rejoint les autres au Burkina, a expressément laisser faire les choses. Ces informations étaient reprises dans le quotidien « notre voie » ; décrivant même les boîtes de nuits fréquentées par « IB » et sa suite à Ouaga.*

En juillet 2002, après une rencontre avec les militaires , le chef de l’état lui-même affirmait dans une interview qu’ « il n’y aura pas de coup d’état ni aujourd’hui, ni dans un mois ni dans dix mois ni dans un an...) . Il a même accusé le président du RDR d’entretenir financièrement les troupes d’IB au Burkina Faso. Gbagbo était donc au courant de l’opération de déstabilisation de son pays. Mais pourquoi, en tant que chef de l’état n’a t-il pas masser des troupes militaires à la frontière du Burkina pour prévenir ce qui se tramait à l’extérieur ? Il a donc fallu que les évènements du 19 septembre arrivent pour qu’il profite de l’invasion .... C’est ce qui va expliquer l’assassinat du général Guei.

Mais de tout cela qui a mordu la poussière le 24 décembre 99 ? La monarchie de Yamoussoukro. Rappelons que le commando qui a tué le général Guei a aussi exterminé tout son entourage. Ce n’est point un assassinat. C’est une opération de vengeance. Après donc avoir liquidé Balla et Guei, il restait maintenant le tour de ceux qui l’ont porté au pouvoir. C’est dans cette logique d’éliminations physiques que la mort subite de Boka yapi au Benin doit s’inscrire. Alors qu’au lendemain du 19 septembre 2002, il disait qu’il se ralliait au gouvernement Gbagbo. Après donc Boka yapi, c’était le tour de Félix Doh qui malgré les accords de Marcoussis(puis qu’il était dans la logique de vengeance du général Guei) n’a pu échapper au scénario. Dans la foulé ça sera l’aide de camp du général Guei, M. Fabien coulibaly qui sera tué au cours des évènements. Après donc tout ce beau monde qui ont concouru à asseoir le pouvoir du général Guei, qui reste-il sur la liste du 24 décembre 99 ? Les généraux Palenfo, Coulibaly et Ibrahim Coulibaly dit « IB ».

La France qui a initié les accords de Marcoussis, se rendant compte, vu que le nord continue de frapper la Côte d’Ivoire par une rebellion qui dénonce le pouvoir d’état colonial et au sud le président Gbagbo déséquilibré, qui continue de financer des organisation de jeunes patriotes, invitera le chef de l’état à prendre Soro comme premier ministre et de nommer Blé Goudé ministre. Pour créer une sorte d’équilibre. Rien n’est fait dans ce sens. Mais la France ne désarme pas. Puisqu’elle sait qu’à travers les accords de Marcoussis , une sorte de gouvernement d’équilibre a été mis en place jusqu’aux élections de 2005 pour que le PDCI revienne au pouvoir par la voie électorale. La question qu’elle se pose, c’est comment rééquilibrer ce gouvernement pour qu’il aille jusqu’en 2005. Quand on sait que ceux qui n’ont pas participé aux accords de Marcoussis menacent. C’est ce qui explique du côté du pouvoir, l’arrestation du chef de fil du GPP, Charles Groguhet et la reception à paris par Dominique De Villepin, le jeune patriote Blé Goudé et de l’autre côté l’arrestation d’ « IB ». Car la tendance Soro qui commence à avoir un comportement pro gouvernemental ou pro Marcoussis n’étant pas sûr de maîtriser le clan « IB », qui pourrait venir déséquilibrer l’ordre établi par la France, tout ceci va amener le quai d’orsay à convoquer « IB » à paris où le porte parole du ministère des affaires étrangères reconnaîtra au cours du point de presse du 27 août dernier : « En réponse à une question qui a été posée au point de presse d’hier, je vous précise que M. coulibaly est entré légalement en France, en possession d’un visa délivré au consulat général de France à Ouagadougou....Je saisis cette occasion pour vous rappeler que la France est en droit d’exiger de tout ressortissant étranger en séjour sur son sol une attitude de réserve et de retenue » fin de citation. Celui qui a participé au coup d’état de 99, qui depuis le Burkina a lancé le complot de la mercedès noire en janvier 2001, et enfin qui depuis son exil a lancé la rébellion du 19 septembre 2002, sans avoir eu le soutien des mercenaires, se voit subitement accuser de préparer un coup d’état devant aboutir à l’assassinat du président gbagbo en complicité avec des mercenaires depuis la France. « IB » a-t-il besoin de venir jusqu’en France pour recruter des mercenaires ? Alors que du Burkina ce sont sous ses ordres que près de 40 000 militaires ont coupé la Côte d’ivoire en deux.

Les ivoiriens ne sont pas dupes. Nous sommes fatigués des manipulations. Nous avons un chef de l’état à qui a été confié un pays entier. Mais depuis septembre 2002, celui-ci est incapable repousser l’invasion et de restaurer l’intégrité territoriale. C’est ça aussi qui est la vérité.

Kouhon Philippe : « IB » est aujourd’hui entre les mains des autorités françaises. Quelle peut être la suite des évènements ?

Bernard Doza La suite est simple. « IB » n’a pas compris qu’en posant avec ses amis, l’acte du renversement du pouvoir Bédié qui était celui de la France, venaient de poser un acte symbolique fort. Faire une telle opération et veni,r quand bien même convoqué par la France à paris était l’erreur à éviter. C’est un piège qu’ il n’a pas su déjouer. En outre pour quelqu’un qui est venu recruter des mercenaires, on comprend mal qu’il puisse accorder des interviews à des médias de la place et paraître à la télé. Ce qui me frappe dans cette arrestation , c’est la présence d’un baoulé parmi les hommes arrêtés avec « IB » à l’hôtel et un autre baoulé dans le groupe de mercenaires arrêtés à l’aéroport Roissy Charles De gaule. Et comme par hasard les deux baoulés viennent d’être libérés alors que le groupe de mercenaires arrêtés à l’aéroport venait d’avouer à la justice française qu’il avait bien été recruté par « IB ».No comment.

