Friday, October 8, 2010

LETTRE AU CANDIDAT HENRI KONAN BEDIE



Monsieur le président,

Je voudrais très respectueusement, venir par la présente, m’adresser à vous, non pas en tant que ancien président de la république de côte d’ivoire ni en tant que président du Parti Démocratique de côte d’ivoire.
Je voudrais m’adresser uniquement au candidat déclaré pour les futures élections présidentielles qui finiront bien par être organisées un jour, même si très bientôt, on nous rappellera que les dates précises qu’on vient de nous donner ne sont qu’à titre indicatif.
M’adresser donc au candidat et non pas au président de parti, d’abord parce que je ne suis ni militant ni sympathisant du PDCI et ensuite parce que comme tel, je n’ai aucune critique à formuler sur la manière dont vous dirigez votre parti. C’est une affaire qui ne regarde que les militants de votre parti et ils sont suffisamment matures pour savoir si vous êtes l’homme de la situation.
Si je ne veux m’adresser qu’au candidat que vous êtes, c’est parce que le candidat fait parti du domaine public et c’est la raison pour laquelle il devient le président de tous les ivoiriens une fois qu’il est élu. J’ai donc, beaucoup de choses à dire au candidat.
Cette précision faite et avant de poursuivre, je voudrais me présenter à vous.
Je suis Assalé Tiémoko Antoine, né ivoirien à koyékro, sous-préfecture de Tiassalé, un village que vous n’avez jamais visité et que peut-être vous ignorez jusqu’à l’existence. Je suis donc de ce village et depuis le 16 août 2007, je me suis engagé dans un combat qui consiste à parler de ceux dont on ne parle jamais, bon an mal an et qui sont pourtant des faiseurs de rois. Je veux parler des pauvres et de leurs enfants qui représentent la majorité écrasante de la population ivoirienne et qui sont victimes depuis des années, des intrigues politiciennes et à présent, de la corruption dévastatrice érigée en véritable système social et qui a fermé toutes les portes de réussite aux jeunes diplômés nés enfants de pauvres.
Ceci dit monsieur le président, Friedrich Von Schiller a dit: « si tu veux comprendre les autres, regarde dans ton propre cœur. Mais, si tu veux te comprendre toi-même, regarde comment les autres se comportent. »
La première question qui m’est venue à l’esprit quand j’ai appris que vous avez annoncé votre candidature pour les élections présidentielles était celle-ci: qu’est-ce que monsieur Bédié peut-il encore apporter à la côte d’ivoire et surtout aux jeunes gens que nous sommes, nés plusieurs années après les indépendances?
Mais, en me rappelant la manière dont vous avez quitté le pouvoir, je me suis rendu compte que cette question était absurde. Vous étiez président de la république de côte d’ivoire et vous avez perdu le pouvoir, non pas à la suite d’un vote sanction du peuple souverain de côte d’ivoire, mais plutôt à la suite d’un « braquage politique », par des coupeurs de route qui vous ont empêché de poursuivre votre chemin et qui par la même occasion, ont ouvert la boîte de pandore.
Après une telle mésaventure, la logique aurait voulu que vous vous retiriez de la politique pour vous consacrer à des activités beaucoup plus tranquilles. Surtout qu’à mon humble avis, il n’y a pas dans ce pays, une autre personne comme vous, qui a servi l’Etat à tous les niveaux de responsabilité. C’est un don de Dieu.
Vous êtes donc candidat et je peux dire sans aucune crainte de me tromper, que la raison principale de cette candidature, à l’exclusion de tout autre raison, se trouve dans la manière dont vous êtes parti du pouvoir. Vous voulez prouver à tout le monde que vous êtes un démocrate dans l’âme et que à ce titre, vous voulez avoir directement la réponse du peuple de côte d’ivoire sur la question suivante: « ivoiriennes, ivoiriens, est- ce que vous croyez sincèrement que j’ai mal travaillé pour notre pays et que je mérite le braquage dont j’ai été l’objet en 1999 »? Vous tenez absolument à avoir la réponse à cette question et vous avez raison. La prise du pouvoir se fait de façon légale et sa perte doit se faire de façon légale. Et, c’est sans doute la raison pour laquelle, l’on dit qu’à Marcoussis, vous avez été le seul à vous opposer au « braquage » du pouvoir du Président Gbagbo par les mêmes coupeurs de routes qui ont « fait la peau » à votre régime.
C’est le peuple seul, qui peut et qui doit décider de mettre à la retraite, à travers une élection, un président qui n’est pas arrivé au pouvoir par les armes, surtout que ceux qui l’ont chassé du pouvoir ont été eux-mêmes chassés par le peuple dans des conditions beaucoup plus humiliantes et que cette réaction extrême et sans précédant du peuple de côte d’ivoire ne peut en aucun cas être interprétée comme l’absolue adhésion à un quelconque programme, mais plutôt, comme l’expression du ras-le-bol d’une population trompée, abusée et excédée par les pratiques mafieuses d’un régime militaire qui en quelques mois seulement, avait fini par faire comprendre et cela, même aux enfants, qu’il était la pire des choses qui pouvait arriver à notre pays. La suite, on la connaît.
Vous avez donc raison de ce point de vue, d’être candidat. Votre logique est démocratique, claire, simple et finalement difficile à comprendre pour tous ceux qui ne savent pas ou qui ont oublié que c’est le peuple seul qui a le droit de mettre définitivement à la retraite, un dirigeant politique qui n’a pas obtenu son pouvoir par la force brutale des armes.
Merci de nous passer ce message. Mais, au-delà de tout cela, je voudrais vous dire les choses suivantes.
La côte d’ivoire a changé, les ivoiriens aussi. Quand vous étiez au pouvoir, il y avait encore un peu de morale dans notre pays. Maintenant, il n’y en a plus.
Quand vous étiez au pouvoir, il y avait déjà la corruption dans notre administration. Maintenant, notre administration est totalement sinistrée par la corruption.
Quand vous étiez président de la république, il y avait déjà la corruption dans les concours administratif mais au moins, les enfants de pauvres arrivaient de temps en temps à réussir. Maintenant, ils n’ont plus aucune chance et il est absolument impossible pour eux de réussir sans payer.
Quand vous étiez président, les diplômes ivoiriens, certes avaient commencé à perdre de leur valeur, mais au moins, on subissait des épreuves pour les avoir. Maintenant, si vous avez de l’argent, vous pouvez acheter le BEPC, le BAC ou le BTS pour un parent qui a abandonné l’école depuis 18 ans et lui permettre, également en payant, de rentrer à la police, à la gendarmerie ou au Cafop.
Quand vous étiez président, les enfants de pauvres avaient déjà du mal à trouver du travail. Maintenant, ils n’ont plus de mal à trouver du travail. Le plus dur pour eux, c’est de trouver l’argent du transport pour retourner au village pour pleurer ensemble avec leurs parents paysans.
Je pourrais citer à l’infini, les choses qui n’ont pas simplement changé mais qui ont évolué depuis 1999. Vous savez sans doute aussi que la côte d’ivoire que vous pensez être à mesure de diriger à nouveau est aujourd’hui classée 151ème sur 163 pays classés sur le plan de la probité. Elle est aussi le 6ème pays le plus corrompu d’Afrique après le Soudan, le Tchad, la RDC, la Guinée et la Guinée équatoriale.
Comme vous le voyez, la côte d’ivoire a beaucoup évolué sur l’échelle de la négativité et de la médiocrité. Désormais dans ce pays, le mensonge a acquis autant de force que la vérité et tout le monde est convaincu que ce qui compte vraiment, c’est de « manger » à tous les prix et que la morale et l’avenir du pays peuvent attendre. On célèbre même aujourd’hui, les criminels à la télévision et les enfants qui s’éveillent à la vie, regardent ça et l’intériorisent dans leur fragile conscience comme des modèles à suivre.
La côte d’ivoire que vous compter diriger s’est effondrée, non pas sur le plan physique, mais plutôt sur le plan moral. C’est donc un plan de redressement moral qu’il faut à la côte d’ivoire et non pas exclusivement un plan de redressement économique. Le redressement moral englobe le redressement économique et vous savez, en économiste averti, qu’aucun plan de redressement ne peut prospérer dans un pays gangréné par la corruption à tous les niveaux.
Ce dont la côte d’ivoire a besoin, c’est le positionnement de la règle de droit au-dessus de tout le monde y compris le chef de l’Etat et son entourage. Cela signifie que les présidents-seigneurs ou les présidents-dieux n’ont plus leur place dans notre pays. Ce dont les ivoiriens et principalement les pauvres ont besoin, ce ne sont pas des grands discours théoriques sur la micro ou la macro économie, mais plutôt, la restauration codifiée de l’égalité de chances pour tous. Que l’on soit né avec une cuillère d’argent dans la bouche ou par une nuit pluvieuse.
L’élection à venir et pour la quelle vous êtes candidat, sera la plus difficile pour tous les candidats. Car, il ne s’agira pas, comme l’a dit le président Gbagbo, de demander aux ivoiriens de choisir entre ceux qui étaient pour la rébellion et ceux qui étaient pour la république. Non, il ne s’agira pas de cela parce que finalement, la seule victime de cette guerre, c’est le peuple de côte d’ivoire. Les hommes politiques, toutes tendances confondues, ont plutôt profité de cette guerre. Qui, pour se maintenir au pouvoir, qui, pour obtenir une parcelle de pouvoir et c’est ce qui continue jusqu’au jour d’aujourd’hui. Personne n’a d’arguments pour se dédouaner. Tout le monde est comptable de cette situation. Il s’agira donc plutôt, pour chaque candidat, à faire la preuve de son engagement ferme à œuvrer pour que jamais plus dans ce pays, il n’y ait d’un côté, un président et son entourage, riches, corrompus jusqu’aux ongles et au-dessus de toutes les lois. Et, de l’autre, un peuple pauvre, affamé, malade, victime de toutes les humiliations et de toutes les injustices sociales.
Monsieur le président, ce ne sont pas les promesses qui feront de vous le prochain président de la côte d’ivoire. Les ivoiriens ont suffisamment eu le temps de savoir ce que valent les promesses des politiciens. Il ne s’agira donc pas de faire des promesses. Les ivoiriens et surtout les pauvres n’en veulent plus. Croyez-moi, le peuple de côte d’ivoire aura un message très clair à faire passer. Il n’y aura pas de bétail électoral acquis à la cause de quelqu’un. Il y aura d’un côté, les pauvres et leurs enfants qui pendant bientôt huit ans ont mangé une fois par jour et qui meurent chaque jour dans les hôpitaux comme des bêtes. Et de l’autre côté, les arrogants et suffisants politiciens ivoiriens qui pour la plupart, considèrent le pouvoir comme une source d’enrichissement rapide et illicite.
Le président Gbagbo a dit de vous que vous êtes « rusé » et que vous savez vous « entourer ». Il avait raison pour la ruse, car la ruse est l’une des qualités que doit posséder un grand homme d’Etat et vous êtes un grand homme d’Etat. Mais, n’oubliez pas qu’on ne ruse pas avec la vie et l’avenir d’un peuple. Pour ce qui est de l’entourage, vous devez savoir que le seul entourage d’un président démocratiquement élu, c’est son peuple. Les allégeances des amis et de l’entourage d’un président, n’ont de valeur que durant le « festin présidentiel ».
Monsieur le président, comme je l’ai dit plus haut, vous avez raison de vous présenter comme candidat. Car, c’est seul le peuple de côte d’ivoire qui a le droit de vous mettre à la retraite ou de dire si vous pouvez encore lui apporter quelque chose. Vous voulez faire comprendre au monde entier que c’est le peuple seul qui donne et qui reprend le pouvoir et non une bande de « braqueurs » actionnés » dont l’intrusion sur la scène politique restera dans l’histoire comme la plus vaste bêtise et la plus vaste escroquerie politique et morale dont un peuple dans son ensemble ait jamais été victime.
Le peuple de côte d’ivoire vous donnera votre réponse et cette réponse sera très claire. Car, dans les deux cas de figure, vous sortirez vainqueur. Si vous gagnez, vous aurez eu raison sur tout le monde et surtout sur les « braqueurs ». Si vous perdez, vous aurez encore eu raison sur tout le monde et surtout encore sur les « braqueurs ».
Mais, d’ici à cette échéance, il faudra décoder le message qui se trouve dans le silence assourdissant des jeunes de côte d’ivoire qui sont présentement dans les cars en train de vendre des médicaments chinois, qui sont assis derrière des cabines téléphoniques, qui sont en train de vendre de façon ambulante, à pieds et sous le soleil, des appareils électroménager, bref, des jeunes qui depuis sept ans, ont bu le calice jusqu’à la lie. Car, ces jeunes sur qui tout le monde fantasme et que même certains considèrent comme une chasse gardée, ne voteront pas pour un candidat. Ils voteront pour eux-mêmes. En déposant leur bulletin de vote dans l’urne, ils feront le choix entre le chômage éternel, la gestion des cabines téléphoniques, le retour à la stérile terre après 18 ans d’étude, et la restauration de la justice et de l’égalité pour tous dans le partage des richesses de ce pays.
Depuis sept ans, les jeunes, pour la plupart enfants de pauvres, ont suffisamment eu le temps de comprendre que c’est dans la gourmandise que l’égoïsme, la méchanceté et l’ingratitude des hommes politiciens se manifestent le plus honteusement.
Vous voulez redevenir président de la république? Très bien! Je vous prie simplement de retenir, qu’ « aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire ».
En espérant ne pas vous avoir ennuyé, je vous souhaite bonne chance pour demain qui est déjà aujourd’hui.
ASSALE TIEMOKO ANTOINE
PRESIDENT DE L’ASSOCIATION MVPC
31 BP 533 ABIDJAN 31
TELL : 225 08 42 39 33
  • Mercredi 5 décembre 2007


CASSETE 2

Sur les traces de la fortune d'ADO à Ouattara
Comme Charles Konan Banny qu'il a précédé au poste de gouverneur de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), Alassane Ouattara est aujourd'hui détenteur d'une importante fortune amassée dans des circonstances quelquefois irrégulières. Incursion dans le jardin secret des avoirs du président du Rassemblement des républicains à travers le monde.

Alassane Dramane Ouattara fait son apparition sur la scène politique après février 1990. A part quelques cadres ivoiriens dont l'ancien chef de l'Etat, Henri Konan Bédié, feus Diaby Aboubacar Ouattara et Lamine Diabaté, ancien ministre d'Etat, et ancien directeur national de la BCEAO qui a été inhumé hier, peu d'Ivoiriens connaissent celui que Houphouët Boigny avait fait venir de Dakar pour sauver son pouvoir en déliquescence. La lutte pour la restauration du multipartisme battait son plein et le front social était en ébullition au moment où Ouattara dépose ses bagages sur les bords de la lagune Ebrié. Président d'un comité interministériel chargé de réfléchir sur les maux qui minent le pays et lui apporter des solutions, il devient six mois plus tard le Premier ministre de Côte d'Ivoire. Ce après la réélection d'Houphouët Boigny pour un autre mandat de cinq ans qui sera dirigé d'une part par Alassane Ouattara (3 ans) et d'autre part par le dauphin constitutionnel Henri Konan Bédié (2 ans soit de 94 à 95). En effet, à partir du 7 décembre, date officielle du décès de Félix Houphouët Boigny, c'est le président de l'Assemblée nationale d'alors qui devient le nouveau chef de l'Etat. C'est lui qui est donc aux commandes au moment où la dévaluation du franc CFA survient. L'ère Bédié venait de s'ouvrir. Mais pendant la première moitié du quinquennat d'Houphouët-Boigny, c'est Alassane Ouattara, en sa qualité de premier ministre, qui dirigera le pays. En l'absence du ''vieux'' très affaibli par la maladie et qui suivait des soins dans un hôpital de l'Hexagone. Le Bélier de Yamoussoukro ne pouvait donc rien contrôler et la gestion du pays revenait de fait à celui qui avait été appelé juste pour donner un coup de fouet à l'économie ivoirienne. L'appétit vient en mangeant, dit l'adage. Ouattara qui s'est fait entourer d'une équipe de politiciens et de technocrates ambitieux dont la plupart quitteront par la suite le PDCI pour donner jour au RDR dont il est le président rêve déjà de diriger le pays à la mort de son bienfaiteur. Il se mettra donc en tête d'occuper officiellement le fauteuil de chef de l'Etat de Côte d'Ivoire à la mort d'Houphouët Boigny. ''Président par intérim'', c'est par ce titre redondant, qui dépeint pourtant avec exactitude la réalité du pouvoir pendant cette période, que ceux qui profitaient du ''règne'' de l'ancien gouverneur de la BCEAO aimaient à le désigner. C'est en réalité au cours de cette période au cours de laquelle il a cumulé les postes de Premier ministre et de ministre de l'Economie et des Finances du poumon économique de l'UEMOA que Ouattara a constitué son immense fortune. Par des pratiques contraires aux règles de la bonne gouvernance qu'il a toujours revendiquée parlant de sa gestion des affaires de l'Etat.

De son passage à la Primature

Alassane Dramane Ouattara a longtemps travaillé à la Banque centrale de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) où il a occupé de hautes fonctions. D'abord en tant que vice-gouverneur pour le compte de la Haute Volta (Burkina Faso), puis gouverneur de l'institution bancaire pour la Côte d'Ivoire. Dès 1990, il rentre en Côte d'Ivoire où il est coopté au poste de premier ministre six mois plus tard. Une responsabilité qu'il assumera trois années durant, avant de déposer ses valises à New York afin d'y occuper le poste de directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI). Au terme d'une telle carrière professionnelle, l'époux de Dominique Nouvian Folleroux a pu se constituer un trésor. Quoi de plus normal ! Mais un retour sur le parcours de l'homme, surtout des faits qui ont lieu lors son passage à la Primature, finit de convaincre le plus incrédule que l'essentiel des avoirs d'Alassane Ouattara a été acquis de façon frauduleuse. Alors qu'il était le locataire de la Primature en effet, Alassane Ouattara avait mis sur pied un mécanisme de gestion qui lui permettait de pomper les ressources publiques. La trouvaille est de taille car le Trésor public qui était censé recueillir les recettes de l'Etat en provenance des régies financières est purement et simplement mis à l'écart. Le seul maitre à bord, de surcroit ministre de l'Economie et des Finances, avait préféré à la caisse officielle de l'Etat de Côte d'Ivoire une régie interne à la Primature. Tous les fonds en provenance des régies financières que sont les Douanes ivoiriennes dirigées en son temps par Doua Bi Kalou, les Impôts, le Port d'Abidjan, et même le Trésor public qui en était réduit à collecter des ressources insignifiantes, convergeaient ainsi vers la Primature. Bien évidemment, le président Houphouët Boigny qui était miné par la maladie et qui avait une confiance en Ouattara avait abandonné la machine étatique dans les mains de l'économiste qui ne rêvait pas mieux. La caisse de l'Etat en vient petit à petit à être totalement confondue avec les biens privés de Ouattara. Par ce procédé, il arrive à faire main basse sur des ressources financières énormes transportées en Europe à chaque déplacement du premier ministre au chevet du président Houphouët Boigny qui suivait des soins médicaux en France avant d'être transféré en Suisse. Sous le prétexte des visites donc au Bélier de Yamoussoukro dont l'état de santé préoccupait la nation tout entière, Ouattara fera sortir du pays des fonds énormes. Sans avoir à rendre compte à qui que ce soit. Chaque semaine, il prenait la destination de l'Europe où il planquera son butin dans les paradis fiscaux. Des personnes qui ont participé à ces opérations de transferts de fonds et que nous avons pu rencontrer dans le cadre de nos investigations sont convaincues que ce sont des centaines de milliards qui ont été ainsi emportés entre 1993 et 1994. Le général Abdoulaye Coulibaly, qui était le pilote d'Houphouët Boigny, à en croire ces témoins des faits dont certains travaillaient à CODIVAL, est bien placé pour dire la destination de ces fonds. Décembre 1993, Houphouët Boigny décède. Moins d'un mois après, la dévaluation du franc CFA contre laquelle il s'était longtemps battu devient effective. Le jour même de son inhumation. Il n'a pas réussi à s'imposer aux Ivoiriens comme il le souhaitait, en se proclamant comme le président par intérim de la Côte d'Ivoire, mais Ouattara peut désormais jouir de la manne importante dont il dispose, logée dans les banques suisses, dans la principauté de Monaco, au Luxembourg... Avec la dévaluation, les montants emportés deviennent deux fois plus importants. Du simple au double. Dans sa tentative de faire main basse sur le pouvoir par tous les moyens, y compris les coups d'Etat, il n'hésitera pas à s'en servir. La suite, on la connaît. Des actions subversives à répétition depuis la mort de Houphouët Boigny : contre Bédié, puis Guéi Robert et enfin Laurent Gbagbo.

CASSETTE 3
Le patrimoine d'ADO à l'étranger

En dehors des fonds emportés des caisses de l'Etat, qui ont permis à Alassane Ouattara d'ouvrir des comptes dans les paradis fiscaux, Ouattara dispose de biens immobiliers et autres à travers le monde. Des biens acquis pour la plupart avec l'argent volé dans les caisses de l'Etat. Au nombre des biens immobiliers dont il dispose, on note entre autres un immeuble sis au Plateau, jouxtant la direction du Trésor public. Avec le concours de Mme Dominique Nouvian Folleroux, la patronne de l'Agence internationale de la commercialisation immobilière (AICI) qui deviendra plus tard son épouse, de nombreuses réalisations du patrimoine de l'Etat passeront aux mains de Ouattara. Contre un franc symbolique ou moyennant des sommes en deçà de la valeur des biens ainsi frauduleusement acquis. Hors de la Côte d'Ivoire, il faut dire que le leader du RDR a acheté à des millions de dollars en Haiti une vaste plantation de canne à sucre. Cela, sur conseil de son parrain, feu Grégoire Yacé Philippe. Aussi possède-t-il des bateaux commerciaux qu'il s'est offerts après son départ de la primature, qui lui rapportent énormément. Au Burkina Faso, il détient une cimenterie rachetée et qui n'est pas le seul bien à son actif dans ce pays. Mais c'est au pays d'El Hadj Oumar Bongo que se concentrent la plupart de ses biens. Un parc maritime et des biens de natures diverses à son nom sont dans ce pays de l'Afrique centrale où le chef de l'Etat qui se présente comme son parrain lui fait de nombreuses faveurs. Vu la couverture dont il bénéficie et les largesses dont il est l'objet dans l'acquisition des marchés publics dans ce pays, il ne faut vraiment pas s'étonner d'entendre dire que Ouattara a décidé de bitumer sur fonds propres plus de 1000 km de voie de ce pays. Cela, gratuitement. Par ailleurs, le fonctionnaire international qui a des liens solides dans le milieu de la haute finance depuis Dakar se livre au blanchiment d'argent. Ayant une parfaite maitrise des flux financiers à travers le monde, l'ancien premier ministre se sert de structures écrans pour se livrer à des activités pour le moins répréhensibles. Ainsi, derrière les actions de haute portée humanitaire dont l'ONG Children's of Africa, qui est une propriété de son épouse peut se vanter, circule de l'argent sale. Le circuit que suit ce réseau est tellement complexe et bien pensé qu'il serait impossible à n'importe quel spécialiste de la lutte contre le blanchiment d'argent d'épingler l'ONG. De nombreuses sociétés exerçant dans les secteurs les plus divers, donc beaucoup d'affaires et de sous, se cachent en tout cas derrière le choix des Ouattara de s'adonner à une activité humanitaire. Outre Children's of Africa, il y a Jacques Desange. Et une autre structure comme l'International institute for Africa (IIA) basée à Washington, avec delusion entre Ouattara et cette société. Elle a été mise sur pied depuis son passage à la Primature et a pour mission essentielle de financer de façon subtile les activités subversives du leader politique et de faire du lobbying à son profit dans certains cercles. Mais bien entendu, cette structure de droit américain tire ses revenus du recyclage de l'argent sale en provenance de pays sous embargo. A l'image du Liberia et de la Sierra Leone où la vente de diamant et d'or a été longtemps interdite par le conseil de sécurité de l'ONU. Au pays où il a vécu de longues années en tant qu'étudiant puis directeur général adjoint du FMI, il a pu intégrer les réseaux mafieux de vente d'armes et c'est par des sociétés écran telles l'International institute for Africa (IIA) qu'il a armé sans discontinuer les auteurs des coups d'Etat à répétition qui déboucheront sur une rébellion après un énième échec en septembre 2002.

Les comptes de Ouattara à l'étranger

Comme nous l'avons signifié plus haut, le président du RDR dispose de plusieurs comptes dans les paradis fiscaux et des pays comme la France et les Etats-Unis où il a des intérêts. En Suisse et à Luxembourg particulièrement, on dénombre au total six comptes où s'effectuent des opérations de diverses natures. Selon qu'il s'agisse d'une activité lucrative ou d'une autre se rapportant à ses activités politiques ou subversives. Dans ce dernier cas, c'est l'International institute for Africa (IIA) qui est actionnée. Cette structure qui est sa propriété comme nous l'avons déjà indiqué plus haut, détient un compte à la Dexia Banque international à Luxembourg sise à 69 rue d'Esch, L-2953 Luxembourg. ''Dexia Banque Internationale à Luxembourg est une banque à vocation résolument eruopéenne. Nous recherchons des nouveaux talents pour épauler nos 5000 collaborateurs implantés dans 16 pays afin de contribuer activement à notre mission au sein du groupe Dexia : le développement international des métiers de gestion d'actifs, de banque privée et d'administration de fonds d'investissement. Nous voulons pouvoir compter sur des collaborateurs capables de relever tous les défis et bien décidés à grandir au rythme de notre entreprise. Grâce à nos activités variées et nos filiales implantées en Europe et en Asie, la mobilité interne et internationale sont des réalités au sein de la Dexia BIL. En tant qu'entreprise socialement responsable, Dexia a mis en place de nombreuses mesures visant à améliorer le bien-être de son personnel, que ce soit sur son lieu de travail ou en dehors. Gestion de carrière, formation, égalités des chances, santé, équilibre travail/Vie de famille, autant de domaines dans lesquels Dexia BIL est fière de pouvoir offrir à ses collaborateurs des solutions innovantes'', lit-on sur le site internet de la banque. Le compte d’Alassane Dramane Ouattara dans cette banque date de juillet 1999. Et le fait qu'il porte le nom de la société de droit américain ne doit pas étonné car il s'agit d'une société écran. Le vrai propriétaire du compte est bel et bien Alassane Ouattara comme ont pu le confirmer des hauts cadres de l'établissement bancaire qui ont réquis l'anonymat pour des raisons de confidentialité. De même, la déontologie de notre métier ne nous autorise pas à rendre publiques certaines informations en notre possession sur le sujet. A en juger par sa date de création, on se rend bien compte que c'est au moment où il démissionnait de son poste de directeur général adjoint du FMI. Il annonça dans la même période son désir de renter en Côte d'Ivoire pour y prendre part à la vie politique. Surtout, il envisageait de se présenter à la présidentielle. Quelques mois après, soit en décembre 1999, alors qu'il venait de dire publiquement qu'il allait attenter à la sureté de l'Etat, une banale mutinerie emportera le pouvoir d’Henri Konan Bédié.

Les scandales qui ont émaillé sa Primature Son passage à la tête de la primature a en outre été marqué par plusieurs scandales financiers. Au lendemain de sa nomination au poste de premier ministre, il se signale par l'affaire des 19 tonnes d'effets personnels non dédouanés. L'affaire fera grand bruit mais n'inquiètera pas le gouverneur venu de Dakar qui ne s'arrêtera pas à ce forfait. Il prend gout à la mal gouvernance et il est très difficile de l'arrêter, surtout que Houphouet Boigny est agonisant. Eclate alors l'affaire ''Ouattara vend et rachète''. Le chef du gouvernement brade à tout vent le patrimoine de l'Etat ivoirien. Le hic, c'est qu'il se trouve être à la fois vendeur et acquéreur. Un délit d'initié. La clameur publique dénonce ce pillage en règle du patrimoine de l'Etat. Une action dont lui seul était le bénéficiaire, vu qu'il cédait à vide prix les structures dont certaines étaient très sensibles à des proches et amis. Des sociétés écrans bien sûr étaient déjà dans le jeu. Des contrats juteux sont passés entre le Port autonome, la SODECI, la CIE, et des entreprises françaises telles que Bouygues et Bolloré, moyennant des francs symboliques pour la plupart. Sans les Français, il ne restait plus à la Côte d'Ivoire qu'à déclarer faillite, voulait-on faire croire. Pour toutes ces actions en faveur de la France, Ouattara percevra des pots de vin qui s'élèveront à des milliards. Des ristournes déposées dans des banques françaises particulièrement. Déjà à la BCEAO, il aurait conçu un réseau digne d'une mafia pour ses activités illégales. En accédant au poste de gouverneur de la banque centrale, il s'ouvrait la voie pour venir faire main basse sur la Côte d'Ivoire. Dix sept ans après son arrivée dans le paysage politique ivoirien, l'homme qui a bien planifié son affaire était à deux doigts à la mort d'Houphouët de s'emparer de la magistrature de l'Etat avec l'argent des Ivoiriens.

Par Safiatou Ouattara
S: l'intelligent d'abidjan

 CASSETE 4

Dimanche 3 Septembre 2006:

   LE DEAL BONGO-OUATTARA A NU 
  Sur les traces des comptes bancaires de ADO au Gabon 

On l'a dit et redit, Alassane Dramane Ouattara, président du RDR, n'a pas de sentiments. C'est un calculateur froid qui n'a que faire des souffrances des nordistes de la Côte d'Ivoire. Qui ne sont en réalité qu'un fonds de commerce dans sa lutte pour l’accession au fauteuil présidentiel. La preuve avec ces relevés bancaires gabonais qui prouvent, si besoin est, que l'homme n'a aucun projet de société pour les Ivoiriens.

Alors que l'hôpital de Kong, dont il se dit soudainement originaire, manque encore cruellement de lits d'hospitalisation, alors qu'un quotidien proche de son parti, le RDR, n'a pu avoir de sa poche que 10 petits millions sur les 100 exigés pour sa redynamisation actuelle, Alassane Dramane Ouattara, président du RDR, pour parler comme les commerciaux, est “en promo” ailleurs. Précisément dans les pays de la sous-région dont les présidents n'ont qu'un seul objectif: faire tomber le président Gbagbo. Au Gabon particulièrement, il a deux pieds à terre. Ce pays est de ceux qui comptent le plus pour Mister Ouattara. Bongo est lié à ADO par un circuit financier qui ne dit pas son nom. Le leader du RDR est lié à Bongo par un cordon politico-mafieux qui devrait le propulser au pouvoir en Côte d'Ivoire. Et tous deux se tiennent.... En effet, Alassane Ouattara est propriétaire, sur cette terre d’Afrique centrale entre autres, d'une compagnie aérienne, de plusieurs résidences, d'un important hôtel et d'une impressionnante société de construction dans le style du BNETD. Ses sociétés pèsent toutes, plusieurs milliards de francs FCFA. Comme l’attestent certains de ses comptes que nous avons pu localiser sur la place de Libreville.

Bongo est financièrement lié à ADO

Le président du RDR sème la richesse au Gabon et la désolation en Côte d'Ivoire. Alors que ‘’sa’’ rébellion a achevé de balafrer la Côte d'Ivoire, il élève le Gabon au rang de petite Suisse d'Afrique centrale. Avec la complicité du président Bongo que les scandales financiers aux contours mafieux n'ébranlent guère (l'affaire Elf faisant foi). M. Alassane Ouattara, BP 19, domicilié à Libreville Sablière est titulaire du compte bancaire N° 05 102 3528 335 1 00, code 800, domicilié à l'Union gabonaise de banque (UGB). Le solde dudit compte était créditeur de la bagatelle de 22 681 789 011 FCFA, à la date du 8 mars 2006. 22 milliards de FCFA. Vous avez bien lu. En outre, ADO est encore détenteur de deux comptes bancaires à la Banque internationale pour le commerce et l'industrie du Gabon (BICIG). Toujours à Libreville. Le premier compte est identifié 02604900180XAF avec pour n° de guichet le 09071 à l'agence du centre ville. Le relevé bancaire de ce compte présentait un solde créditeur de 7 313 581 333 FCFA à la période du 16 janvier 2006. A la suite de plusieurs mouvements dans cette même période, dont un virement compte BCB.BF N°2308KL00021 (date du 16/01/06), un virement compte SGBB N°11058600601-07 (date du 24/01/06), un autre virement compte BICIA-B N°2046700168 (date du 08/02/06) et enfin un dernier virement compte UGB N°05 100 6179 3000, Sté ENCOSO-Gabon (Sté de construction), à la date du 13/02/06, ce solde est descendu à 2 113 382 167 FCFA. Bien  2 milliards et quelques Ce, à la période du 16/02/06. De même, le patron du RDR est aussi propriétaire du compte N°22521400001XAF du guichet 09070, domicilié à la même banque (BICIG), mais cette fois à l'agence centrale de l'avenue du colonel Parant, au 2241 à Libreville. Le solde créditeur de ce compte qui était de 3 469 842 990 au 09 décembre 2005 est passé à 28 434 975 290 FCFA à la date du 27 janvier 2006. Nous disons bien 28 milliards de nos francs. Ce, grâce à des transactions et mouvements de fonds qui ont pour noms, appel de fonds compte privé Banca Naz Lavoro Milan (BNL. MI), d'un montant de 50 832 125 d'euros soit l'équivalent de 32 946 763 837 FCFA. En Somme plus de 32 milliards de FCFA, à la date du 12 décembre 2005. Salaire pour le mois de décembre du personnel de la compagnie aérienne, AIR MAX AFRICA, propriété d'ADO (date du 20/12 2005). Salaire du personnel pour le mois de décembre de la résidence "Les Jardins de jade" (date du 20/12/ 2005). Salaire pour le mois de décembre du personnel de l'Hôtel Maïsha. Versement d'espèces, virement sur compte BCB.BF N° 2308KL00021 (Burkina Faso) d'un montant de 10 640 800 euros, soit 6 692 972 080 FCFA. Et enfin un virement de 1 500 000 euros soit 982 950 000 FCFA sur compte FNB. ACC 7824128 de la First national bank du Ghana. Tout mouvement qui donne à ce compte un solde créditeur de 28 721 524 290 FCFA à la date du 27/01/2006.

Question à deux sous:

Comment appelle-t-on un individu détenteur de plus de 28 milliards de FCFA dans une banque (BICIG) dont le capital global est seulement de 12 000 000 000 FCFA? Quand vous trouverez la réponse, vous conviendrez avec nous de ce que vaut Alassane Dramane Ouattara au Gabon. Vous comprendrez aussi pourquoi le président Bongo est débordant d’activité chaque fois que son associé est aux abois en Côte d'Ivoire. Alassane Dramane Ouattara a le Gabon dans sa poche, pour parler prosaïquement. Et pour parler de pratiques mafieuses, il faut juste ajouter que les preuves sont là qui attestent qu'une bonne partie du flux financier issu des casses de banques dans les zones rebelles, a pris la route de Libreville via des comptes bancaires que Bongo et ADO ont en commun. Dans le jargon, on parle de blanchiment d'argent. De même, les avoirs du sieur Bictogo, provenant de la vente frauduleuse du cacao ivoirien vers le Burkina Faso et le Mali sont chiffrés à plus de 250 milliards de FCFA. Une bonne partie de ce pactole est aussi au chaud au Gabon et au Sénégal via une couverture et moyennant contreparties du sieur Alassane Dramane Ouattara et des chefs d'Etat des pays logeurs. Autre fait, si vous avez bien lu ces lignes, vous vous rendrez compte que les avoirs d'Alassane Ouattara ne sont pas que domiciliés au Gabon. Le mentor du RDR est également bien assis, financièrement aussi bien au Burkina Faso qu'au Ghana comme l'attestent les écrits sur les différents extraits de comptes sous vos yeux (voir fac-similés).

De Janvier à Mars 2006, les choses bancaires ont dû considérablement évoluer pour ADO. Dès lors, Bongo ne crie pas pour rien quand il s'agit de la crise ivoirienne. Actionné, bien sûr par Chirac, il crie pour que ADO accède par tous les moyeux au fauteuil présidentiel ivoirien. Ainsi, avec l'aide de l'éternelle France, ils se partageront davantage le corps, l'âme et l'esprit de la Côte d'Ivoire. C’est cela le vrai sens de la dernière sortie du père Bongo, paix a son ame. Tout le reste n’est que pure distraction.