Kouhon Philippe : Quelles pourraient être les conséquences de l’arrestation d’ « IB » vis à vis du processus de Marcoussis ?

Bernard Doza « IB » a été arrêté pour être retenu en France ou ailleurs mais hors de la Côte d’Ivoire jusqu’en 2005. Remarquez que l’annonce de l’arrestation d’ « IB » n’a pas été faite ni par la DST(ministère de l’intérieur), ni par la justice mais par l’état français lui-même. C’est le ministère des affaires étrangères qui l’a annoncé. C’est curieux. Or il est su de tous que De Villepin en personne aurait reçu « IB » pendant trois heures. Mais dès lors où les discussions n’ont pas abouti (« IB » n’a certainement pu convaincre son interlocuteur), dès le lendemain on annonce son arrestation. « IB » est donc retenu non pas parce qu’il préparait un coup d’état et voulait assassiner le président Gbagbo, mais tout simplement parce que absent à Marcousssis, il devenait menaçant pour les Marcoussards.

Kouhon Philippe : A vous entendre, vos préoccupations ne sont pas loin de celles des « forces nouvelles ». M.Bernard serait tenté de renchérir ce vaste mouvement de contestation qui occupe aujourd’hui la moitié du pays ?

Bernard Doza Depuis cette crise, des gens parlent de mes accointances avec Guillaume Soro et avec Alassane Ouattara. Je profite de votre tribune pour dire officiellement que je ne connaît pas Alassane Ouattara. Je ne l’ai jamais rencontré physiquement. Je le vois à travers les médias c’est tout. Concernant le MPCI, j’ai rencontré Soro en 99, par le biais de M.Guédé Pépé dit James Cenach. C ’était dans le bureau de ce dernier sur les Champs Elysées. Ce jour là il y avait mon ami Martial Ahipaud. Nous avons échangé. C’est là que j’ai connu Soro.

Mais après les évènements du 19 septembre 2002, c’est curieusement un ancien agent secret ivoirien que M.Gbagbo lui-même connaît très bien car c’est le même qui a été envoyé par Houphouêt en 1989 pour convaincre Gbagbo de rentrer au pays. Cet agent se nomme TAGBO. J’ai même publié dans mon livre Liberté Confisuée la photocopie du faux passeport avec lequel cet agent est rentré en France. C’est donc ce même agent que Soro une fois à Lomé , a appelé pour rentrer en contact avec moi. Soro au bout du fil me dit : « grand frère, il faut que tu nous rejoignes à Lomé ». Voilà la question que je lui ai posée : Pourquoi ? Il a répondu que ma présence donnerait une dimension nationale à leur lutte. « Aussi tu avais toujours préconisé la révolution. Nous sommes en train de la faire ». J’ai dit oui. Mais pour une révolution j’aimerais savoir le financement de l’opération. Car je ne peux pas me mettre dans une lutte dont j’ignore les tenants et les aboutissants. A défaut de venir directement à Lomé je lui est proposé que nous nous rencontrions dans un pays neutre et dès que je connaîtrai le financier, je pense qu’il n’est pas à exclure ma participation ou mon soutien. Je lui ai demandé trois billets d’avions. Il m’a dit OK. Je n’avais même pas encore reçu les billets qu’on publia que Bernard Doza a rejoint la rébellion. Le journal qui a fait cette publication a manqué d’adresse. Cela pose la question du rôle de la presse dans cette crise. Le journaliste de L’Inter aurait dû attendre de me voir à Lomé. Car M. Konaté Sidiki(actuel porte parole du MPCI) venait d’annoncer que j’animerais avec lui le même soir une conférence de presse à Lomé. Le journaliste aurait dû attendre ce moment là avant de faire son papier. Quand Dacoury devait rejoindre la rébellion, c’est lui-même la veille qui l’a annoncé au cours d’une conférence à paris.

Je tiens à dire que le jour où je rentrerai dans un mouvement, cela ne sera pas annoncé à travers les rumeurs. C’est moi-même qui l’annoncerai officiellement à travers les médias nationaux et internationaux. J’ai vingt six ans de journalisme en France.

Kouhon Philippe : Pensez-vous réellement à un retour de Konan Bédié au pouvoir ?

Bernard Doza Lorsqu ’Houphouët est mort, il a été intronisé à Yamoussoukro, son neveu, fils de sa sœur Amoin et fils côté père de l’ancien ministre de l’information Amadou Tiam. Il se nomme Aziz Tiam. Et si vous avez remarqué, c’est Aziz Tiam qui fut proposé par le PDCI lors des négociations de Marcoussis pour devenir le premier ministre du gouvernement de réconciliation. Aziz Tiam, ancien directeur des grands travaux, avait déjà été nommé avant même le coup d’état de 99 comme coordinateur du gouvernement. Il avait arraché près des 90% du pouvoir de Kablan Duncan. Il aurait été promu premier ministre si Bédié gagnait les élections de 2000. Nous sommes donc là dans la logique de la monarchie baoulé du pouvoir..

Kouhon Philippe : Le retour au bercail de Doza est pour quand ?

Bernard doza Pour le moment ma fonction de journaliste me permet de rencontrer les acteurs de tout bord. Le jour que je rendrai ma carte de presse, ça sera la date de mon retour au bercail, non pas pour jouer les seconds rôles dans un quelconque parti politique en Côte d’Ivoire. Nous créerons notre propre organisation politique avec un projet de développement clair pour le peuple ivoirien. L’Afrique a besoin de ceux qui peuvent créer des richesses et non de ceux qui pensent que gouverner c’est seulement redistribuer ce qui existe déjà.