William-Varlet ASIA




 ARTICLES TIRES DE LA PRESSE AFRICAINE DEPUIS 1998
L'Euro :

L'avènement de l'euro, la monnaie unique européenne dont les conditionalités entrent en vigueur à partir du 1er janvier 1999, crée d'autres événements dans les pays de la zone franc, plus activement à Abidjan (Côte d'Ivoire).
De façon irréversible et sûrement, l'euro se rapproche, n'en déplaisent aux Etats, en l'occurrence, africains dont les économies frisent avec le «laxisme budgétaire». A Abidjan, l'opinion publique et la presse nationale alimentent le débat sur la question du passage à l'euro, suivant de près la contribution des experts financiers et banquiers. Plus que jamais c'est un défi majeur que les acteurs économiques et au-delà les Etats de l'union européenne tout comme ceux de la zone franc sont amenés à relever. La question cruciale et incontournable pour les Africains porte sur une nouvelle dévaluation ou non du franc CFA. C'est connu dans le milieu des Ivoiriens, la dévaluation s'apprécie, mais ne s'annonce pas. Ni le ministre ivoirien de l'économie et des Finances, Niamien N'Goran, ni les économistes de la Banque nationale de Paris (BNP) n'ont pu convaincre véritablement l'auditoire composé majoritairement d'opérateurs économiques responsables d'entreprises lors du séminaire organisé dans la deuxième quinzaine de décembre 1997 à l'hôtel Ivoire (Abidjan). Vaine tentative (?) de faire partager l'idée selon laquelle "l'euro ne changera en rien la valeur du franc CFA". Mieux, les experts de la BNP se refusent à tout commentaire approfondi sur la question, rappelant par moment que le but du séminaire est d'informer les clients de la Banque internationale pour le commerce et l'industrie de Côte d'Ivoire (BICICI), filiale nationale de la BNP, sur l'introduction de l'euro et ses exigences.
Les ministres des finances de la zone franc ont déjà donné de la voie le 18 avril 1996 à N'Djamena (Tchad), indiquant que lorsque l'euro se substituera au franc français, les parités des francs CFA et comorien seront fixés mécaniquement par rapport à l'euro
La psychose d'une deuxième dévaluation du franc CFA se vit chez nombre des Ivoiriens les plus pessimistes. Dès lors, l'attitude des argentiers des Etats de la zone franc étonne plus d'un: "Pourquoi attendre 1999 ou l'an 2002 avant de réfléchir par nous-mêmes sur le devenir du F CFA ?" s'interroge-t-on. Les décideurs savent certainement ce qu'ils font et mesurent le poids réel du passage à l'euro sur le panier de la ménagère, et encore une fois sur les dettes publiques extérieures et ses services. Pour sûr, il y aura un changement de référence du franc CFA par rapport à l'euro une fois que la monnaie unique européenne se substituera au franc français. Il s'est voulu rassurant Jean-Pierre Petit, directeur général adjoint des études économiques à la BNP en affirmant lors de son passage à Abidjan qu' "en soi, l'euro ne conduit pas nécessairement à la dévaluation. Le problème de la zone euro, c'est simplement un changement de référence. Elle ne déclenche ni dévaluation ni réévaluation". Quelle sera la nouvelle parité entre le F CFA et l'euro ? "Là-dessus, je ne me prononce pas", répond catégoriquement l'économiste de la BNP. La question brûle et angoisse même les parlementaires. Cela s'est ressenti lors d'un récent passage du ministre ivoirien de l'économie et des finances devant les députés dans le cadre des "questions actuelles" initiées par l'assemblée nationale. A cette occasion, le député Amon Léon, par ailleurs PDG de la compagnie nationale d'assurance (CNA) a interrogé le ministre sur l'avenir du franc CFA après 1999; c'est-à-dire, dans moins d'un an I Quelques semaines plus tard, pour atténuer la psychose des conséquences néfastes d'une probable dévaluation du F CFA, le gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Afrique de l'ouest (BCEAO), Charles Konan Banny, emboîtant le pas au conseiller juridique de la Banque nationale de Paris (BNP) tente de rassurer que "l'avènement de l'euro entraîne trop de bruit pour rien". Tant mieux, si cela provient d'un des décideurs de l'avenir du franc CFA en l'occurrence le gouverneur de la BCEAO. Plus que cette parole d'évangile, les Africains doivent sérieusement étudier la question: créer une monnaie unique autre que le franc CFA. Si on ne rejette pas du revers de la main cette proposition, en revanche, rien ne se fait concrètement pour une étude plus sérieuse et plus approfondie d'une politique monétaire. Cette politique devrait être de la compétence exclusive de la banque centrale de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) de concert avec le conseil régional des marchés financiers mis en place au mois d'octobre 1997.
La seule chose dont les Ivoiriens sont certains, c'est la dépréciation du franc CFA, la perte de sa crédibilité après la fixation irrévocable des parités des monnaies de la zone euro.
Mais comment se ressentira cette dépréciation et à quel(s) niveau(x) ? Pour plus de clarté, la chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire (CCICI) a convié les acteurs économiques ivoiriens les 26 et 27 janvier un séminaire conjointement avec la société MATIF. Ce séminaire a porté sur l'impact de l'euro sur les marchés financiers et le Marché à Terme International de France (MATIF).
Les grandes entreprises, les institutionnels, les banques correspondantes, les PME/PMI, les artisans, les commerçants et les professions libérales ainsi que les particuliers..., bref, Tout le monde s'intéresse au passage à l'euro dès le 1er janvier 1999. Le pacte de stabilité entre les monnaies nationales européennes aura des répercussions non moins regrettables sur la monnaie CFA. Même si les experts en économie et finance font croire que contrairement
au pessimisme des populations, les conséquences de l'introduction de l'euro seront plutôt positives. Ils font là allusion à une garantie de convertibilité illimitée du franc CFA et à un accès facile des pays africains de la zone franc au marché européen. Ces Etats africains, dit on, seront moins vulnérables aux fluctuations des monnaies internationales, notamment le dollar. Soit. Mais l'Ivoirien tout comme les populations des pays de la zone franc s'interrogent : jusqu'en 1994, 1 FF équivalait à 50 F CFA; depuis cette date (après dévaluation), 1 FF équivaut à 100 F CFA. Quelle sera maintenant la parité fixe entre le F CFA et l'euro ? L'équation à plusieurs inconnus restent posée:
lEURO=XFCFA. Doit-on s'attendre à une dévaluation déguisée du franc CFA ou à une dépréciation de cette monnaie ? Les grandes question se posent au moment où le taux moyen de croissance est de 5 % pour l'ensemble des Etats de la sous-région ouest-africaine alors qu'il est de 7 % pour certains pays comme la Côte d'Ivoire. A l'évidence, il n'y a pas échec pour ces Etats africains soumis à répétition à diverses réformes structurelles et économiques imposées par les bailleurs de fonds notamment la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International.

Les Privatisations:

LES TROIS dernières années, les privatisations réalisées en Côte d'Ivoire ont
rapporté quelque 230,6 milliards de FCFA à l'Etat, selon les statistiques présentées devant le Conseil des ministres.
Rappelant que son principal objectif est « le développement d'un actionnariat national », le gouvernement a souligné « l'engouement du public pour les privatisations », et relève que les recettes des privatisations ont connu une progression constante.
Elles se sont élevées à 32,7 milliards de F CFA en 1995, à 53,7 milliards en 1996, et enfin à 144,2 milliards en 1997.
La performance de l'année écoulée s'explique par la cession à des opérateurs privés de deux entreprises importantes, la Sodésucre et CI Telcom. En 1997, l'Etat a vendu 51 % du capital de Citelcom à France Télécom par l'intermédiaire de sa filiale France câbles et radio, pour une somme de 105 milliards de F CFA.
Côte d'Ivoire Télécom, qui a succédé à CI Telcom, a été paralysé au début du mois de février 1998 par une grève de cinq jours déclenchée par les employés membres du Syndicat national des agents des postes et télécommunications (Synapostel), qui ont dénoncé les écarts de salaires existant entre Ivoiriens et expatriés et exigé des augmentations ainsi que des primes.
Un accord est finalement intervenu entre la direction de Côte d'Ivoire Télécom et les employés de l'entreprise sur la revalorisation des salaires.

GROS PLAN SUR L'EDUCATION (Juillet 98)

Entre les autorités ivoiriennes et la toute-puissante Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci), la trêve est-elle rompue ? L'accélération et l'enchaînement des événement" de ces derniers jours le laissent en tout cas penser, même si l'audience accordée, le 2 juin 1998, au leader de ce mouvement, Soro Kigbafori Guillaume, par le président Henri Konan Bédié est venue désamorcer la tension persistante qui régnait depuis le décès, le 13 mai 1998, d'Elélé Sombo Mages. Ce jour-là, alors que les élèves du Lycée moderne d'Anyama, localité située à une trentaine de kilomètres d'Abidjan, protestaient contre une cotisation imposée par le proviseur de l'établissement, la police fit une descente plus que musclée qui aboutit à la mort par balle d'Elélé Sombo.
Très vite, la Fesci, le syndicat le plus représentatif de la défense des intérêts des élèves et étudiants ivoiriens, s'organisa et fit le tour du pays pour informer la base et la sensibiliser quant à l'opportunité de s'associer à la mémoire de leur camarade. Après deux jours d'arrêt des
cours, les 26 et 27 mai 1998, pour deuil national, la Fesci décida de passer à la vitesse supérieure.
Pour Soro Guillaume, l'heure était venue d'organiser, dès le 3 juin, une autre grève de vingt-quatre heures, des meetings dans tous les lycées et universités de Côte d'Ivoire et, surtout, une grande marche de protestation sur la présidence de la République. Objectif visé ? Obtenir « la révocation et la condamnation à de lourdes peines pénales du proviseur du lycée, du policier tueur et du commissaire de la ville ».
Trois jours seulement après l'audience présidentielle, le gouvernement ivoirien publia un communiqué entièrement favorable aux étudiants puisque des sanctions ont été prises contre les personnes impliquées directement dans la mort de l'élève (le sergent de police Kouassi Kouakou a été mis aux arrêts en attendant sa comparution devant le tribunal militaire) ou indirectement (le commissaire de police d'Anyama, Koné Mamadou, et le proviseur du lycée, Massé Noufé, ont été relevés de leurs fonctions).
Si le feu a pu être circonscrit, les braises ne sont pas éteintes pour autant. Les étudiants comptent maintenir la pression sur le gouvernement afin de l'amener à prendre en compte leurs préoccupations. « Tant que les conditions objectives nous obligeront à utiliser la grève, nous la ferons sans état d'âme », prévient Soro
Guillaume. Les conditions objectives, ce sont seulement 9 700 chambres disponibles pour plus de 60 000 étudiants au cours de la présente année académique.
Autre préoccupation: l'accès d'un plus grand nombre d'étudiants aux bourses d'études. Le secrétaire général de la Fesci souhaite que « le président Bédié, qui est le dernier recours, prenne au moins 5 milliards de ses 15 milliards de F CFA de dépenses de souveraineté pour venir en aide aux étudiants », ce qui porterait à 10 milliards le montant total des bourses distribuées aux étudiants Ivoiriens.
Avec les étudiants de la Fesci, les enseignants du Syndicat national de la recherche et de l'enseignement supérieur constituent aussi pour le gouvernement ivoirien des « empêcheurs de dormir en paix ». Ils ont observé, du 2 au 4 juin 1998, un arrêt de travail pour protester contre les conditions salariales qu'ils jugent peu avantageuses et à deux vitesses depuis l'entrée en vigueur en 1991 des décrets de raccrochage des enseignants. La fin de la grève, sans résultat favorable sur tous ces points, laisse la porte ouverte à la reprise du mouvement dans les semaines ou les mois à venir. .
LES CHINOIS A L'OFFENSIVE (Juillet 98)
Pour sa première visite officielle à l'étranger, un peu moins de trois mois après sa nomination, le ministre chinois des Affaires étrangères, Tang Jiaxuan, a choisi, du 12 au 14 juin 1998, la Côte d'Ivoire. Trois jours qui auront permis « d'approfondir la connaissance mutuelle, d'élargir le terrain d'entente, de renforcer la coopération et de faire progresser encore davantage les relations d'amitié et de coopération existant depuis quinze ans entre les deux pays ».
Et si, au terme du séjour du ministre, la partie chinoise a remis, à titre gracieux, 200 millions de F CFA, aux autorités ivoiriennes, par leur ministre des Affaires étrangères, Amara Essy, n'en ont pas moins présenté un chapelet de demandes: accroissement des crédits afin d'initier certains projets, création d'une commission mixte pour mieux identifier et mener les opérations d'investissement. Mais surtout, et de façon concrète, la Côte d'Ivoire espère fermement que la visite officielle du ministre chinois des Affaires étrangères permettra enfin de
concrétiser l'idée de construction de deux usines de traitement du cacao ivoirien.
Lancés en avril 1997 par des investisseurs publics et privés ivoiriens et chinois, en partenariat avec des entreprises françaises, ces deux projets tardent à voir le jour. Le premier, qui porte sur la construction d'une usine baptisée Qingke, entre dans le cadre de la coopération bilatérale entre la Côte d'Ivoire et la Chine. La société Qingke a prévu d'acheter toute sa production de cacao (masse, liqueur et beurre de cacao) en Côte d'Ivoire, mais aussi d'investir 12 millions de dollars au cours de la première phase.
Pour atteindre ses objectifs et aider la Côte d'Ivoire à écouler son importante production cacaoyère, Qingke, dont le capital de 3 millions de dollars est détenu à 40 % par le groupe chinois Jin Tal, à 30 % par la Caisse de stabilisation ivoirienne et, dans des proportions nettement moins élevées, par le groupe français Choc , Arbin, compte séduire les collectivités :
l'armée, les établissements scolaires, les grandes structures étatiques, etc.
Quant au second projet, il regroupe, au sein de la Société ivoirienne de cacao (Sicao) qui a ainsi vu le jour, la Société de négoce ivoirienne (Sonégi), la compagnie française Touton et la société chinoise Shangai Coline. L'ambition affichée est d'investir environ 12 milliards de F CFA pour créer, en Côte d'Ivoire, une usine de transformation de cacao.
Si ces différents projets voyaient le jour, ils viendraient certainement couronner une série d'actions et d'initiatives prises ces derniers temps par la Chine pour marquer sa présence en Côte d'Ivoire et consolider l'axe diplomatico économique entre Abidjan et Pékin.
D'ici là, la Côte d'Ivoire se réjouit déjà de la multiplication des missions économiques et commerciales chinoises, et surtout de l'installation de nombre d'entreprises industrielles sur le territoire national. Il en est ainsi de la construction, dans la zone industrielle de Yopougon, d'une usine de montage automobile Hua-Ke, symbole par excellence « des bonnes relations d'amitié existant entre nos deux pays », comme le soulignait, lors de l'inauguration de l'usine, le 17 octobre 1997, le ministre chinois du Commerce extérieur, Yang Wensheng.
Fruit du partenariat entre opérateurs privés des deux pays (les Ivoiriens détiennent 30 % des 500 millions de F CFA de capital), Hua-Ke ambitionne cette année de produire 300 véhicules utilitaires, puis 1 000 et 3 000 automobiles, respectivement en l'an 2000 et 2010. L'usine de montage Hua-Ke n'est pas le seul fleuron de la présence et de l'offensive chinoise en Côte d'Ivoire.
Yitwo Agro-lndustrial, une usine de montage de matériel agricole, a en effet été inaugurée en mars 1998 par le premier ministre ivoirien, Daniel Kablan Duncan. CEuvre d'hommes d'affaires des deux pays (le capital de 104 millions de F CFA appartient à 68 % à des partenaires chinois, dont les principaux sont China First Tractor, Yitwo international, Dong Fang et Finang, ainsi qu'à des privés ivoiriens), Yitwo Agro-lndustrial a nécessité un investissement de départ de plus de 800 millions (le montant total de l'investissement prévu est de 1,3 milliard). Ce qui devrait être suffisant pour permettre à l'usine de produire de 1 200 à 1 400 tracteurs et motoculteurs par an
« La Côte d'Ivoire ayant une économie basée sur l'agriculture, votre entreprise dispose déjà d'un marché national très demandeur. A cela vient s'ajouter le marché sous-régional de l'UEMOA qui est un débouché important pour vos produits, ce qui présage d'un développement rapide de vos activités », rassurait alors le ministre délégué chargé du Plan et du Développement industriel, Théophile Ahoua Ndoli. Ces matériels agricoles devraient permettre, comme le confiait le président-directeur général de Yitwo, Fang Gang, « d'alléger l'intensité du travail des paysans et augmenter la productivité ».
Autre fierté: le palais de la Culture de Treichville, dont la construction avance à grands pas et qui devrait accueillir, après son ouverture prévue pour septembre 1999, le Festival mondial des afromusiques, trois mois plus tard. Attendu avec beaucoup d'impatience par les artistes ivoiriens, qui se plaignent régulièrement du nombre réduit de salles de spectacle dignes de ce nom, le palais de la Culture aidera certainement ceux-ci à développer leurs talents et créations...
De l'avis de l'ambassadeur de Chine en Côte d'Ivoire, Fang Gang, l'ouverture en décembre 1997 à Abidjan d'un centre de promotion des investissements, de développement et de commerce devrait donner un coup de fouet supplémentaire à la coopération entre les deux pays. Cette restructuration ambitionne de fournir aux entreprises chinoises des informations précises susceptibles de leur permettre d'investir en Côte d'Ivoire, dans des sections aussi diverses
que l'agriculture, les mines, l'électronique, l'automobile, les services, etc.
Au siège du Centre de promotion des investissements, du développement et du commerce, dans le quartier des affaires du Plateau, l'on ploie déjà sous le poids du travail et des dossiers à « boucler ». A commencer par l'installation, à Yamoussoukro, d'une usine de montage de micro-ordinateurs. La société à capitaux mixtes à créer devrait être détenue à 51 % par des partenaires ivoiriens et à 49 % par la partie chinoise. L'investissement de départ est estimé à 600 millions de F CFA, pour une capacité de production annuelle de 30000 à 50000 microordinateurs. Plusieurs autres projets chinois devraient être réalisés dans les années à venir. Ceux-ci vont de la recherche pétrolière off shore à la construction d'une usine de produits pharmaceutiques, en passant par l'unité rizicole de Yamoussoukro (censée produire annuellement plus de 2 000 tonnes de riz usiné) ou par le projet de riziculture de Guiguidou, dans la région de Divo. .

LES GRANDES MANOEUVRES (Août 98)

Paru le 5 juin 1998 dans Le Démocrate, l'organe officiel du Parti démocratique de Côte d'Ivoire Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), l'éditorial de Yao Noël, directeur de publication et surtout secrétaire national du parti au pouvoir, ne pouvait passer inaperçu. Cette prise de position se voulait une réponse ferme, certains diraient musclée, à la réaction de l'ancien premier ministre Alassane Ouattara qualifiant, dans un quotidien français, la nouvelle Constitution de « texte destiné à maintenir une clique au pouvoir ». Cette passe d'armes, par organes de presse interposés, est tout simplement révélatrice du climat de tension, de raidissement, voire de fébrilité, qui s'est emparé de l'ensemble de la classe politique ivoirienne. A un peu plus de deux ans des échéances électorales de l'an 2000, le « top de départ » des grandes manoeuvres est déjà donné et l'on ne compte plus les tournées et sorties des états-majors des principaux partis politiques. Le secrétaire général du Rassemblement des républicains (RDR), Djény Kobina, a achevé en juin 1998 une tournée de douze jours dans l'est du pays. Objectif affiché: « préparer le terrain » pour Alassane Ouattara, le candidat naturel de ce parti à la succession du Président Henri Konan Bédié.
 Au Front populaire ivoirien (FPI), Laurent Gbagbo est sorti le 25 juin 1998, à la faveur d'une conférence de presse, de la réserve observée ces derniers temps, et ses lieutenants ont multiplié les séjours à l'intérieur du pays, les conférences-débats et les déclarations publiques, afin de « maintenir la base en éveil »
De son côté, le PDCI, après avoir observé une sorte d'attentisme, a connu un regain d'activité. Le signal de cette mobilisation est venu du Cercle national Bédié (CNB), son principal mouvement de soutien, qui tenait, le 30 mai 1998 à
Agnibilékrou, à l'est de la Côte d'Ivoire, son premier séminaire régional consacré à sa collaboration avec les élus du parti. Leur souhait, réaffirmé par le président Pierre Yangni Nda, est que s'établisse « une collaboration franche et agissante » entre ces deux structures, « organisée pour soutenir la politique économique et sociale définie par le Président au profit de la nation ».
Pour le second semestre de cette année, le PDCI s'est lancé dans un vaste mouvement de renouvellement de ses structures de base. Le programme va des opérations de placement des nouvelles cartes du parti aux tournées de délégations spéciales sur toute l'étendue du territoire national, en passant par les élections des présidents des comités et l'installation de leurs bureaux, les élections des secrétaires généraux de section et la grande rentrée politique d'octobre 1998 à Yamoussoukro. Mais, c'est sur le terrain des réformes constitutionnelles entérinées le 30 juin 1998 par l'Assemblée nationale que les formations politiques ont été le plus présentes, ce qui n'a fait qu'exacerber une atmosphère que les observateurs qualifient de délétère. Ainsi, l'opposition FPI RDR regroupée au sein du Front républicain a-t-elle choisi de ne pas participer au vote du projet de loi portant amendement de la Constitution. Le FPI a en effet claqué la porte de l'hémicycle à la suite du refus du président du Parlement ivoirien, Emile Brou, de retenir le préalable de Mr. Boga Doudou, président du groupe parlementaire FPI. Ce dernier demandait que le teste relatif à la révision constitutionnelle soit retiré de l'ordre du jour. La Ligue ivoirienne des Droits de l'Homme n'a pas hésité, de son côté, à s'élever contre les pouvoirs excessivement forts accordés au chef de l'Etat, à commencer par la durée du mandat présidentiel qui passe de cinq à sept ans. Pour son président Bléou Martin, « les raisons invoquées au soutien d'une telle proposition sont inopérantes : en cinq ans, tout chef d'Etat peut mettre en oeuvre son programme. La Lidho pense que sept ans c'est trop long, et une telle durée prive par trop le peuple de son pouvoir de contrôle. »
Autre disposition controversée: l'article 10, qui mentionne que « lorsque surviennent un cas de force majeure, des événements ou des circonstances graves, rendant impossibles la tenue de l' élection présidentielle ou la proclamation de celle-ci, le président de la République dont le mandat vient à terme demeure en fonction, après consultation des présidents du Sénat et de l' Assemblée nationale ».
Pour Francis Wodié, le leader du Parti ivoirien des travailleurs (PIT) et seul adversaire d'Henri Konan Bédié lors de la dernière élection présidentielle de 1995 (il avait obtenu un peu plus de 3 % des voix), cet article opère une sorte de « coup d'Etat constitutionnel » en ce qu'il permet au chef de l'Etat, sous les prétextes les plus divers, de se maintenir au pouvoir. Sur ce point, une fois n'est pas coutume, le PIT rejoint le FPI et le RDR, qui ne cessent de mettre en garde contre ce qui est décrit comme la volonté du président Henri Konan Bédié de « confisquer le pouvoir »
Le numéro deux du FPI, Aboudramane Sangaré, en a même profité pour demander au pouvoir de « s'asseoir pour discuter pendant qu'il est encore temps car quand toutes les possibilités seront épuisées, nous passerons à une autre étape » Et, pour bien montrer que « ce ne sont pas des paroles en l'air », le FPI a boycotté le déjeuner offert à l' ensemble des députés par le chef de l'Etat le 12 juin 1998.
L'accès à la carte nationale d'identité constitue également un autre contentieux opposant les formations politiques, nombre de ressortissants du nord du pays se plaignant des difficultés qu'ils rencontrent dans l'établissement de ce document. « Pour nous, avance So Konaté, les procédures sont plus compliquées parce que nos prénoms (Abdramane, Sékou, etc.) et nos noms de famille (Touré, Doumbia, etc.) se retrouvent également au Burkina, au Mali et en Guinée. Et donc, pour prouver que nous sommes ivoiriens, nous devons, en plus de nos extraits de naissance, produire ceux de nos parents. Ce qui pose souvent des problèmes complexes quand ces derniers n'en ont jamais eu ou sont décédés sans laisser de traces d'un quelconque document de ce genre ».
En fait, résume M. Cissé, « tout est mis en oeuvre pour que les populations du Nord, considérées comme des militants inconditionnels d'Alassane Ouattara, ne participent pas en grand nombre aux prochaines consultations électorales ».
Conscients de la menace de fragilisation sociale que constitue ce dossier relatif à la carte nationale d'identité, les députés ont demandé au gouvernement de tout mettre en oeuvre pour que « chaque Ivoirien possède sa carte. C'est un devoir civique ». Ils souhaitent que le gouvernement organise une large campagne d'information des citoyens sur les pièces à fournir et sur les procédures, afin de prévenir « les interprétations tendancieuses et les sentiments de frustrations. La réduction du coût briserait également les résistances des citoyens ».
Cette préoccupation semble visiblement avoir été prise en compte au plus haut niveau puisque le Conseil national de sécurité (CNS) vient de voir son projet de lutte contre les difficultés d'identification des populations ivoiriennes adopté en Conseil des ministres. Les nouvelles dispositions administratives prévoient en effet « la réduction temporaire, jusqu'au 31 octobre 1999, du coût de la carte nationale d'identité par une baisse du droit de timbre et une exonération totale du droit de timbre en ce qui concerne les pièces nécessaires à l'obtention de ladite carte ».
En outre, « les procédures d'établissement des cartes nationales d'identité vont être simplifiées, avec notamment l'organisation d'audiences foraines pour éviter aux populations rurales des déplacements fréquents et onéreux pour la recherche des pièces d'état civil et autres documents nécessaires à l'établissement de cette carte ».

A L'AUBE DE L'AN 2000

Les Ivoiriens attendaient avec impatience le contenu du projet de loi portant révision de la Constitution soumis aux parlementaires pour savoir sous quel signe allaient se dérouler les élections générales de l'an 2000, singulièrement celle du président de la République. Après l'adoption par la Commission des affaires générales et institutionnelles du Parlement, le 28 mai dernier, des nouveaux articles 9 et 10, une frange considérable de l'opinion, les partis politiques et des organisations de la société civile en sont venus à dénoncer le recul de la démocratie et les menaces sur la paix sociale. De fait, à Abidjan, tout comme à l' intérieur du pays, on a encore en mémoire le boycott actif des élections de 1995. Non satisfaite de la loi qui devait régir ces scrutins -les seconds en Côte-d'Ivoire à l'ère du multipartisme -et lasse de demander, en vain, une commission électorale indépendante, l'opposition significative, constituée principalement du Front populaire ivoirien (FPI, socialiste) et du Rassemblement des républicains (RDR, centriste), avait décrété le boycott actif. Ce mot d'ordre massivement suivi avait occasionné dans bon nombre de villes des affrontements entre forces de l' ordre et militants de l' opposition. Quelle qu' en soit l' appréciation des uns et des autres -le pouvoir le condamne, l' opposition s'en vante -, ce boycott actif a eu un impact profond sur les esprits.
D'AUTANT QU'ON A dénombré plusieurs morts et que certains des manifestants, emprisonnés depuis octobre 1995 et condamnés il y a quelques mois, purgent des peines de prison à perpétuité. Certes, les Ivoiriens sont préoccupés par la cherté de la vie -un kilo de tomates se vend 2 800 F CFA (28 FF). Mais ils attendent de savoir quelle réponse le pouvoir va réserver aux revendications de l'opposition. Récemment, lors d'une prise de position publique, l'un des ténors de cette opposition, Laurent Gbagbo, président du FPI, a laissé clairement entendre que ses militants et lui-même allaient redescendre dans la rue si le Parti démocratique de Côte-d'Ivoire (PDCI, parti conservateur, au pouvoir) s'entêtait à ne pas prendre en considération leurs exigences. En effet, par l'adoption, en commission, du projet de loi que lui a soumis le gouvernement, le PDCI a indiqué sans ambages qu'il n'entendait pas changer les dispositions en vigueur, votées par sa majorité au Parlement et qui lui permettent d ' exercer le pouvoir sans discontinuer depuis l' accession à l'indépendance en 1960. Ainsi, après avoir rejeté, en décembre dernier, la proposition du FPI relative à l' institution d'une commission électorale indépendante (CIE), le PDCI vient-il d'écarter le nouveau projet de l' opposition socialiste -partagé dans ses grandes lignes par l'autre formation de l'opposition présente au Parlement, le RDR -visant à élaborer une loi électorale plus démocratique.
Le nouvel article 9 prescrit en ses alinéas 1 et 2: “Le président de la République est élu pour sept ans au suffrage universel direct. ll est rééligible. Le candidat à l' élection présidentielle doit être âgé d'au moins 40 ans et de 75 ans au plus, être de nationalité ivoirienne et né d'un père lui-même Ivoirien de naissance et d'une mère de nationalité ivoirienne."
LE PARTI AU POUVOIR JUSTIFIANT, dans l'exposé des motifs, l'allongement du mandat présidentiel, qui était de cinq ans, par la nécessité de mieux assurer la réalisation des programmes de développement. Cette disposition se conjugue avec le nouvel article 10, qui stipule en ses alinéas 1 et 5 : " L'élection du président de la République est acquise à la majorité absolue au premier tour. Si celle-ci n'est pas obtenue, l'élection est acquise à la majorité au second tour, qui se déroule quinze jours après la proclamation des résultats du premier scrutin. (...) Lorsque surviennent un cas de force majeure, des événements ou des circonstances graves rendant impossible la tenue de l' élection présidentielle ou la proclamation des résultats de celle-ci, le président de la République dont le mandat vient à terme demeure en fonction, après consultation des présidents de l' Assemblée nationale et du Sénat." . La Ligue ivoirienne des droits de l'homme (LIDHO) a déjà fermement condamné ces textes, qu'elle juge dangereux pour la paix sociale. Par la voix de son président, le professeur Martin Bléou, elle a invité Henri Konan Bédié à "respecter ses engagements et à s'engager dans la voie de la démocratie". Le FPI s'est exprimé à travers les déclarations de deux de ses élus au Parlement, Me Emile Boga Doudou (président du groupe parlementaire) et Simone Ehivet Gbagbo ( vice président de l'Assemblée nationale) : " L'allongement du mandat présidentiel ne nous paraît pas aujourd'hui indiqué. Nous avons déjà eu un chef d'Etat (ndIr : feu Félix Houphouët-Boigny) resté au pouvoir pendant trente-trois ans. Et cela n'a pas fait sortir la Côte d' Ivoire du sous-développement. (...)Aujourd'hui, l'allongement du mandat n'a qu'un seul but, renforcer le pouvoir d'un individu. ( ...) De plus, le nombre de mandats n'est pas limitatif(...). Les ministres ont expliqué que les événements ou les circonstances « graves ii sont les troubles à l' ordre public. Cela est inquiétant. ( ...) Le pouvoir est capable de provoquer lui-même ces « troubles à l' ordre public ii par des décisions impopulaires afin d'avoir des raisons de ne pas organiser des élections. A la fin de son mandat, personne n'est sûr que le Président les organisera. S'il estime que la période est favorable pour sa victoire, il le fera. Dans le cas contraire, il créera des conditions telles qu' elles ne puissent avoir lieu."
SUR LE MODE DE SCRUTIN, SELON lequel tous les candidats au premier tour se retrouvent au second, la position du FPI exprimée par les deux parlementaires est tout aussi tranchée: "Le plus inquiétant est que la loi n'exige pas un minimum de suffrages pour l' élection du président de la République. De sorte que si nous sommes quatre mi/lions d'électeurs et que seuls cinq cent mille s'expriment, le président de la République peut être élu. Peut-on admettre que le Président, avec les pouvoirs dont il dispose dans notre pays, puisse ne recevoir la caution que d'une infime minorité de citoyens ? Nous répondons: non." Cette prise de position vient de ce que nombre d'Ivoiriens ne disposent pas, ou ne peuvent disposer, de pièces d' identité. Les documents à fournir et le coût élevé de l' opération font de plusieurs milliers d'entre eux des "sans papiers" dans leur propre pays. Ils ne peuvent prendre part au vote, ce qui pénalise l'opposition. Car, selon cette dernière, les personnes placées ainsi dans ce " secteur informel de la citoyenneté" sont nombreuses dans les zones où les populations lui sont favorables.
Outre ces dispositions légales très controversées sur le jeu électoral, le pouvoir vient de mettre sur la table des parlementaires un projet de loi portant sur le régime foncier rural. Une autre poudrière, si l'on tient compte du fait que la Côte-d'Ivoire a été secouée ces trois dernières années par des conflits fonciers. Dans la plupart des cas, des membres de l'ethnie du chef de l'Etat, qui ont fui leurs savanes arides pour créer des plantations dans les zones forestières, se sont affrontés, dans des combats parfois sanglants, aux populations des régions d'accueil. Or l'objectif du pouvoir, au mépris des dispositions coutumières, est de faire de l'Etat le propriétaire de la terre qui, selon une règle décriée instaurée par feu Houphouët-Boigny, "n'appartient qu'à celui qui la met en valeur" .
Si l'opposition maintient ses exigences relatives aux élections, et si le nouveau code foncier est adopté, la Côte-d'Ivoire verra s'ouvrir, sur deux fronts, des lendemains bien incertains.

GROS PLAN (Juillet 99)

1l y a une trentaine d'années, Henri Konan Bédié, alors ministre de l'Economie et des Finances de la Côte d'Ivoire, préconisait pour son pays un « capitalisme populaire ». Arrivé à la magistrature suprême en décembre 1993, il a gardé la même doctrine, mais sous un visage nouveau. il s'agit, aujourd'hui comme hier, d'amener le plus possible d'Ivoiriens à créer leurs propres affaires, autrement dit à se jeter dans le grand courant de l'entreprise. « Nous avons un secteur industriel, toutes choses étant égales par ailleurs, relativement développé », déclare le ministre ivoirien du Développement industriel et des Petites et Moyennes Entreprises (PME), Théophile Ahoua N'Doli. De fait, la Côte d'Ivoire possède 4 600 entreprises, dont 1 570 dans le secteur industriel. Si l'on y ajoute un certain nombre de PME, le nombre de sociétés i du secteur moderne atteint 6 000 unités. ~ Parmi elles, 700 grandes entreprises ont i un chiffre d'affaires supérieur à 3 milliards de F CFA (30 millions de FF).
Depuis les économistes classiques anglais du début du XlXe siècle, notamment David Ricardo, on sait qu'un pays doit se spécialiser dans la production de biens pour lesquels il présente les meilleurs coûts comparatifs. En vertu de cette doctrine, la Côte d'Ivoire a raison de fonder aujourd'hui son développement sur l'agro-industrie.
« Notre première priorité est la transformation des produits de base dont nous sommes les principaux producteurs mondiaux, avant tout le café et le cacao, affirme Théophile Ahoua N'Doli. La deuxième priorité, c'est d'impliquer les Ivoiriens, à travers les PME », poursuit-il. Cela signifie qu'il faut faire d'eux des entrepreneurs. « La troisième priorité est de développer les exportations. Nous ne voulons pas nous limiter à l'import-substitution, c'est-à-dire à la production de biens destinés à remplacer les produits importés. C'est pour cela que nous tenons à rendre nos industries compétitives pour conquérir les marchés extérieurs. » La doctrine du capitalisme populaire se traduit à l'heure actuelle par la politique qui consiste à « amener le plus possible d'Ivoiriens à créer leurs propres affaires, que ce soit à leur propre initiative ou par l'intervention en Bourse, explique Théophile Ahoua N'Doli. L'industrialisation est le facteur le plus important du développement. La Côte d'Ivoire doit cesser d'être un pays purement agricole, exportateur de matières premières, pour devenir un vrai pays industriel, à l'instar de la Corée du Sud, de Singapour, de la Thai1ande... ».
Dès les années soixante, la Côte d'Ivoire a emprunté le chemin ardu du développement. A l'époque où la plupart des pays africains s'engageaient dans la voie socialiste de type soviétique se traduisant par un étatisme forcené, elle choisit le libéralisme économique. Elle fut appuyée, dans ce sens, par la France et par tous les pays occidentaux qui voulaient en faire leur « vitrine » en Afrique de l'Ouest.
La Côte d'Ivoire réalise alors des performances économiques exceptionnelles, dont un taux de croissance annuel moyen de l'ordre de 8 %. On parle du « miracle ivoirien ». Ces succès sont tels qu'ils deviennent aveuglants. Les autorités d'Abidjan ne voient pas venir la crise économique qui se profile à la fin des années soixante dix. Elle éclate au tournant de la décennie quatre-vingt. Par amour-propre, le gouvernement refuse de reconnaître que le pays est en état de cessation de paiements. Il continue de régler les échéances de la dette extérieure rubis sur l'ongle, alors que tous les clignotants de l'économie sont au rouge. Au milieu des années quatre-vingt, la situation n'est plus tenable. La crise est d'une profondeur abyssale. Abidjan jette l'éponge et appelle au secours les institutions de Bretton Woods -le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.
Après une série de programmes d'ajustement structurel qui ne disent pas leur nom et qui ne sont malheureusement jamais menés à terme, la crise s'aggrave. A la fin des années quatre-vingt, on ne peut pas faire autrement que de recourir à des remèdes de cheval : cure d'amaigrissement de l'économie, réduction drastique du train de vie de l'Etat, baisse autoritaire du budget général... Mais rien n'y fait. Il faut aller plus loin dans les réformes: commettre « l'irréparable ».
C'est alors que le sacro-saint principe de l'inviolabilité de la parité fixe entre le franc CFA et le franc français est aboli. La monnaie nationale est dévaluée de 50 %, en janvier 1994. Une telle mesure a rarement produit des effets positifs, bien qu'elle soit recommandée par les économistes pour rétablir la compétitivité d'un pays (elle freine les importations qui deviennent plus chères et stimule les exportations qui apparaissent meilleur marché aux yeux des étrangers). Curieusement, la dévaluation du franc CFA aboutit à d'excellents résultats. Accompagnée d'une politique d'ajustement et de profondes réformes structurelles, elle donne un nouveau souffle à l'économie ivoirienne.
Pour la quatrième année consécutive, depuis 1995, la croissance du produit intérieur brut (PIB) de la Côte d'Ivoire s'établit à 6% en 1998. Cette performance résulte du double effet de l'accroissement des investissements et de la consommation des ménages. La reprise des investissements s'est confortée et se poursuit à un rythme élevé, de l'ordre de 15 % par an. Ils représentent à l'heure actuelle 16,6% du PIE contre seulement 7,8 % en 1993. La consommation des ménages, principal levier de la croissance économique, progresse au rythme de 5 % par an, favorisée par l'amélioration des revenus et par l'accélération des créations d'emplois: plus de 40000 en 1998 contre moins de 30000 en 1997 et 20000 en 1996.
« Le secteur extérieur a retrouvé son dynamisme, marqué par une progression continue des exportations de produits transformés et par une évolution soutenue des importations, tirée par les biens d'équipement, souligne le ministre de l'Economie et des Finances, Niamien N'Goran. Le solde de la balance commerciale reste largement excédentaire, et le déficit courant extérieur a été réduit de 11 % du PIB en 1993 à 4 % en 1998 », ajoute-t-il.
Sur le plan sectoriel, l'agriculture reste le pôle dominant de l'activité économique, avec une production de cacao qui a franchi la barre du million de tonnes en 1996 ( 1,3 million de tonnes, au terme de la saison 1998-1999). Malgré les niveaux de production actuels déjà très élevés, le potentiel des cultures d'exportation et des cultures vivrières reste considérable. Perçue comme un pays agricole, la Côte d'Ivoire dispose tout de même de gisements miniers importants. Dans ce domaine, l'activité est en pleine expansion, avec une production approchant les 3 tonnes pour l'or, 80000 carats pour le diamant, 15 000 barils par jour pour le pétrole et plus de 40 milliards de pieds cubes pour le gaz.
Cette bonne tenue de l'activité économique se déroule dans un contexte d'inflation maîtrisée, avec une hausse des prix de détail qui s'est limitée à 2,3 % en 1998 contre 5,2% en 1997 Dans le domaine des finances publiques, les efforts engagés pour maîtriser les dépenses et améliorer les recettes se sont traduits par un abaissement du déficit budgétaire à 2 % du pm en 1997 et à 1,8 % en 1998, contre 12 % en 1993. Cela s'est traduit aussi par une résorption des arriérés de paiement intérieurs et extérieurs. Mais, malgré les progrès accomplis, les finances publiques ivoiriennes demeurent fragiles. Le poids de la dette extérieure reste toujours considérable et constitue un lourd handicap. L'avenir économique du pays dépend en grande partie du règlement de cette question.
Cela dit, l'expérience ivoirienne se pose en modèle pour toute la sous-région. Dans un avenir immédiat, elle vise à atteindre un taux de croissance économique à deux chiffres, entre 2000 et 2005, avec pour objectif de faire passer le revenu par habitant à 2 000 dollars, à cette échéance. Outre le fait que la Côte d'Ivoire exporte déjà des produits industriels vers les pays voisins, elle y dépêche aussi ses opérateurs économiques. Nombre d'entre eux ont investi et créé des affaires en Guinée, au Mali, au Eurkina... Pour certains, il ne fait plus de doute que ce pays est sur le point de devenir la locomotive économique de l'Afrique de l'Ouest.

LA DETTE

LA. Dette extérieure, qui se chiffrait à 6581 milliards de F CFA, à la fin 1998, constitue une forte entrave au développement de la Côte d'Ivoire : elle représente près de 300 % des recettes d'exportation, plus de 500 % des recettes budgétaires et plus de 130 % du produit intérieur brut (pm). Sans oublier un service annuel qui absorbe plus de 40 % des recettes budgétaires.
Le règlement définitif du problème de cette dette, dans le cadre de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) à laquelle la Côte d'Ivoire a été déclarée éligible, permettra de ramener le poids de cette dette
à 141 % des recettes d'exportation et à 280% des recettes budgétaires en 2001.
CASSETE

BEDIE ET LA GESTION DE LA CÔTE D'IVOIRE

Le 6 août, Ngoran Niamien, le ministre ivoirien de l'Économie et des Finances, a pris la
décision, contraint et forcé, de rembourser les 18 milliards de F CFA de l'aide européenne que des fonctionnaires des ministères de la Santé et de l'Intérieur avaient détournés entre 1992 et 1997 . Dix-huit cadres et agents des deux départements ont été inculpés, et certains écroués. Niamien espérait ainsi mettre un terme à la polémique que ce scandale, révélé en juin par la presse locale, avait suscité. II n'a fait, en réalité, que donner raison aux bailleurs de fonds de plus en plus méfiants vis-à-vis de l'administration ivoirienne. Cet acte risque, en effet, de faire jurisprudence et coûter cher à la Côte d'Ivoire.
N'oublions pas que plusieurs audits sont en cours et concernent des domaines aussi sensibles et opaques que les filières café et cacao (entre 1996 et 1998), les comptes de la défunte Caisse de stabilisation (Caistab ), les dépenses non ordonnancées, etc. Le plus inquiétant est qu'ils ont été commandés par deux
bailleurs de fonds majeurs: le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Que se passera-t-il si le Fonds et la Banque demandent le remboursement des sommes, certainement plusieurs dizaines de milliards de F CFA, perçues indûment par les autorités d'Abidjan ?
L'acte du ministre des Finances montre simplement que la Côte d'Ivoire se trouve le dos au mur. Qu'elle ne peut plus défendre une administration bien structurée et, en apparence, efficace, mais gangrenée par la corruption et les malversations. Une administration dont la principale raison d'être est l'enrichissement des élites. Faut-il blâmer l'actuel gouvernement ? Comme les précédents, il a hérité du « système ». Les racines du mal, on le sait, remontent plus loin. Ce dossier qui porte sur la période 1993-1998 montre malheureusement que le
« système » a encore de beaux jours devant lui.
L'éléphant d'Afrique, c'est plus qu'un slogan! C'est une projection dans l'avenir, qui indique notre volonté de faire de la Côte d'ivoire, en une génération, un nouveau pays industriel. » Résolument optimistes, ces propos ont été tenus récemment par le président Henri Konan Bédié. L'homme qui préside aux destinées de la Côte d'Ivoire depuis décembre 1993, après la disparition de Félix Houphouët-Boigny, y croit dur comme fer.
C'est déjà ce qu'il affirmait en octobre 1995 aux investisseurs internationaux venus participer au premier forum Investir en Côte d'Ivoire (ICI'95) et profiter de l'incontestable boom économique ivoirien. Bédié leur promettait même une croissance à deux chiffres dès l'an 2000. Comment expliquer que le réveil soit si dur pour les quinze millions d'Ivoiriens ? Comment justifier que l'espoir, fondé sur de réelles potentialités d'un pays à même de devenir une véritable puissance économique régionale, ait cédé la place au doute ?
Les bailleurs de fonds internationaux sont sur la même ligne. S'ils ont décidé depuis juin de quasiment geler leurs interventions, c'est à la suite des virulentes critiques du Fonds monétaire international qui avait déjà exprimé son mécontentement, notamment au début de l'année 1998. Le FMI a publiquement fait état de ses réserves sur la gestion des finances publiques et a considéré que les conditions n'étaient pas réunies pour la poursuite du programme d'ajustement en cours. Une critique en règle contre un pays que le FMI voulait présenter comme un bon élève » de ses politiques macro économiques strictes, et qui s'est soldée par une crise avec la présence ivoirienne.
Depuis 1997, le FMI tirait la sonnette d'alarme.
Malgré une croissance soutenue, et moins de deux années après l' élection du président Bédié, le retour de
pratiques que l' on croyait révolues -comme les manipulations extrabudgétaires de dizaines de milliards de francs CFA -figurait parmi les raisons qui ont fait craindre le pire au Fonds. y compris le risque de voir se ralentir la dynamique de croissance, celle-ci ayant nécessité, de la part des précédents gouvernants, la mise en place d'une sévère politique d'austérité. Au grand dam des Ivoiriens, mais aussi de tous les ressortissants des pays de la zone franc.
Pour avoir l' explication, il faut remonter à janvier 1994 et à la dévaluation de 50 % du franc CFA inspirée par la
France. L'un des objectifs, pour Abidjan, était de restaurer la compétitivité de l' économie ivoirienne, locomotive sous-régionale grâce à son potentiel productif, mais toujours fortement dépendante des fluctuations des matières premières agricoles. La dévaluation permit un décollage économique avec une croissance de plus de 6% pendant 4 années. Sur la période 94-97, plus de 1368 milliards de dollars sont déversés sur la Côte d'Ivoire (prêts des bailleurs de fonds). Il faut y ajouter les gains engrangés grâce aux rééchelonnements obtenus devant le Club de Paris: 1 063 milliards de F CFA SUI quatre ans. Une première dans la zone franc, puisque le flux total atteint 2 431 milliards! Le tout agrémenté d'une progression des exportations ivoiriennes avec des cours orientés à la hausse, d'une nette reprise des investissements privés (locaux et étrangers), ainsi que d'une forte hausse de la consommation et de la croissance. L'opération dévaluation a incontestablement réussi.
Pourtant, malgré des résultats positifs, les relations commencent à se tendre dès le début 1997 avec le FMI. Le renouvellement de l'accord d'ajustement, venu à expiration en mars, est bloqué. Abidjan joue la montre, appelle Paris à l'aide, rien n'y fait: le Fonds refuse d'endosser ce qu'on appelle pudiquement « les dérapages des finances publiques ». Alors que les recettes sont inférieures aux prévisions, les dépenses publiques sont en forte hausse. Bédié, explique t-on alors à Abidjan, conforte l'assise de son régime et renvoie l'ascenseur à ses partisans. Les entreprises découvrent, à nouveau, que l'État est foncièrement un mauvais payeur: les arriérés intérieurs gonflent et provoquent de vives tensions sur la trésorerie de ce secteur privé qui doit être le fer de lance de la consolidation de la croissance et de la création d'emplois. En octobre 1997, les citoyens découvrent les fameuses « Deno »,les Dépenses non ordonnancées. En clair: des dépenses engagées sans affectation budgétaire précise.
Ngoran Niamien, le ministre des Finances, reconnaît alors publiquement l' ampleur du phénomène. Pas moins de 134 milliards de F CFA de Deno sont, à fin de l' année 1996, recensés par le FMI. Près de 5 % du volume global d'exportation du pays! Dans la foulée, Niamien annonce des mesures correctrices, confirmant que le pays repasse sous les fourches caudines du FMI.
C'est l'époque où, à Abidjan, on commence à parler des golden boys du café-cacao. On découvre, alors, François Bakou, un « petit génie » de la finance et de l'agro-industrie. En quatre ans, l'homme, qui se dit indépendant, rachète certains fleurons du paysage économique local: JAG, le deuxième exportateur de cacao du pays, la Saph et ses 17000 hectares d'hévéas, ou encore la Sicor, qui détient 10% du marché mondial de la noix de coco râpcc. Comment Bakou, le patron du groupe Octide, se finance-t-il ? L'homme -un ancien cadre de Cargill -prétend avoir fait fortune dans le négoce du riz. La rue le dit soit, au mieux, joker de la présidence, soit, au pire, prête-nom d'intérêts qui souhaitent rester dans l'ombre. On découvre également Daniel Usher, le patron de GIP, dont le seul nom donne, aujourd'hui encore, des crises d'urticaire à deux des plus grandes banques françaises. Le fils d'Usher Assouan, un baron du parti au pouvoir, le PDCI, qui est aussi un proche de l'un des fils du président Bédié, brasse les affaires. Le GIP contrôle la SICC, troisième exportatrice ivoirienne de café-cacao, se lance dans le transport ferroviaire (Sitarail) aux côtés de Saga et du groupe Bolloré, et va même jusqu'à se placer pour la reprise de la fameuse BIAO. Dans la foulée, il annonce un rapprochement avec un géant mondial : l'américain Cargill, qui finira par jeter l'éponge, estimant qu'Usher lui avait dissimulé la réalité de l' endettement de son groupe. À l'image de l'économie ivoirienne, dont les structures restent fragiles, Bakou et Usher ont eux aussl amorce .depuis plus de un an une descente aux enfers, laissant de serieuses ardoIses.
La palme revient à un géant du secteur prive qui est, c'est de notoriété publique, proche du président Bédié et de sa famille: le groupe Sifcom. Issu du rapprochement entre deux grandes sociétés de la place -Sifca, premier exportateur de café-cacao, et Comafrique, société de négoce automobile -, Sifcom connaît une ascension fulgurante avec l'arrivée au pouvoir de Bédié, même si la société était, dès les années soixante, réputée proche de barons du parti unique. Le groupe est présent partout, ou presque : Cosmivoire (corps gras), Palmindustries (huile de palme), Canal + Horizons, le téléphone filaire ou mobile, etc. Au total: plus de 1 200 salariés et un chiffre d'affaires qui devrait frôler la barre du milliard de dollars ! D.iplomate et experts Internationaux n'apprécient guère de retrouver Sifcom sur tous les gros projets de privatisation. D'autant que la presse locale évoque affaire sur affaire.
La Banque mondiale hausse alors le ton. Elle exige la libéralisation totale de l'importation des céréales et des filières café-cacao, deux des principales sources de revenus pour le régime. Au passage, elle demande le démantèlement de la Caisse de stabilisation, la fameuse Caistab, qu'Houphouët-Boigny avait bâti de ses propres mains et qui était la véritable « caisse noire » du pays.
En outre, la Banque exige, en vrac, la suppression d'exonérations fiscales ou douanières, un nouveau code des investissements, le renforcement de l' outil statistique (pour éviter les « déperditions » ) et un programme de soutien à l'administration. Pour les privatisations, elle impose la transparence. L'heure n'est plus aux concessions de gré à gré, comme celle qui a profité, en 1990, au groupe Bouygues dans le domaine de l'électricité. Toutefois, la Banque mondiale -à l'instar de nombre d'observateurs -s'étonne, en aparté, du déroulement de certaines opérations financières.
Ce que la Banque mondiale ne dit pas ou n'ose pas encore dire, c'est que sur quatre ans (1994-1997), plusieurs centaines de milliards de francs CFA sont détournés de l'investissement productif. Certaines sources indépendantes estiment les détournements directs et indirects à plus de 1 500 milliards de F CFA ! Avec une telle ponction, c'est toute la machine économique qui se grippe. D'autant que, privée d'accord avec le FMI et, partant, des 112 millions de
dollars qu'il devait lui verser, la Côte d'Ivoire termine l'année 1997 dans le rouge, faute d'avoir pu mobiliser les financements extérieurs nécessaires à la couverture de son déficit. Les prêts extérieurs tombent à 126 milliards de F CFA cette année-là, à comparer aux 556 milliards mobilisés dans l'euphorie qui a fait suite à la dévaluation. Il faudra attendre mars 1998 -et, à en croire la rumeur, une intervention du président français Jacques Chirac -pour que le dialogue reprenne avec un FMI de plus en plus intransigeant.
Un nouveau PAS (Programme d'ajustement structurel) est conclu le 17 mars 1998. Il marque le début d'une nouvelle période d'austérité pour des Ivoiriens déjà soumis à une lourde fiscalité. Trois objectifs sont fixés par le Fonds monétaire: une croissance de 6 %, la réduction des déficits public et courants, l' apurement des arriérés.
Dans la foulée, Abidjan obtient un accord sur sa dette commerciale (31 mars 1998) et un second sur sa dette publique (24 avril 1998) qui débouchent sur des annulations substantielles (mais conditionnelles) d'une partie de son endettement. Les trois quarts des sommes dues sont concernés. Plus intéressant encore: les pays créanciers envisagent ouvertement un allègement du stock de la dette à l'horizon 2001 -et non plus un simple traitement des échéances courantes -, ainsi que l'octroi à la Côte d'Ivoire du bénéfice de l'initiative HIPC (High lndebted Poor Countries), destinée à alléger de manière très significative la dette de certains pays pauvres pour lesquels elle devient « insoutenable ». Bien que prometteur, l'édifice volera en éclats en deux temps. En septembre 1998, la première revue de programme conclu pied à pied six mois plus tôt montre que certaines mauvaises habitudes ont la vie dure. Le remaniement ministériel du 10 août s'est traduit par la création de six nouveaux postes ministériels à financer.
La Caistab, dont le rôle a été réduit, est soupçonnée d'avoir manipulé les chiffres de la récolte de café-cacao en 1996 et 1997. Selon les institutions de Bretton Woods, ce sont quelque 100 milliards de F CFA qui manqueraient à l' appel. ,
Contrôlées par des majors françaises et dirigées par des barons locaux, les grandes banques sont au bord de la crise avec des provisions insuffisantes. Et pour cause: n'ayant pas prévu les déboires de certains de leurs plus gros clients -dont Usher et Bakou, sans oublier les nantissements couverts du cacao virtuel -, elles se sont retrouvées avec plus de 110 milliards de F CFA de créances compromises, pour ne pas dire irrécouvrables.
De quoi faire sauter tout le système... malgré la vigilance bienveillante de la Commission bancaire de l'UEMOA.
Deuxième coup dur: en visite sur place, en févrie rmars dernier, les experts du FMI concluent que les conditions ne sont plus réunies en Côte d'Ivoire pour engager les négociations sur la deuxième année du programme d'ajustement en cours. Bien avant que n'éclate le scandale de trop -le détournement avéré et reconnu de 18 milliards de F CFA d'aide européenne, destinés au secteur de la santé -,le FMI dénonce de nouveaux dérapages dans le finances publiques. Ainsi, les dépenses hors budget 120 milliards de F CFA à la fin de 1998 -explosent à nouveau. De même pour les arriérés intérieurs, qui s'envolent pour atteindn 85 milliards de F CFA. N'apparaissant pas dans les statistiques officielles, ils pénalisent toutes les entreprises privées, et donc la croissance et l'emploi. Enfin les secteurs sociaux, qui devaient être choyés à la demande de la Banque mondiale, subissent des coupes claires. Résultat: tous les bailleurs de fonds, ou presque, suspendent leurs concours ou voient leurs projets reportés sine die. Ce sont à nouveau plusieurs dizaines de milliards de francs CFA de crédits qui sont gelés.
Mais le plus grave est encore à venir: si, en septembre, les administrateurs du FMI ne constatent aucun progrès significatif dans l'application des mesures demandées, l' accord actuel serait purement et simplement remis en cause. Ce qui priverait Abidjan du bénéfice de l'accord de réduction de la dette (initiative HIPC), soit 11 bagatelle de 800 millions de dollars qui partiraient en fumée. Un tel scénario fait frémir la présidence ivoirienne, dont le titulaire garde les yeux rivés sur l'élection présidentielle d'octobre-novembre 2000, et à laquelle il se prépare activement depuis de nombreux mois. Ce « contexte de politique intérieure », comme disent diplomatiquement les institutions de Bretton Woods, n'est peut-être pas étranger aux dérapages actuels. La victoire à tout prix est peut-être la première explication non économique de l'enterrement du mythe de l'éléphant d'Afrique.
Toujours est-il que les signes d'essoufflement observés se sont confirmés l'an dernier, avec une hausse des prix supérieure aux prévisions du programme conclu avec le FMI. Plus grave encore: de solides interrogations demeurent quant à la croissance future, la Côte d'Ivoire ayant mangé son pain blanc. Les programmes d'investissement liés aux privatisations et aux douze travaux de l'éléphant d' Afrique ont déjà été comptabilisés. De plus, les effets bénéfiques liés à la dévaluation ont été totalement absorbés. Toujours structurellement dépendante -malgré son potentiel industriel renforcé -du marché mondial des matières premières, la Côte d'Ivoire a bénéficié d'une manne divine: le pétrole et le gaz qui, non seulement lui assurent une très précieuse autosuffisance, mais lui permettent aussi d'exporter des produits raffinés vers les pays de l' hinterland. Il ne manque plus à ses gouvernants actuels qu'à intégrer une simple notion promue par les institutions de Bretton Woods et la BAD: la bonne gouvernance. .

BEDIE VOYAGE DANS LE NORD DU PAYS

Une région, quatre départements, quatre étapes. Du 18 au 21 août 1999, le président Henri Konan Bédié était en déplacement au pays des savanes, dans le nord de la Côte d'Ivoire. A Korhogo, Boundiali, Tengréla, Ferkessédougou, et à chacune de ses étapes intermédiaire, le chef de l'état a eu droit à un accueil enthousiaste, parfois délirant. Il y a 25 ans qu'un chef de l'état ne s'était pas déplacé dans cette région. Les plus politisés des habitants de la région brûlaient de rencontrer un homme dont le résultat des dernières consultations électorales prouve qu'il n'a pas la primeur de leurs faveurs. Bravant des conditions météorologiques particulièrement délicates en cette saison des pluies, les populations sont donc sorties en masse. Ceux qui en doutaient encore ont eu la preuve que « la pluie a presque toujours accompagné la vie » d'Henri Konan Bédié, qui mérite bien son surnom de « N'Zueba », dont il a révélé l'existence au grand public dans Les Chemins de ma vie, le livre publié en collaboration avec le journaliste français Eric Laurent, et dont ses concitoyens se sont saisis. Mais d'autres, plus persifleurs, avancent que « N'Zueba » prenait peu de risques en se rendant dans la région des Savanes en pleine saison des pluies... Partout, au chapelet des réalisations, parfois soporifiques, a succédé le livre blanc des doléances. Et comme toujours en pareille circonstance, elles étaient nombreuses. Et variées. En tête de liste, le « goudron », dans une région où la dégradation des routes, sous le poids de pluies abondantes, a pris depuis longtemps des proportions catastrophiques. A telle enseigne que les mangues de Boundiali ou de Korhogo pourrissent souvent, faute de débouchés rapidement accessibles.
Autre problème important soulevé par les populations du Grand Nord: la difficulté à se faire délivrer une carte nationale d'identité. Avec l'apparition, puis le développement de la théorie de l'ivoirité, mal comprise et sans doute mal expliquée, les habitants de ces régions frontalières du Mali et du Burkina Faso se sentent, à tort ou à raison, indexés, suspectés de faire courir à la nation on ne sait trop quel danger.
Parmi les doléances soumises au chef de l'Etat figurent également les problèmes de coexistence entre les éleveurs peuls et les agriculteurs sénoufo, ou la faible alphabétisation des fillettes, victimes d'une solide résistance sociale. Plusieurs représentants des populations ont ainsi demandé à Henri Konan Bédié de les aider à envoyer leurs filles à l'école. Réponse de l'intéressé: le président de la République ne pouvait pas venir tous les matins dans le Grand Nord pour pousser les petites filles vers les bancs de l'école...
C'est à Korhogo, à quelque 600 kilo.mètres d'Abidjan, , que, vingt-cinq ans après feu le président Félix HouphouëtBoigny, son successeur Henri Konan Bédié avait décidé d'entamer sa « visite d'Etat » -pour re prendre les termes utilisés par le protocole ivoirien -dans le grand nord de la Côte d'Ivoire. Pour la réussite du « grand événement national en cette fin de siècle », n'a pas hésité à dire le ministre d'Etat chargé de la Solidarité nationale, Laurent Dona Fologo, on ne peut pas dire que la mobilisation des populations n'a pas été effective. Pour la bonne cause, le ministre d'Etat, par ailleurs secrétaire général de la formation au pouvoir, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), est redevenu, le temps d'une « visite d'Etat », le rédacteur en chef d'un journal de circonstance: Les Echos des Savanes. L'éditorial du « numéro 00 » était sans détours : « Ensemble, dans l'enthousiasme, réservons un accueil digne au président Henri Konan Bédié. »
Message reçu cinq sur cinq par les motocyclistes (ils étaient plus d'un millier) de la troisième ville du pays, qui, dès 10 heures, ont pris d'assaut les alentours de la résidence présidentielle de Korhogo, le 18 août 1999, où ils se sont livrés à un véritable rodéo. Cette manière très particulière de rendre hommage à leur hôte a duré jusqu'à l'arrivée d'Henri Konan Bédié dans la cité du Poro. Mais le chef de l'Etat n'a pas eu le plaisir d'apprécier la dextérité et la maîtrise technique de ces jeunes motocyclistes. Tout comme il n'aura pas l'opportunité d'apprécier le riche patrimoine touristique de Korhogo (les villages des tisserands, des peintres, des forgerons, des menuisiers, etc.). Mais le peu qu'il a vu lui aura suffi pour constater l'état de dégradation avancée dont souffre la voirie de cette capitale régionale, élevée, quatre jours durant, au rang de « capitale de la Côte d'Ivoire ». C'est, en effet, à Korhogo que le chef de l'Etat et sa délégation avaient installé leur quartier général.
Si l'objectif d'Henri Konan Bédié, en venant ici, était de « sceller un pacte avec les populations de ce département », comme l'a indiqué le député maire EI-Hadj Adama Coulibaly Nibi Zana, par ailleurs ministre des Transports, il aura été atteint. Du moins si l'on se fie aux propos du richissime homme d'affaires Kassoum Coulibaly qui, lors i du meeting au stade municipal de Korhogo, a servi à la foule des propos dénués d'ambiguïtés: « le Sénoufo qui n'est pas avec Bédié n'est pas un vrai Sénoufo », ou encore « Bédié est notre Dieu ».
A Boundiali, deuxième étape du périple présidentiel, le 19 août 1999, les populations, malgré une pluie battante qui n'a pas faibli de la journée, sont sorties en masse. « A événement exceptionnel, comportement exceptionnel », dira le député-maire de Boundiali, Zémogo Fofana, pour justifier une mobilisation inhabituelle, dans cette ville dirigée par l'un des jeunes barons du Rassemblement des Républicains (RDR). Une mobilisation que la presse ivoirienne, dans son ensemble, n'a pas manqué de relever. Certains (proches du pouvoir) pour s'en féliciter et y voir le signe de reconquête d'une région que l'on dit en masse acquise à un parti d'opposition conduit, depuis le 1er août 1999, par Alassane Dramane Ouattara. D'autres (affidés de l'opposition) pour s'interroger sur les véritables intentions du député-maire, que l'on a vu esquisser avec une joie non-dissimulée, et à la grande surprise de la délégation qui accompagnait le chef de l'Etat, des pas
de la célèbre danse de la cité de Boundiali, le n 'goron, à l'issue de son discours d'accueil du numéro un ivoirien.
Dans cette ambiance festive, Henri Konan Bédié agrémentera son message de touches d'humour, soulevant les applaudissements ou les rires de l' assistance. Ainsi, quand il remercie ce « jeune et dynamique maire qui fut un ancien collaborateur, c'est le cas de le dire, un ancien ami ».
A Boundiali comme à Korhogo, la visite du président de la République a également donné lieu à la création d'un journal de circonstance, les Echos de la Bagoué. Contrairement à celui de la cité du Poro, ce journal n'a ouvert ses colonnes qu'aux seuls responsables du parti au pouvoir. Pourtant, dans cette ville située au confluent de plusieurs axes routiers majeurs (Korhogo-Boundiali-Odienné; Boundiali-Séguéla ; Boundiali-Mankono-Bouaké; Boundiali Tengrela), les postes électifs ont été trustés, dans leur immense majorité, par les candidats du RDR. Le PDCI nourrit le secret espoir de reprendre cette région, frontalière du Mali et du Burkina Faso, aux prochaines élections de l'an 2000. Pour les cadres du parti, le déplacement d'Henri Konan Bédié, par ailleurs président du PDCI, était du pain bénit.
Dans cette cité qui ne manque pas d'atouts touristiques ( elle est ceinte d'une succession de bourrelets granitiques massifs qui donne une étonnante impression de paix et de sécurité), l'activité principale de la population demeure la culture du coton. Conséquence logique, Boundiali abrite une usine d'égrenage, dont la capacité installée est de 30000 tonnes.
Comme à Boundiali, la pluie était abondamment de la fête à Tengréla, troisième étape de la « visite d'Etat », le 20 août 1999, au cours de laquelle Henri Konan Bédié n'a cessé de marteler que 1ui-même et l'ensemble de sa délégation étaient venus pour écouter (et non pas promettre ou distribuer quelques lots de consolation, que certains espéraient à l'évidence sonnants et trébuchants).
Généralement considérée comme une bénédiction, la pluie, qui n'a cessé de tomber tout au long de cette étape, était loin d'être la bienvenue. Nombreux étaient les ressortissants de Tengréla qui y ont vu « 1'oeuvre de personnes malveillantes ayant usé de leur pouvoir mystique pour faire tomber des trombes d'eau pour éviter que la cérémonie n'ait lieu... »
En tout cas, le député du département, Amadou Gon Coulibaly, porte-parole du RDR, a brillé par son absence. C'est à un véritable parcours du combattant qu'a dû se livrer la délégation présidentielle, pour couvrir les 117 kilomètres de pistes qui relient Boundiali à Tengréla. Distante d'à peine 125 kilomètres de la frontière malienne, cette ville n'a pas de banque et le taux de scolarisation y est l'un des plus faibles de Côte d'Ivoire. Comme c'est le cas partout ailleurs dans la région des Savanes, les populations s'adonnent principalement à la culture du coton. Sur le chemin du retour vers Korhogo, le cortège présidentiel marquera un arrêt à Mbengué, à 75 kilomètres de la capitale régionale. Mbengué a pour maire Zambé Souleymane Coulibaly, un ami de longue date du président de la République, et pour député Ngolo Coulibaly (RDR).
En route pour Ferkessédougou, dernière étape de son périple, le 21 août 1999, Henri Konan Bédié a bien voulu faire halte dans le fief de son « fidèle et loyal collaborateur » Laurent Dona Fologo. Cette étape à Sinérnentiali, la plus politique de la tournée présidentielle, n'a pas tenu ses promesses. Les clivages jusque-là imperceptibles sont apparus au grand jour. C'est à peine si le secrétaire général du parti au pouvoir, pourtant chargé de la Solidarité nationale dans le gouvernement, a daigné regarder et serrer la main (fraternelle?) que lui tendait l'ancien ministre Balla Kéïta, qui ne rate aucune occasion pour critiquer ouvertement sa gestion du PDCI. Et le professeur Hyacinthe Sarassoro, du RDR, tel « un pestiféré », n'a fait l'objet d'aucun égard de la part des organisateurs. N'eût été la bienveillance d'un membre de l'assistance, qui a bien voulu lui céder son siège, l'intéressé n'aurait même pas trouvé une place assise...
Au-delà de comportements qui ne surprennent plus -hélas -grand monde en Côte d'Ivoire, l'étape de Sinémentiali aura déçu plus d'un militant du PDCI par la piètre qualité de son organisation: sonorisation défaillante, estrade branlante d'où le président de la République devait pourtant s'adresser au peuple nafara. Tour à tour, le colonel Ange, l'ambassadeur Georges Ouégnin et le ministre d'Etat Emile Constant Bombet viendront s'assurer que cette tribune de fortune tiendra le coup.
Après ces moments d'inquiétude, direction Ferkessédougou, à 20 kilomètres de là. L'accueil est délirant dans une ville où vivent en parfaite intelligence de nombreux peuples de la sous-région. Henri Konan Bédié sera intronisé chef supérieur. Notable de Ferkessédougou, il répond désormais au nom de Soro Douyéri. Bien que 17 villages seulement sur les 183 que compte ce département soient électrifiés, que de nombreux villages attendent toujours d'avoir accès à l'eau potable et que le réseau routier soit entièrement dégradé, les populations ne désespèrent pas. Et si elles sont sorties en grand nombre, c'était pour dire au « Président de tous les Ivoiriens » qu'elles « comptent sur lui pour trouver des solutions à leur misère ».
Partout, de Korhogo la boudeuse à Ferkessédougou la trépidante en passant par Boundiali l'enthousiaste et Tengréla la pluvieuse, le président Henri Konan Bédié a pu se rendre compte du faible niveau de développement de la région des Savanes. Une région qui compte 1 270 villages et dont la production de coton seule richesse réelle -représente 26 % de la production nationale. Touche d'espoir dans cet océan de problèmes: la classe politique de cette région a montré sa capacité à transcender les clivages partisans pour parler d'une même voix quand il est question du développement du Grand Nord.

L'AFFAIRE OUATTARA (Septembre 98)

Ouattara a été l'ancien premier ministre avant de devenir directeur adjoint du FMI..!! A la mort d'Houphouet-Boigny, Ouattara était chef de l'état provisoire en tant qu'héritier constitutionnel. N'était alors éligible qu'un citoyen ivoirien né de parents ivoiriens eux-mêmes nés en Côte d'Ivoire. Ce décret ne visait alors qu'un candidat, Ouattara; il préféra le poste directorial que lui proposait le FMI ce qui permit à Bédié d'être élu haut la main (boycott de la gauche). 5 ans passèrent et fort de sa plue-value qu'ajoute son CV prestigieux, appuyé par un parti politique solide dont il est président (RDR, crée par des dissidents du parti au pouvoir, le PDCI d'Houphouet), Ouattra annonce en juillet sa candidature à l'élection de l'an 2000. Du coup, la parade de "l'ivoirité" conditionnelle à son éligibilité retrouve sa vigueur. La presse gouvernementale affirme que Ouattara n'a jamais été Ivoirien mais Burkinabé..!! (il est vrai qu'il a eu la citoyenneté).
Qui croire ? Selon Jean Kouakou Brou, le ministre de la Justice et des Droits de l'homme, le certificat de nationalité d'Alassane Dramane Ouattara remis, le 4 octobre, aux autorités compétentes dans le cadre de la régularisation de la situation de son parti, le Rassemblement des républicains (RDR), est un faux grossier. En revanche, le collectif des avocats qui assure la défense de l'ancien Premier ministre crie à l'acharnement et soupçonne le gouvernement d'avoir « trafiqué » le document.
Le 5 octobre 99, les militants du RDR avaient été agréablement surpris d'apprendre que la direction de leur parti s'était, conformément aux dispositions de la loi de 1993 sur les partis politiques, résolue à déposer à la préfecture d'Abidjan « un dossier modificatif » contenant, entre autres, les certificats de nationalité des seize membres du bureau exécutif. Ils étaient convaincus que leur formation allait pouvoir reprendre ses activités, et notamment relancer son programme de meetings. Il n'en a rien été.
Dès le lendemain, en effet, le ministre de la Justice a convoqué une conférence de presse au cours de laquelle il a énuméré une série d'irrégularités relevées par ses services sur le certificat de nationalité de Ouattara -lequel fait, rappelons-le, l'objet d'une information judiciaire « pour faux commis dans certains documents administratifs ».
Kouakou Brou s'est d'abord étonné que la demande de certificat de nationalité du président du RDR ne comporte aucune signature. « Une demande verbale suffit », ont répondu les avocats. « D'accord, a rétorqué le gouvernement, à condition que le demandeur produise une carte nationale d'identité. » Or celle-ci figure précisément parmi les documents administratifs visés par l'information judiciaire. Du coup, le garde des Sceaux a reproché au juge-adjoint de la ville de Dimbokro (Centre), qui a délivré le certificat, d'avoir outrepassé ses prérogatives. Réaction du collectif des avocats : le demandeur d'un certificat de nationalité est tenu de produire un acte de naissance et la carte d'identité de l'un des parents. Et rien d'autre.
Le ministre s'est également public déclaré surpris que Ouattara ait déposé sa demande dans sa ville natale (Dimbokro) et non dans celle où il réside (Abidjan), comme le pré:voit le code nationale. « C'est inexact, se sont insurgés les avocats, on peut faire la demande sur l'ensemble du territoire national. De toute façon, une partie de la famille d'ADO réside bien à Dimbokro. »
Plus grave, le gouvernement a soutenu que le certificat de nationalité déposé à la préfecture d'Abidjan porte la date du 26 septembre, qui se trouve être un dimanche, jour où, naturellement, les services préfectoraux sont fermés! (Voir fac-similé.) Le collectif produit, de son côté, un document daté du 28 septembre. Quel est le vrai, quel est le faux ?
Pour faire bonne mesure, le ministre n'a pas hésité à exhiber devant les caméras de la télévision le registre des certificats de nationalité délivrés par le tribunal de première instance de Dimbokro. Or aux dates des 28 et 29 septembre, le nom de Ouattara n'y figure pas. Quant au numéro 2084/99 qui apparaît sur le document déposé à la préfecture d'Abidjan, il correspond à un autre certificat délivré, le 29 septembre, à un certain Koffi Konan Laurent. « Ce gouvernement est capable de tout, même de produire un faux registre », s'indignent les avocats, qui attendent la notification de l'annulation du certificat de nationalité de leur client pour contre-attaquer. .
Ouattara a même fait l'objet d'une poursuite judiciaire pour "faux et usage de faux administratifs", délit punissable d'une lourde peine de prison..!!
Il s'agit pour la Côte d'Ivoire d'un véritable scandale.....
Réaction de Ouattara : " Il serait inadmissible qu'ayant été le premier ministre du président Houphouet, président de la république par intérim pendant sa longue maladie et directeur adjoint du FMI, on m'interdise de me présenter à cette élection présidentielle".