Kouhon Philippe : Votre mot de fin ?

Bernard Doza : Tant que l’Houphouêtisme sera la doctrine des pouvoirs en Côte d’Ivoire, ceux-ci trouveront en face d’eux des révoltés et des révolutionnaires de tout genre...


Par Ian Hamell
Lundi 18 décembre 2006

Deux journalistes français, Eric de Lavarene et Emmanuel Razavi, fins connaisseurs de l’Afghanistan, ont terminé un reportage de 52 minutes intitulé « Ben Laden, les ratés d’une traque », qui devrait être diffusé dès janvier sur une chaîne francophone. Ils racontent qu’à deux reprises, en 2003 et 2004, des soldats français en poste en Afghanistan ont eu la possibilité d’intercepter le chef d’Al-Qaïda, et même de l’abattre. Chaque fois, les Américains les en ont empêché. Ces révélations rejoignent celles de deux Américains membres des Forces spéciales, dont l’ouvrage en français, « Sur les traces d’Al-Qaïda » (1), paru fin 2004, est curieusement passé inaperçu.
Fin 2003, dans le Sud de l’Afghanistan, près de la frontière pakistanaise, des soldats français du Commandement des opérations spéciales (COS) repèrent un petit groupe de combattants ennemis grâce à leurs jumelles de visée nocturne. Et parmi eux, Oussama Ben Laden. L’homme le plus recherché de la planète est à moins de 400 mètres. Il ne se doute de rien, c’est la nuit, le commando tricolore est enterré. Un soldat tient le géant saoudien (il mesure plus d’1,90 mètre) dans son viseur. « J’ai Ben Laden », lâche même le militaire. Seulement voilà, en Afghanistan, les Français sont sous les ordres des Etats-Unis. Depuis l’Etat-major américain de Bagrham, le COS reçoit, au bout d’un très long moment, l’ordre de laisser partir le fondateur d’Al-Qaïda…
Quelques mois plus tard en 2004, le même scénario se reproduit. Y a t il eu par deux fois des ratés dans la chaîne de commandement ? Ou faut-il émettre une hypothèse plus invraisemblable : malgré toutes les déclarations de Georges Bush depuis le 11 septembre 2001, l’Amérique ne souhaite pas capturer l’ennemi public numéro 1. « Les militaires français ont eu 9 morts en Afghanistan. Profondément choqués par l’attitude des Américains, ils ont commencé à nous parler. Nous avons enregistré leurs déclarations », raconte Emmanuel Razavi, de l’agence Hamsa Press, installée à Dijon, l’un des auteurs du reportage télévisé (2).
Avec Eric de Lavarène, correspondant de plusieurs médias francophones en Afghanistan et au Pakistan (« Libération », France Info), ils ont réalisé un reportage de 52 minutes, intitulé « Ben Laden, les ratés d’une traque », qui sera diffusé en janvier prochain sur une chaîne francophone, peut-être Arte. La télévision suisse est également intéressée. Le film ne spécule pas sur les motifs de l’Etat-major américain, il ne se livre pas à de la politique-fiction. Non, il se contente de raconter, de tendre le micro à de nombreux acteurs en Afghanistan et au Pakistan. Les multiples révélations, que ce soit du représentant de la Banque Mondiale à Kaboul, d’un conseiller du président Hamid Karzaï, ou de Haji Zaher, général de la police afghane, laissent pour le moins songeur.
On y apprend qu’à Tora Bora, loin de vouloir capturer Oussama Ben Laden, on lui aurait tranquillement permis de s’enfuir … avec 70 de ses hommes. « On lui a laissé la voie libre », raconte l’un des trois commandants afghans présents à Tora Bora. Aujourd’hui, lorsque les Américains livrent des armes à l’armée nationale afghane, dans le même temps, ils offrent la même quantité de munitions aux… Talibans. « L’administration américaine ne souhaite pas arrêter Ben Laden », déclare distinctement un proche du Président afghan.
A quel incroyable jeu de dupes assistons-nous ? « Non seulement les Talibans peuvent à présent compter sur 15 à 20 000 combattants, et contrôlent, de fait, plusieurs provinces, mais Al-Qaïda est revenu en Afghanistan. C’est cette organisation terroriste qui se livre à des attentats-suicides. Attentats qui n’existaient pas jusqu’alors dans ce pays », constate Emmanuel Razavi. « Ben Laden, les ratés d’une traque » corrobore parfaitement le livre écrit par deux militaires américains membres des Forces spéciales, Alan H. et Adam R. « Alors que la CIA avait un satellite positionné au-dessus de la tête du Mollah Omar et des bidules qui permettaient de mesurer le moindre poil de sa barbe, aucune des armées de la coalition ne voulait lui courir après, c’était incroyable », racontent-ils dans le livre « Sur les traces d’Al-Qaïda », paru fin 2004 en France.
Les deux soldats, qui n’ont pu dénicher d’éditeurs aux Etats-Unis, racontent avec force de détails les invraisemblables “cafouillages“ de l’armée américaine. Ainsi, lorsque les Forces spéciales parviennent à capturer le numéro 1 militaire des Talibans, Mullah Akhtar Osmani, quinze jours plus tard, le prisonnier réussit à s’enfuir. Quand ces militaires d’élite découvrent où se terre le Mollah Omar, leurs supérieurs répondent que ce n’est pas le moment, qu’il n’y a pas d’hélicoptère disponible, ou pas de carburant…
« Pénurie d’hélicoptères », me répondit-on. Or la base aérienne était couverte d’hélicoptères Chinook CH-47, MH-53J Pave Low III dernier cri, et autres. Les équipages d’hélicoptères avec lesquels je discutai me confirmèrent que leurs engins fonctionnaient bien, et qu’eux aussi attendaient qu’il y ait un peu d’action », raconte l’un des membres des Forces spéciales américaines en Afghanistan. Le livre se termine ainsi : « Nous sommes tous coupables, nous qui restons avachis devant la télé à gober les sornettes que nous racontent nos dirigeants »…
Notes :
(1) « Sur les traces d’Al-Qaïda, témoignages des Forces spéciales », Capitaine Alan H. et Sergent Chef Adam R. Alban Editions, 226 pages.
(2) www.hamsa-press.com