LES INVESTISSEMENTS EN CÔTE D'IVOIRE (Octobre 99)

Quand, il y a quelques années, et s'inspirant du modèle des Dragons d'Asie, la Côte d'Ivoire lança l'idée de l' « Eléphant d'Afrique » qu'elle ambitionnait être, c'est-à-dire un pays industrialisé en l'espace d'une génération, la formule recueillit au mieux les sourires narquois et les haussements d'épaule, au pire les critiques acerbes et virulentes. Les plus sévères allèrent même jusqu'à parler d'éléphant dans un magasin de porcelaine! Les autorités ivoiriennes, convaincues qu'il s'agissait avant tout d'une oeuvre de longue haleine, ont décidé d'emprunter le chemin de la patience et de la foi. C'est à cette condition, estiment-elles, que l'objectif, fort ambitieux au demeurant, pourra être atteint.
Dans cette perspective, l' « attractivité » de la Côte d'Ivoire, et donc sa capacité à « séduire » les investisseurs étrangers constitue le socle de la politique économique menée par le président Henri Konan Eédié et son gouvernement. Réconfortés par une croissance qui s'est stabilisée autour de 6% à 7% jusqu'en 1997 et autour de 5 % depuis lors, les pouvoirs publics ne ratent aucune occasion pour lancer leurs slogans favoris : « La Côte d'Ivoire, le meilleur des nouveaux marchés » ou « La porte d'accès à 60 millions de consommateurs ».
C'est que, après une profonde crise qui a entravé son développement économique et social de 1980 à 1993, la Côte d'Ivoire a mis en place un ensemble de mesures d'ajustement, de stabilisation et de relance économique. Celles-ci ont permis de réduire, dans une forte proportion, les lourdeurs et les distorsions du système, favorisant ainsi le rétablissement de la compétitivité globale de l'économie. Depuis lors, les principaux indicateurs économiques sont en nette progression. Le taux moyen de croissance de l'économie, qui était de 2% en 1994, s'est élevé à 7% en 1995 et 1996. Sur la même période, les investissements privés sont passés de 4,6 % du produit intérieur brut (PIE) à 13 %, puis à 15 %. Cette catégorie d'investissements a représenté 70 % des investissements globaux en 1997, soit 620,7 milliards de F CFA. L'objectif du gouvernement est d'atteindre les 80% dès l'an 2000.
Pour l'année 1998, le taux d'investissement global a représenté 16,6 % du PIB, soit plus de 1, 1 milliard de F CFA. La part du secteur privé dans les investissements réalisés s'élève à plus de 747 milliards de F CFA. Les prévisions pour 1999 indiquent une participation accrue du secteur privé, pouvant atteindre 12,7 % du PIB (contre 10,9% en 1998), soit un montant de plus de 930 milliards de F CFA, ce qui donne un accroissement en valeur absolue de 182,4 milliards d'une année sur l'autre.
Ces bonnes performances d'ensemble, les observateurs les mettent sur le compte, d'une part, du processus de privatisation véritablement enclenché en 1991, d'autre part des dispositifs, vigoureusement incitatifs, mis en oeuvre par le gouvernement ivoirien sous la forme des mesures d'incitation à l'investissement.
Si, entre 1991 et 1998, le programme de privatisation a permis au Trésor public d'engranger la bagatelle de 280 milliards de F CFA, le montant total des investissements réalisés par les repreneurs, sur la période allant de 1993 à 1998, s'élève à près de 310 milliards. Pour la seule année 1999, les investissements projetés par ces sociétés dépassent 140 milliards de F CFA.
Les mesures d'incitation à l'investissement pour leur part ont eu un effet déterminant sur le volume des investissements en Côte d'Ivoire. Ainsi, de novembre 1984 à fin 1995, le montant total des investissements réalisés au titre des agréments prioritaires s'est élevé à 368 milliards de F CFA. Les résultats, à mai 1999, montrent que, sur les quelque 280 projets agréés, 131 ont effectivement vu le jour, 31 sont en cours de réalisation, 38 sont abandonnés, 13 sont en liquidation et 68 n'ont pas founi d'informations sur leur situation.
Les résultats sont encore plus appréciables depuis la mise en application, en février 1996, du nouveau code des investissements. Sur les trois premières années d'application de ce code, ce sont 276 entreprises qui ont bénéficié des régimes de déclaration et d'agrément, ces dernières projet tant de réaliser 602,043 milliards de F CFA d'investissement. Pour le premier semestre de 1999, 15 entreprises ont bénéficié du régime de déclaration et 28 du régime d'agrément à l'investissement. Le montant total des investissements dans ces deux régimes s'élève à 55 milliards de F CFA.
Quand on demande aux dirigeants ivoiriens les raisons qui pousseraient les opérateurs économiques à investir en Côte d'Ivoire, les arguments ne manquent pas. « Les investisseurs, tant nationaux qu'étrangers, y trouvent des conditions idéales d'implantation, de création de richesses et d'accroissement de la prospérité de leur entreprise », résume le Centre de promotion des investissements en Côte d'Ivoire (Cepici), le « guichet unique » créé en 1994.
De l'avis du Cepici, ces facteurs favorables découlent de la volonté clairement affichée du gouvernement ivoirien de faire du secteur privé le moteur de la croissance et de la relance économique. Il a, pour ce faire, initié de nombreuses mesures qui permettent aujourd'hui au secteur privé non seulement de s'épanouir, mais aussi de consolider et d'amplifier le mouvement de progression amorcé par l'économie.
« Les perspectives de croissance encore plus favorables à court et à moyen terme d'une économie assainie, en pleine diversification d'activités et qui a renoué avec une croissance saine, forte et durable ont conduit le gouvernement à mettre en oeuvre une politique plus volontaire et plus novatrice de promotion des investissements », souligne le Cepici.
Les principaux atouts de la Côte d'Ivoire, synthétisés en 20 points, mettent en avant la stabilité politique et sociale, une large ouverture sur le monde extérieur grâce à des infrastructures modernes et en constante amélioration, un réseau de télécommunication dense et en pleine mutation, une main-d' oeuvre abondante, qualifiée et bon marché, une place financière de première importance en Afrique de l'Ouest renforcée par l'ouverture en septembre 1998 de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), etc.
A en juger par le vif intérêt manifesté par les opérateurs économiques étrangers au cours des années qui ont suivi la dévaluation du franc CFA, en 1994, certains assurent que le message a été reçu « cinq sur cinq ».Il faut dire que de nombreux hommes d'affaires, séduits par la Côte d'Ivoire mais en ayant une connaissance relative pour ne pas dire imparfaite, s'associent à des partenaires nationaux afin de « prendre leur part du gâteau ».
Pour l'essentiel, l'investissement privé s'est fait dans le très prometteur secteur du pétrole et du gaz, objet de sollicitude des compagnies américaines Ocean Energy, Apache, Santa Fe Energy. Avec elles, on peut citer Shell International, la canadienne Ranger Oil, la suisse Addax. En attendant certainement que, sur ce terrain de l'exploration et de la production, les françaises Elf et TotalFina, partenaires majeurs de la Côte d'Ivoire en matière de raffinage et de distribution, occupent la place qui devrait être la leur. La fusion de leurs activités le permettra-t-elle ?
Ce secteur de l'industrie pétrolière, chimique et parachimique a représenté plus de 21,2 % des investissements réalisés en Côte d'Ivoire en 1996. Il est devancé par l'inidustrie agroalimentaire (22 % ), " qui vient rappeler la place prépondérante jouée par l'agriculture dans le développement économique du pays. La volonté des acteurs de ce secteur de transformer, sur place, le caoutchouc naturel, le coton mais également les incontournables café et cacao va certainement jouer en faveur de l'augmentation des investissements.
Pour la filière cacao, par exemple, les besoins en investissements sont évalués à 248 milliards de F CFA, principalement dans le but de porter le taux de transformation des 20 % actuels à 50 % en l'an 2000, quand les oléagineux ont besoin de 34 milliards pour porter la production à 500 000 tonnes dès l'année prochaine, et le bois de 124 milliards pour encourager les deuxième et troisième transformations.
Avec 15 % des investissements nets, le textile et l 'habillement font une remarquable percée, après avoir enregistré une période de forte récession au cours des années quatre-vingt.
Bien entendu, ces résultats, jugés satisfaisants dans l'ensemble par les autorité ivoiriennes, ne sauraient occulter les freins qui continuent de dissuader nombre d'investisseurs potentiels. A commencer par les dysfonctionnements, plusieurs fois observés, de l'appareil judi ciaire.
A tort ou à raison, la justice est accusée de manquer d'impartialité, de céder facilement aux pressions politiques et d'être sensible au bruit des espèces sonnantes et trébuchantes. Pour autant, à Abidjan, les hommes d'affaires se montrent très discrets sur la question, dès lors qu'il s'agit de donner des exemples d'entraves à l'exécution des décisions de justice, sous la forme récurrente de refus d'exécution du verdict des juges.
Autre frein à l' investissement : le coût jugé encore élevé, en dépit des efforts faits par le gouvernement, des droits de douane et de la fiscalité. A cela, il convient d'ajouter la succession de « scandales » économiques, ces derniers mois, qui ne sont pas faits pour rassurer les investisseurs potentiels, jetant ainsi un voile de suspicion sur l'ensemble de l'Administration ivoirienne.
Là aussi, les exemples ne manquent pas pour illustrer la propension ou le réflexe des agents des services administratifs (policiers, douaniers...) à résoudre les problèmes des usagers, ici les opérateurs économiques, en fonction de l'importance des billets de banque déposés sous la table.

LE CONFLIT BEDIE-OUATTARA (Novembre 99)

Dans la capitale américaine, Alassane Ouattara, mettant à profit les liens qu'il a noués pendant les cinq ans qu'il a passés à Washington en sa qualité de directeur général adjoint du FMI, s'est efforcé de créer un puissant lobby constitué de personnalités, de parlementaires, d'hommes d'affaires et d'une certaine catégorie de la presse à sensation qui ne résiste pas aux sirènes matérielles. Personne ne s'offenserait de cette attitude de la part d'un homme dont les ambitions sont notoires. Mais à une condition: que sa candidature se fasse dans le respect de la Constitution et de la loi électorale, que celles-ci l'autorisent à s'engager dans une bataille à armes égales avec le président de la République, probablement candidat à un nouveau mandat en octobre 2000. Après tout, n'importe quel Ivoirien qui remplit les conditions fixées par la Constitution et la loi électorale est libre d'être candidat à la magistrature suprême. Mais aux yeux du pouvoir, ce n'est pas le cas pour Alassane Ouattara. C'est lui-même, alors Premier ministre d'Houphouët-Boigny, qui est pourtant à l'origine de la loi d'août 1993 stipulant que pour diriger un parti politique ivoirien il faut être de nationalité ivoirienne.
On sait que, le 1er, août 1999, le RDR a organisé un congrès extraordinaire au cours duquel Ouattara a été élu président du parti. Mais sans observer l'obligation légale qui prévoit que tout changement intervenant dans la direction ou dans l'administration d'un parti ou d'un groupement politique doit être déclaré au ministère de l'Intérieur en vue d'obtenir un récépissé et un document indiquant l'état civil complet, le certificat de nationalité, le domicile et l'adresse du nouveau dirigeant, faute de quoi l'administration ne pourra accepter le fait accompli. La procédure engagée pour vérifier les pièces d'identité ne concerne pas l'éligibilité du candidat mais l'authenticité de ces documents. Or, Alassane Ouattara a exhibé une carte d'identité établie en 1982, c'est-à-dire quarante ans après sa naissance, puis a fourni une seconde carte. Le parquet d'Abidjan entame alors une procédure de faux et usage de faux, considérant que les pièces présentées ne sont pas "régulières".
EN L'ÉTAT ACTUEL, ALASSANE DRAMANE OUATTARA N'EST DONC que virtuellement candidat à l'élection présidentielle de l'an 2000, comme l'est aussi Laurent Gbagbo du Front populaire ivoirien (FPI). A ceux qui se demandent pourquoi cet ancien Premier ministre de la Côte-d'Ivoire ne peut être candidat à la présidence de la République, la réponse est que, selon la Constitution, la qualité de Premier ministre ne fait pas partie des conditions d'éligibilité. D'un point de vue juridique, sa nationalité ivoirienne n'est pas légitimée par le fait qu'il ait occupé des fonctions de Premier ministre. En Côte-d'Ivoire, cette fonction est simplement technique et nominative, car elle ne constitue pas un niveau d'exercice de la souveraineté, à la différence de la présidence de la République ou des fonctions législatives, et cela en dépit de l'importance de la fonction elle-même. Il en résulte que le président de la République, qui n'est lié par aucun texte, choisit librement ce collaborateur. C'est une pratique qui a été initiée par Houphouët-Boigny et dont il a souvent usé, jusqu'à Alassane Ouattara, que des Français, des Maliens, des Voltaïques et des Sénégalais avaient précédé dans cette fonction.
Alassane Ouattara a essayé d'obtenir des autorités américaines une déclaration soutenant la légitimité de sa candidature. En vain. On nous rapporte la réaction d'un haut fonctionnaire qu'il a rencontré à Washington : "Les Etats-Unis ne peuvent s'ingérer dans les affaires intérieures d'un pays. Ils ne peuvent que soutenir les lois nationales discutées et votées par le Parlement. Telle est notre position. Quant à votre différend avec le chef de l'Etat, vous devez savoir que nos rapports officiels sont fondés sur la légitimité du chef de l'Etat." C'est la même attitude qu'Alassane Ouattara a rencontrée dans les milieux officiels français. Et même lorsqu'il a tenté d'amener certains politiques français à prendre position, ni à droite ni à gauche on n'a voulu lui assurer un soutien contre Bédié, qu'on considère généralement comme le futur gagnant du scrutin de 2000. Il y a-t-il risque de déstabilisation, de guerre civile si la candidature d"'Ado" est rejetée ? Personne n'y croit sérieusement. Ses tentatives pour agiter ce spectre n'ont pas réussi. Depuis son retour à Abidjan, ses efforts visant à mobiliser ses amis américains -sous prétexte que Bédié est l'homme des Français et que les Etats-Unis devraient trouver en lui une alternative porteuse d'avantages sérieux pour les intérêts vitaux américains en Afrique occidentale -ont fait long feu. "Avec Paris, lui aurait dit un proche du couple Clinton, nous avons établi une stratégie diplomatique qui protège les intérêts des uns et des autres."
QUANT À DIRE QUE LES TRACASSERIES sont dues au fait que l'on veut empêcher que la Côte d'Ivoire ne tombe entre les mains des musulmans, comme Ouattara l'a affirmé à Paris, la question qu'on est en droit de se poser est la suivante: pourquoi cherche-t-il à porter le débat au plan religieux alors que la coexistence religieuse existe dans le pays ? Le secrétaire général du PDCI-RDA, Laurent Donna Fologo, dénonce cette dérive ethnico-religieuse d'Alassane Ouattara. Mais il n'est pas le seul. Le président du Conseil supérieur islamique, EI-Hadj Dieby Moustapha, reproche aussi ses propos au candidat déclaré du RDR. Il rappelle que l'Etat ivoirien est laïc, précisant : " Pour nous, la politique et la religion sont deux domaines séparés et entre lesquels il faut veiller à éviter la moindre influence". Il ajoute: "L'islam n'est pas l'apanage d'une ethnie ou d'une région de Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, chaque ethnie du pays compte dans ses rangs de nombreux musulmans. C'est dire que l'islam est pratiqué aux quatre coins du pays où il renforce la cohésion nationale. (...) Le président Bédié s'est particulièrement illustré en posant des actes concrets en faveur de la communauté musulmane. Prenons par exemple la grande mosquée du Plateau. Sa construction a déjà coûté environ douze milliards de F CFA. C'est un chef-d'fEuvre architectural unique en Afrique subsaharienne. (...) Le Président a toujours respecté les musulmans, comme avant lui HouphouëtBoigny."
Un bref séjour à Abidjan permet de se rendre compte qu'il n'y a pas de crise politique en Côte-d'Ivoire. Il se peut cependant qu'un parti politique, en l'occurrence le RDR, connaisse une crise délibérément entretenue. Au niveau de l'Etat, les Ivoiriens sont au travail, dans la discipline et la sérénité. A preuve, l'immense succès rencontré notamment par l'exposition France Technologies (voir p. 84) qui vient de fermer ses portes et dont les résultats ont dépassé les prévisions initiales.

IMPORTANT :

Le 24 Décembre 99, on apprenait que des soldats étaient descendus dans les rues; des coups de feu ont été entendu dans la capitale Abidjan et des vols dans les magasins de la ville ont été perpétré. Aucun mort n'est à déplorer.
Le porte parole de ce coup d'état militaire se nomme Robert Guei, général dans les forces armées du pays et ex-ministre de la Défense. Robert Guei a annoncé que le président Bédié avait été renversé et qu'il pouvait quitter le pays (ce qu'il a fait en se rendant au Togo).
Le 30 Décembre 99, Ouattara quittait la France après que le nouvel homme fort du pays ait annoncé vouloir rencontrer les chefs de partis politiques afin de former un nouveau gouvernement composé de civils. Le calme est revenu à Abidjan en cette fin d'année 99.
Guei a promis de restaurer la démocratie après une période transitoire dont la durée n'est pas encore connue.

Sources :
Afrique-Asie
Jeune Afrique
Jeune Afrique Economie
Africa International
Continental








Commission d’enquête internationale sur les allégations de violations des droits de l’homme en Côte d’Ivoire

Rapport sur la situation des droits de l'homme en République de Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002 jusqu’au 15 octobre 2004 conformément aux dispositions de l’annexe VI de l’Accord de Linas-Marcoussis et à la Déclaration du président du Conseil de Sécurité du 25 mai 2004 (PRST/2004/17)

Sommaire [masquer]
1 Introduction
1.1 Genèse de la Commission
1.2 Mandat, durée et activités de la Commission
1.3 Composition de la Commission
2 Objectifs de la mission
2.1 Contribuer à la recherche de la vérité
2.2 Constituer un instrument de travail utile
2.3 Contribuer aux efforts de règlement de la crise ivoirienne, au retour de la paix et à la réunification du pays
2.4 Mettre fin à l’impunité et à l’irresponsabilité
3 Méthodologie
3.1 Sources documentaires
3.2 Collecte des informations par voie de témoignages
3.3 Visite des sites et lieux
3.4 Les institutions rencontrées en Côte d’Ivoire et dans les pays limitrophes
3.4.1 En Côte d'Ivoire
3.4.1.1 Les institutions officielles
3.4.1.2 D’autres institutions et organisations
3.4.1.3 La société civile
3.4.2 Dans les pays limitrophes
3.4.3 Coopération avec la Commission
3.4.4 Difficultés rencontrées
3.4.4.1 Contour du mandat et gestion du temps
3.4.4.2 Exigences de confidentialité et protection des témoins
3.4.4.3 Règles de sécurité
3.4.4.4 Dissimulation de la vérité
4 Contexte géographique, socio-politique et économique
4.1 Au niveau sous-régional
4.1.1 Contexte politique
4.1.2 Contexte économique et social
4.1.3 Au niveau ivoirien
4.2 Contexte juridique
4.3 Contexte politique
4.3.1 Evénements des 18 et 19 septembre 2002
4.3.2 Qualification des événements des 18 et 19 septembre 2002
4.3.3 Arrêt des hostilités et négociations des accords
4.3.4 Désarmement
4.3.5 Contexte économique et social
4.3.6 Avenir économique de la Côte d'Ivoire : découverte de nouvelles richesses
5 Violations des droits de l'homme
5.1 Les droits civils et politiques
5.1.1 Droit à la vie
5.1.1.1 Exécutions sommaires des personnalités politiques et militaires
5.1.1.2 Evénements survenus les 18 - 19 septembre 2002 à Bouaké et dans la région du Nord
5.1.1.3 Autres assassinats politiques
5.1.1.4 Charniers et massacres
5.1.1.5 Disparitions forcées et enlèvements
5.1.1.6 Droit à l'intégrité physique
5.1.1.7 Détentions et arrestations


[modifier] Introduction
Le présent rapport a été établi conformément aux dispositions du document intitulé « Termes de référence ».

La méthodologie qui a présidé à cet effet est exposée au chapitre III. Conformément à son mandat, la Commission a procédé à des investigations approfondies aussi bien sur l'ensemble du territoire de la Côte d'Ivoire que dans les pays limitrophes. La Commission a cru bon d'agir ainsi, afin d'être mieux à même de s'approcher des préoccupations qui animent tant les Ivoiriens que la communauté internationale, et qui tendent à connaître la vérité dans la mesure du possible sur les événements qui se sont déroulés en Côte d'Ivoire à partir du 19 septembre 2002 en vertu de la compétence ratione temporis du mandat de la Commission.

Cette démarche s'explique en outre par le souci de la Commission de mettre à la disposition des instances internationales compétentes, politiques mais surtout judiciaires éventuelles, un instrument susceptible de permettre de se faire une opinion claire quant à la participation de certaines personnes ou groupes de personnes à la perpétration des actes que la Commission a considérés comme étant constitutifs de violations graves des droits de l’homme, du droit international humanitaire ou ceux relatifs aux crimes contre l'humanité. Un tel document pourrait ainsi servir de base aux incriminations et aux poursuites éventuelles devant la justice internationale. En effet, pour les raisons exposées dans le rapport, la Commission estime que l'appareil judiciaire ivoirien n'est pas, à l'heure actuelle, en mesure de fonctionner de façon adéquate, impartiale et en toute indépendance.

Le rapport se compose de 12 chapitres :

Introduction (I) ;
Objectifs de la mission (II) ;
Méthodologie (III) ;
Contexte géographique, sociopolitique et économique des événements survenus en Côte d'Ivoire (IV) ;
Violations des droits de l'homme (V) ;
Administration de la justice (VI) ;
Violations du droit international humanitaire (VII) ;
Implications des pays limitrophes et autres dans la crise ivoirienne (VIII) ;
Responsabilités (IX) ;
Actions menées par la Commission (X) ;
Conclusions (XI) ;
Recommandations (XII)
Ces chapitres sont suivis de deux types d'annexes. Les premières se composent de documents de référence générale dont tout lecteur du rapport pourrait prendre connaissance ; les secondes sont constituées de documents confidentiels non accessibles au public: il s'agit d'une part de la liste des témoins entendus et d'autre part de celle des personnes que la Commission a considérées comme ayant commis les plus graves violations des droits de l'homme, du droit international humanitaire ou des crimes contre l'humanité.

[modifier] Genèse de la Commission
A la suite des événements qui ont eu lieu en Côte d’Ivoire le 19 septembre 2002, les acteurs politiques ivoiriens se sont réunis à Marcoussis sous les auspices de la France et de l’Organisation des Nations Unies, de l’Union africaine, de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest et de l’Organisation internationale de la francophonie. C’est à cette occasion qu’ils ont invité la communauté internationale à instituer une Commission d’enquête. En effet, l’annexe VI point 2 de l’Accord de Linas-Marcoussis dispose: « le gouvernement de réconciliation nationale demandera la création d’une Commission internationale qui diligentera des enquêtes et établira les faits sur toute l’étendue du territoire national afin de recenser les cas de violation graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire depuis le 19 septembre 2002 ».

La requête d’instituer une telle Commission a été réitérée par le président de la République de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, dans plusieurs correspondances envoyées au Secrétaire général de l’ONU.

[modifier] Mandat, durée et activités de la Commission
Le mandat de la Commission est spécifié dans le dispositif du paragraphe 3 de l’annexe VI des Accords de Linas-Marcoussis ainsi que dans les « Termes de référence » élaborés par le Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme.

Le premier volet du mandat de la Commission est mentionné au point 3 de l’annexe VI des Accords de Linas-Marcoussis. Il dispose que « sur le rapport de la Commission internationale d’enquête, le gouvernement de réconciliation nationale déterminera ce qui doit être portés devant la justice pour faire cesser l’impunité ».

Le mandat conféré à la Commission est explicité dans les « Termes de référence » en son paragraphe 2. Selon cette disposition, la Commission aura pour missions :

a. d’enquêter sur les allégations de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur tout le territoire de la Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002.
b. d’établir les faits et les circonstances de la perpétration de ces violations et dans la mesure du possible, d’identifier leurs auteurs.
c. d’élargir les enquêtes sur les allégations de ces violations à des pays voisins en cas de besoin.
Quant à la durée de sa mission, il est prévu au point 1 des « Termes de référence » évoqués ci-dessus, que « la Commission réalisera ses activités dans une durée de trois mois ». Afin de mener à bien ses activités, la Commission a eu la possibilité de se déployer effectivement sur l’ensemble du territoire de la Côte d’Ivoire y compris dans la partie qui se trouve sous le contrôle des Forces Nouvelles.

La Commission s’est aussi rendue dans quelques pays voisins de la Côte d’Ivoire au cours des deux mois passés sur le terrain. Il s'agit du Burkina Faso, du Mali, du Ghana et du Liberia. Le choix de ces pays a été justifié par la présence d’Ivoiriens qui ont fui les zones de combat dans leur pays et ont naturellement cherché refuge à l’étranger. Par ailleurs, ce choix s’explique par la présence dans ces pays des natifs fuyant aussi les zones de combats ou cherchant à se soustraire d’exactions de toutes sortes dont ils étaient victimes en Côte d’Ivoire. Faute de temps, la Guinée n’a pas pu être visitée. Les répercussions de la crise ivoirienne sur les pays voisins ont aussi déterminé le choix des États visités. Toutefois, le déplacement d’Accra a été souhaité par le président de la République de ce pays, en sa qualité de président en exercice de la Communauté économique et de développement des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et eu égard au rôle majeur que cette organisation sous-régionale a joué dans la résolution des crises qui secouent l’Afrique de l’Ouest.

[modifier] Composition de la Commission
Selon les dispositions II des « Termes de référence », « la Commission sera composée de cinq experts indépendants de haute qualification et moralité, disposant d’une expertise reconnue dans le domaine des droits de l’homme et du droit international humanitaire et, de préférence d’une connaissance approfondie de la région et de ses problèmes. L’exigence de représentation équilibrée des sexes sera dûment prise en compte ».

Conformément à la disposition I, 1 des « Termes de référence », le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a nommé en qualité de membres de la Commission les personnalités ci-après :

Madame Fatimata Mbaye (Mauritanie), avocate;
Madame Radhia Nasraoui (Tunisie), avocate;
Monsieur Gérard Balanda Mikuin Leliel (République Démocratique du Congo) professeur d’Université et avocat;
Monsieur Almiro Rodrigues (Portugal), ancien juge au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougolavie;
Monsieur Aref Mohamed Aref (Djibouti), avocat.
Le 14 juillet 2004, à Genève, la Commission a élu son président et un vice-président, respectivement le Professeur Gérard Balanda et Madame Radhia Nasraoui. Elle a également examiné et adopté son règlement intérieur.

[modifier] Objectifs de la mission
[modifier] Contribuer à la recherche de la vérité
Les enquêtes telles que spécifiées dans la partie du présent rapport consacrée à la méthodologie devraient, de l’avis de la Commission et, conformément aux vœux maintes fois répétés devant elle par les Ivoiriens, contribuer à la recherche de la vérité quant aux événements qui se sont produits en Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002 jusqu’à la date du dépôt du rapport de la Commission le 15 octobre 2004.

[modifier] Constituer un instrument de travail utile
La Commission a tenu à faire un document utile de peur de voir le présent rapport passer pour une pure analyse et donc avoir simplement un caractère descriptif. En effet, conformément au dispositif 3 de l’annexe VI de l’Accord de Linas-Marcoussis « sur le rapport de la Commission, le gouvernement de réconciliation nationale déterminera ce qui doit être porté devant la justice pour faire cesser l’impunité ».

Une telle utilité suppose comme le souligne le paragraphe 2 (b) des « Termes de référence » non seulement « d’établir les faits et les circonstances de leur perpétration, mais, dans la mesure du possible, d’en identifier les auteurs ». C’est donc à dessein que la Commission s’est employée à mener ses enquêtes de façon très approfondie auprès des personnes qui ont occupé une place centrale dans les événements tombant dans le champ de son mandat. De même, la Commission a tenu à vérifier systématiquement le contenu de certains témoignages importants susceptibles de permettre la mise en cause ou à disculper la responsabilité de certaines personnalités sur qui pesaient des rumeurs quant à leur participation directe ou indirecte, individuelle ou collective dans les assassinats ou des actes de torture, de viol ou d’autres formes de violations graves des droits de l’homme, du droit international humanitaire et des crimes contre l'humanité.

La Commission a ainsi jugé nécessaire de donner un tel éclairage dans un chapitre intitulé et consacré à la responsabilité. Une telle tâche combien délicate a cependant été menée dans le seul souci de vérité. La même quête de découverte de la vérité a abouti à la découverte de nouveaux sites d’exactions ou d’inhumation collective. Cela a notamment conduit la Commission à proposer d’établir une distinction entre les charniers et les lieux d’exécutions sommaires et extra judiciaires. En effet, dans le vocabulaire courant, le vocable charnier prête à confusion. Pour la Commission, il y a lieu de distinguer entre charniers et d’autres lieux qui contiendraient des restes des êtres humains.

À cet effet, la Commission qualifie de charniers uniquement des lieux où des exécutions sommaires ou extra judiciaires ont été perpétrées et où des êtres humains ont été collectivement ensevelis. L’expression fosses communes est, dans le cadre du présent rapport, réservée aux lieux d’inhumation collective des corps ou des restes humains. De tels enterrements ont en effet été pratiqués par des autorités publiques ou par des organismes humanitaires tels que les agents du CICR, de la Croix Rouge Nationale ou par ceux du Croissant Rouge pour des raisons d'hygiène ou afin d'éviter la propagation des épidémies.

La même préoccupation d’approfondir la collecte des données a amené la Commission à visiter les hôpitaux, les morgues et les cimetières, à se doter de photos ou à rechercher des preuves écrites, sonores ou audio-visuelles. Cela est reflété dans la méthodologie qui a été suivie par la Commission.

[modifier] Contribuer aux efforts de règlement de la crise ivoirienne, au retour de la paix et à la réunification du pays
C’est en disant et recherchant la vérité que le travail de la Commission pourra seulement apporter sa modeste contribution parmi les efforts visant au règlement de la crise ivoirienne et plus singulièrement au retour rapide de la paix et à la réunification du pays.

[modifier] Mettre fin à l’impunité et à l’irresponsabilité
De tels objectifs de la mission de la Commission peuvent à long terme, contribuer à mettre progressivement fin à l’impunité et à l’irresponsabilité généralisées qui caractérisent la Côte d'Ivoire depuis les violences dont ce pays a été le théâtre.À long terme également, ces objectifs pourraient constituer des ingrédients indispensables à la restauration de l’État de droit en Côte d’Ivoire.

Tout État de droit a parmi ses piliers majeurs l’administration de la justice. C’est donc à juste titre que les parties signataires des accords de Linas-Marcoussis ont déclaré au paragraphe 3 de la disposition VI de l’annexe audit Accord que grâce au rapport de la Commission internationale d’enquête, le gouvernement de réconciliation nationale déterminera ce qui doit être porté devant la justice pour faire cesser l’impunité. C’est aussi à bon droit que les signataires de l’Accord de Marcoussis ont unanimement déclaré « condamner particulièrement les actions des escadrons de la mort et de leurs commanditaires ainsi que les auteurs d’exécutions sommaires sur l’ensemble du territoire et que les auteurs et complices de ces activités devront être traduits devant la justice pénale internationale ».

[modifier] Méthodologie
La Commission a commencé ses travaux le 12 juillet 2004 à Genève et a élaboré son règlement intérieur comme il se doit être en pareille situation le 14 juillet 2004.

[modifier] Sources documentaires
Au cours des réunions organisées par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme les 12, 13 et 14 juillet 2004, la Commission a eu des sessions d’information notamment sur la situation politique en Côte d’Ivoire et les aspects sécuritaires.

Avant son départ en Côte d’Ivoire, la Commission a rencontré des membres du corps diplomatique accrédités en Côte d’Ivoire ainsi que des représentants des ONGs.

Elle a obtenu une documentation du Haut Commissariat sur la crise en Côte d'Ivoire notamment les rapports d'autres commissions d’enquête envoyées dans ce pays.

Sur le terrain et dans les pays limitrophes, la Commission a obtenu un nombre important de documents des Ministères, des organisations nationales et internationales, des organisations humanitaires, des partis politiques, des témoins et victimes. Il s’agit de documents écrits, de photos, de cassettes sonores et audiovisuelles.

La Commission tient à signaler, cependant, qu'une grande partie de la documentation dont elle dispose lui a été remise les derniers jours et même au moment où elle s'apprêtait à quitter la Côte d'Ivoire.

[modifier] Collecte des informations par voie de témoignages
Le 15 juillet 2004, la Commission s’est rendue en Côte d’Ivoire où elle a passé deux mois.

Durant cette période, elle a entendu des centaines de témoins et de victimes de violations des droits de l’homme ou du droit international humanitaire. Elle a également recueilli des témoignages indirects de parents, amis ou voisins qui ont assisté à des violations ou en ont eu connaissance.

En plus des témoignages individuels, la Commission a eu des témoignages collectifs de membres d’associations et de réseaux dont les activités sont en rapport avec son mandat.

[modifier] Visite des sites et lieux
Afin d’accomplir sa mission, la Commission ne se s'est pas contentée des témoignages. Elle s'est rendue pratiquement dans tous les lieux et sites qui lui ont été signalés notamment les charniers, les fosses communes, les lieux d’exécutions sommaires et les cimetières, plus particulièrement dans les régions du Nord, de l’Ouest et du Centre Ouest.

La Commission a pu découvrir de nouveaux charniers essentiellement à Man, à Korhogo, à Bouaké, à Toulepleu, à Blolequin, à Bangolo, à Vavoua et à Yamoussoukro. Elle a été assistée au cours de ces visites par la Police civile des Nations Unies (CIVPOL). La Commission regrette cependant de n’avoir pas visité les sites à Monoko-Zohi, Pélézi et Zouan-Hounien pour des raisons indépendantes à sa volonté. Elle a toutefois obtenu de nombreux témoignages et documents sur les évènements qui s’y sont produits.

La Commission a également visité des hôpitaux afin de recueillir des témoignages de victimes de violations ou de s’entretenir avec des médecins et des autres membres du personnel hospitalier.

La Commission a visité plusieurs morgues aussi bien à Abidjan que dans les autres villes de la Côte d'Ivoire. Elle a pu de la sorte obtenir et vérifier des informations relatives à des assassinats ou des tueries des personnes dont les dépouilles se trouvaient à ces endroits.

La visite des prisons et lieux de détention a permis à la Commission de s’entretenir sans témoin avec des prisonniers et des détenus et de connaître ainsi les conditions de vie dans ces lieux.À cette fin, la Commission s’est notamment rendue à la MACA (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan), MAMA (Maison d’arrêt militaire d’Abidjan), et les lieux de détention de la Direction de surveillance du territoire (DST) et de la police judiciaire à Abidjan.

Au Nord, elle a visité notamment les prisons de Bouaké, de Man, de Korhogo, de Boundiali, et d’Odiénné. Il en est de même des autres lieux de détention.

À Ouagadougou, la Commission a eu l'occasion de visiter la prison centrale et de s'entretenir sans témoin avec un détenu dont la situation avait été portée à sa connaissance.

La Commission a eu l’occasion de visiter des camps militaires, de gendarmerie et de police. Elle a pu obtenir des informations et des témoignages sur les évènements importants qui s’y sont déroulés.

En raison de l’importance de la question des réfugiés et des déplacés de guerre, de leur nombre et des problèmes qu’ils posent, la Commission s’est rendue également dans ces camps et a pu recueillir des témoignages qui lui ont permis de se rendre compte des conditions de vie dans ces lieux.

Le mandat de la Commission a également nécessité le déplacement dans certains pays limitrophes, le Burkina-Faso, le Mali, le Libéria et le Ghana. Le séjour dans ces pays a duré dix jours et a permis à la Commission de vérifier l’implication de certains de ces pays dans la crise en Côte d’Ivoire, de recueillir des témoignages de victimes, de réfugiés, et de visiter certains lieux. Elle a pu ainsi vérifier des informations sur des allégations de violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire.

[modifier] Les institutions rencontrées en Côte d’Ivoire et dans les pays limitrophes
La Commission a rencontré les institutions dont la nature ou l’activité est en rapport avec son mandat. Il s’agit des institutions officielles, d’autres institutions et organisations et de la société civile. Toutes ces institutions, par leur engagement et observations, ont fourni à la Commission beaucoup d’informations, documentation et témoignages.

[modifier] En Côte d'Ivoire
[modifier] Les institutions officielles
La Commission a été reçue à deux reprises par le président Laurent Gbagbo. Elle a également été reçue par le Premier ministre et a eu des séances de travail avec les ministres dont les services sont en rapport avec son mandat. Il s’agit notamment du ministre des Affaires étrangères, de la Défense, de la Justice, de la Sécurité interne, de l’Administration territoriale et de la Réconciliation nationale. La Commission s’est également entretenue avec le président du Parlement et celui du Conseil économique et social.

Avant son départ de la Côte d’Ivoire, elle a eu un entretien avec la Première Dame, Simone Gbagbo.

[modifier] D’autres institutions et organisations
La Commission a rencontré, à Abidjan plus d’une fois, les représentants des Forces Nouvelles (FAFN) et leur comité directeur conduit par le Secrétaire général des Forces Nouvelles Guillaume Soro.

En outre, des responsables civils et militaires des Forces nouvelles ont été rencontrés à Man, Korhogo, Bouaké, Boundiali, Odiénné et Ferkessedougou.

La Commission a été reçue par les partis politiques suivants avec lesquels elle a eu des échanges de vue sur les questions relatives à son mandat :

Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI) ;
Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) ;
Rassemblement des républicains (RDR) ;
Front populaire ivoirien (FPI) ;
Parti ivoirien des travailleurs (PIT) ;
Mouvement des forces de l’avenir (MFA) et
Parti communiste révolutionnaire de Côte d’Ivoire (PCRCI).
Des réunions ont été également organisées avec les rois traditionnels, les notables et les chefs coutumiers d’une part par respect aux traditions africaines et d’autre part afin de faciliter le travail de la Commission auprès des populations dépendant de ces autorités.

De plus, la Commission s’est entretenue avec les représentants des confessions religieuses. Les représentants du système des Nations Unies et notamment le Représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies en Côte d'Ivoire et au Libéria ont reçu la Commission, lui ont fourni informations et documentations utiles. De même, les agences humanitaires ont collaboré avec la Commission en sensibilisant les témoins à se présenter devant elle.

La Commission a estimé utile d’avoir des entretiens avec les Forces de la Licorne et les observateurs militaires de l’ONU compte tenu de leur présence sur le terrain depuis une période relativement longue. Elle les a rencontré plus d'une fois et dans les régions où ces forces sont déployées.

[modifier] La société civile
La Commission a rencontré les représentants des organisations et associations de la société civile ; il en a notamment été ainsi pour :

Association pour la défense des droits de l’homme (ADDH) ;
Mouvement ivoirien des droits de l’domme (MIDH) ;
Action pour la protection des droits de l’homme (APDH) ;
Fédération de l’organisation de la société civile pour la paix ;
Réseau des intellectuels ivoiriens;
Coalition de la société civile pour la paix et le développement en Côte d’Ivoire ;
Coordination des mouvements des Ivoiriens du Nord de la Côte d’Ivoire (COMIN-CI) ;
Fédération nationale des victimes de la guerre en Côte d’Ivoire ;
Association des Maliens de Côte d’Ivoire ;
Association des Burkinabés en Côte d’Ivoire ;
Collectif des victimes des 25 et 26 Mars 2004 ;
Comité des victimes de guerre de Bouaké ;
Conseil d’action humanitaire musulman en Côte d’Ivoire (CAHMCI) ;
Conseil national Islamique ;
Association des imans (COSIM) ;
Forum religieux supérieur ;
Forum religieux ;
Forum national sur la dette et la pauvreté ;
Groupe d’études et de recherches sur la démocratie et le développement (GERDDES-CI) ;
West African Network for Peace Building section ivoirienne (WANEP-CI) ;
Union des patriotes pour la libération totale de la Côte d’Ivoire ;
Réseau ivoirien des organisations féminines ;
Vision et action des femmes africaines contre la guerre (VAFAG) ;
Organisation des femmes actives de Côte d’Ivoire (OFACI) ;
Femmes net CI ;
Promotion et santé de la femme (PROSAF) ;
Réseau des femmes ministres et parlementaires (REFAMP-CI) ;
Fédération des femmes entrepreneurs ;
Organisation des femmes d’Eburnie pour la paix (FEFEDES-CI/OFEP) ;
Alliance de la jeunesse ;
Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) et
Association générale des élèves et étudiants de Côte d'Ivoire (AGEECI).
[modifier] Dans les pays limitrophes
Au Burkina-Faso, au Mali et au Libéria, la Commission a eu des séances de travail avec les instances gouvernementales. Au Burkina-Faso et au Mali, elle a rencontré, particulièrement des réfugiés, des victimes de guerre en Côte d’Ivoire et leurs représentants.

Dans les pays limitrophes, la Commission a également rencontré des représentants du système des Nations Unies, des agences humanitaires ainsi que ceux de la société civile.

Par contre, le voyage de la Commission au Ghana, programmé à la demande du président John Kuefor et en raison du rôle joué par ce pays dans la résolution de la crise en Côte d’Ivoire et dans la sous-région a été inutile. En effet, le président Kuefor et plusieurs de ses ministres étaient absents à la date prévue. Quant aux représentants du système onusien, ils étaient en congé hebdomadaire !

[modifier] Coopération avec la Commission
La Commission a bénéficié de la coopération des différentes parties en Côte d’Ivoire malgré les difficultés rencontrées.

Le président Gbagbo a signé un document invitant toutes les autorités, les institutions et administrations publiques à fournir à la Commission toute la documentation nécessaire et de lui permettre d’accéder à tous les lieux sans restriction. Il a mis en place un comité de liaison pour collaborer avec la Commission. Celle-ci a eu plusieurs réunions avec ce comité.

Dans la région du Nord, les Forces Nouvelles ont également délivré à la Commission un document demandant à toutes les parties de lui permettre de circuler librement et d’accomplir sa mission dans de bonnes conditions. À cet effet, la chaîne de télévision des Forces Nouvelles à Bouaké a diffusé un communiqué appelant les populations à témoigner devant la Commission des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international, quelque soit les responsables de ces violations !

[modifier] Difficultés rencontrées
Au cours de sa mission, la Commission a éprouvé des difficultés qu’elle estime nécessaire de mentionner dans le présent rapport.

[modifier] Contour du mandat et gestion du temps
La Commission n’a pas eu pleine information sur les contours de son mandat. Elle aurait souhaité passer plus de temps à Genève avant de se rendre en Côte d'Ivoire pour se préparer à mieux appréhender la situation du pays concerné par l’enquête. Ni sa mission, ni le temps qui lui a été accordé sur le terrain et pour la rédaction de son rapport n’ont été définis de manière précise. Cela a beaucoup perturbé son travail.

[modifier] Exigences de confidentialité et protection des témoins
Au cours de sa mission aussi bien en Côte d’Ivoire (au Nord et au Sud) que dans les pays limitrophes, la Commission a constaté à quel point certains témoins étaient terrorisés. Ils n’osaient pas la contacter par crainte de représailles de toutes les parties.

À Abidjan, certains témoins ont exprimé clairement leur refus de se présenter dans les locaux de la Banque Mondiale où siégeait la Commission ou dans la résidence Sainte-Anne où elle s'est installée les premiers temps. La présence constante de personnes « inconnues » à ces endroits décourageait certains témoins. Cela a poussé la Commission à déménager dans un lieu susceptible de mieux garantir l’anonymat et la protection des témoins.

D’autres témoins se sont présentés mais hésitaient à parler en toute liberté craignant des représailles du côté du gouvernement pour certains et du côté des Forces Nouvelles pour d'autres. Consciente de ce problème, la Commission a toujours insisté au début de toutes les réunions et contacts que son travail se base sur la confidentialité et que les noms ne peuvent être divulgués ni d’ailleurs les données susceptibles de permettre à en identifier la source.

[modifier] Règles de sécurité
Les règles de sécurité imposées à la Commission ne concordaient pas avec la nature de ses activités consistant essentiellement à mener des enquêtes. Bien que nécessaire, le respect des dites règles a parfois bloqué le travail de la Commission dont les membres ne pouvaient se déplacer discrètement pour contacter les témoins spécialement ceux qui avaient peur de se présenter. En effet, les règles de sécurité en vigueur sont en contradiction avec la discrétion exigée par l’activité d’enquête et surtout avec le principe selon lequel la protection des témoins commence bien avant leur témoignage. Cette position de la Commission a été corroborée par le fait qu’après son départ et plus précisément le lundi 4 octobre 2004, quatre personnes travaillant comme gardiens chez Alassane Dramane Ouattara dont certains ont témoigné dans les locaux de la Banque Mondiale ont été arrêtés et torturés. Trois d’entre eux ont été libérés alors que le quatrième Bandolo Jean Marc, a été tué par les agents de sécurité qui l’ont jeté dans la lagune alors qu’il était très affaibli, selon les survivants.

Un autre témoin avait été arrêté à Abidjan au moment où la Commission était encore dans le pays. Il a été libéré suite à l'intervention de la Commission. La Commission estime ainsi qu’il y a lieu d’adapter les règles de sécurité en vigueur au travail d’enquête.

[modifier] Dissimulation de la vérité
L’intention de dissimuler certains faits ou certaines preuves a été claire chez certaines parties aussi bien dans le Sud que dans le Nord, ce qui n'a pas facilité la tâche de la Commission. Certains témoins sont venus devant la Commission donner des informations dans l'espoir d'obtenir en contre partie une protection leur permettant de quitter le pays.

[modifier] Contexte géographique, socio-politique et économique
[modifier] Au niveau sous-régional
Depuis plus de 20 ans, la sous-région ouest africaine connaît une série de coups d'État militaires qui ont eu des conséquences néfastes sur les populations civiles et sur la gestion des affaires gouvernementales de certains pays tant sur le contexte politique qu'économique et social.

[modifier] Contexte politique
L'analyse du contexte politique général de l'Afrique de l'Ouest révèle un tableau géopolitique assez troublant et dramatique.

Cette situation chaotique trouve en grande partie ses causes dans les difficultés et les réticences des gouvernants d'accepter les principes du partage du pouvoir et de la démocratie.

En effet, l'accession à l'indépendance de la plupart des pays africains en 1960 avait favorisé la mise en place de gouvernements mimés sur le modèle français de la Ve République sans toutefois intégrer le principe de la séparation des pouvoirs. Cela a eu pour conséquence des revendications syndicales et politiques qui se sont souvent soldées dans la répression et la prise du pouvoir par les juntes militaires dans plus de 13 pays sur les 16 pays ouest africains qui constituent aujourd'hui la CEDEAO.

De tout temps, la sous-région a eu la tradition d'accueillir des opposants politiques exilés dans les pays voisins, tels que la Côte d'Ivoire, le Sénégal et autres, pour échapper à la répression et à la persécution dans leur pays.

La stabilité et la prospérité de ces pays avaient attiré nombre d'immigrés intellectuels mais aussi des analphabètes à la recherche d’un gagne pain. Ces flux migratoires n'ont souvent pas été sans heurts, surtout au moment des crises économiques des années 80.

A partir des années 90, les revendications pour l'ouverture à la démocratie et au multipartisme se firent de plus en plus sentir. Cela a rendu la sous-région plus fragile, de sorte que certains experts géopoliticiens considérèrent l'Afrique de l'Ouest comme une véritable poudrière suite aux conflits armés en Sierra Leone, au Libéria, en Guinée Bissau et à la succession des coups d'États à l'exception de la Côte d'Ivoire de l'époque et du Sénégal.

La menace d'une éventuelle implosion sous-régionale a amené le président François Mitterrand à inviter les chefs d'États africains francophones au sommet de la Baule en 1990. Les conséquences sont notamment le fait de chercher à endiguer la contestation de plus en plus violente des opposants et faire admettre aux pouvoirs en place de lâcher du lest en instaurant un processus démocratique et un multipartisme en Afrique. Ce consensus politique est intervenu dans un environnement socio-économique déjà miné par le recours au système clanique et tribaliste.

Ces conflits, dont les tenants et les aboutissants ne seront pas approfondis dans ce rapport ont eu des conséquences fâcheuses dans certains pays limitrophes comme la Côte d'Ivoire, la Guinée Conakry, le Ghana.

L'affluence de populations déplacées et réfugiées qui se sont installées le long des frontières a permis l'émergence d'une nouvelle classe économique et sociale.

[modifier] Contexte économique et social
La sous-région a beaucoup souffert de la dégradation des conditions climatiques des années 73 qui ont occasionné l'exode des populations des pays du Sahel et de la savane vers les pays forestiers et côtiers, notamment la Côte d'Ivoire, pays francophone et limitrophe de plus de cinq pays dont les économies étaient mises à rude épreuve par les conflits.

La perméabilité des frontières a accentué ce flux des populations en quête de quiétude et de bien-être vers les pays les plus prospères. Il en a résulté des situations de chocs économiques et sociales auxquelles ni les États ni les populations n'étaient préparés.

La production des cultures vivrières et industrielles ainsi que l'exploitation des matières premières (cacao, café, coton, arachides, bois, or, diamant, pétrole, etc.) sont le premier motif de la ruée de plus des 2/3 des forces ouvrières de la région vers les zones côtières et forestières.

En revanche, les plans d'ajustement structurel du FMI et de la Banque Mondiale, les crises économiques et les inflations des années 80 ont amené certains États et gouvernements Ouest-Africains à entreprendre des politiques de limitation de la circulation des populations et des biens, avec des mesures d'expulsion d'une grande partie de cette main-d'œuvre ouest-africaine vers d'autres contrées plus lointaines (Congo, Gabon, ex Zaïre, Angola, etc.) et des mesures de fermeture et de privatisation de sociétés.

Pour faire face à cette situation, les États d’Afrique de l'Ouest ont créé le 15 mai 1975 la CEDEAO (Communauté économique des États d’Afrique de l'Ouest). Cette communauté économique comptait initialement 16 pays [1].

L'objectif de cette organisation consiste à promouvoir la coopération et l'intégration avec, en filigrane, une politique économique commune pouvant assurer la croissance économique, l'amélioration du niveau de vie des populations et la promotion des relations entre les États membres.

L'insécurité et les conflits armés ont amené les États membres de la CEDEAO à prendre plusieurs mesures afin d'échapper à la spirale des conflits internes et des coups d'État et à ratifier un certain nombre de traités [2].

La libéralisation du commerce, mais surtout la porosité des frontières, renforcée par la présence de part et d'autre de celles-ci des mêmes groupes ethniques, voire de mêmes familles (séparés par la colonisation avec des frontières artificielles issues des indépendances) a favorisé la création de pactes socioculturels entre les habitants de ces pays.

Les conflits ont attiré toute sorte d'acteurs et ont permis l’éclosion d’une nouvelle économie telle la commercialisation frauduleuse des matières premières et le trafic des armes dans la sous-région.

Les combattants et les opposants politiques africains ont de tout temps bénéficié de la protection des pays limitrophes en tant que réfugiés ou exilés politiques. C’est ainsi que la Côte d'Ivoire a été pendant fort longtemps une terre d'asile pour les ressortissants Ouest-africains sans distinction aucune.

[modifier] Au niveau ivoirien
Située sur la côte Ouest de l'Afrique, dans la partie Nord du Golfe de Guinée, la Côte d'Ivoire couvre une superficie de 322 500 km2. La Côte d’Ivoire est organisée administrativement en 18 régions et 50 départements. Elle partage ses frontières avec le Ghana à l'Est, le Libéria et la Guinée à l'Ouest, le Mali et le Burkina Faso au Nord. Le pays est divisé en zone forestière au Sud et zone de haute savane au Nord. Il compte une population de plus de 15,9 millions avec un taux de croissance de 3,3 % par an dont 26 % d'étrangers selon le résultat du recensement de 1998.

La Côte d’Ivoire est un pays multiconfessionnel : le Nord est majoritairement musulman et le Sud chrétien et animiste. Il est composé d’une soixantaine d’ethnies regroupées dont les plus connues sont : * les Sénoufo, Dioula et Malinké ;

les Gouro, Baoulé et Mangoro ;
les Yacoubas, Dan, Bété, Guéré, Wobe, Krou et Dida ;
les Ebrié, Adiokrou, Apollonien et Abbey et
les Attié, les Akan.
[modifier] Contexte juridique
La Constitution Ivoirienne du 23 juillet 2000, reconnaît aux individus les droits et libertés qu'ils exercent sous le contrôle de l'autorité judiciaire, sur laquelle repose la responsabilité de sauvegarder la liberté individuelle et d’assurer le respect des droits fondamentaux dans les conditions prévues par la loi. Le président de la République a l'initiative des lois d'amnistie concurremment avec l'Assemblée nationale et dispose du droit de grâce.

En outre, le pays dispose d’un corps juridique normatif capable d’offrir à la société un minimum de protection et les garanties propres à un État de droit mais en réalité les textes ne sont pas souvent appliqués, comme il est exposé à la section sur l’adminstration de la justice. De plus, la Côte d'Ivoire a ratifié plusieurs instruments internationaux [3] en matière de droits de l’homme, y compris les normes internationales du travail. Ensemble normatif dont la prééminence hiérarchique sur le droit interne est également consacré par la Constitution, dont l’art. 87 prévoit que « Les Traités ou Accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque Traité ou Accord, de son application par l'autre partie. »

De plus, le préambule de la Constitution actuellement en vigueur proclame l’adhésion aux droits et libertés tels que définis dans la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 et dans la Charte africaine des Droits de l'homme et des peuples de 1981. La Constitution en vigueur consacre également les droits et libertés fondamentales, portant sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. L'État s'engage à prendre des mesures législatives ou réglementaires pour en assurer l'application effective. Par ailleurs, la législation en vigueur reconnaît le droit à toute personne victime de violation de ses droits de recourir à la justice. L’état de fonctionnement de la justice Ivoirienne est reflété dans le chapitre consacré à l’administration de la justice.

Cependant, les violations graves des droits de l’homme demeurent une constante en Côte d’Ivoire et ce, malgré l’appareil normatif et institutionnel dont elle s’est dotée dans le but d’assurer la protection et la promotion de ces droits. De plus, depuis le déclenchement de la crise, en septembre 2002, les violations de droits de l’homme n’ont pas cessé de croître dans l’ensemble du territoire. L’impunité existe et constitue un encouragement aux auteurs de ces violations.

En application des dispositions de l’Accord de Linas-Marcoussis, la loi – Nº 2004-302, du 3 mai 2004 - portant création d’une Commission des droits de l’homme a été promulguée. Par ailleurs, une loi portant amnistie a également été adoptée au début août. En outre, plusieurs projets de loi adoptés par le gouvernement en janvier 2004 sont soumis à l’examen actuellement de l’Assemblée Nationale. Il s’agit des lois portant sur : la création, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Commission nationale de supervision de l’identification (CNSI) ; l’obtention et la forme de la carte nationale d’identité ; la modification du décret portant création de l’Office national d’identification (ONI) ; la nomination du président de la Commission nationale de supervision d’identification ; la nomination du Secrétaire général de la Commission nationale de supervision de l’identification. L’Assemblée Nationale examine également un arrêté portant création de la Commission interministérielle de médias et son Secrétariat technique.

[modifier] Contexte politique
À l'instar des autres pays de l'ensemble Ouest-africain, la Côte d'Ivoire a vécu sous le monopartisme [4] depuis son accession à l'indépendance en 1960 et un pouvoir centralisé entre les mains du président Félix Houphouët-Boigny jusqu'à la disparition de celui-ci en 1993.

Le règne de Houphouët-Boigny ne s'est pas toujours fait sans heurt avec certains membres de la classe politique qui sont entrés dans l'opposition, dont l'actuel président Laurent Gbagbo qui, à plusieurs reprises, a été en prison pour ses revendications et prises de positions politiques. Dans les années 90 il y eut l'émergence d'une opposition organisée et d'une société civile très active.

En 1993, une querelle de succession au pouvoir éclata au sein du Parti démocratique de la Côte d’Ivoire (PDCI) entre Henri Konan Bédié, alors président de l'Assemblée nationale et Alassane Dramane Ouattara, Premier ministre d’alors de Houphouët-Boigny.

Loin de mettre un terme à leur différend, l’investiture de Bédié comme président de la République consacra plutôt une rupture entre les deux hommes. Le Rassemblement démocratique républicain (RDR) est créé par Djeni Kobina [5] avec l'appui de Alassane Dramane Ouattara, qui actuellement est le leader du RDR.

Chacun des deux adversaires politiques chercha à évincer son rival. Bédié inventa le premier, le concept de l'Ivoirité dont il se servit contre Alassane Dramane Ouattara. Ce dernier s’alliera la sympathie des populations du Nord en majorité musulmane. Ce fût le point de départ de l'avènement de ce que d’aucuns appellent le « nationalisme à l'ivoirienne ».

Selon les témoignages reçus et les entretiens que la Commission a eus avec certaines personnalités, cette question de nationalité liée à l’Ivoirité, que d'aucuns qualifient à tort de « faux problème », a non seulement nui à l'unité et à la solidarité nationales mais aussi reflète une revendication liée à l'accès au pouvoir politique, aux aspects économiques, à la culture et à l'immigration.

Aux élections présidentielles d'octobre 1995, le FPI et le RDR, unis au sein du « Front Républicain », procèdent à un « boycott actif »; Henri Konan Bédié est alors élu sur fond de contestation de l’opposition alimentée par la violation des libertés fondamentales et les scandales financiers, ayant comme conséquence la perte de la crédibilité internationale de la Côte d'Ivoire.

À la fin de son premier mandat, le président Bédié est renversé par un coup d'État le 24 décembre 99 par le Robert Gueï, alors colonel de son état et chef de l’état-major. Le 27 décembre 99, le général Gueï suspendit la constitution et instaura un comité national de salut public composé d'officiers et de sous-officiers des différents corps de l'armée.

Il forma un premier gouvernement de transition composé de principaux partis politiques ayant pour objectifs « d'assurer la sécurité des personnes et des biens, restaurer l'autorité de l'État et créer les conditions nécessaires à l'instauration d'une démocratie, en vue de l'organisation d'élections libres et transparentes permettant le retour à une vie constitutionnelle normale ».

Très vite, la transition sera minée par un laisser-aller et l’arbitraire de certains éléments des forces armées. La contradiction gagna l'intérieur du CNSP (Comité national de salut public) et le crédit du gouvernement militaire s'effrita sur un fond de répression et de violences (arrestations, torture, exécutions, disparitions, etc.).

Devant cette nouvelle situation, le général Gueï opéra un remaniement ministériel le 18 mai 2000, et le RDR qui faisait partie de cette transition quitta le gouvernement en gelant sa participation au sein des Commissions de la transition [6].

Ce départ ne changea rien dans le calendrier référendaire du général Gueï malgré les contestations, les campagnes référendaires sur la nouvelle constitution se focalisèrent sur les conditions d'éligibilité à la magistrature suprême. Le projet de constitution, bien que très hautement contesté, fut adopté le 24 juillet 2000 à la majorité de 86 % des voix [7]. Cette constitution entra en vigueur le 1er août 2000.

En octobre 2000, la Cour suprême saisie de la candidature aux présidentielles par 19 partis politiques en rejeta 14 dont celle d'Alassane Dramane Ouattara, candidat du RDR en déclarant celui-ci non éligible au motif qu'il ne remplissait pas tous les critères de la nationalité.

Le PDCI (parti du président Bédié) désavoua publiquement la décision de la Cour suprême et le RDR demanda un « boycott passif » des élections présidentielles.

L'exclusion du PDCI et du RDR du scrutin ébranla sérieusement l'unité nationale, mais aussi souleva la désapprobation de la communauté internationale tant africaine (OUA) que les Nations Unies.

Après les élections mouvementées du 22 octobre 2000, chacun des deux principaux candidats (Robert Gueï et Laurent Gbagbo) se déclarant vainqueur, des émeutes éclatèrent. Les partisans de Gbagbo et tous ceux qui étaient contre le régime militaire s'opposèrent aux partisans de Robert Gueï. Après la fuite du général Gueï dans son village natal, des divergences apparurent entre les manifestants.

Certains clamèrent que le processus électoral était vicié et qu'il fallait le reprendre, tandis que pour d'autres, il fallait tout simplement consacrer la victoire de Laurent Gbagbo.

Le premier groupe étant pour la plupart composé de militants et sympathisants du RDR et donc d'Alassane Dramane Ouattara dont la candidature avait été rejetée, a été combattu par les partisans de Laurent Gbagbo.

Ces affrontements causèrent des centaines de morts, des disparitions et toute une autre série de violations de droits de l'homme.

En décembre 2000, la candidature d'Alassane Dramane Ouattara est à nouveau invalidée par la Cour suprême pour «nationalité douteuse». Ses partisans organisèrent des manifestations qui sont réprimées par les forces de sécurités aidées par les partisans du régime. Une série de violations graves des droits de l'homme s'en suivit [8].

C'est dans cette atmosphère crispée que Laurent Gbagbo arriva au pouvoir. Dès son investiture, son premier souci fut d'organiser un forum pour la réconciliation nationale en octobre et décembre 2001, mais les résultats furent diversement interprétés par les Ivoiriens.

En dépit de la mise en place d'un gouvernement « d'ouverture », une rébellion armée éclata le 19 septembre 2002 simultanément dans les principales villes du pays, Abidjan, Bouaké, Korhogo et Man.

Cette rébellion eut pour conséquences des assassinats politiques, de nouvelles disparitions et la division du pays en deux zones : le Nord contrôlé par les rebelles ; le Sud et le Sud-Est par le gouvernement.

De nouvelles violations massives des droits de l'homme et du droit international humanitaire (décembre 2003 et janvier, mars, avril, juin et juillet 2004) sont constatées par tous les observateurs ; elles sont reflétées dans le chapitre V du rapport..

Compte tenu de leur importance sur la situation politique du pays et de leurs conséquences au regard des droits de l’homme, la Commission a jugé opportun de donner dans ce contexte un éclairage particulier des évènements des 18 et 19 septembre 2002 et leur qualification.

[modifier] Evénements des 18 et 19 septembre 2002
Le 18 septembre 2002, le président de la République se trouvait en visite officielle en Italie. Le ministre d’État et ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation d’alors, Emile Boga Doudou est rentré à Abidjan, vers 18h30, venu de Paris. Ayant appris qu’une attaque était imminente, il a fait prendre quelques mesures conservatoires à la suite d’une séance de travail organisée d’urgence.

Vers 3h00 du matin, des coups de feu ont été entendus un peu partout dans la ville d’Abidjan.

Vers 3h20, des coups de feu ont été tirés au domicile du ministre de la défense d’alors, Lida Kouassi. Les assaillants ont pris son épouse et ses enfants en otage et les ont amené vers le camp Agban, pendant que le ministre est resté caché chez lui. Le domicile de Lida Kouassi a été attaqué par une personne dont l’identité a été révélée à la Commission. Des témoins ont aussi reconnu, parmi les attaquants du camp Agban, d’autres personnes, dont l’identité a été aussi révélée à la Commission.

Aux environs de 4h du matin, la résidence de Boga Doudou a été attaquée aux Deux Plateaux à Abidjan. Le ministre Boga Doudou a essayé de s’échapper par la cour d’un voisin, mais les attaquants l’y ont trouvé et l’ont abattu par trois balles de type projectiles de fusils d’assaut.

Un peu plus tard, le camp Agban et l’école de la Gendarmerie ainsi que le camp de la Brigade anti-émeute (BAE) ont été attaqués et après de durs combats, ces unités ont pu repousser les agresseurs. Comme conséquence, il y a eu beaucoup de morts parmi les civils et les militaires.

Vers 7h10, un détachement a récupéré le corps inanimé de Boga Doudou pour l’amener à la présidence, où Lida Kouassi avait pris la situation en mains et avait commencé à organiser l’armée pour passer à l’attaque, le président étant en Italie et le Premier ministre introuvable.

Vers 9h00, le Vicaire général de l’archevêché a appelé Lida Kouassi pour dire que des militaires portant des bérets rouges, étaient venus à la cathédrale et voulaient y entrer sous le prétexte qu’il cachait le général Gueï et qu’il ne voulait pas que les militaires violent l’espace de la cathédrale. C’est dans cette ambiance et peu après que Lida Kouassi a appris que le corps de Gueï avait été retrouvé près de la Polyclinique Pisam.

Le 19 septembre 2002, dans l’après midi, Lida Kouassi a fait quelques tours des casernes des policiers pour leur apporter soutien et réconfort moral.

Vers 19h30, Lida Kouassi apprend que sa femme avait été libérée. Il apprend aussi la mort de Boga Doudou par le biais du commandant de la BEA à qui il a donné l’ordre de déplacer le corps jusqu’à la résidence du président de la République.

Par la suite, deux autres ministres les auraient rejoints à la résidence du président de la République. C’est en présence de ces ministres que le corps de Boga Doudou serait arrivé. Ils auraient pu voir que son visage était intact mais tout son thorax était criblé de balles.

Vingt minutes plus tard, Lida Kouassi aurait appris la mort du général Gueï par l’intermédiaire d’un groupe de soldats. Il était environ 9h30 ou 9h45 du matin, alors que Lida Kouassi se trouvait en compagnie de journalistes.

Ces derniers, en compagnie du groupe de soldats, seraient allés voir le corps du général Gueï et auraient confirmé sa mort ainsi que celle de son aide de camp et de ses deux gardes du corps.

C’est dans la journée que Lida Kouassi aurait appris la mort de Rose Gueï qui serait survenue suite à une balle logée dans la tête et aussi la mort de Fabien Coulibaly.

Vers 8h00, l’Ambassadeur d’Allemagne aurait appelé Lida Kouassi pour annoncer qu'Alassane Dramane Ouattara, son épouse et d’autres personnes, avaient trouvé refuge chez lui et qu’il n’avait pas les moyens de les protéger et qu’il craignait pour leur vie.

Lida Kouassi a fait son premier discours à la nation le 19 septembre 2002 vers 10h00. Au moment où il décrivait les faits il y avait encore des combats.

De même, l’ancien président Bédié aurait également appelé Lida Kouassi pour lui indiquer qu’il se cacherait à la résidence de l’Ambassadeur de Belgique.

Le président Laurent Gbagbo aurait téléphoné vers 16h00 pour annoncer qu’il était à l’aéroport de Rome et qu’il voulait rentrer au pays. Lida Kouassi lui aurait conseillé d’attendre, car la ville d’Abidjan n’était pas encore totalement sécurisée. Lida Kouassi aurait pris des mesures pour sécuriser la piste jusqu’à l’arrivée du président de la République, le 20 septembre 2002 vers 20:00 h.

[modifier] Qualification des événements des 18 et 19 septembre 2002
Le matin du 19 septembre 2002, une des questions de Lida Kouassi, et qui à ce jour est encore celle de communauté ivoirienne, était de savoir si le général Robert Gueï serait l’auteur du coup d’État.

À cet effet, il a reçu des informations contradictoires selon lesquelles :

le général Robert Gueï serait dans la forêt de Banko, prêt à lancer une offensive avec un groupe de rebelles ;
d’autres le situaient à sa résidence et, enfin,
le vicaire de la cathédrale a appelé Lida Kouassi pour lui dire qu’il y avait des militaires qui voulaient fouiller la cathédrale à la recherche du général Gueï.
La Commission a une idée précise sur la nature de ces événements qu’elle qualifie de « tentative de coup d’État ».

À cet effet, elle fonde son opinion sur le fait que les événements susvisés se soient produits simultanément le même jour, presque au même moment à des endroits différents et éloignés, Abidjan, Bouaké, Man et Korhogo, prouvant ainsi l’existence d’une organisation méticuleusement préparée et bien coordonnée.

Des témoignages dignes de foi ont établi que le général Gueï n’avait pas les moyens pour mener une telle entreprise étant donné que peu de temps avant les événements susvisés, il se trouvait retranché depuis longtemps dans son village à Ngouesso. Et pour vivre, il a sollicité une aide financière d’un de ses intimes. Par ailleurs et selon d’autres témoignages, en se rendant seul à la cathédrale d’Abidjan comme il l’a fait pour y trouver refuge, le général Gueï n’avait aucune force militaire derrière lui.

La Commission a appris que quelques jours après la mort du général, certains membres de sa famille proche auraient été contraints à venir lire à la télévision ivoirienne un communiqué rédigé à l’avance et dans lequel il leur était demandé de reconnaître la responsabilité du général Gueï dans les événements et de désavouer le MPIGO, un autre mouvement rebelle qui venait de naître. La Commission a recueilli de nombreux témoignages confirmant ce genre de harcèlement des membres des familles des personnalités qui n’avaient pas la faveur du régime.

La Commission a écarté l’hypothèse du soulèvement des mutins suite au mécontentement des « Zinzins et des Bahoufoués ». Cette révolte ne pouvait pas, à partir d’Abidjan, embraser tout le pays quand bien même les tenants de cette thèse allèguent l’utilisation des moyens de communication modernes. Les insurgés n’étaient pas aussi nombreux et ne disposaient pas des moyens pour planifier et coordonner l’opération.

Reste l’hypothèse du règlement de compte entre les caciques du pouvoir. Cette hypothèse n’est pas soutenable car l’antagonisme et la rivalité supposés entre lesdits caciques n’auraient fait qu’une seule victime, le ministre Boga Doudou, et tenté de liquider Lida Kouassi, Alassane Dramane Ouattara et d’autres personnalités politiques de milieux divers. Cela démontrerait que le problème ne serait pas aussi généralisé pour constituer un drame politique devant déboucher sur l’écroulement du régime en faveur d’un camp. La question de la responsabilité des auteurs de la tentative de ce putsch est examinée dans le chapitre consacré à cette matière.

[modifier] Arrêt des hostilités et négociations des accords
Les différents événements importants que la Côte d'Ivoire a connu depuis les journées critiques et sanglantes des 18 et 19 septembre 2002 et tous les autres qui sont signalés au chapitre V du présent rapport et lesquels sont caractérisés par des actes de violence, de tortures, de tueries, de meurtres et des assassinats, etc. constituent des violations des droits de l'homme ou du droit international humanitaire voire des crimes contre l'humanité. De tels actes n'ont pas laissé la communauté internationale indifférente car ce sont les populations innocentes qui en ont le plus souffert.

C'est ainsi que plusieurs initiatives ont été prises en vue de mettre un terme aux hostilités. C'est dans ce contexte général de la nécessité de retour à la paix en Côte d'Ivoire qu'il faudrait replacer les différentes négociations entre les principaux acteurs politiques aux côtés des belligérants.

Les chefs d'État africains comme européens, les responsables des organisations internationales telles l'Organisation des Nations Unies, l'Union Africaine, la CEDEAO, l'Union Européenne ou l'Organisation internationale de la francophonie se sont aussi mobilisés au chevet du grand malade qu'est la Côte d'Ivoire.

C'est ainsi qu'eurent lieu les accords successifs de Lomé, de Linas-Marcoussis et ceux d'Accra, dont le troisième épisode s'est déroulé le 29 juillet 2004.

Afin de rendre effectif l'arrêt des hostilités, il a été décidé d'établir entre les belligérants une zone tampon dite de "confiance" qui divise actuellement la Côte d'Ivoire en deux parties. Le long de cette ligne qui passe à la hauteur de Bouaké en traversant tout le pays pour atteindre Man, Toulepleu et Danané vers le Nord, se trouvent des positions des contingents des Forces de la Licorne et ceux placés sous l'autorité de l'Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI).

Les négociations qui ont conduit à la conclusion de l’accord d’Accra III diffèrent de la plupart de celles qui ont été menées auparavant par le fait de compter principalement parmi les initiateurs, des chefs d'État africains de la sous-région et d'Afrique centrale.

L'accord d'Accra III a réaffirmé la substance de l'Accord de Linas-Marcoussis dont l'application s'était quelque peu essoufflée à cause de divergences quant à l'interprétation de certaines dispositions de l'accord signé à Paris sous les auspices du gouvernement français.

Une des dispositions de l'accord d'Accra III prévoit le désarmement des forces des parties belligérantes. La date de démarrage de cette opération a été fixée au 15 octobre 2004.

[modifier] Désarmement
Comme dit ci-avant, le désarmement des forces des parties belligérantes ivoiriennes est un des acquis importants de l'accord d'Accra III. Malheureusement, peu après la signature dudit accord, des sons divergents ont d’ores et déjà été entendus, principalement en ce qui concerne l'interprétation de l'article 35 de la Constitution quant à l'utilisation des pouvoirs spéciaux du président de la République pour modifier un tel texte. Un autre point de la controverse consiste à savoir si le désarmement est inconditionnel ou non.

L’autre point controversée trouve sa source dans la nature des forces devant être désarmées, démobilisées et faire l'objet de réinsertion éventuelle. De telles opérations concerneraient-elles aussi les forces dites "loyalistes" ou devraient-elles se limiter aux forces des ex-rebelles?

Pour rendre efficient le désarmement en Côte d'Ivoire, l'on devrait aussi prendre en compte les dimensions sous-régionales des problèmes que plusieurs pays voisins à la Côte d'Ivoire connaissent. Ces problèmes sont caractérisés par des guerres dont les séquelles n'ont pas entièrement disparu. Le trafic d'armes constitue un second défi à la réussite du processus du désarmement qui devrait bientôt commencer en Côte d'Ivoire.

En effet, les sommes qui pourraient être proposées au titre d'incitation à la remise volontaire des armes en possession tant des militaires que des civils, pourraient soit garantir le succès de l'opération, soit donner lieu à des spéculations mercantiles.

Par ailleurs, le succès du désarmement en Côte d'Ivoire est également tributaire du niveau de coopération et de bonne volonté des pays voisins et autres où des armes circulent ou bien où le soutien aux rebelles ivoiriens n'aurait pas été définitivement retiré.

Les États de la sous-région d'Afrique de l'Ouest devraient en collaboration avec d’autres aussi, s'engager à éradiquer tout ce qui, de près ou de loin, touche au mercenariat dont les effets néfastes déstabilisent l'Afrique et qui retardent considérablement le développement des États de ce continent.

De la même manière, la communauté internationale devrait veiller au désarmement généralisé et systématique dans la sous-région et prendre toutes les mesures appropriées contre les fournisseurs qui en enfreindraient l’embargo.