ALLASSANE DRAMANE OUATTARA, L'ORIGINE DU MAL IVOIRIEN OU UN AUTHENTIQUE BURKINABE RÊVANT DE PRESIDER A NOS DESTINEES.
Le lundi 23 septembre 2002 - [990 mots]
La Côte d'Ivoire naguère havre de paix et de prospérité, devenue aujourd'hui sol béni de malfrats de tous horizons. Comment en est-on arrivé à cette pitoyable situation?
- Vers la fin des années soixante,le pouvoir politique acquis il fallait donner un nouveau souffle et un avenir different au pays, d'où le necessaire rajeunissement du gouvernement d'HOUPHOUET BOIGNY. On fit appel à USHER ASSOUAN aux affaires étrangères, AIME HENRI KONAN BEDIE à l'ECONOMIE ET FINANCES,ABDOULAYE SAWADOGO à l'AGRICULTURE, DICHKO GARBA à la production animale, MOHAMED DIWARA au plan. La jeunesse a commencé à rêver,puis ce fut ce qu'on appela pudiquement "miracle ivoirien". Miracle? il le fut,parceque la croissance économique n'étant fondée sur des éléments économiques solides, et s'éffondra aussi rapidement qu'elle fut. HOUPHOUET BOIGNY ayant conçu un plan MACHIAVELIQUE de transmission de pouvoir d'Etat, éprouva de serieuses difficultés dans la gestion des affaires de l'Etat.Le peuple ne jouissait plus de la dite croissance, l'Armée négligée, humiliée et abandonnée à son triste sort, parce qu'HOUPHOUET avait une peur bleue de l'Armée. il la gerait par la permanence de corruption au lieu de construire une vraie armée nationale capable de défendre la patrie.Les jeunes constatant l'assombrissement continu de leur avenir manifestaient avec acuité leurs mécontentements.Rien n'allait sur le plan économique.Il fallait changer la direction économique du pays , mais à qui remettre ce poste sensible sans courir le risque de se faire deposséder par la suite? Alors, on decida de confier ne serait-ce que temporairement la direction à un servile agent national. Puisqu'aucun indice de servilité ne se manifestait, monsieur CAMDESSUS, ancien gouverneur de la Banque de France suggera MONSIEUR ALLASSANE DRAMANE OUATTARA.
ALLASSANE DRAMANE OUATTARA? Qui est-ce? D'où vient-il? Demandèrent les ivoiriens médusés. Authentique Burkinabé, ancien haut fonctionnaire Burkinabe au FMI et à la BCEAO.Pourquoi lui et pas un autre ivoirien dans la mésure que d'émminents économistes compétents étaient légion sur le marché? La raison se trouve dans son extranéité avérée synonyme de servilité.HOUPHOUET de concert avec monsieur CAMDESSUS le choisit persuadé qu'il ne gênerait pas KONAN BEDIE dans son accession au pouvoir suprême d'Etat. UNE ERREUR QUI SERA FATALE à LA Côte d'Ivoire! Entre-temps, BAMBA, professeur de lycée et collège, ancien ami de DOMINIQUE(l'actuel femme d'ADO) présentait son amie à ADO qui tomba amoureux et divorca illico presto de sa femme Noire-Américaine DAVIS. Celle ci, amoureuse de notre pays, souhaitait avec raison y rencontrer un nouvel amour après le décès dans des conditions douteuses de son mari. Elle lui proposa les avantages qu'il tirerait de cette alliance.Evidemment, il connut une ascension fulgurante:de ministre de l'économie et des finances il devint rapidement prémier prémier ministre d'HOUPHOUET BOIGNY.Le décès d'HOUPHOUET BOIGNY fut acceleré pour qu'elle raison? Nul ne le sait aujourd'hui. ADO fut pressé d'annoncer sa mort.Par des manoeuvres occultes faisait démissionner à dessein LANZENI COULIBALY de la président de la cour suprême.Au cours d'une émission télévisée,ADO, convaincu du soutien grandissant qu'il obtenait à travers sa femme oubliait toute mésure de prudence et annonca que rien ne s'opposait à sa candidature à la présidence de la république. Dès lors,c'en était trop pour le camp de BEDIE . On cria à l'IMPOSTURE! Aussitôt la machine d'exposition de la vie et l'origine exacte de monsieur ALLASSANE DRAMANE OUATTARA SE MIT EN MARCHE.Une demarche qui se conclut en une poursuite judiciaire contre ADO pour faux et usage de faux... Il dut s'exiler pour éviter une suite dramatique.Pour ce venger,ADO et ses soutiens organisèrent un coup d'Etat à KONAN BEDIE, confiant l'organisation et l'exécution à GUEI ROBERT moyennant un milliard de frs cfa.ADO exulta! il annonçait partout qu'il était de fait le nouveau chef d'Etat de la Côte d'ivoire. Une chose que n'acceptaient pas les patriotes officiers supérieurs de la nation. Contraint, il adhera à la construction de la démocratie en Côte d'ivoire. La conception de son exclusion du jeu démocratique du fait de son origine Burkinabée avérée se fit , et il ne put compétir du fait de cette origine étrangère avérée. Il crut à tort à une conspiration contre sa personne. Frustré, il organisait de récurrentes insurrections.
Surpris lui-même de sa dernière trouvaille qui causa beaucoup plus de morts de qu'il n'eut pensé,et convaincu de la riposte à cette vandale manifestement récurrente dut s'exiler à l'Ambassade de France via celle d'Allemagne.
Alors, de sa cache, non content de son statut privilegié, il accuse. Une accusation plus fantaisite que fondée. Et pour cause:
-Monsieur ALLASSANE DRAMANE OUATTARA remerciait sur les ondes de radios internationales, le gouvernement GBAGBO de l'avoir protegé et lui avoir permis l'accès à l'ambassade d'Allemagne d'abord ,et celle de France ensuite.
-Il affirme avoir entendu ou par ses associés des montruosités récentes les gens parler Bété, alors que ni lui, ni ceux qui lui ont rapporté ces inepties ne parlent Bété.
-Qu'il oublie que la femme de ROBERT GUEI,ROSE est belle et bien Bété. Une langue qu'elle maîtrise à merveille.
- Que si les gendarmes qu'il accuse aujourd'hui d'avoir défoncé avec leur char sa grille, je doute de l'intention macabre de ceux-ci. Naturellement, si de telles intentions étaient fondées, ils(les gendarmes) l'auraient tout simplement exécuté. Les gendarmes, compte-tenu de la tournure que prenait les évènements se sont portés immédiatement à son domicile pour le protéger.Parcequ'ils craignaient que les ennemis de GBAGBO veuillent se venger en tuant ADO et accuser GBAGBO par la suite.C'est pourquoi, ils ont préféré sa protection par des Ambassades ceci au regard de la situation qui prévaut dans le pays.
Le fait que sa maison ait été brûlée par des éléments incontrôlés ne fonde pas cette sortie intempestive.Leader d'opinion maladroit , il a toujours tendance à brûler ce pays qui n'est pas le sien. A KORHOGO, on fait déjà la chasse aux non-musulmans et originaires du sud Chrétien... N'avait-il pas annoncer lors de campagne d'élections régionales:" SI ON NE VEUT PAS QUE JE PRESIDE CE PAYS, JE LE RENDRAI INGOUVERNABLE" puis d'ajouter" ON VA MELANGER CE PAYS"? Un vrai ivoirien peut-il véritablement brûler son pays? AIDEZ-MOI A Y VOIR PLUS CLAIR!
Auteur : HONORE DJEDJE cultivateur au village

Afrique Express N° 199
Henri Konan Bédié, l'Akan maladroit
Docteur en économie de l'université de Poitiers en France, propulsé à l'âge de 27 ans ambassadeur de Côte d'Ivoire à Washington, Henri Konan Bédié est né le 5 mai
1934 à Pèplessou, un quartier de Diadékro, village situé lui-même à deux kilomètres de Daoukro, à 300 km au nord d'Abidjan.
Comme Houphouët, c'est un Baoulé, un sous-groupe ethnique des Akans. Son appartenance ethnique est une des causes majeures de ce qui arrive aujourd'hui en Côte d'Ivoire. Depuis l'arrivée d'Houphouët-Boigny au pouvoir en 1960, les Akans, ou du moins les cadres et ce qu'on appelle communément l'élite Akan, sont persuadés que le pouvoir doit impérativement resté dans leurs mains. Personne n'échappera à cette volonté farouche de garder le pouvoir, leur "likê", en langue baoulé.
En 1969, les Agnis ont payé chèrement d'avoir mener la fronde contre Houphouët, dès 1946. Bilan, selon certaines sources, près de 1500 morts. Dans les années 70, ce fut le complot "bété" ethnie de l'Ouest de la Côte d'Ivoire, à laquelle appartient Laurent Gbagbo, l'actuel leader du Front populaire ivoirien. A l'époque, une expédition punitive de l'armée coûta la vie à quelques 4000 paysans Guébiés, un sous-groupe bété (voir l'histoire de la Côte d'Ivoire). Depuis, le pouvoir aura toujours brandi l'épouvantail du tribalisme, arguant que ses adversaires politiques ne sont en fait que des représentants d'un groupe ethnique. Gbagbo ne fut perçu et présenté que comme le leader des Bétés, puis ce fut au tour de Ouattara d'être indexé comme un "étranger", car il était plus difficile à Konan Bédié de reconnaître que le Nord musulman, essentiellement Dioula, lui échappait, du moins politiquement. En 1995, au lendemain de l'élection présidentielle, le pouvoir lança des rumeurs alarmistes sur des "massacres" de Baoulés soi-disant perpétrés par les Bétés à Gagnoa, la ville d'où est originaire Laurent Gbagbo. A la même époque, les opposants à Bédié dénonçaient comme un vilain symbole la présence d'une statue de la reine Abla Pokou, reine de la légende baoulé, qui trône sur þ la place de la République à Abidjan.
Baoulés, face aux Bétés et aujourd'hui aux Dioulas, c'est un raccourci dangereux, mais un raccourci qu'a dessiné lui-même le président Bédié.
Même des gens comme Laurent Dona Fologo, le secrétaire général du PDCI, le parti présidentiel, ont toujours regardé d'un ¦il inquiet la dérive tribaliste de Bédié, l'Akan. A propos de la loi électoral écartant les "étrangers" présumés, Laurent Dona Fologo avait cru bon de rappeler quelques évidences : "Vous pouvez trouver des Ivoiriens «bon teint» qui s'appellent Ouedraogo, un nom proprement burkinabé, ou Thiam, qui est un nom sénégalais", avait-il souligné, lui-même étant originaire de la région de Sinématiali, située à une soixantaine de kilomètres de la frontière avec le Burkina Faso.
Aussi, pour faire bonne mesure et sans doute pour "asseoir" sa légitimité, Bédié, né dans une famille de planteurs de cacao, s'est targué d'ascendances royales dans l'ethnie Baoulé. Il porterait en fait le nom d'un roi local, Bê'ndié qui était l'ami de son grand-père. Les journalistes ivoiriens qui ont tenté d'enquêter sur sa filiation, en supposant que sa mère pouvait être d'origine ghanéenne - les Akans étant venus dans le passé du royaume Ashanti du Ghana - l'ont payé chèrement: 12 mois de prison ferme pour De Be Kwassi, journaliste à l'hebdomadaire La Patrie et même peine pour son directeur de publication, Abou Cissé, tous deux condamnés pour "offense au chef de l'Etat". C'était en 1995, la guerre avec Ouattara l'étranger, était déjà bien lancée.
"L'empereur de l'Ecole normale de Dabou"
Elève appliqué, le fils de Klolou Bédié et de Kouakou Akissi, a fait ses premières études à Daoukro, puis le collège de Guiglo et l'école normale de Dabou( 50 km à l'ouest d'Abidjan, où sont passés une bonne partie des "élites" ivoiriennes).Un de ses biographes (pardon hagiographe), Georges Amani (*) affirme qu'à l'époque ses camarades l'avait surnommé l'"empereur de l'Ecole normale de Dabou", ajoutant que "tout grand chef aura été jeune chef", c'est tout dire.
Il a obtenu le baccalauréat en 1953, avant d'aller en France, à l'université de Poitiers (droit et d'économie). L'on raconte qu'avant de s'envoler pour la France, le jeune Bédié avait un penchant prononcé pour les thèses indépendantistes de Kwame N'Krumah, et qu'on l'a même surpris un jour, entrain de tenir une conférence dans le quartier populaire de Treichville à Abidjan, dénonçant la communauté africaine proposée par de Gaulle et réclament l'indépendance immédiate.