[modifier] Contexte économique et social
La Côte d'Ivoire a longtemps été le premier pays de l'Afrique de l'Ouest à accueillir des immigrés venus en majorité de la sous-région et des autres pays africains, mais aussi de l'Europe (particulièrement de la France), des pays maghrébins (Maroc) et du Moyen-Orient (Liban).

Cette forte immigration était due d'abord à la colonisation dont la politique s'appuyait massivement sur la main d'œuvre des pays voisins. Cette politique fut reprise et encouragée par le président Houphouët-Boigny qui avait en priorité le souci de soutenir le plus possible une forte croissance économique.

Cela a donc créé une explosion migratoire de 1965 à 1975 avec untaux d'étrangers sur le sol ivoirien de 22 % [9].

La stabilité de la Côte d'Ivoire et son boom économique des années 75 ont fait qu'aujourd'hui et selon les estimations du dernier recensement de 1998, ce pays possède l'un des plus forts taux mondiaux d'immigration (26 %) répartie dans le Sud, le Sud-Ouest et le centre -Ouest.

Longtemps, ce pays a constitué un creuset de cultures et d'évolution intellectuelle et ceci a eu un impact sur l'environnement politique, économique et social ainsi qu’au niveau international.

L’économie ivoirienne est toujours essentiellement basée sur le secteur agricole dont dépend environ 60 % de la population active et représenterait à lui seul quelque 27 % du produit interne brut. Le pays est composé de deux grandes zones agricoles. Le Sud, qui constitue la zone forestière et où se concentrent principalement les plantations destinées à l’exportation (cacao, café, palmier à huile, hévéa, cocotier, banane, ananas) et des cultures vivrières telles que le manioc. Le Nord, constitue une zone de savane et dont l’activité productive est basée particulièrement sur les cultures vivrières : maïs, riz, mil, sorgho, arachide, ainsi que le coton et le sucre.

Suite à l’effondrement des prix des principaux produits d’exportation et le poids de la dette et malgré la reprise au cours des années 90, le pays s’est vu confronté à des graves problèmes en raison de dérapage dans la gestion des finances publiques, les retards dans l’application des programmes d’ajustement structurel et la réalisation de dépenses extrabudgétaires. Cette situation a engendré des conflits avec les institutions de Bretton Woods et l’UE, conduisant finalement à la privation de ressources extérieures dont l’échéance arrivait à terme quelques mois à peine avant le conflit.

Sous le règne du président Houphouët-Boigny, toutes les communautés, tant ivoiriennes qu’étrangères vivant en Côte d'Ivoire, avaient su garder des relations sociales harmonieuses et paisibles.

Toutefois, ce prestige et cette harmonie ont été remis en cause par la récession économique des années 1980 et par la disparition du président Houphouët-Boigny qui avait régné en patriarche. Le clivage social né de cette situation sera exploité par les différents protagonistes politiques.

Désormais, le concept de l'Ivoirité introduit par Henri Konan Bédié à son arrivée au pouvoir trouve son chemin dans tous les débats de la nation Ivoirienne. Il est fait usage de distinction entre Ivoiriens de souche et Ivoiriens de circonstance pour soutenir la thèse sur la nationalité et les reformes foncières.

Beaucoup estiment encore que le taux élevé des «étrangers» en Côte d'Ivoire est un des facteurs aggravant de la crise économique et politique du pays. Cela a créé un malaise social perceptible à première vue et un réveil du sentiment d'hostilité vis-à-vis des étrangers surtout à l’égard de ceux qui vivent en Côte d'Ivoire depuis des décennies.

D'après des informations concordantes, certains Ivoiriens sont considérés comme étrangers en raison de leur habillement, de leur parure, de leur religion ou de leur patronymie.

Pris à partie dans le conflit ivoirien, les étrangers ont été la cible des exactions dans toutes les zones de conflits.

L'accession de Laurent Gbagbo au pouvoir a ravivé, malgré sa volonté d'instaurer un gouvernement d'ouverture, selon les observateurs politiques étrangers et ivoiriens, la question de nationalité et d'étrangers (l'Ivoirité), les débats sur la constitution (notamment l'article 35), mais surtout sur la question du foncier rural dont les conséquences ont été dramatiques dans le Centre-Ouest, à l'Ouest et le Sud-Ouest du pays.

Puisant sa source notamment dans l'absence de cadastres et de livres fonciers précis et tenus à jour tant au plan national qu'au niveau régional, le problème du foncier rural constituera pendant encore longtemps une cause de conflits durables.

Avant 1998, les propriétés rurales n'étaient pas réglementées autrement que par la tradition. Les terres étaient cédées selon les règles coutumières dominées par l'oralité. Cette absence de recours à l'écrit constitue également une autre source de contentieux susceptible de dégénérer surtout dans un contexte qui s'y prête particulièrement.

Ainsi, les contestataires politiques et sociaux beaucoup plus avertis s'en sont servi comme instrument politique au détriment de la population.

En effet, cette loi de 1998, en substance, consacre le principe selon lequel seules les personnes ayant la nationalité Ivoirienne peuvent être propriétaires et acheter des terres du domaine rural, bloquant ainsi la procédure traditionnelle et coutumière de transmission à leur descendance d'héritage des personnes non ivoiriennes mais propriétaires.

La loi du 23 décembre 1998, relative au domaine du foncier rural a encore compliqué davantage une situation qui l'était déjà suffisamment.

En effet, cette nouvelle loi stipule en son alinéa 1er que seuls l'État, les collectivités publiques et les personnes physiques ivoiriennes sont admis à en être propriétaires.

Il en résulte que, s'il n'y a pas de problème particulier en ce qui concerne les nationaux ivoiriens, il n'en est pas de même en ce qui concerne les étrangers selon qu'ils ont acquis ou non la propriété avant la loi du 23 décembre 1998.

Pour les étrangers ayant acquis un droit de propriété avant la loi du 23 décembre 1998, dans la mesure où cette loi ne rétroagit pas leur droit de propriété leur est acquis. Néanmoins ils ne pourront en aucun cas céder ces droits au profit d'un autre étranger, fut-il leur propre enfant. Ce dernier dispose d'un délai de trois ans pour céder à son tour cette propriété, soit à l'État, soit à une collectivité publique, soit à une personne physique ivoirienne (article 26 de la loi).

Une telle situation crée des frustrations contribuant à exacerber les tensions.

Après la loi du 23 décembre 1998, les étrangers ne peuvent certes plus acquérir un droit de propriété sur le domaine foncier rural, mais peuvent toujours être locataire.

Néanmoins, cette situation peut être précaire s'il s'agit d'une terre du domaine coutumier non immatriculé dans le délai de trois ans à compter du certificat foncier ou même sans certificat foncier exigé à l'article 4 de la loi foncière du 23 décembre 1998.

Comme on peut le voir, cette nouvelle loi donne une importance encore plus cruciale à la question de la nationalité ivoirienne revendiquée par un très grand nombre de personnes, cependant que d'autres la leur contestent.

Par ailleurs, un recensement de toutes les terres rurales et l'établissement d'un cadastre national complet et à jour ainsi qu'un livre foncier tant au niveau national qu'à celui des collectivités locales paraissent indispensables et urgents.

Enfin, et sans que cette énumération ne soit exhaustive, l'absence de police et d'organes judiciaires pour arbitrer les conflits dans la plupart des régions rurales, constitue également une des causes de l'emploi de la violence en cas d'échec des conciliations coutumières.

Aussi, dans les différentes négociations faites dans l'espoir de trouver une issue à cette crise profonde entre les Ivoiriens, les questions constitutionnelles, de nationalité et foncière, constituent la toile de fond de tout apaisement du conflit.

[modifier] Avenir économique de la Côte d'Ivoire : découverte de nouvelles richesses
Outre le cacao et le café, dont la Côte d’Ivoire est respectivement le 1er et le 10e producteur mondial, produits desquels dépend plus du tiers de la population ivoirienne, le pays est aussi l’un des principaux producteurs de coton en Afrique subsaharienne. Cependant, l’activité extractive, en particulier du pétrole, du gaz, des diamants et de l’or, occupe une place importante de l’économie. Il en va de même pour l’industrie agro-alimentaire et la transformation des matières premières (café, cacao, blé, fruits, oléagineux), l’industrie textile et celle du caoutchouc, ainsi que d’autres industries (plastique, emballage, chimie, pharmacie, tabac, bois, des matériaux de construction) et le tourisme.

La crise débutée en septembre 2002 a porté un sérieux revers à l’économie ivoirienne. En effet, à l’exception de la production de pétrole brut et de gaz, le conflit a provoqué un véritable choc sur pratiquement l’ensemble des secteurs et notamment l’agriculture d’exportation. La production du cacao et du café a souffert du déplacement de la population des zones de production, tandis qu’au nord, l’économie cotonnière, également perturbée par ces mouvements forcés de population, s’est trouvée confrontée à des difficultés d’écoulement vers les usines et les ports d’exportation au sud. Pour ce qui est d’autres activités, telle que la production des diamants, selon certaines sources elle serait l’objet d’un détournement vers des zones frontalières, alors que l’extraction aurifère se trouve réduite aux gisements dans la région sous contrôle gouvernemental.

En fait, les petites et moyennes entreprises, comme celles de grande capacité, sont essoufflées. L’ensemble des activités tourne au ralenti et certaines se sont arrêtées, alors qu’une bonne partie des produits ne peut pas être évacué ou il est parfois volé. Cette situation est aggravée par la pratique systématique de barrages et du racket aussi bien au sud que au nord, dont l’impact financier se chiffrerait quotidiennement, selon diverses sources, à plusieurs millions de Fcfa. Une grande partie de la population, notamment au nord et à l’ouest, qui disposait d’électricité n’en dispose plus ou rarement. Il en est de même pour le réseau téléphonique, les structures médicales, éducatives, judiciaires, bancaires et autres.

Le délabrement économique s’est traduit par une détérioration aussi sensible au sud du pays où, malgré un certain dynamisme, la population se trouve de plus en plus confrontée à la pénurie, le chômage, l’absence de protection sociale et de soins. La population rurale qui représente plus de la moitié de la population ivoirienne se trouve confrontée à une paupérisation plus que progressive, tandis que le secteur urbain, environ 43 %, voit sa proportion de chômeurs et autres sans emploi croître progressivement. Certains estiment le taux de chômage du pays au delà de 30 %, mais dans certains régions il serait encore bien plus élevé.

La Commission a reçu des témoignages faisant état d'éléments qui peuvent faire croire à un certain optimisme quant à l'avenir économique de la Côte d'Ivoire. Il serait notamment question de découvertes de puits de pétrole [10] et que la réserve serait proche de celle du Koweït et qu'ainsi, la Côte d'Ivoire pourrait devenir le deuxième producteur africain de pétrole après le Nigeria.

Au surplus, il serait question, toujours selon ces témoignages, du pétrole "vert", lequel serait très prisé.

À côté du pétrole, on aurait également découvert, selon des témoignages, du gaz entre San Pedro et Sassandra, la réserve en permettrait l'exploitation pendant un siècle.

D'autres ressources existeraient aussi tel l'or, les diamants outre des métaux qui sont actuellement utilisés dans la fabrication de satellites.

Selon cette source, la guerre en Côte d'Ivoire serait liée à cet état de choses et aurait pour but, soit d'empêcher, ou tout au moins, certains groupes à profiter de l'exploitation de ces nouvelles richesses ivoiriennes, soit entretenir le désordre dans le pays, car un tel contexte favorise l'exploitation sans contrôle des produits existants.

[modifier] Violations des droits de l'homme
Dans le présent rapport, la Commission a jugé bon de faire refléter seulement les violations les plus graves des droits de l'homme, du droit international humanitaire et des crimes contre l'humanité qui ont été constatées.

[modifier] Les droits civils et politiques
[modifier] Droit à la vie
[modifier] Exécutions sommaires des personnalités politiques et militaires
Exécution du général Robert Gueï, de son épouse et de sa garde rapprochée
Des témoignages concordants établissent que dans la journée du 18 septembre 2002, un mouvement suspect a été observé dans le camps militaire de Akouedo à Abidjan comme si quelque chose se préparait. Un témoin a déclaré à la Commission que ces préparatifs concernaient Robert Gueï qui allait connaître des problèmes dans les heures qui allaient suivre. D’autres témoins ont indiqué à la Commission le nom du conducteur ainsi que l’identité du char « Comoé », le même qu’on retrouvera chez Alassane Ouattara et Adama Tongara (Maire d’Abobo) la nuit du 18 au 19 septembre 2002.

Le 19 septembre 2002 vers 3 heures du matin, lorsque les premières attaques ont été lancées sur la ville d’Abidjan, le personnel de maison qui était en service ce jour a contacté le général Gueï pour l’informer des tirs. Vers 4 heures 30 du matin, le général Gueï est descendu de sa chambre en compagnie de son épouse et a demandé à son chauffeur d’apprêter la voiture, une Toyota Camry. Selon des témoins, le général Gueï était habillé d’un survêtement jogging de couleur blanche et de babouches. Le général a ensuite dit à son chauffeur que comme on ne sait pas qui tire et sur qui on tire, cela ne valait pas la peine de sortir. Les tirs se rapprochant de plus en plus du portail de la maison, le général Gueï et son personnel se sont réfugiés au garage.

Le général a ensuite envoyé son gardien chercher une échelle à l’aide de laquelle son épouse et lui ont escaladé le mur de clôture de la résidence. Une fois descendus, ils se sont cachés derrière la clôture. Ils y sont restés jusqu’aux environs de 6 heures du matin puis le général Gueï a demandé à son épouse de retourner à la maison. Resté seul dans sa cachette, il a appelé sa femme vers 9 heures du matin pour lui dire qu’il était en train de se rendre à la cathédrale et qu’il fallait qu’elle avertisse les gens de la cathédrale afin qu’on puisse lui ouvrir le portail. Selon des sources concordantes, Robert Gueï s’est effectivement rendu à la Cathédrale d’Abidjan située non loin de sa résidence en vue d’y trouver refuge. Il a été accueilli par un membre du clergé dont la haute hiérarchie de l’église catholique en Côte d’Ivoire a refusé de révéler l’identité à la Commission. Ce membre du clergé a informé ses supérieurs de la présence de Robert Gueï à la Cathédrale.

Le ministre d’État, ministre de la défense et de la protection civile, Moïse Lida Kouassi, qui était en charge de la gestion de la crise du 19 septembre 2002 jusqu’au retour de Rome du chef de l’État, a reconnu devant la Commission avoir reçu un coup de fil de la Cathédrale. Il s’agissait selon lui d’une personne, dont il ignore le nom, se présentant comme le Secrétaire général de l’archevêché qui l’a appelé dans la matinée du 19 septembre (il ne se souvient pas de l’heure exacte), pour l’informer qu’un groupe de militaires s’était rendu devant la cathédrale et, exigeaient d’entrer afin de rechercher le général Gueï. Le Secrétaire général de l’archevêché a demandé à Lida Kouassi d’ordonner aux militaires de quitter les lieux et de ne pas violer les locaux de la cathédrale. Le ministre d’État chargé de la défense a affirmé devant la Commission avoir ensuite appelé le colonel major Kasarate pour lui demander d’intervenir.

Lida Kouassi a déclaré devant la Commission avoir appris la mort du général Gueï le 19 septembre 2002 vers 9 heures 30 ou 9 heures 45, par l’intermédiaire d’un groupe de soldats. Ces derniers ainsi que des journalistes qui étaient avec lui, parmi lesquels Paul Dokui, se sont rendus sur les lieux et ont contacté Lida Kouassi pour confirmer la mort du général Robert Gueï. Le ministre d’État a fait son premier discours à la nation le 19 septembre 2002 vers 10 heures du matin dans lequel il affirmait que le général Gueï était l’instigateur de la tentative de coup d’État et qu’il avait été tué au cours des combats.

De nombreux témoins qui ont été avec le général Gueï juste avant le jour de sa mort, ou qui connaissaient son emploi du temps les semaines précédant les événements du 19 septembre 2002, ont réfuté la thèse officielle de l’implication du général dans l’organisation du coup d’État. D’après des témoignages concordants, le général Gueï était occupé à réorganiser son parti politique et préparait notamment les élections des bureaux des femmes de l’UDPCI. Il comptait ensuite quitter Abidjan pour retourner dans son village.

À la vue des images du corps du général Gueï qui ont été présentées sur les écrans de la télévision ivoirienne le 19 septembre 2002, l’observateur a difficilement l’impression qu’il commandait des opérations militaires. Des témoins qui ont également regardé à la télévision ce jour là ont déclaré avoir remarqué que les souliers que le général Gueï portait étaient différents des babouches qu’il avait lorsqu’il a quitté la maison pour aller trouver refuge à la cathédrale. Le survêtement était également différent car celui qu’il portait en sortant de la résidence avait des manches longues contrairement à ce qu’il avait sur lui à la télévision.

Le 19 septembre 2002 vers midi, l’aide de camp du général Gueï, Fabien Coulibaly avait été informé par un de ses éléments de la présence d’un char et d’une voiture 4X4 devant le domicile du général Robert Gueï et en avait fait part à l’un de ses cousins au téléphone. Le char était positionné devant le portail d’entrée. Deux hommes en treillis militaires seraient sortis du char et auraient commencé à tirer vers la résidence du général Gueï. Ils ont ensuite demandé à ceux qui se trouvaient de s’y rendre.

Le capitaine Fabien Coulibaly, l’aide de camp du général Gueï, et les autres gardes se sont rendus sans résistance en obtempérant à l’ordre de l’équipe du «commando» identifiée comme étant des gendarmes dont certains appartenaient à la garde présidentielle. Selon un témoin, Fabien Coulibaly avait en effet confiance en l’officier qui leur avait intimé cet ordre car il le connaissait. Mais après s’être rendu, Fabien Coulibaly et ses compagnons ont été emmenés et tués. Des témoignages concordants font état de violences commises sur madame Gueï ainsi que sur une autre femme qui se trouvait à la résidence au moment de l’attaque. Madame Gueï aurait ensuite été abattue par l’un des militaires qui se seraient livrés à des scènes de pillage de la résidence de Robert Gueï, emportant tous les objets de valeur. L’un des éléments ayant pris part à cette opération a utilisé la voiture de madame Gueï, une Toyota Camry, pendant près de deux ans, sans plaque d’immatriculation, après l’avoir repeinte en bleu (alors qu’elle était grise à l’époque où elle était entre les mains de Madame Gueï).

La Commission a eu l’occasion de voir les dépouilles de Robert Gueï et de son épouse Rose Gueï qui se trouvent encore à la morgue de Treichville, à Abidjan. Elle a pu constater que Robert Gueï et sa femme portaient de traces des balles dont les détails sont consignés dans le rapport d’autopsie du médecin légiste qui a assisté la Commission. Rose et Robert Gueï ont été abattus de balles notamment tirées à la tête et logées dans leur corps à partir d’une position qui indiquerait que les deux victimes se trouveraient par terre ou accroupies. Le médecin légiste qui a accompagné la Commission lors de cette visite à la morgue, a confirmé cette version.

Exécution du ministre d’État Emile Boga Doudou
Dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, aux environs de 4h00 du matin, des individus se déplaçant à bord d’un taxi-compteur et d’une Peugeot 505, ont attaqué la résidence de Boga Doudou, alors ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, située au quartier Deux Plateaux, à Abidjan. Le ministre Boga Doudou a essayé de s’échapper en escaladant le mur de sa résidence pour se rendre dans la cour de son voisin Kanté Koly, où il a été retrouvé et abattu par les assaillants.

Selon les conclusions du rapport d’autopsie du médecin légiste, « le ministre Boga Doudou a été atteint par trois balles de type projectiles de fusils d’assaut : une balle dans le dos, au niveau du thorax droit, une balle tirée dans la tête sous la tempe droite et une balle tirée à la face postérieure du coude droit ». Il « a été également touché par des résidus métalliques d’une déflagration dont l’onde de choc a provoqué des plaies hémorragiques du bassin et de la colonne lombaire ».

Dans la cour de la villa du voisin où le ministre Boga Doudou a été abattu, la police judiciaire a découvert, au bord de la piscine, une mare de sang. Lors d’une descente sur les lieux du crime, la Commission a pu observer trois impacts de balle sur le tronc d’un rônier et plusieurs autres au sol où le corps était tombé. Les agents de la police judiciaire ont trouvé sur place des douilles de munitions de fusil automatique Kalachnikov AK47. Des impacts de balles et d’obus ont été vérifiés par la Commission à divers endroits, notamment à l’intérieur et l’extérieur (guérite, fenêtres, portes murs, véhicules) attestant la violence de l’attaque et la puissance des armes utilisées.

Les agresseurs du ministre Boga Doudou n’ont pas encore été identifiés avec certitude. Néanmoins, il y a quelques indices selon lesquels, un élément de la rébellion, dont le nom a été révélé à la Commission, commandait le groupe qui a attaqué le domicile de Boga Doudou.

Après l’échec de l’attaque sur Abidjan, les rebelles se sont repliés sur Bouaké, dans le centre du pays. L’un d’eux aurait été appréhendé à Yamoussoukro par les forces loyalistes et des effets personnels du ministre Boga Doudou auraient été découverts sur lui.

Il est apparu à la Commission que le ministre Boga Doudou avait beaucoup d’ennemis tant à l’intérieur du régime que dans l’opposition politique et dans l’armée. Le projet de réforme de la police lui avait valu beaucoup d’ennemis. Selon un témoin, un jour au cours d’une réunion à l’école de police, des policiers lui ont jeté du gaz lacrymogène à la face. La réforme de l’identification lui a valu l’animosité des groupes d’opposition. Mais des témoignages concordants ont montré qu’il avait également beaucoup d’amis notamment au sein du RDR et pensait qu’il fallait se mettre au dessus des contingences politiques.

D’après les témoignages reçus par la Commission, les assaillants connaissaient bien les habitudes et comportements du ministre Boga Doudou à son domicile pour avoir tiré la roquette sur son bureau et ciblé sa garde robe à partir de son balcon. Ils ont également tiré sur sa chaise, sur la photo de mariage (visant son front) ainsi que sur le costume qu’il portait la veille. Les assaillants ont tiré sur les véhicules de fonction tout en préservant les voitures personnelles du ministre.

[modifier] Evénements survenus les 18 - 19 septembre 2002 à Bouaké et dans la région du Nord
La tentative du coup d’État du 19 septembre 2002 a principalement visé les villes d’Abidjan, de Bouaké et de Korhogo, attaques qui ont été menées presque simultanément et vraisemblablement préméditées.

Lors de la prise de Bouaké, les rebelles ont arrêté une centaine des gendarmes qu’ils ont détenus à la caserne de la 3e légion de gendarmerie. Quelques jours plus tard et plus précisément le 6 octobre 2002, 131 personnes parmi lesquelles 61 gendarmes, 61 enfants ou neveux desdits gendarmes, ainsi que sept autres personnes civiles ont été froidement exécutées alors qu’elles étaient désarmées et enfermées dans des cellules. La Commission a constaté de visu les impacts de balles encore visibles sur les murs à l’intérieur des cellules. De même, la Commission a pu avoir une idée précise de l’endroit où se trouve la fosse commune où sont enterrées ces personnes, victimes d’une exécution extrajudiciaire et sommaire.

Au surplus, les auteurs de ces exactions sont parfaitement identifiables.

Les rebelles se sont également livrés à d’autres exécutions sommaires dans d’autres camps de l’armée, comme par exemple au bataillon de l’artillerie sol-sol (BASS) où les rebelles ont abattu le Colonel Loula à son domicile de plusieurs balles tirées dans le dos, alors qu’il était désarmé.

Par la suite, les soldats loyalistes reprennent la ville de Bouaké et une partie de la population hostile aux rebelles s’est mise à procéder à des exécutions sommaires avec la complicité souvent passive, parfois active des forces loyalistes. Les corps des personnes ainsi sommairement exécutées étaient brûlés puis exposés dans les rues.

Mais lorsque le 8 octobre les rebelles reprennent la ville de Bouaké, le même type d’exécutions sommaires a été appliqué tant sur les forces loyalistes que sur la population civile ayant manifesté son soutien.

Le nombre de morts au cours de ces journées est resté extrêmement difficile à quantifier et on ne pourra parvenir à un chiffre approximatif qu’après la fouille de tous les charniers de Bouaké.

À la suite de l’attaque sur Bouaké, les rebelles ont ouvert la prison et libéré tous les détenus. Vingt cinq d’entre eux ont décidé de quitter la ville et se sont dirigées vers le Nord ; arrivés à Diabo, ils cherchent à manger et à boire. Craignant que les anciens détenus ne se livrent à des pillages, les habitants de la sous-préfecture de Diabo les appréhendent et les conduisent devant le chef de canton de Bro, Kouamé Yéman Léonard, aujourd’hui âgé de 84 ans.

À la demande de tous les notables convoqués à cet effet, le chef de canton a confié les anciens détenus à un groupe de jeunes dirigés par un certain Didier Kouadjo Koffi dont le père est sergent dans la Police, afin de les accompagner pour les mettre sur le chemin de la route goudronnée menant vers le nord.

Arrivés au niveau du village d’Adiekro, le groupe de jeunes a massacré les anciens détenus dont seuls quatre ont pu s’échapper.

La Commission a localisé très précisément le charnier et versé au dossier le procès verbal du médecin légiste et du Commissaire de police CIVPOL ayant procédé aux opérations techniques.

Au début du mois de novembre, les rebelles se trouvant à Bouaké ont débarqué au village Sémien qu’ils ont encerclé puis ont commencé à tirer en visant particulièrement les jeunes.

Cette descente des rebelles sur le village de Sémien a eu pour conséquences :

35 civils tués ;
Des maisons pillés et incendiées et
Le cacao dans les plantations pour partie brûlé et pour l’autre enlevé.
Quelques mois plus tard, l’armée gouvernementale a procédé aux bombardements dans la localité de Minankro. La Commission a fait procéder à des prises photographiques de l’environnement menant au site des ossements humains.

Ces lieux sont situés près du quai du bac et ont été la cible de l’attaque aérienne lors des événements du 31 décembre 2002.

La Commission a également fait prélever des restes de projectiles employés pour l’attaque et qui pourront servir dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Le lieu, objet de l’attaque aérienne, est situé en bordure d’eau dans la localité de Menakro et l’attaque a visé un bateau de type traversier, une sorte de bac.

La Commission signale également que la plupart des maisons désertées par leurs habitants et propriétaires, ont été pillées puis saccagées massivement, donnant ainsi l’impression de désolation.

Le produit de ces pillages a été vendu dans les pays voisins, et en particulier au Mali dans un lieu dénommé « Merci Côte d’Ivoire

[modifier] Autres assassinats politiques
La Commission a recueilli de nombreux témoignages faisant état des assassinats ciblés de personnes enlevées le plus souvent à leurs domiciles à Abidjan, suite aux événements du 19 septembre 2002. Le 20 septembre 2002, Aboubacar Dosso, aide de camp de Alassane Dramane Ouatarra, a été abattu à Abidjan, par des individus non identifiés en tenues militaires. Le 11 octobre 2002, le nommé Adama Cissé, responsable RDR de M’bahiakro, a été arrêté par des gendarmes et serait décédé le jour suivant de suite de blessures subies pendant sa détention.

Vendredi 18 octobre 2002, vers 14h40, Coulibaly Lanzeni et Coulibaly Seydou, deux membres de la famille du Secrétaire général du RDR, Amadou Gon Coulibaly, ont été abattus au cimetière de Williamsville par des membres des forces de l’ordre. Les victimes assistaient aux obsèques d’une tante de la famille Coulibaly lorsque des individus habillés en treillis sont arrivés. Dans la ville de Daloa, le représentant du consul du Mali, Touré Bakary, a été enlevé par des militaires et retrouvé mort dans un marécage à Labia, le 25 octobre 2002. Vers la fin du mois d’octobre 2002, le colonel Ouatara Oyenan a été exécuté car soupçonné de soutenir la rébellion. Le 2 novembre 2002 vers 14h30, Téhé Emile, président du Mouvement Populaire Indépendant, un parti politique proche du RDR, a été enlevé de son domicile par des individus habillés en treillis militaires et fortement armés. Son corps a été retrouvé criblé de balles sur l’autoroute du nord, à la hauteur de Banco.

Le 6 novembre 2002, quelques jours après l’annonce de la défection de Louis Dacoury-Tabley du parti au pouvoir, le Front Populaire Ivoirien (FPI), pour rejoindre les rangs du Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), son frère, le docteur Dacoury-Tabley Benoit, a été enlevé dans sa clinique située aux Deux Plateaux à Abidjan par des hommes en tenue militaire et retrouvé mort sur la route de la MACA. Le lundi 9 décembre 2002, Coulibaly Souleymane, 2e vice-président, et Diomandé Soualiho, Secrétaire général de la Jeunesse de l’union pour la démocratie et pour la paix ont été enlevés par des individus armés au sortir d’une réunion au siège de leur parti politique situé sur le Plateau à Abidjan. Le vendredi 13 décembre 2002, les deux responsables politiques ont été retrouvés morts dans la zone entre Agou et Adzopé.

Le 2 février 2003, vers 21 heures 45, des individus en treillis militaires roulant dans deux voitures, une 4X4 et une BMW seraient arrivés au domicile de Camara Yerefin situé à Yopougon Sideci. La victime, un artiste populaire connu sous l’appellation de «H», a été enlevée et abattue. Le mercredi 23 juin 2004, Dodo Habib, Secrétaire général de la Jeunesse communiste de Côte d’Ivoire (JCOCI), a été enlevé au domicile de monsieur Ekissi Achi, leader du Parti communiste révolutionnaire de Côte d’Ivoire, situé à Yopougon Kotibet, et assassiné par des présumés membres de la Fédération Estudiantine de Côte d’Ivoire (FESCI).

Cette liste de cas d’exécution sommaires d’individus pour des raisons politiques est loin d’être exhaustive et est simplement donnée à titre d’illustration. Au total, le Mouvement ivoirien des droits de l’homme a pu documenter environ trois cents assassinats suite aux événements du 19 septembre 2002.

[modifier] Charniers et massacres
La Commission a également pu constater l’existence d’exécutions de masse ayant souvent débouché sur la constitution de charniers. La cartographie des charniers et massacres en Côte d’ivoire suite aux événements du 19 septembre 2002 (voir annexe) montre que les principaux sites de charniers ont été identifiés dans des localités comme Toulepleu, Danané, Man, Bangolo, Monoko-Zohi, Daloa, Abidjan, Bouaké, Korhogo et Odiénné.

Dans la période du 6 au 9 octobre 2002, un charnier constitué des deux fosses a été signalé dans le cimetière communal de Dar-es-Salam à Bouaké. Des témoins crédibles ont affirmé devant la Commission que ce charnier contiendrait environ quatre vingt dix corps parmi lesquelles quarante huit gendarmes et trente sept membres de leurs familles ainsi que sept autres civils détenus qui ont été abattus par les forces rebelles au cours d’une série d’incidents survenus à la prison du 3e bataillon d’infanterie de Bouaké en octobre 2002.

Selon un témoin rencontré à Bouaké, « vers 18 heures dans la période du 6 au 9 octobre 2002, quatre voitures sont arrivées au cimetière communal de Dar-es-Salam pour déposer des corps. J’étais avec un ami en bordure de la route qui mène à ce cimetière. Au passage du convoi, il y avait une très forte odeur de cadavre. J’ai regardé deux fois vers le convoi, et j’ai vu qu’il y avait des corps entassés dans les camions sur plusieurs niveaux. Il y avait des corps nus et d’autres habillés. J’estime qu’il y avait une cinquantaine de cadavres par camion. Au cimetière, il y avait deux fosses déjà creusées d’environ 15m2 chacune. Elles se trouvent à environ 60 m de la maison du gardien. L’odeur y était très forte. Les corps étaient en décomposition. »

Vers le 5 décembre 2002, un charnier a été découvert à Monoko-Zohi, dans le secteur de Dania, au sud de Pélézi. Il était composé d’un monticule de terre d’un mètre de hauteur pour un diamètre compris entre cinq et dix mètres ainsi que deux puits contenant tous trois des restes humains. Selon des témoins, les victimes seraient au nombre de 120 environ et seraient des travailleurs immigrés en service dans les plantations de café et de cacao de la région. Ils auraient été exécutés par les FANCI lors de l’offensive sur Dania entre les 26 et 28 novembre 2002. Des hommes armés habillés en treillis militaires et transportés dans des camions avec des plaques d’immatriculation du gouvernement ivoirien sont arrivés dans le village et ont commencé à tirer en l’air. Ils se sont rendus dans le quartier des étrangers où vivaient non seulement des Burkinabé, Maliens, Guinéens et Nigérians, mais aussi des Ivoiriens originaires d’autres régions. D’après des témoins, les militaires sont arrivés avec une liste de noms et auraient accusé les villageois de soutenir la rébellion. Dans un reportage de la BBC, un témoin affirme que « les soldats tuaient certaines victimes là où ils les trouvaient et en rassemblaient d’autres pour les exécuter ensemble…certains avaient la gorge tranchée. » [11]

Dans la nuit du 6 au 7 mars 2003, au cours d’une brève reprise de la ville de Bangolo par les Libériens du LIMA, combattants auprès des forces gouvernementales, des populations civiles ne participant pas aux hostilités ont été massivement exécutées. Des témoins présents sur les lieux avancent le chiffre de 200 morts qui n’a pu être vérifié. La Commission a reçu une cassette vidéo montrant un très grand nombre de cadavres principalement civils, y compris des femmes et des enfants, jonchant les rues et les pièces des maisons. Plus de 60 dépouilles ont été observées pendant la courte visite des observateurs internationaux effectuée sur les lieux le 7 mars 2003. Il est donc à craindre que beaucoup plus de cadavres soient à dénombrer. Le quartier qui semblait le plus visé serait le quartier majoritairement peuplé par des populations originaires du nord de l’ethnie Dioula. Dans cette zone, femmes, hommes et enfants ont tous été exécutés dans leurs maisons. Plusieurs morts avaient les mains attachées dans le dos. Plusieurs femmes nues auraient été violées puis égorgées. Les cadavres d’hommes étaient déculottés à des fins d’humiliation.

Le 5 octobre 2003, à la sortie nord de Duékoué, en direction de Man, un charnier à ciel ouvert a été découvert. Le site est situé en bordure immédiate de la route, sur le coté droit, au pied d’un petit pont enjambant un ruisseau. D’après des témoins, il s’agissait d’un tas de cadavres humains, en état de décomposition avancée. Les squelettes sont disloqués, il était possible de compter au moins huit crânes dont cinq dans l’eau à la verticale du pont. Le nombre de corps serait de onze. Des morceaux de vêtements étaient encore visibles. Selon des témoins, ce site est connu depuis, au moins, avril 2003.

Suite aux représailles et opérations de ratissage menées après les combats de la nuit du dimanche 20 juin au lundi 21 juin 2004, à Korhogo, entre deux factions de la rébellion, trois charniers ont été découverts le samedi 26 juin 2004. Le site le plus important a été localisé à l’ouest de la carrière de Korhogo. L’ ONUCI a été informée de la découverte de ce charnier et une mission d’enquête a été dépêchée sur place ; elle a constaté que les corps des victimes étaient toujours en place mais enterrés au fond du ravin. Les outils ayant servi à creuser la fosse dont trois pelles portant l’inscription « corve GIS » ont été retrouvés cachés dans le buisson [12]. Avec l’accord des Forces armées des forces nouvelles, l’exhumation des corps a été faite à partir du 5 juillet 2004 et au total, 99 cadavres seulement ont été retrouvés.

Selon le rapport de cette mission d’enquête de l’ONUCI, les premières constations permettent de tirer trois conclusions :

La presque totalité des corps découverts sont ceux d’hommes adultes ;
La grande majorité des corps découverts étaient nus ;
La majorité des corps découverts ne sont pas morts d’une mort violente causée par des armes à feu. Trente et un corps présentaient des blessures dues à des armes à feu. Deux corps présentaient des blessures dues à des objets contondants alors que les soixante six autres corps ne présentaient aucune blessure similaire.
D’autres charniers ont également été signalés dans la ville de Korhogo ou dans ses environs, notamment dans la Compagnie territoriale de Korhogo (CTK). Mais jusqu’à présent, ces informations n’ont pas été confirmées.

La Commission a reçu des témoignages concordants sur des découvertes de corps dans un état de décomposition avancée rendant difficile toute identification et d’éventuelles enquêtes sur les circonstances de la mort. Dans de nombreux cas, ce sont des squelettes qui sont découverts dans la brousse ou au bord de la route. La Commission juge nécessaire de rendre compte de ces situations car même si tous les cas sont loin d’être élucidés, ils rendent néanmoins compte de la gravité des atteintes au droit à la vie.

Les découvertes macabres dans les localités suivantes ont été signalées à la Commission (voir carte des découvertes macabres en annexe) :

le 23 juin 2003, à Yaopleu, entre 10 heures et 18 heures, sept cadavres en décomposition avancée dont la mort remonterait à plus d’un mois, ont été découverts sur l’axe principal entre Danané et Zouan-Hounien ;
le 23 juin 2003, à Zouan-Hounien, deux cadavres ont été découverts dans un puits et le 4 juillet 2003, un autre corps a été découvert dans un autre puits ;
le 13 juillet 2004, à Bouaké, à la sortie ouest de Bouaké sur la route de Diablo, un cadavre de sexe masculin, criblé de balles et la tête explosée, rendant impossible toute identification, a été découvert. Des coups de feu ont été entendus par la population dans la nuit de vendredi à samedi provenant de cet endroit.
[modifier] Disparitions forcées et enlèvements
Tant les forces loyalistes comme les rebelles ont été les auteurs des enlèvements, même si le nombre des victimes est difficile à préciser.