De retour en Côte d'Ivoire, haut fonctionnaire, Félix Houphouët-Boigny, alors Premier ministre, le propose pour un stage au ministère français des Affaires étrangères, qu'il effectuera à l'ambassade de France à Washington. Après l'indépendance en 1960, il devient à 27 ans le premier ambassadeur de Côte d'Ivoire aux Etats-Unis, jusqu'en 1966. Il est rappelé à Abidjan pour devenir ministre de l'Economie. Onze ans durant, il conservera ce poste, jusqu'au moment où il est éclaboussé par le scandale financier des "complexes sucriers", une affaire d'usines surfacturées qui lui vaut la colère du "Vieux". Il entreprend alors une confortable traversée du désert à la Banque Mondiale. Revenu en grâce en 1980, il se fait élire député du parti unique et dans la foulée, président de l'Assemblée nationale, écartant ainsi de la succession d'Houphouët, Philippe Yacé, "propulsé" à la tête du Conseil économique et social.
Mais 10 ans plus tard, en novembre 1990, à la surprise générale, "le Vieux", très malade, nomme pour la première fois un Premier ministre, Alassane Dramane Ouattara. Débute alors un choc d'ambitions, qui conduira M. Bédié à un raidissement qui aura beaucoup contribué à sa chute.
Marié depuis 1958 à Henriette, père de quatre enfants, il sera aussi la cible de nombreuses accusations de népotisme, l'influence de ses deux fils dans les milieux d'affaires étant mal ressentie de la population.
"Maman Henriette", madame Henriette Koizan Bomo très exactement, épouse Bédié, s'est surtout fait remarquée par de pompeuses constructions à Koukourandoumi, son village natal. Outre sa propre villa, avec boite de nuit en sous-sol, réalisée par l'architecte franco-libanais Fakoury, "Maman Henriette" n'a pas oublié ses voisins villageois. Un centre d'apprentissage et de loisirs pour les jeunes, qui porte son nom, mais aussi fin du fin, un hôtel, baptisé "La Renaissance", au cas où certains auraient eu envie de venir visiter la région natale de Madame la première Dame. En inaugurant ce "complexe hôtelier", le haut commissaire au Tourisme de l'époque, Kindo Bouadi, avait cru bon de saluer l'investissement privé dans le secteur touristique !
Mais "Maman Henriette", c'était aussi et surtout la fondation "Servir", crée en 1996. A l'époque, nos confrères de Fraternité-Matin (gouvernemental) écrivaient : "C'est pour promouvoir au plus haut point ces valeurs de solidarité et de partage que la Première dame de notre pays, femme et mère au grand c¦ur, Mme Henriette Konan Bédié vient de créer «Servir»". Depuis ce jour, et grâce à Fraternité-Matin, les Ivoiriens ne manqueront plus la moindre action charitable menée par "Maman Henriette". Parfois sans finesse comme cette Une très délicate de Fraternité Matin du 21 octobre 1996: "1400 démunis servis" þ
Quant au président, lui non plus n'avait pas oublié son village natal, ce qui avait fait écrire au journal d'opposition, La Voie (avant qu'il ne soit incendié par des inconnus), que les douze travaux de l'Eléphant d'Afrique, en référence aux grands chantiers lancés par Bédié, avaient déjà commencé þ dans son village de Daoukro. En 1997, ce patelin a bénéficié de crédits budgétaires de 3,5 milliards de F CFA pour des travaux de voirie et de 1,5 milliard de FCFA pour des travaux d'assainissement.
Tribalisme, népotisme, exubérance, mais aussi maladresses politiques. Il faut s'appeler Bongo pour pouvoir gagner des élections sur mesure. Visiblement les deux hommes n'ont pas le même couturier, ou les mêmes conseillers, et Bédié, le craintif, habitué à une ascension programmée, a préféré tenter de mettre K.O.. ses adversaires avant de monter sur le ring. Son discours mielleux du genre "trouver un autre candidat" qu'il a lancé à l'adresse des partisans de Ouattara le dernier jour de sa présidence, il l'avait déjà sorti en 1995, quand toute l'opposition avait appelé au boycott actif. Il lui a fallu à l'époque soudoyer Francis Wodié, dirigeant du PIT (un parti pourtant réputé de gauche) pour faire avaler la pilule d'une élection qui n'en était pas une, Wodié étant le seul candidat face à Bédié. A l'époque, Ouattara, lui non plus pas très téméraire, avait préféré renoncer à se présenter.
La présidentielle de 1995 l'a donc "légitimé" à la tête de l'Etat, malgré le "boycott actif" décrété par l'opposition. Mais la situation économique du pays s'est dégradée sous l'effet de la chute des cours des matières premières, et d'une gestion très douteuse, condamnée par les institutions financières internationales. La révélation de détournements de fonds a achevé de rendre le régime, et surtout sa figure de proue, impopulaires.
Dans ce climat de contestation sociale, le retour de son rival Alassane Ouattara le poussera à la faute. "HKB" s'engage alors dans un combat sur tous les fronts, politique, policier et judiciaire, avec l'emprisonnement des partisans de M. Ouattara. Une polarisation de la situation qui conduira les soldats qui se sont mutinés le 23 décembre à passer très vite de revendications sociales à des doléances politiques. La fin de non recevoir opposée par le président allait mener en moins de 72 heures sa chute finale.
(*) La longue, marche, Georges Amani, Edit. Becelli 1995.



Alassane Ouattara est responsable de la mort de la fille d’Houphouët-Boigny”




Honorable quelles sont les personnalités dont les morts sont suspectes par rapport
aux ambitions d’Alassane Ouattara ?
Les morts suspectes autour d’Alassane Ouattara et Dominique Foloroux sont:
- Félix Houphouët-Boigny
-Abdoulaye Fadiga
- Vamoussa Bamba
- Lamine Fadiga/Bouaké
- Boubacar Diaby Ouattara
- Balla Kéïta
- Florence Houphouët-Boigny
-Djéni Kobina. J’ai établi le lien entre la mort de ces personnalités et l’ambition démesurée d’Alassane Ouattara. Je ne comprends absolument pas qu’un
usurpateur comme Alassane Ouattara n’ait pas encore compris que le monde appartient à celui qui le rend meilleur. A défaut de comprendre des choses aussi
simples, il pourrait au moins s’abstenir de tromper de paisibles citoyens qui vivaient en parfaite intelligence avec leurs frères et sœurs dans un pays que son
premier bâtisseur Félix Houphouët-Boigny a voulu totalement harmonieux et consensuel.

Monsieur le député que peut-on reprocher exactement à Alassane Ouattara ?
Alassane Ouattara a voulu asseoir son ambition déplacée sur le dos des gens du Nord , sur les musulmans et sur les étrangers en leur demandant de s’identifier à son seul cas qui contenait au départ des germes de conflits sans solution. Son cas restera sans nul doute éternellement litigieux parce qu’il est bâti sur du faux.
17 ans de lutte violente pour s’imposer aux citoyens d’un pays qui ne l’attendait pas. 17 ans de mensonges et de forfaiture. 17 ans finalement de malheurs, de
deuils et de misère, pour un pays qui n’a rien fait pour mériter un tel sort. Car en fait, l’épicentre de tous nos problèmes, c’est sans aucune équivoque Alassane
Dramane Ouattara. Des familles ont été éclatées, des amitiés déchirées, des enfants précipités dans la guerre avant de disparaître à jamais dans des fosses communes. C’est Alassane Ouattara qui a amené la guerre dans ce pays.

A vous entendre, il y a de quoi être totalement pessimiste et inquiet pour l’avenir avec les ambitions de M. Ouattara… Sans vouloir jouer les devins, je crois vous l’avoir annoncé au cours d’un meeting que j’ai eu l’honneur de tenir à Yopougon le 6 octobre 2002. Ce qui nous guette est encore plus dramatique. Mais, ceci est une autre histoire. En attendant, il
est important que les gens du Nord sur lesquels compte l’imposteur pour asseoir son pouvoir, sachent qu’ils n’auront aucun avenir dans ce pays s’ils ne retirent
pas leur soutien à ce dictateur à peine éclairé, qui n’a jamais rien réalisé pour eux. S’ils choisissent d’être les esclaves d’Alassane Ouattara et sa chair à canon, qu’ils sachent aussi que ce sera leur faute et non celle de leur tyran et leur bourreau Alassane. Alassane sait que l’heure viendra où il faudra qu’il affronte la tempête parce qu’il aura semé le vent. Pour une fois, une toute
dernière fois, écoutez mon conseil, il est sans aucune arrière-pensée. Cet home est dangereux pour la Côte d’Ivoire mais encore plus, pour les gens du Nord. Vous
ne connaissez pas sa nature profonde. Ne faites pas de votre soutien une question de principe ou d’honneur. Alassane vous trompe. Pis, vous vous trompez sur son compte, sur ses ambitions. La seule chance que vous avez, c’est que cet homme ne sera jamais président de la Côte d’Ivoire. Vous avez sacrifié vos enfants dans cette sale guerre pour Ouattara. Pour lui, ces enfants perdus ne constituent qu’une simple et toute petite question de statistique pour attirer la sympathie de la fameuse
communauté internationale en vue de réaliser son rêve.
Hier, il nous avait entraîné dans une alliance avec le FPI de Laurent Gbagbo pour le vouer ensuite aux gémonies. Aujourd’hui, le voici allié à Henri Konan Bédié et
au PDCI qu’il n’a pas hésité à renverser auparavant (décembre 1999). Il n’a même
pas réussi à s’entendre avec le Général Guéï Robert qui l’avait pourtant ménagé et adoubé au-delà du raisonnable. Comment pouvez-vous arrimer votre bateau à celui d’un homme aussi instable ? Il est possible que nous ne nous rendions pas compte que nous sommes aussi superstitieux que les autres. Cependant, comment faisons nous pour ne pas nous rendre compte que Alassane Ouattara est poursuivi par la poisse ? C’est pourtant une évidence : il est tellement malchanceux que s’il créait une entreprise de pompes funèbres les gens cesseraient immédiatement de mourir.