Depuis les événements de septembre 2002, les disparitions forcées comme les enlèvements étaient une pratique courante de tous les belligérants de la crise en Côte d'Ivoire. La Commission a reçu de nombreux témoignages, de même que les parents des victimes qui imputent la responsabilité de ces crimes (enlèvements et disparitions forcées) aux « Escadrons de la mort ». Bien que l’existence de ces escadrons soit contestée notamment par ceux à qui leur paternité est attribuée, de nombreux témoignages et des sources concordantes ont porté à la connaissance de la Commission l'existence en Côte d'Ivoire des groupes de militaires, de la Police, de la gendarmerie ou des civils armés, souvent en uniforme, qui sont désignés pour des missions spéciales de tuer ou d'enlever des personnes gênantes pour le régime, ou soupçonnées d'être dangereuses. Ils peuvent agir le jour, mais ils agissent généralement la nuit, malgré les barrières et barrages, les contrôles militaires et le couvre-feu.

Les Ivoiriens originaires du Nord ou ceux qui sont d'origines burkinabée ou malienne ont été les principales victimes, car ils ont été assimilés aux rebelles. Ces personnes ont longtemps vécu dans la psychose des enlèvements, certains ayant été obligés de s’exiler ou de quitter leurs domiciles. Cela a eu pour conséquence le déplacement massif des populations. C’est ainsi que la Commission a reçu, dans les pays limitrophes, le témoignage de plusieurs femmes qui ont du quitter la Côte d'Ivoire suite à la disparition de leurs maris. De même, plusieurs enlèvements des femmes par des forces loyalistes et des combattants rebelles ont aussi été signalés à la Commission.

La Commission a constaté l’indifférence et la passivité de différents agents de l’ordre et des services judiciaires face à ce phénomène. Les seules affaires jusque-là portées à la connaissance de la police et du Procureur de la République n’ont pas encore eu de suite, à l’exception de l’affaire concernant le correspondant de RFI, Jean Hélène. Plusieurs autres cas de disparitions forcées ont été portés à la connaissance de la Commission notamment celui du journaliste Guy André Keiffer, de Koné Mamadou, nordiste assimilé aux rebelles et dont on a jamais retrouvé le corps. La Commission a aussi appris la disparition de Koumoin Kouamé Bakary, vice-président du Conseil général et adjoint au maire de Prikro, ainsi que celle de son frère Brahima Ouattara, le 20 novembre 2002, à Bassawa. Par ailleurs, la majorité des partis politiques d’opposition ont soumis à la Commission, des listes de leurs membres et militants portés disparus et dont ils attribuent l’enlèvement aux milices et forces parallèles liées au régime.

[modifier] Droit à l'intégrité physique
La Côte d'Ivoire est partie à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948. Non seulement cet instrument juridique exprime la volonté des États signataires mais aussi leur engagement de prévenir de commettre les actes de barbarie. La Commission a eu connaissance des violations graves des droits de l’homme, notamment des exécutions sommaires, détentions arbitraires, des tortures, des traitement cruels inhumains et dégradants, des arrestations arbitraires et rafles, des intimidations et persécutions.

[modifier] Détentions et arrestations arbitraires
La majorité des personnes trouvées dans les lieux de détention visités par la Commission ignoraient le motif de leur incarcération. Certains ont été emprisonnés pour avoir été soupçonnés d’être espion des rebelles ou d’avoir soutenu les assaillants ; d’autres parce que ramassés lors de différents ratissages et d’autres encore parce qu’ils ont été appréhendés sans pièce d’identité.

Lors de la visite effectuée le 14 septembre 2004 à la Direction de la surveillance du territoire (DST), la Commission a constaté la détention d'environ onze personnes accusées d'appartenir aux rebelles. Certaines de ces personnes séjourneraient à la DST depuis le 10 janvier 2004 alors que, conformément à l’article 63 du code de procédure pénale ivoirien, le délai de la garde à vue est de 48 heures renouvelable sur avis du Procureur de la République ou du juge d'instruction. Ce délai de garde à vue peut seulement être porté à un mois en cas d'atteinte à la sûreté de l`État. Les raisons données à la Commission par le directeur général de la DST pour justifier cette détention étaient que les procès-verbaux ne seraient pas terminés.

Les mêmes abus et manquements ont également été constatés dans la zone occupée par les Forces Nouvelles. L’explication donnée par les différents responsables rencontrés serait que les tribunaux ne fonctionnaient plus à cause du départ des magistrats vers Abidjan.

Très illustratifs de la situation, sont les mots prononcés par un chef rebelle devant la Commission, lors d'une de ses visites au Nord du pays : "Il n‎'y a pas de parquet pour l'instant ; nous jouons nous-mêmes le rôle de magistrat. Quand nos éléments commettent des erreurs on les prend et on les met en prison. Moi-même je les interpelle, je les entends et la sanction est liée à la faute commise. Parfois je leur donne une deuxième chance. Ça dépend…"

La Commission a aussi constaté que dans cette même région du pays, certains prisonniers sont détenus chez le commandant de zone, le commandant de secteur ou le préfet de police.

[modifier] Tortures et traitements cruels, inhumains et dégradants
Des actes de torture sont interdits par de nombreuses conventions internationales relatives aux droits de l’homme, spécialement l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'article 2 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et l'article 5 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Cependant, plusieurs personnes ont été victimes de ces pratiques interdites depuis le déclenchement de la guerre en septembre 2002 et cela tant du côté des rebelles que du côté gouvernemental.

La Commission a été informée de l'agression dont les représentants des confessions religieuses ont été victimes.

Un témoin a déclaré à la Commission qu'un jour, il a été emmené au camp militaire de la base aérienne de Bouaké, où il a été frappé et privé d'eau et de nourriture.

Une femme d'origine burkinabée a signalé qu'elle a été bastonnée par des éléments des forces loyalistes qui sont rentrés chez elle. Elle en a encore des cicatrices.

Un homme d'origine burkinabée a expliqué à la Commission qu’en 2002, lorsqu'il se trouvait chez lui dans un des quartiers de Yopogon, d’Abidjan, des militaires ont forcé la porte de sa maison, l'ont menotté et bastonné. Ils ont emmené ses deux enfants qui, au moment du témoignage, étaient toujours portés disparus. En outre, ils ont pillé sa maison.

Une jeune femme a aussi témoigné qu’un groupe de femmes dont elle faisait partie a été obligé de rester pendant deux semaines dans une cellule d’un camp militaire, avec les corps de ses parents tués. Elles ont ensuite été forcées d'enterrer ces corps. La même femme a signalé avoir été violée et forcée à boire de l'urine et du sang.

La Commission a appris que lors des événements de Korhogo en juin 2004, les personnes qui avaient été enfermées dans le conteneur de la CTK devaient lécher leur propre transpiration parce qu’elles n’avaient rien à boire.

Une femme a expliqué à la Commission la mort de son mari coupé en petits morceaux par des mercenaires libériens qui auraient aussi égorgé toute une famille.

Une autorité a témoigné à la Commission du cas d’une femme qui a été obligée de cuire et de manger la main de son mari, tué par des mercenaires libériens.

La Commission a aussi reçu l’information sur un jeune homme qui a été obligé d'avoir des rapports avec sa propre mère. Cette dernière a supplié son fils d’accepter pour avoir la vie sauve. Après l’acte, la mère a été abattue sur le champ et le fils obligé de boire le sang de sa mère.

D'autres témoins ont rapporté que des parents ont été arrêtés, déshabillés devant leurs enfants, obligés de marcher à quatre pattes et de traverser le village tout nus pour ensuite être abattus.

D'autres personnes ont témoigné avoir été victimes d'exécutions simulées ou des menaces de mort réitérées.

La plupart des corps retrouvés dans des charniers étaient complètement nus, d’autres amputés de certains membres, ce qui laissait croire aux tortures atroces et aux humiliations subies par les victimes avant de mourir.

Les cicatrices observées sur bon nombre des victimes de la torture ainsi que des photos et cassettes vidéo reçues par la Commission témoignent de l’ampleur et de la pratique généralisée de la torture tant du côté des rebelles que du côté des forces gouvernementales.

[modifier] Droit à la sécurité de la personne
La première chose qui frappe en Côte d'Ivoire est le nombre de barrages qu'il y a, même à l'intérieur des quartiers. Cependant, la sécurité des citoyens ivoiriens n'en est pas plus sauvegardée, bien que l’article de la loi fondamentale ivoirienne déclare « la personne humaine est sacrée » et l'article 4 que « le domicile est inviolable. Les atteintes ou restrictions ne peuvent y être apportées que par la loi ». La terreur se lit sur les visages et le comportement de certains Ivoiriens et de certaines communautés qui ont été persécutées et continuent encore à l’être dans des quartiers tels Anyama, Abobo, Adjame, Williamsville et Port-Bouët. Les braquages se sont multipliés et se font en plein jour, depuis septembre 2002. Les prisons ont été cassées, ce qui a permis à beaucoup de délinquants et criminels de s'échapper et d'opérer en toute tranquillité avec quelques éléments des forces de sécurité. Les villages et villes de l’intérieur ne sont pas en reste.

Au sujet des milices, la Commission a recueilli un grand nombre de témoignages prouvant l’existence des milices en Côte d’Ivoire. Ces milices existent aussi bien à Abidjan que dans les régions de l'Ouest et du Centre ; elles ont commis beaucoup d'exactions. Le recrutement des miliciens se fait généralement dans les milieux des jeunes. La "Sorbone", lieu de rencontre, situé au Plateau à Abidjan en serait un. Parmi ces milices, la Commission a eu des informations sur les « Jeunes patriotes » dirigés par Charles Blé Goudé et Serge Kuyo. Ces deux milices opéreraient essentiellement à Abidjan. Selon les témoignages, les Jeunes patriotes prépareraient, à Port-Bouët, à Cocody, à Yopougon et dans plusieurs autres quartiers d'Abidjan, appelés "les endroits de la résistance", les attaques dirigés contre leurs cibles. Ils s’entraîneraient sous l’autorité des éléments des forces armées ou de la police. À Abidjan également, le lycée Marie-Thérèse Houphouët-Boigny a été signalé comme un lieu d’hébergement des milices.

Plusieurs opérations des « Jeunes patriotes » ont été organisées à la suite des décisions politiques prises par le président Laurent Gbagbo. Après le discours du 17 mai 2004, ce dernier a annoncé la suspension des ministres démissionnaires du gouvernement et déclaré que les rebelles devaient quitter l’hôtel Golf, où ils habitent. Par la suite, les jeunes patriotes de Cocody et les étudiants de la FESCI ont attaqué le Lycée français. Ils portaient des tee-shirts marqués du sigle de la FESCI. Ensuite, le mouvement s'est généralisé et ils ont attaqué les passants essentiellement des Blancs. Ils ont volé des téléphones portables, des porte-monnaies et attaqué des voitures. Ils étaient protégés par la police qui interdisait le passage aux gens pour leur permettre de manifester en toute tranquillité.

Les manifestations organisées par les Jeunes patriotes sont en général violentes et accompagnées de pillages. C'était le cas de la manifestation qui a eu lieu le 9 mars 2004 devant le Palais de Justice au Plateau.

Selon des témoignages crédibles, les Jeunes patriotes ont arrêté, à Yopougon le 30 août 2004 au soir, un ivoirien âgé de 55 ans. Ils étaient des dizaines à crier " À mort "! Ils ont ensuite traîné leur victime jusqu'au poste de police le plus proche où cette personne a été détenue. La Commission a aussi appris que ces miliciens auraient tué au cours de la même semaine une autre personne, la police ayant refusé de la garder en détention.

La Commission a recueilli de nombreux témoignages selon lesquels les communautés religieuses ou étrangères notamment la communauté musulmane ainsi que toute personne susceptible de gêner le pouvoir sont les cibles des milices.

Au moment où la Commission était encore en Côte d'Ivoire, les Jeunes patriotes et les éléments de la FESCI ont attaqué les voitures des Nations Unies le ……2004. Ils ont agi de même lors de la publication du Rapport de la Commission qui a enquêté sur les évènements des 24 et 25 mars 2004.

La Commission tient à signaler également que Eugène Djué, l'un des chefs d’une branche des Jeunes patriotes, a en toute impunité proféré des menaces de mort à l'égard du représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies dans une interview publiée dans la presse à la fin du mois d'août 2004.

La FESCI a été également citée par de nombreux témoins comme étant une milice dangereuse puisque ses éléments peuvent tuer impunément.

Au sujet, la Commission a notamment eu des témoignages concordants selon lesquels l’étudiant Habib Dodo, secrétaire général de l'organisation de la Jeunesse communiste de la Côte d'Ivoire (JCOCI) a été assassiné le 23 juin 2004 par les membres de la FESCI. De même, quelques dizaines de membres de la FESCI ont attaqué le domicile de Ekisi Achy, secrétaire général du Parti communiste révolutionnaire de Côte d'Ivoire (PCRCI) où résidait Habib Dodo. Ils ont brisé fenêtres, armoires, télévision et volé des bijoux et la somme de 1 600 000 FCFA. Ils ont ensuite emmené Habib Dodo qu'ils avaient déjà sauvagement agressé. D'après les témoins, ils ont obligé des taxis et minibus à les conduire au campus de Cocody. C'est au siège de la FESCI qu'un interrogatoire a eu lieu à la suite duquel la victime fut torturée à mort. Après l'avoir pendu à un arbre, les éléments de la FESCI ont mis la dépouille dans un sac qu'ils ont jeté à côté de la clôture de l'université de Cocody.

À la question posée par la Commission au sujet de l’enquête dans l’affaire Habib Dodo, de hauts responsables de la police à Abidjan ont tout simplement répondu que la FESCI est accusée d’avoir tué Habib Dodo mais qu’il n’y a pas de preuve ! « On a même appelé les gens à l’occasion d’un point de presse à venir nous donner des informations, des noms ! en vain… On s’attaque à la FESCI pour attaquer à travers elle le régime de Gbagbo ! » a répondu l'un des responsables.

La raison de cet assassinat n'est autre que le soutien apporté par Habib Dodo à la création d'un nouveau syndicat estudiantin, l'Association générale des élèves et étudiants de Côte d'Ivoire (AGEECI). Plusieurs autres étudiants ont été victimes de tortures et de violences, ou ils ont été expulsés définitivement de la cité universitaire pour les mêmes raisons. La Commission a eu l'occasion de constater les séquelles de tortures sur l'une des victimes. La FESCI continue de jouir d'une impunité totale, expliquée par nombreux témoins par le soutien dont bénéficie cette organisation des plus hautes autorités du pays.

Les milices font également des victimes dans d'autres régions du pays.

À Yamoussoukro, la Commission a recueilli une documentation et des témoignages qui prouvent que dans cette région, aussi un grand nombre de gens ont été tuées par la milice. "Yamoussoukro est entourée de cadavres. Pendant six mois on a eu plusieurs inhumations par semaine. Il s'agit de personnes tuées par balles !" a déclaré un témoin à la Commission.

Quelques semaines à peine avant la visite de la Commission dans cette ville, quatorze corps ont été découverts dans un charnier. Selon des témoignages concordants, Zambi Antoine Ansèlme, dit Scorpion, serait le responsable de ces crimes.

Un autre témoin a déclaré à la Commission que très souvent les gens ont vu dans la voiture bachée de "Scorpion" des personnes ligotées. Plus tard, ils ont trouvé leurs dépouilles. Zambi Antoine Ansèlme a formé à Yamoussoukro une milice qu'il a appelé "les Scorpions guetteurs". Cette milice a semé la terreur dans toute la région.

Dans les régions de Toulepleu, Duékoué et les environs, une milice conduite par Maho, 3e délégué au maire à Guiglo, attaque les populations d’origine étrangère et tous ceux qui sont soupçonnés d’être des opposants au régime de Gbagbo. De nombreux témoins ont affirmé à la Commission que cette milice procède à des assassinats et des tueries la nuit et durant la période du couvre-feu sans que les autorités policières n’interviennent pour les arrêter ou même pour les décourager.

Le jour où la Commission a effectué une visite d’enquête dans la ville de Duékoué cette milice a attaqué une famille Burkinabé. Le mari a succombé, l’épouse atteinte par balle au niveau de l’épaule et du bras a pu survivre. La Commission a pu vérifier l’information en se rendant à l’hôpital où elle a été transportée.

A Blolequin, la nuit du 23 au 24 septembre 2003, la même milice de Maho, armée et en tenue de combat, aurait abattu huit ressortissants burkinabés dans le campement de Abounakro dans le département de Blolequin. Ils auraient été ligotés et attachés les uns aux autres et mitraillés. D’autres milices ont pu être identifiées tels que le Front Sécurité du Centre Ouest (FSCO), dirigé par Gnatoa Marc Bertrand, le MJG dirigé par Al Moustapha, la SOAF de Yves Dibopieu, ainsi que les GSP, GGR, UPLICI. Toutes les milices qui opèrent en Côte d’Ivoire sont armées. À Gagnoa la FSCO aurait reçu un armement le 19 mai 2003 après l’investiture du commandant Gnatoa Marc-Bertrand et cela devant les autorités politiques, administratives et militaires dans cette même ville. Ces armes, des Kalachnikov, ont été transportées jusqu’à Gagnoa, le 19 mai 2003 à 23 heures, dans un containeur de la Société CIB (Compagnie ivoirienne de bois).

La Commission souligne d’autre part que tous les témoignages concordent concernant l’impunité dont bénéficient les milices.

[modifier] Liberté de circulation
Selon le constat de la Commission et des témoignages, la liberté de circulation en Côte d’Ivoire est à appréhender sous deux angles.

En premier lieu, beaucoup de personnes vivant dans la zone sous contrôle des Forces Nouvelles ou en provenance du Mali et du Burkina Faso doivent faire face à des entraves pour se rendre dans la zone sous contrôle gouvernemental. En juin 2004, ce sont plus de 1000 personnes en provenance du Mali et du Burkina Faso, dont certaines étaient de nationalité ivoirienne, qui se sont vues refuser l’entrée dans la zone Sud par les Forces Armées de Côte d’Ivoire (FANCI). Après avoir stationnées une semaine dans la zone de confiance en attente d’un éventuel déblocage de la situation, ces personnes ont finalement dû repartir d’où elles venaient. La Commission a été informée de la mort de plusieurs personnes en provenance du Nord en raison des sévices subis à des barrages en zone sud, notamment à Yamoussoukro et Toumodi.

En août 2004, un bus de transport public ayant à bord 100 personnes en majorité ressortissants burkinabés et maliensa été arrêté sur l’axe Yamoussokro-Abidjan par les FANCI sur ordre de Philippe Mango. Ces personnes ont été retenues à la préfecture de police de Yamoussoukro pendant cinq jours au moins. Les femmes et les enfants ont été libérés sur l’intervention des notables et les représentants burkinabés ; les hommes ont été acheminés à Abidjan.

En second lieu, l’existence de barrages, tant dans la zone sous contrôle des rebelles que dans la zone contrôlée par les troupes loyalistes, donne lieu à des extorsions d’argent et des biens. Le nombre de barrages varie en fonction de la situation sécuritaire de la localité et de l’intérêt pécuniaire que ladite localité représente. Aussi à bon nombre des barrages, les bus sont soumis à un contrôle strict des passagers et de leurs biens, ce qui donne libre court à des abus.

[modifier] Liberté de la presse
Les efforts du gouvernement de réconciliation nationale pour la mise en œuvre du programme de Linas-Marcoussis l’ont conduit à adopter un projet de loi sur le régime juridique de la presse qui garantit la "liberté de la presse" et supprime les "peines privatives de liberté". Quand bien même l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI) a salué l’adoption de ce texte qui marquera « à coup sûr un tournant décisif dans l’assainissement de l’environnement économique et juridique des entreprises de presse et leur renforcement », la Commission a reçu des témoignages et obtenu des rapports sur certaines exactions à l’encontre des organes de la presse et des journalistes. C’est surtout pour l’année 2003 que le monde ivoirien des médias a connu des moments difficiles pour lesquels les faits suivants ont été portés à la connaissance de la Commission :

Le siège du quotidien « Le Patriote » a été mis à feu à deux reprises ;
Le siège de la radio privée « Nostalgie » a subi le même sort ;
Les "Jeunes Patriotes" ont à plusieurs reprises, déchiré des publications jugées hostiles au pouvoir et cassé des kiosques qui vendaient des publications jugées de l’opposition comme « Le Patriote », « Le Libéral », « 24 Heures », « Le Jour » et « Le Nouveau réveil ». Les livreurs de certains de ces journaux ont été plusieurs fois agressés ;
Les émissions des radios étrangères RFI, Africa Numéro 1 et BBC ont été interrompues à deux reprises ;
Le siège de « Canal Satellites Horizons » a un jour été attaqué ;
Le journaliste Dembélé Vazoumana du quotidien « Tassouman », plus connu sous le pseudonyme de "Recteur", a été enlevé par des hommes en treillis qui l'ont séquestré pendant des jours et ont tiré à bout portant sur ses jambes ;
Ouattara Nagolourgo Jonas, journaliste photographe au quotidien « Notre Voie » a été dépouillé des images qu’il collectait et menacé par les éléments des Forces Nouvelles ;
Tagro Danielle du journal « Le Courrier d’Abidjan » a été agressée par un ministre, pendant qu’elle prenait des images sur l’attaque du Cabinet de ce membre du gouvernement par les étudiants ;
Au cours d’une cérémonie officielle à Yamoussoukro, Diallo Ibrahim, photographe et Charles Sanga, journaliste, tous deux du quotidien « Le Patriote » ainsi que Franck Konaté du journal « 24 Heures » ont été agressés dans l’exercice de leur métier par des éléments de la Garde présidentielle ;
Au moment de la mise en place du gouvernement de réconciliation nationale, un climat de règlement de compte s’est installé à la RTI (Radio télévision ivoirienne). Cela a conduit au limogeage de certains hauts fonctionnaires et journalistes dont Georges Aboké, directeur général de la RTI, Jean-Paul Dahilly, secrétaire général de la RTI, Kpan Victor, rédacteur en chef de la première chaîne, Pierre Ignace Tressia, sous-directeur de l’information à la radio, Aka Francis, Directeur de la première chaîne et Noël Gagno, sous-directeur de l’information télévisée ;
M. Amadou Dagnogo, correspondant de L'Inter, est porté disparu depuis le 28 août 2004 pour avoir rendu compte des dissensions dans les rangs des ex-rebelles ;
Certains journalistes ont fait l’objet de menaces et d’autres manœuvres d’intimidations à cause de leurs écrits ou de leur sympathie politique supposée. Il s’agit notamment de : Dénis Kah Zion du quotidien « Le Nouveau Réveil », Pol Dokui de la radiodiffusion ivoirienne ; Fofana Mambé du quotidien « Soir Info », Dénis Koné du quotidien « 24 Heures » et Koné Seydou de « Le Patriote »..
Le correspondant de RFI en Côte d’Ivoire, Jean Hélène a été assassiné et Guy André Kieffer a été porté disparu dans des conditions non encore complètement élucidées.
Les médias ont eu une place déterminante pour la crise ivoirienne. La presse et les télévisions nationales et internationales ont joué un rôle important sur le déclenchement et déroulement des violences.

La même dynamique des clivages interethniques et religieuxpar l’instrumentalisation de l’ivoirité et de la xénophobie constitue un danger pour la Côte d’Ivoire. D’une part, il y a les médias acquis au pouvoir et, d’autre part, ceux des rebelles. Les unes et les autres publient des articles et des reportages teintés de xénophobie et d’intolérance religieuse.

La Commission a constaté que les médias locaux ont contribué à répandre des opinions hostiles aux étrangers et aux immigrants ce qui, en plus du litige sur la nationalité, aurait précipité et alimenté l’explosion de violence meurtrière dans la Côte d’Ivoire. La Commission a reçu en ce sens des nombreux témoignages des ressortissants étrangers, notamment burkinabés. Ils ont déclaré qu’après les évènements du 19 septembre 2002, ils ont été agressés par la population civile et par les forces de l’ordre et de sécurité.

Certains médias ont eu aussi leur part de responsabilité dans le climat d’hostilité qui s’est développé en Côte d’Ivoire à l’égard des journalistes, et notamment des correspondants de la presse étrangère, qualifiée « d’ennemie de la Côte d’Ivoire » et de « complice de rebelles qui détruisent le pays ».

[modifier] Liberté d'association et de réunion
Le déclenchement de la guerre en septembre 2002 a créé un climat d’intolérance et de suspicion à l’égard des leaders politiques, les défenseurs des droits de l’homme, les syndicalistes et les leaders des mouvements étudiants qui ne s’inscrivaient pas dans l’orthodoxie de la pensée dominante. Au niveau de la société civile, ce sont les ONGs des droits de l’homme qui ont payé un lourd tribu, particulièrement le MIDH (Mouvement ivoirien des droits de l’homme) dont le siège a été saccagé et le président vit en exil. Après avoir déménagé, le nouveau siège a fait l’objet de surveillance des services et agents de sécurité. Des convocations, harcèlements, intimidations et menaces des membres de cette ONG ont conduit certains d’entre eux de vivre longtemps dans la clandestinité pendant que d’autres ont été obligés de prendre la route de l’exil, tel est le cas de MM Épiphane Zoro et Ibrahim Doumbia respectivement président et vice président. Il a été plusieurs fois accusé de soutenir les rebelles. Le dimanche 30 mars 2003, au cours du journal télévisé à la RTI de 13H00, un conseiller à la Présidence a présenté le MIDH comme une « organisation qui dénigre la Côte d’Ivoire ». Cela a donné carte blanche aux Jeunes patriotes et autres forces parallèles dont la mission est de terroriser ceux qui sont désignés ou supposés être contre le pouvoir.

En ce qui concerne les militants des partis politiques, qu’il s’agisse des rebelles ou des troupes gouvernementales, l’intolérance a rivalisé avec la violence pour réprimer tous ceux qui étaient accusés ou suspectés d’être du camp adverse, considérés comme traîtres. Au Nord, comme à l’Ouest, les ex-rebelles ont souvent pris pour cibles des gens qui avaient été politiquement actifs comme membres ou proches du FPI ou supposés tels et le fait d’être originaire du Sud faisait peser sur soi des présomptions d’espionnage lourdes de conséquences. Des populations entières ont fuit les exactions des rebelles pour venir grossir à Abidjan la masse des personnes déplacées.

Il en a été de même pour les ressortissants du Nord communément appelés « Dioulas » se trouvant dans la zone sous contrôle gouvernemental, ainsi que des partis politiques d’opposition. Bien que le pluralisme politique soit consacré dans la Constitution, des témoignages portés à la connaissance de la Commission ont révélé des enlèvements, des séquestrations, des arrestations, des tracasseries, des tortures et des assassinats, le pillage et la destruction des biens des leaders et des militants du RDR, de l’UDPCI et du PDCI/RDA, certains étant accusés d’être à la base de la rébellion, d’autres de soutenir la rébellion.

[modifier] Liberté de culte, de conscience et de religion
Les représentants des confessions religieuses ont fait part à la Commission que leurs communautés étaient la cible depuis le début de la guerre civile, au Nord comme au Sud. C’est ainsi que les chrétiens auraient été agressés parce que taxés d’espions ; au Sud, les musulmans auraient subi le même sort et seraient obligés de vivre repliés au sein de leur communauté.

Des témoignages ont fait état de certaines formes de répression, de tueries et d'attaques dans les lieux de culte. Des imams ont été assassinés, notamment à Daloa et à Abidjan.

[modifier] Droit à la nationalité
L’article 15 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948, à laquelle la Côte d’Ivoire a souscrit, stipule que « tout individu a droit à une nationalité » et « nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité ni du droit de changer de nationalité ».

Par ailleurs, la loi numéro 61-415 du 14 décembre 1961 portant code de nationalité ivoirienne, modifiée par la loi numéro 72-852 du 21 décembre 1972 dans ses dispositions générales détermine ce qui suit : « la loi détermine quels individus ont à leur naissance la nationalité ivoirienne à titre de nationalité d'origine. La nationalité ivoirienne s'acquiert ou se perd après la naissance par effet de la loi ou par une décision de l'autorité publique prise dans les conditions fixées par l’article 1er ».

L’article 3 dispose que « les dispositions relatives à la nationalité contenues dans les traités ou accords internationaux dûment ratifiés et publiés s'appliquent, même si elles sont contraires aux dispositions de la législation ivoirienne ».

La Commission a constaté une contradiction qui pourrait exister entre la notion d' "ivoirité" et les engagements pris par la Côte d'Ivoire. À cet égard, plusieurs témoins ont signalé à la Commission qu’après des démarches fastidieuses et coûteuses, des cartes d'identité auraient été refusées aux descendants des immigrants parfois de deuxième ou troisième génération, créant en l’espèce des apatrides. La Commission a en outre été informée que dans certains villages, une grande partie de la population, à la place d’une pièce d’identité, aurait reçu des cartes de séjour, pour des visées électoralistes. La Commission a pris acte de cette question de la nationalité qui se trouve au cœur même de la crise ivoirienne et à laquelle il faudra trouver une solution pour une paix durable.

[modifier] Droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays
Tous les Ivoiriens n'ont pas les mêmes possibilités de prendre part à la direction de leur pays. En effet, au lendemain de la guerre, beaucoup ont perdu leur travail dans les zones occupées sans pouvoir être réintégrés. Des ministres ont été obligés de se replier dans leur village afin d'échapper à des tentatives d'assassinat. La visite de certains Ministères issus du gouvernement de réconciliation laissent voir sans équivoque leur exclusion dans la direction du pays. Certains services en pâtissent.

La Constitution ivoirienne consacre le droit de vote. Cependant, il existe des allégations sur la non délivrance de la pièce d'identité, pièce nécessaire pour la participation au scrutin. Cela aurait permis d'exclure des élections de 2000 des citoyens en âge de voter. L'échéance électorale de 2005 fait redouter les observateurs sur le processus électoral. Tant que la modification et le projet de loi sur la nationalité ne seront pas définitivement clôturés, il n'est pas évident que ce droit puisse s'exercer sans obstruction.

[modifier] Expulsions massives des populations
De septembre 2002 à ce jour, il y a eu des expulsions massives de populations alors que de tels faits sont prohibés par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948. Des villages ont été détruits et les populations contraintes de quitter tous leurs biens pour sauver leur vie.

[modifier] Discrimination et exclusion
Cette pratique existe malgré l'adhésion de la Côte d'Ivoire aux différents textes internationaux et régionaux, repris dans leur loi fondamentale et les textes complémentaires.

[modifier] Les personnes vulnérables
[modifier] Droits des enfants
Les enfants et les adolescents sont les premiers victimes de cette crise. De nombreux témoignages ont fait état de cas d’enfants, filles et garçons tués délibérément. En outre, ils ont été soumis à des actes de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. La Commission a eu des témoignages sur les cas d’enfants disparus, recrutés de force et soumis à des travaux forcés. Des filles auraient été violées. Ces actes ont été constatés de part et d’autre des parties en conflit. Plusieurs organisations ont souligné l’accroissement du nombre d’enfants vivant dans la rue dans les principales villes, notamment au sud du pays. Il est certain, que cette situation est une conséquence de l’appauvrissement accéléré et de l’accroissement du chômage en milieu rural et urbain. En outre, il y a un lien évident de ce phénomène avec le déplacement forcé subi par de nombreux enfants.

Des témoignages concordants ont montré l’existence d’un nombre important, d’enfants victimes de déplacement forcé et dont certains seraient sans parents. Plusieurs enfants ont été recueillis dans des centres établis par des organisations internationales et des ONGs. Quelques uns ont pu être réintégrés par la suite dans leurs familles. Un certain nombre est encore abrité dans ces centres « en raison de l'impossibilité de rentrer dans leurs villages ou régions d’origine, ou parce qu’on ignore le sort de leurs familles [13] ».

De surcroît, d’autres témoignages ont signalé l’existence de villages d’enfants, notamment près de Danané et aux alentours de Bouaké, où des enfants « âgés parfois de 15 ans ou moins font office de chefs de famille, suite à la mort ou la disparition présumée de leurs parents [14]».

L’engagement des enfants dans des activités incompatibles avec leur âge reste une question inquiétante. Outre les informations ci-dessus, la Commission a pris connaissance également de la participation d’écoliers à des actes d’ordre politique, telles que des manifestations.

Le recrutement des enfants (au sens de l’art. 1 de la Convention sur les droits de l’enfant) est une des conséquences multiples de la crise. Par sa résolution 1479 (2003), adopté le 13 mai 2003, le Conseil de Sécurité a engagé toutes les parties ivoiriennes à s’abstenir de recruter ou d’utiliser des mercenaires ou des unités militaires étrangères. Il a en outre exigé que, conformément à sa résolution 1460 (2003), toutes les parties au conflit qui recrutent ou utilisent des enfants en violation de leurs obligations internationales mettent fin immédiatement à cette pratique.

Toutefois, divers interlocuteurs ont attiré l’attention de la Commission sur l’enrôlement des enfants, dont certains en bas âge, et leur participation à des incidents armés ou dans l’accomplissement de diverses tâches. Selon ces sources, des enfants ont été enrôlés de gré ou de force par les deux parties au conflit. Toutefois, pour ce qui est des forces gouvernementales cette pratique semble être liée à l’engagement de groupes armés agissant comme des supplétifs des forces armées nationales.

Malgré certaines initiatives, notamment à Bouaké et Man, permettant l’identification de quelques 60 enfants soldats, divers observateurs civiles et militaires ont signalé la présence d’enfants soldats notamment au sein des composantes des Forces Nouvelles. Certains ont attiré l’attention sur le fait qu’au cours des trois derniers mois, des enfants soldats semblent avoir été déplacés vers d’autres régions du pays.

En effet, un certain nombre de cas portés à la connaissance de la Commission montrent cette réalité.

Ainsi, courant 2003, plusieurs enfants soldats se trouvaient enrôlés au sein de la force LIMA [15], engagée comme supplétifs des FANCI, de même que du groupe MODEL [16] et des forces rebelles.

Entre juin et août 2004, des enfants soldats se trouvaient dans des postes de contrôle à Ferkessedougou, Sinematiali, Monoko-Zohi, Gobazra, Niakaramandougou et Bouaké. Certains de ces enfants agiraient vraisemblablement comme des supplétifs, en accomplissant des taches diverses tels que des achats, de liaison avec d’autres postes. Néanmoins, lorsqu’ils ont été aperçus, la plupart d’entre eux portaient des armes, telles que des AK 47.

[modifier] Violences sexuelles faites aux femmes
Les plus graves violations des droits de l’homme ont été observées à travers les violences sexuelles faites aux femmes, fruit de la banalisation de la souffrance ainsi que du mépris de la dignité de la personne humaine en Côte d’Ivoire.

De chaque côté des belligérants, les femmes ont été utilisées pour assouvir des appétits bestiaux des combattants dont certains étaient sous l’effet des drogues. Les cruautés et la barbarie auxquelles les femmes ont été soumises constituent une preuve que la violence à l'encontre des femmes n'est pas encore perçue comme un crime grave en Côte d’Ivoire.

Les violences qui ont été portées à la connaissance de la Commission par des témoins et quelques rares fois directement par les victimes ont fait mention des viols des femmes de tous âges y compris des mineures de moins de 12 ans, des viols précédés et/ou accompagnés de traitements cruels, inhumains et dégradants, des viols en présence du conjoint et/ou des enfants, obligation de commettre l’inceste, harcèlement sexuel, attentat à la pudeur, rapt et esclavage sexuel.

Le viol des femmes a été fréquemment utilisé depuis les événements du 19 septembre 2002 comme arme de guerre contre les populations dans les différentes zones de combats, de déplacements ou de résidence.

Des centaines de femmes de tout âge ont été violées durant cette période. Ces viols ont eu des conséquences sociales dramatiques. En effet, des femmes et des jeunes filles qui en ont été victimes sont repoussées par leur milieu social, des enfants sont nés de ces actes et d'autres sont gravement malades (VIH/SIDA, MST, trouble mental, etc.).

L’identité de certains auteurs de ces viols, parfois collectifs, a été révélée à la Commission et leurs noms figurent sur la liste confidentielle en annexe du présent rapport.

Rappelons que la Côte d'Ivoire est partie à la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes ratifiée le 18/12/95 et a aussi adopté la Résolution 48/104 de l'Assemblée générale des Nations Unies contre la violence faite aux femmes.

La Commission a reçu le témoignage d’un homme qui a été contraint de violer sa propre fille devant le reste de la famille. Suite à cette scène, la mère est devenue folle. Dans un autre village, une femme enceinte a été déshabillée en public et a été obligée de simuler l’acte sexuel pendant plusieurs heures. Elle a accouché d’un mort né le lendemain. Dans le même village, dix femmes ont été violées par une centaine de rebelles. Une jeune fille de 16 ans a été violée par huit personnes qui lui ont par la suite cassé le bassin. Elle ne peut ni s’asseoir, ni marcher. Lors de la courte reprise de Bangolo, des viols collectifs ont été commis par les Forces LIMA.