Revenons maintenant à la question des morts suspectes autour d’Alassane Ouattara Regardez bien. Regardez sans passion ce qui s’est passé autour de Alassane
Ouattara depuis qu’il est dans ce pays. Autour de ce
personnage douteux se sont produites plusieurs morts inexpliquées, suspectes. Jusqu’à ce jour:

-Félix Houphouët-Boigny, Président de la République. Mort subitement.
-Abdoulaye Fadiga, gouverneur de la BCEAO/ Dakar après avoir été directeur general de la CAISTAB à Abidjan. Un homme respectable qui constituait peut-être une grande chance pour le Nord. Mort subite.
-Boubacar Diaby Ouattara:
Directeur Général adjoint de la BIAO après de brillantes études à HEC Paris puis à Harvard Boston/Massachussetts, Etats Unis.
-Secrétaire Général de la CEDEAO qu’il a porté sur ses fonts baptismaux.
-enfin, Secrétaire Général de la Coalition Mondiale pour l’Afrique à Washington auprès de la Banque Mondiale.
Henri Konan Bédié lui avait proposé d’être son premier ministre en 1994 avant de se tourner vers Daniel Kablan Duncan parce que Boubacar Diaby Ouattara n’était pas
disponible à cette époque. Seule une mort subite( ?) a contrarié ce destin.

- Vamoussa Bamba
-Ministre de l’Enseignement technique, puis de la Construction et de l’Urbanisme.
Mort subitement dans la fleur de l’âge, sans avoir jamais été malade auparavant.
-Lamine Fadiga (le grand Lamine de Bouaké)
-Président de la Chambre de Commerce de Bouaké
- vice-Président de la Chambre de Commerce d’Abidjan. Mort subite.
-Balla Kéïta
- Ministre de l’Education nationale
-Ministre délégué à la présidence. Mort tragiquement au Burkina Faso. Mort subite.
-Djéni Kobina
-Professeur de français
-Secrétaire général du syndicat des enseignants du secondaire
-Directeur de cabinet du Ministre de la Communication
-Secrétaire Général/fondateur du RDR. Mort subite.

Tous ces morts, à une exception près, ont deux choses en commun : ils étaient des
proches d’Alassane Ouattara et ils sont morts presque de la même maladie, presque
de la même manière. Enfin tous étaient sur le chemin de l’ambition démesurée
d’Alassane Ouattara. Mais, il y a une disparition encore plus dramatique qu’il
faut associer à un délit simple: non-assistance à personne en danger.

Quelle est cette disparition qui est encore plus dramatique ; cette non-assistance à personne en danger?
En effet, Alassane Ouattara est responsable de la mort inadmissible de la fille de Félix Houphouët-Boigny : Florence. Vous saurez aujourd’hui pourquoi Alassane
Ouattara, ancien premier ministre de Félix Houphouët-Boigny qui a voulu tenter un coup de force en 1993 pour lui succéder ne s’est pas rendu aux obsèques de la
dernière fille de son patron ‘’vénéré'’ à Yamoussoukro. Florence, qui était très dynamique, était pourtant de santé fragile. Après la mort de son père, des problèmes compliqués de succession avaient laissé sa mère, madame Henriette Duvignac dans une situation relativement difficile. Le père de sa fille Florence
n’avait pas seulement laissé une fortune difficile à évaluer puisque personne ne la connaissait vraiment, mais il avait laissé derrière lui énormément d’amis et
d’adversaires politiques reconnaissants. D’après ce que nous savons de l’histoire de Florence, c’est que sa mère Henriette Duvignac affolée par l’état de sa santé
s’est immédiatement tournée vers un Chef d’Etat de la sous-région qui a aussitôt donné des instructions à son
médecin personnel pour faire admettre la fille du Président Félix Houphouët-Boigny à l’hôpital américain de Neuilly-sur Seine à Paris. C’est alors qu’apprenant cette heureuse et prompte initiative, le démon en personne Alassane Ouattara fait dire à madame Duvignac et à Florence qu’il ne peut accepter l’humiliation que la fille de
son patron soit prise en charge par un autre que lui. Heureuse une fois encore et un peu confuse, la mère de Florence trouve cependant les mots justes pour s’excuser
auprès du Chef d’Etat en question, qui fait alors annuler avec regrets toutes les réservations pour l’hospitalisation de Florence. Deux mois plus tard, madame Duvignac n’avait toujours pas pu revoir Alassane Ouattara pour faire soigner sa fille. C’est dans ces circonstances que la fille de Félix Houphouët-Boigny rend
l’âme.

Quel commentaire vous inspire cette attitude?
Alassane Ouattara a été capable de donner cinq millions de francs CFA aux organisateurs des obsèques de Douk Saga qu’il ne connaît ni d’Eve ni d’Adam, parce que ses conseillers en communication avaient pensé que c’était bon pour son image de Présidentiable, mais il a ignoré totalement et volontairement les morts de la guerre du 19 septembre 2002 qu’il a provoquée. Pour se faire valoir, Alassane Ouattara organise des cérémonies d’hommage à des martyrs dont il s’est abusivement attribué la paternité. Sans vergogne et sans aucune retenue l’imposteur va au cimetière de Williamsville verser des larmes de crocodile sur la fosse commune des sofas inconnus, sans prêter la moindre attention à celle de sa mère ( ?) Nabintou Cissé, enterrée à deux pas de là. Un désir obsessionnel déraisonnable pour le pouvoir, habite cet homme et cela le rend extrêmement dangereux pour la stabilité de ce pays qui a tant besoin de paix”.
VOTRE INFORMATEUR
GUITOET DE BALLIET



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