Par respect pour les victimes et pour leur éviter des représailles, la liste des victimes et de certains auteurs présumés des viols est repris en annexe confidentielle du rapport.

[modifier] Violations graves des droits économiques, sociaux et culturels
[modifier] Droits économiques et sociaux
En décidant d'inclure les droits économiques et sociaux dans son rapport consacré aux violations graves des droits de l'homme commises sur toute l'étendue du territoire de Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre 2002, la Commission est consciente de la controverse de caractère doctrinale entretenue sur la nature et la valeur des droits économiques, sociaux et culturels par rapport aux droits civils et politiques.

Sans vouloir chercher à prendre position en faveur de l'une de thèses en présence et d'entrer ainsi au cœur du débat, en traitant dans le présent rapport de violations des droits économiques, sociaux et culturels, la Commission a simplement voulu souligner le caractère d'indivisibilité et interdépendance des droits de l'homme. L'être humain ne peut en effet vivre sans s'épanouir, sans jouir pleinement aussi bien des droits civils et politiques que de ceux de la catégorie dite de droits économiques, sociaux et culturels.

La crise multiforme survenue en Côte d'Ivoire a de toute évidence démontré l'interdépendance et l'indivisibilité des droits évoqués plus haut.

En effet, cette crise politique au départ s'est muée en bien d'autres formes à la suite de la guerre déclenchée à partir de la rébellion qui est aussi un épisode politique. Considéré ainsi globalement, la crise ivoirienne a eu des fortes conséquences aussi bien sur la jouissance des droits de l'homme que sur les dimensions économiques de tous ceux qui vivent en Côte d'Ivoire. La Commission devait donc de prendre en compte et de faire référence dans son rapport, des violations de droits économiques, sociaux et culturels.

Au titre de violations graves de droits économiques, sociaux et culturels, la Commission a retenu ce qui suit:

[modifier] Aggravation du contexte macro-économique général
La guerre qui a sévi en Côte d'Ivoire a eu des conséquences importantes mais négatives sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels. Ces conséquences ont été aggravées par le contexte économique général correspondant à une période très critique.

Dans les zones où des combats se sont déroulés, il en est résulté des déplacements forcés de populations et par voie de conséquence, la jouissance et le respect des droits économiques et sociaux ont été rendus très difficiles, voire réduite à néant.

[modifier] Avenir économique de la Côte d'Ivoire ; découverte de nouvelles richesses
La Commission a reçu des témoignages faisant état d'événements qui peuvent faire croire à un certain optimisme quant à l'avenir économique de la Côte d'Ivoire. Il serait notamment question de découvertes de puits de pétrole [17] et que la réserve serait proche de celle du Koweït et qu'ainsi, la Côte d'Ivoire pourrait devenir le deuxième producteur africain de pétrole après le Nigeria.

Au surplus il serait question, toujours selon ces témoignages, du pétrole "vert", lequel serait très prisé.

À côté du pétrole, on aurait également découvert, selon des témoignages, du gaz entre San Pedro et Sassandra ; la réserve en permettrait l'exploitation pendant un siècle.

D'autres ressources existeraient aussi tel l'or, les diamants, outre des métaux qui sont actuellement utilisés dans la fabrication de satellites.

Selon cette source, la guerre en Côte d'Ivoire serait liée à cet état de choses et aurait pour but, soit d'empêcher ou tout au moins, certains groupes à profiter de l'exploitation de ces nouvelles richesses ivoiriennes, soit d’entretenir le désordre dans le pays, car un tel contexte favorise l'exploitation sans contrôle des produits existants.

[modifier] Position dominante de certains groupes d'intérêt
Les témoignages recueillis ont aussi permis de savoir que la loi de 1998 portant code rural et foncier serait liée à la position dominante que la France ou les intérêts français occupent en Côte d'Ivoire. Selon ces sources, les Français posséderaient 45 % de la terre et que, curieusement, les sièges où se trouve la Présidence de la République et l'Assemblée nationale ivoirienne feraient l'objet d'un bail conclu avec des Français. Ces derniers contrôleraient les secteurs de l'eau et de l'électricité qui représentent une somme de 10 milliards de CFA par mois.

Selon la même source, les Français contrôleraient en outre 20 000 entreprises en plus du poids que leur pays exerce sur le Franc CFA. Les Français détiendraient 70 % des bénéfices du commerce ivoirien, ces bénéfices transitant par la Banque de France.

Le témoin a aussi signalé qu'en vue de la réalisation de la construction d'un troisième pont à Abidjan, la décision du gouvernement ivoirien de recourir à un appel d'offres international n'a pas plu à certains milieux. Le témoin déclare que ces faits expliqueraient le sentiment de haine ou l'animosité que les membres de ces milieux feraient montre à l'égard du président Laurent Gbabgo. Selon ce même témoin, cette haute autorité serait opposée au monopole, ce qui expliquerait également l'attitude hostile vis-à-vis de l'intéressé.

Si donc l'avenir de la Côte d'Ivoire pourrait apparaître de plus radieux et prometteur, permettant d'espérer à une grande amélioration de la situation économique générale dans ce pays, le contexte économique et social consécutif à la crise ivoirienne est de loin délétère et moins reluisant.

À cet égard, la Confédération des syndicats libres de la Côte d'Ivoire a donné le tableau ci-après quant à la jouissance des droits économiques et sociaux:

Le chiffre des travailleurs qui ont perdu la vie pendant la guerre n'est pas connu;
En ce qui concerne le droit à la santé:
au début, le gouvernement ivoirien prenait en charge un certain nombre des personnes déplacées, spécialement les enfants, ces derniers auraient été par la suite abandonnés.
Ce syndicat recommande cependant que le gouvernement soit appuyé pour mieux venir en aide à cette catégorie de personnes vulnérables.

Le droit à l'éducation et le travail des enfants:
les interlocuteurs de la Commission l'ont informée que la guerre a freiné l'élan du gouvernement qui avait pourtant réalisé des avancées dans le domaine de l'éducation en appliquant notamment la gratuité de la scolarité de base. Mais la destruction des écoles et la dispersion des enfants, le phénomène des enfants de la rue (notamment mendiants), la prostitution des mineurs, l'enrôlement forcé des enfants, particulièrement à Bouaké, l'exploitation des enfants et surtout des filles pour des travaux domestiques, l'utilisation et la soumission des enfants à des tâches inadaptées à leur âge et à leur état, etc... ont davantage fragilisé la situation des enfants, les rendant encore plus vulnérables.

À la suite de la fermeture de l'Université à Bouaké, plusieurs étudiants se sont dispersés à cause de la guerre et se retrouvent ainsi hors des études.

Le syndicat Dignité a déclaré avoir obtenu de l'OIT un financement pour une campagne de sensibilisation au sein des entreprises sur la nécessité du respect du droit de l'enfant. Il s'est avéré, selon ce syndicat, que ce sont les entreprises privées, en particulier celles du coton et les mines d'or, qui utilisent le plus la main-d'œuvre infantile. À Abidjan, les enfants seraient beaucoup plus utilisés dans le secteur informel. L'enquête réalisée par ce syndicat a permis d'établir que la plupart des entreprises utilisant les enfants appartiendraient à des ressortissants Burkinabés et Maliens. Ce phénomène serait aussi perceptible dans les plantations de café et de cacao, notamment à Guiglo, dans la préfecture de Blolequin.

L'utilisation de la main d'œuvre infantile serait "justifiée", à certains endroits, par le fait que pour beaucoup d'entre eux, le travail leur permettrait de se payer des cours coraniques.

Selon cette même source, le Bureau international catholique sur l'enfance a effectué des enquêtes qui auraient révélé :

que 15 000 enfants maliens travailleraient en Côte d'Ivoire;
que 2 500 enfants seraient occupés dans un travail dans le cadre familial;
Afin d'élucider la question du travail des enfants, une commission mixte composée de 16 membres a été constituée entre le Mali et la Côte d'Ivoire pour évaluer l'ampleur du phénomène.

Le syndicat Dignité a signalé notamment qu'il a été saisi du cas de deux jeunes filles occupées dans des tâches domestiques et qui, au moment de réclamer leur salaire, ont été accusées par leur employeur d'avoir volé dans la maison de leur maître.

[modifier] Destruction, pillage ou fermeture d'entreprises
Plusieurs autres formes des violations des droits économiques et sociaux ont été constatées du fait de la destruction et/ou de la fermeture des entreprises à la suite de la guerre. Cela a entraîné un nombre élevé de chômeurs et de déplacés.

Parmi les personnes décédées, on a déploré la présence de nombreux travailleurs et de syndicalistes. Cela a décapité le fonctionnement de certaines centrales syndicales, surtout dans le Nord du pays.

La guerre a aussi eu pour effet de rendre plus difficile et plus onéreuse l'écoulement des produits vers des centres de consommation ou des marchés. Cela a en outre été accentué par la division du pays en deux parties et a, par ricochet, rendu plus difficiles les conditions de vie déjà précaires des populations.

[modifier] Libertés syndicales
Aux questions des membres de la Commission si la liberté syndicale était effectivement garantie depuis la fin du monopartisme et de ses conséquences logiques à cet égard, s'il existait une convention collective, quel était le rôle de l'inspection du travail, la délégation syndicale a répondu par l'affirmative mais a toutefois précisé que :

Tous les droits syndicaux sont garantis et reconnus par le code ivoirien du travail et les conventions pertinentes de l'OIT auxquelles la Côte d'Ivoire est partie.
Bien qu'étant consacrée dans ces textes, la liberté de création de syndicats et le droit de grève sont soumis à certaines restrictions réglementaires. C'est ainsi que s'agissant par exemple du droit de grève, il est exigé au préalable de donner un préavis et d'en indiquer les motifs.

Il existe une convention collective adoptée dans le cadre de la législation de 1964 et 1975.
Les inspecteurs du travail existent certes mais sont inefficaces parce que confrontés au phénomène de corruption généralisée qui a cours en Côte d'Ivoire.
Le mouvement syndical ivoirien n'avait pas de problème majeur avec le gouvernement mais plutôt avec le patronat. À titre d'exemple, lorsque fut déclenchée en 2004, la grève de l'UFAM-CI par les travailleurs qui réclamaient la démission du chef du personnel qui leur vendait des poulets, des problèmes ont surgi au niveau du recouvrement. La police est intervenue pour disperser les travailleurs qui faisaient un sit-in ; 36 travailleurs furent licenciés. De même, lors de la grève à la plantation de la culture de l'hévéa, les travailleurs réclamaient une prime alors qu'ils venaient de bénéficier d'une augmentation de salaire de 10 %. Le syndicat est intervenu et la revendication a été jugée légale et légitime. Lors de la grève des greffiers au Ministère de la Justice, toujours pour des revendications salariales, les meneurs ont été arrêtés. Ils ont été libérés par la suite grâce à l'intervention du syndicat Solidarité.
Il existe trois grands syndicats en Côte d'Ivoire :

la Confédération des syndicats libres de Côte d'Ivoire baptisé "Dignité" ;
l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire et
la Fédération des syndicats autonomes de Côte d'Ivoire.
Il a cependant été précisé à l'intention des membres de la Commission, qu'avec l'ouverture syndicale ayant coïncidé avec le début du multipartisme, certains syndicats se sont alignés sur les positions politiques concernant des questions d'intérêt national.

La lutte du syndicat Dignité remonte aux années 90, plus précisément avec la grève de 1993 dont fait état le rapport du BIT relatif à l'année 1994. Il y a eu des morts mais des résultats substantiels en ont résulté :

plus jamais en Côte d'Ivoire, des syndicalistes n'ont été arrêtés depuis cette date pour avoir exercé leur droit de grève ;
les prélèvements obligatoires sur les salaires des travailleurs ont aussi été supprimés à partir de là.
Le secrétaire général du syndicat Dignité a enfin terminé par des informations sur sa mission dans le Nord de la Côte d'Ivoire et sur un aperçu des acquis du mouvement syndical ivoirien.

[modifier] Exercice des droits économiques et sociaux au Nord de la Côte d'Ivoire
Le secrétaire général a expliqué à la Commission que:

sans l'autorisation et la protection de la Licorne, sa mission aurait été compromise car les rebelles lui auraient refusé l'accès aux entreprises qu'il pouvait visiter ;
sur les 8 000 travailleurs que comptait Bouaké à l'époque, il n'en resterait que 300 ;
selon des témoins, à Zouénoula, on aurait aperçu des camions immatriculés au Ghana venus charger du sucre en Côte d'Ivoire.
Suite à ces informations, le secrétaire général a alerté les autorités en leur écrivant ainsi qu'à ses homologues des pays voisins. Dans ce contexte, son syndicat a bénéficié d'un financement de la Belgique pour organiser un séminaire de moralisation et de sensibilisation à Banfoura entre les travailleurs ivoiriens et burkinabés. Mais il signale regretter que le thème du séminaire ait été modifié en dernière minute pour être plutôt consacré au problème foncier en Côte d'Ivoire.

Dans la partie nord où se trouvent de grandes plantations et la majeure partie de propriétaires terriens, la guerre a entraîné des destructions énormes ainsi que des pillages.

==== Quelques acquis de la lutte syndicale ivoirienne====

Sur cette question, le secrétaire général a signalé à l'intention de la Commission ce qui suit, obtenu notamment grâce à l'action de son organisation :

le salaire des femmes qui était initialement de 5 000 FCFA par mois est actuellement de 26 000 FCFA ; celui des travailleurs de milieux ruraux, qui était de 10 000 FCFA est également passé à 26 000 FCFA ;
le SMIG est actuellement à 36'607 FCFA et passera à 42 000 FCFA au cours de la deuxième année ;
certains patrons ne respectent guère l'obligation de payer le SMIG à leur personnel et le Ministère du Travail demeure sans réaction face à cette anomalie ;
la protection des travailleurs et les conditions de travail ne sont pas respectées dans toutes les entreprises.À titre illustratif, le secrétaire général a mentionné le cas d'un ouvrier atteint d'une infection pulmonaire due à de mauvaises conditions de travail, mais pour lequel le médecin de l'entreprise aurait recommandé auprès de son collègue d'indiquer que ledit travailleur souffrait plutôt du VIH-SIDA.
Il a aussi été évoqué qu'après septembre 2002, certains travailleurs avaient perdu leur emploi à cause de leur appartenance tribale, ethnique ou régionale.

Le cas de femmes d'une entreprise de pêche a aussi été signalé. Des femmes auraient été déclarées inaptes alors qu'elles présentaient des déformations physiques dues au fait qu'elles étaient obligées de travailler dans la position debout pendant de nombreuses années.

Il a aussi été fait mention d'une dame qui avait été licenciée pour avoir souhaité et obtenu de bénéficier d'un congé de maternité.

Le secrétaire général a terminé en faisant observer que beaucoup d'anomalies ou d'irrégularités ou de manquements qui sont constatés dans le monde du travail au mépris des textes garantissant les conditions et les relations de travail ont lieu à cause de la corruption généralisée et à l'impunité qui sévirait en Côte d'Ivoire.

[modifier] Les droits culturels
Au titre des violations majeures des droits culturels, la Commission tient à stigmatiser la rétention, dans différentes morgues d'Abidjan des dépouilles des personnes qui ont trouvé la mort lors des incidents ayant émaillé la répression sanglante lors de la marche qui avait été organisée le 24 mars 2004.

Pour des raisons qui n'ont pas été clairement explicitées à la Commission, les familles des personnes décédées qui n'étaient pas en mesure d'honorer les factures de frais de conservation des dépouilles gardées dans des morgues, ou des familles des personnes dont l'autopsie avait été demandée par les autorités, n'étaient pas autorisées à prendre les dépouilles des leurs en vue de l'inhumation. En effet, dans les deux cas de figure, la mise à disposition de toute dépouille est subordonnée, selon la législation en vigueur en Côte d'Ivoire, à la délivrance d'un document délivrée uniquement par l'autorité judiciaire [18].

La Commission considère qu'en l'espèce, le droit à une sépulture digne et descente a été violé. En effet, la mort de ces personnes étant survenue à la suite des actes de violence causés par les services chargés du maintien de l'ordre, est donc imputable au gouvernement. Ce dernier est donc responsable de la rétention des dépouilles de ces personnes et des frais encourus à cet effet vis-à-vis de l'administration des morgues de Côte d'Ivoire.

Dans les coutumes et donc, selon la culture de beaucoup de pays africains, le deuil d'une personne ne peut avoir lieu à défaut d'inhumation du corps de l'intéressé. En se fondant sur le facteur propre à la culture à certaines traditions africaines et au respect dû aux morts, la Commission a attiré la particulière attention du président Laurent Gbagbo sur cette situation. Cette autorité a décidé et promis de faire prendre des dispositions nécessaires en vue de rendre aux familles les dépouilles des leurs dont la mort est survenue à Abidjan dans le cadre des événements du 24 mars 2004.

Au titre de violations des droits culturels, des cas de profanation de sépultures et d’attaques contre les lieux de culte ont aussi été signalés à la Commission.

[modifier] ADMINISTRATION DE LA JUSTICE
Il ne peut y avoir de paix sans justice, ni de justice sans loi, ni de loi digne de ce nom sans un tribunal chargé de décider ce qui est juste et légal, dans des circonstances données.[19]

Traditionnellement attribut de la souveraineté nationale, la justice constitue l’institution qui, par excellence, permet de mesurer le niveau d’existence d’un État de Droit, à un point tel que la gravité des violations des droits de l'homme est proportionnelle à l’absence de Justice. De même, la multiplication des abus de pouvoir non sanctionnés par la Justice conduit à terme à susciter des réactions en général violentes de la part des victimes.

De nombreux témoignages recueillis par la Commission abondent dans le sens selon lequel la situation qui prévaut aujourd’hui en Côte d'Ivoire, et en tout cas depuis le 19 septembre 2002, puise ses sources dans les événements et les abus de toute sorte survenus bien antérieurement à cette période.

Actuellement l’observateur peut constater un décalage énorme entre les textes relatifs à l’administration de la justice et les pratiques judiciaires. En effet, la Constitution ivoirienne du 1er août 2000 consacre la plupart des principes fondamentaux susceptibles de garantir un fonctionnement sain et régulier du service public de la Justice.

Mais de toute évidence, durement éprouvée par les événements, la Justice ivoirienne a épousé les contours du conflit et ne s'est pas montrée à la hauteur de la confiance qui pouvait être placée en elle de sorte que la Côte d’Ivoire manque cruellement d'un organe neutre, impartial et indépendant, suffisamment efficace pour permettre la résolution pacifique des conflits. C'est ainsi que, par exemple, tous ceux ayant commis des crimes de sang, qu'ils soient putschistes, soldats gouvernementaux, gendarmes, policiers et autres, n'ont pas vu les poursuites pénales engagées à leur encontre ou, pour celles qui ont été engagées, menées à leur terme. Cela a entraîné immanquablement la frustration des victimes à qui justice n'a pas encore été rendue, cependant qu'elles voient tous les jours les auteurs jouir d'une totale impunité.

Dans certains cas aucune enquête sérieuse n'a été menée, ni même la moindre information ouverte dans d'autres cas. Il en est ainsi par exemple de :

l’agression dont la Côte d’Ivoire a été victime le 19 septembre 2002 ;
la tentative d'assassinat de Lida Kouassi, à l'époque ministre de la défense, le 19 septembre 2002, au cours de laquelle son domicile a été attaqué nuitamment à la roquette ;
la tentative d'assassinat d'Alassane Dramane Ouattara, l’assassinat de l’un de ses gardes, ni sur l’incendie criminel de sa propriété ;
l'assassinat de Boga Doudou, à l'époque ministre de la sécurité intérieure, dont le domicile a été du reste saccagé postérieurement aux événements, ce qui a eu pour conséquence de faire disparaître des éléments de preuves ;
l'assassinat de Robert Gueï et de son épouse ainsi que des personnes (militaires comme civiles) chargées de sa garde d'autant que les voitures privées du couple Gueï, volées le 19 septembre 2002, circuleraient au grand jour à Abidjan ;
les attaques meurtrières menées par les assaillants contre un certain nombre de casernes de l'Armée, la Gendarmerie et en particulier son école ainsi que la Police ;
les exécutions sommaires qui s'en sont suivies partout dans Abidjan et les communes environnantes et qui se sont poursuivies jusqu'à cette année ;
l'assassinat de l'Imam Samassi, le 23 juin 2004, par quatre individus armés qui se seraient enfuis à bord de son véhicule ;
l’assassinat à Bouaké d’un colonel de plusieurs balles dans le dos ;
les multiples assassinats de nombreuses autres personnes.
La Justice ivoirienne n'a pas enquêté, ni encore moins poursuivi :

les auteurs des massacres des gendarmes désarmés de Bouaké, sommairement exécutés dans des cellules pour certains et au cimetière pour d'autres par les forces rebelles ; ni ceux ayant commis les plus hideuses atrocités dans tout l'Ouest et le Centre Ouest du pays;
tout comme elle n'a pas procédé à la moindre arrestation à la suite des nombreuses et graves exactions commises sur les populations civiles désarmées.
Or, la poursuite, l'arrestation et le jugement des auteurs présumés de crimes constituent un devoir impérieux pour l'État et partant pour ceux, comme le Parquet et le Siège (lorsqu’il est saisi) à qui la Loi en a confié la tache.

Recommandés par le Conseil Economique et Social dans sa résolution 1989/65 en date du 24 mai 1989, les Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d'enquêter efficacement sur ces exécutions, énoncent notamment :

[modifier] au titre de la Prévention,
1. « Les exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires seront interdites par la législation nationale et les gouvernements feront en sorte que de telles exécutions soient considérées comme des délits punissables en vertu de leur droit pénal et frappées de peines appropriées tenant compte de la gravité du délit. Des circonstances exceptionnelles, notamment l'état de guerre ou la menace de guerre, l'instabilité politique à l'intérieur du pays, ou toute autre situation d'urgence publique, ne pourront être invoquées comme justification de ces exécutions. De telles exécutions ne devront pas avoir lieu, quelles que soient les circonstances, notamment en cas de conflit armé interne, par suite de l'emploi excessif ou illégal de la force par un agent de l'État ou toute autre personne agissant à titre officiel ou sur l'instigation ou avec le consentement explicite ou tacite d'une telle personne, et dans les situations où il y a décès pendant la détention préventive. Cette interdiction l'emportera sur les décrets publiés par l'exécutif ».

2. « Afin d'empêcher les exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires, les pouvoirs publics exerceront un contrôle rigoureux, notamment en veillant strictement au respect de la voie hiérarchique, sur tous les fonctionnaires responsables de l'arrestation, de la détention provisoire et de l'emprisonnement, ainsi que sur tous les fonctionnaires autorisés par la loi à employer la force et à utiliser les armes à feu ».

[modifier] au titre des Enquêtes,
9. « Une enquête approfondie et impartiale sera promptement ouverte dans tous les cas où l'on soupçonnera des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires, y compris ceux où des plaintes déposées par la famille ou des informations dignes de foi donneront à penser qu'il s'agit d'un décès non naturel dans les circonstances données. Il existera à cette fin des procédures et des services officiels d'enquête dans les pays.

L'enquête aura pour objet de déterminer la cause, les circonstances et le jour et l'heure du décès, le responsable et toute pratique pouvant avoir entraîné le décès, ainsi que tout ensemble de faits se répétant systématiquement… ».

15. « Les plaignants, les témoins, les personnes chargées de l'enquête et leurs familles jouiront d'une protection contre les violences, les menaces de violences ou toute autre forme d'intimidation. Les personnes pouvant être impliquées dans des exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires seront écartées de toute fonction leur permettant d'exercer une autorité, directe ou indirecte, sur les plaignants, les témoins et leurs familles, ainsi que sur les personnes chargées de l'enquête ».

16. « Les familles des défunts et leurs représentants autorisés seront informés de toute audience et y auront accès, ainsi qu'à toute information touchant l'enquête; ils auront le droit de produire d'autres éléments de preuve. La famille du défunt aura le droit d'exiger qu'un médecin ou un autre représentant qualifié assiste à l'autopsie. Lorsque l'identité du défunt aura été établie, un avis de décès sera affiché et la famille ou les parents du défunt seront immédiatement avisés. La dépouille mortelle leur sera rendue après l'enquête ».

17. « Un rapport écrit sera établi dans un délai raisonnable sur les méthodes et les conclusions de l'enquête. Il sera rendu public immédiatement et comportera une description de l'enquête et des procédures et méthodes utilisées pour apprécier les éléments de preuve, ainsi que des conclusions et recommandations fondées sur des constatations et sur la loi applicable… Les pouvoirs publics devront, dans un délai raisonnable, soit répondre au rapport de l'enquête, soit indiquer quelles mesures seront prises pour y donner suite…».

[modifier] au titre de la Procédure judiciaire,
18. « Les pouvoirs publics veilleront à ce que les personnes dont l'enquête aura révélé qu'elles ont participé à des exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires sur tout territoire tombant sous leur juridiction soient traduites en justice…»

19. « Sans préjudice du principe 3 ci-dessus, l'ordre donné par un supérieur hiérarchique ou une autorité publique ne peut pas être invoqué pour justifier des exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires. Les supérieurs hiérarchiques, les fonctionnaires ou autres agents de l'État pourront répondre des actes commis par des agents de l'État placés sous leur autorité s'ils avaient raisonnablement la possibilité de prévenir de tels actes. En aucun cas, y compris en état de guerre, état de siège ou autre état d'urgence, une immunité générale ne pourra exempter de poursuites toute personne présumée impliquée dans des exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires ».

20. « Les familles et les ayants droit des victimes d'exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires auront droit à recevoir une indemnisation équitable dans un délai raisonnable ».

Dans tous les cas de violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire, ces principes qui figurent en bonne place dans le droit positif ivoirien n'ont pas été respectés et/ou intégralement appliqués.

Par ailleurs l'indépendance des magistrats pourtant clairement affirmée à l'article 101 de la Constitution, a été singulièrement mise à mal en de nombreuses occasions autres que celles relatives aux événements extrêmement graves ayant secoué la Côte d'Ivoire. Ces occasions ont trait aux activités et aux droits des Magistrats.

À titre illustratif, la Commission cite le cas du 1er Vice-président du Tribunal de 1re instance d'Abidjan Plateau purement et simplement écarté de la composition habituelle des chambres à la suite de la décision qu'il a prise et tendant à la délivrance à Alassane Dramane Ouattara d'un certificat de nationalité.

Ensuite et concomitamment, suivant toutes les ordonnances prises par le juge Dietai Marcel, à l'époque où il a exercé la fonction de président du Tribunal de 1re instance d'Abidjan, ce dernier a décidé à l’article 3 de son ordonnance du 22 juillet 2002 que la délivrance d'un certificat de nationalité ne peut désormais être faite qu'à la suite d'une "délégation de signature" et par des magistrats nommément désignés à cet effet.

Il a même pris soin de préciser à l'article 4 de son ordonnance que "les certificats de nationalité des personnalités politiques sont délivrées sur les instructions écrites du président du Tribunal".

Ensuite, le président du Tribunal s'est créé un domaine réservé en matière de délivrance des certificats de nationalité aux personnalités politiques, alors que traditionnellement, la délivrance de tous certificats de nationalité, sans distinction, était dévolue à la compétence du président du Tribunal et des Vice-présidents.

En écartant de la composition habituelle du Tribunal la Vice-présidente qui a signé le certificat de nationalité d'Alassane Dramane Ouattara, ce même président du Tribunal d'Abidjan a ouvertement sanctionné ce magistrat en dehors de toute procédure disciplinaire légalement prévue.

En ordonnant qu'un acte, somme toute de nature judiciaire, ne ferait l'objet que d'une délégation de signature, et qu'il ne serait désormais délivré que sur ses instructions écrites, il a réduit la fonction de juge à celle de simple exécutant d'un ordre hiérarchique.

À la connaissance de la Commission, ces agissements n'ont pas été suivis des réactions qu'ils méritaient de la part de l'ensemble des magistrats, ni même d'ailleurs du Barreau ni des organisations de défense des droits de l'homme. Rien d'étonnant donc à ce que le même président du même Tribunal n'entame encore davantage l'indépendance des juges en étendant son pouvoir de contrôle à d'autres domaines judiciaires étrangers à la politique politicienne.

C'est ainsi qu'il a écrit dans son ordonnance n° 2716/03 à l'Article deuxième : "Des permanences seront assurées en ce qui concerne les référés d'heure à heure, les certificats de nationalité, les actes d'individualité les procurations spéciales, les ordonnances sur requête, les saisies conservatoires de navire, à l'exception des saisies conservatoires article 54 de l'acte uniforme et des injonctions de payer, sous le contrôle du président du Tribunal ou de l'un de ses Vice-présidents de la manière suivante :". Et suivent les noms des juges désignés.

Ces ordonnances de Dietai Marcel ont probablement contribué à faire entrer de plain pied la justice ivoirienne dans le débat politique sans tenir compte de la primauté du droit et à créé au sein de la Magistrature, un clivage qui épouse les contours des divisions régionales, ethniques et partisanes.

Il s'agit apparemment et en tout cas à la connaissance de la Commission, de la première fois où il est question de "contrôle du président du Tribunal" pour toutes les matières autres que celle des certificats de nationalité, de sorte qu'il semble bien que ces autres matières listées connaissent donc le même régime que les certificats de nationalité.

Une autre occasion de manifester et de réaffirmer l'indépendance et les droits de la magistrature a été manquée par le Conseil Supérieur de la Magistrature lorsqu'il s'est réuni en Conseil de discipline pour juger 169 magistrats et 6 auditeurs de justice.

Les faits sont simples et incontestés. Se plaignant de la dégradation de leurs conditions de vie et de travail et après avoir conclu à un échec dans leurs tentatives de dialogue avec l’exécutif, 169 magistrats et 6 auditeurs de justice ont organisé une marche de protestation le 5 mars 2002 doublée d'un arrêt de travail.

Le 29 mai 2002, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés Publiques à l'époque, a saisi le Conseil supérieur de la magistrature à l'effet de se prononcer sur les faits qualifiés de "manquement aux convenances de leur état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité" pour avoir organisé une marche de protestation suivie d'un arrêt de travail.

Dans une composition irrégulière laissant supposer une sorte de cooptation, le Conseil supérieur de la magistrature a sanctionné ces magistrats, leur niant ainsi et à la fois :

le droit d'être jugé par une juridiction impartiale, comme l'exige l'article 7-1.d de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples pourtant ratifiée par la Côte d'Ivoire ;
les libertés de réunion et de manifestation que leur donne l'article 11 de la Constitution ;
la liberté de pensée et d'expression, notamment la liberté d'opinion "garanties à tous" par l'article 9 de la Constitution ;
le droit de grève reconnu par l'article 17 de la Constitution à tous les travailleurs qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé ;
l'indépendance par rapport aux chefs de juridiction lorsqu'il s'agit notamment de l'exercice d'une liberté fondamentale et comme juge siégeant au sein d'une juridiction.
La Commission fait remarquer que la décision du Conseil supérieur de la magistrature n'aurait pu être déférée à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples en particulier et/ou portée à la connaissance du Rapporteur spécial des Nations Unies sur l'indépendance de la justice.

Une autre situation qui s'est produite plus récemment illustre encore plus le manque total de considération à l'égard de ceux qui sont censés arbitrer pacifiquement les conflits au sein de la société ivoirienne, en même temps qu'elle révèle au grand jour une sorte d’état de léthargie dans laquelle semble plongés à la fois le corps de la magistrature tout comme le Barreau, s'agissant de la défense de leurs propres intérêts.

En effet, le 9 mars 2004, jour retenu par la Chancellerie pour l'installation d'un haut magistrat, un certain nombre de personnes dites "Patriotes" à la tête desquelles se trouvaient notamment le président Poiri Blé Simplice, magistrat de son état, Eugène Djué, président du Mouvement des patriotes et Serge Kuyo, secrétaire général de la FESCI ont manifesté devant le Palais de Justice du Plateau à Abidjan prétendant ainsi s’insurger contre sa nomination.

À un moment donné, les manifestants qui entendaient s'opposer à la cérémonie d'installation, ont pris d'assaut le Palais de Justice, ont saccagé un certain nombre de bureaux et ont molesté des magistrats qui ont été dépouillés des biens trouvés sur eux ou dans leurs bureaux.

Selon tous les témoignages concordants, ces faits se sont déroulés sous les yeux bienveillants des forces de l'ordre, et en particulier le lieutenant Gnanzou, adjoint au Commissaire du 1er Arrondissement du Plateau.

À la connaissance de la Commission,

le magistrat ayant manifesté avec les « Patriotes » et ayant ainsi participé à une action de toute évidence concertée et tendant à entraver le fonctionnement des juridictions, n'a pas été traduit devant le Conseil de discipline;
les auteurs de la mise à sac du Palais de Justice et des agressions contre les magistrats n'ont pas été inquiétés à ce jour.
La Commission ignore si les policiers présents au moment des événements ont été sanctionnés.

La Commission fait également remarquer que ni les syndicats de magistrats ni les magistrats victimes n'ont tenté d’éprouver le système judiciaire en exerçant leur droit de saisine de l'un des mécanismes internationaux de protection des droits de l'homme.

Cela révèle le manque de considération dans laquelle est tenue la magistrature en Côte d'Ivoire, mais également la frilosité des magistrats à entamer des poursuites judiciaires dont ils connaissent très bien les voies et moyens de dépasser l'inertie apparemment ordonnée du Parquet soumis à la hiérarchie.

La Commission constate en outre que la plainte introduite par les magistrats victimes, et qui fait l’objet d'une information ouverte au 7e cabinet d'instruction du Plateau, demeure encore lettre morte.

L'inertie de la justice pour des agressions dont sont victimes certains de ses membres, et à travers eux non seulement l'institution, mais également la République tout entière, fait douter de la possibilité de l'existence même d'un État de droit dans le court et le moyen terme dans ce pays, hélas suffisamment meurtri.

Il appartenait donc en premier lieu aux Magistrats ivoiriens et à tous les acteurs de la vie judiciaire d'agir afin de rétablir, en la reconquérant tant soit peu, la confiance d'abord des Ivoiriens. Les opérateurs économiques et la communauté internationale apprécieront ensuite et certainement une telle action susceptible de favoriser grandement la réconciliation nationale et, partant, la paix en Côte d'Ivoire et par voie de conséquence, le redémarrage de la vie économique afin que ce pays retrouve la prospérité.

La Commission a également constaté l'état déplorable des conditions de vie et de travail des magistrats ivoiriens très mal payés et tout aussi mal outillés, cependant que d'autres services de l'État bénéficient des toutes dernières inventions technologiques.

La Commission a recueilli des informations faisant état de corruption au sein de la Magistrature, tout comme du Barreau, ce qui ternit encore davantage l'image déjà désastreuse de la Justice ivoirienne.

La Commission précise que tous les acteurs politiques sont parfaitement conscients de cette situation, mais aucun d'entre eux ne semble avoir fait état du moindre plan pour y remédier.

À cet égard, la Commission se doit aussi d'attirer l'attention de tout un chacun sur l'état dangereux que présente l'univers carcéral ivoirien.

Pour l'avoir visitée, la Commission signale qu'à la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (MACA) aucune de l'ensemble des règles minima pour le traitement des détenus n'est pratiquement respectée.

Mais pire encore, la situation qui y prévaut constitue pour les détenus un danger permanent pour leur vie.

En effet, elle est surpeuplée et compte jusqu'à 7 000 (sept mille) détenus pour une capacité à l'origine de 1 500 (mille cinq cents) personnes.

Les détenus sont privés d'eau la plupart du temps et ne reçoivent en tout et pour tout qu'une seule ration quotidienne de riz, d'atchéké le dimanche, de la taille d'une tasse de thé. Il arrive parfois que cette quantité ne parvienne même pas aux plus faibles qui sont détenus dans les étages les plus élevés. Au surplus, la distribution tout comme la cuisine sont gérées par des détenus qui établissent leur loi de sorte que s'impose irrésistiblement celle de la lutte pour la survie.

Les détenus ont théoriquement la possibilité de se faire apporter de la nourriture de l'extérieur, mais doivent à chaque fois payer un montant total de 500 (cinq cents) francs CFA aux gardiens. Ce racket des gardiens est parfaitement connu des autorités, mais personne n'ose intervenir.

Par ailleurs, cette situation à la fois de sous-alimentation et de racket, oblige les détenus à se faire apporter des denrées alimentaires en quantité suffisante pour une certaine période, et à cuire leurs repas à l'intérieur des cellules sur des réchauds électriques (là où l'électricité est fournie) sur des tables en bois, dans des conditions qui présentent un risque majeur d'incendie, susceptible de causer des dégâts humains et matériels considérables, aisément



 
 Voyage aux pays des rebelles
CÔTE D'IVOIRE - 19 janvier 2003 - par VALÉRIE THORIN ENVOYÉ SPÉCIALE À BOUAKÉ

Qui sont les leaders du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) ? Comment tiennent-ils la moitié nord du territoire ? Quelles sont leurs relations avec les populations des zones sous leur contrôle ? Notre collaboratrice raconte.


Voici la preuve irréfutable de la déchirure de la Côte d'Ivoire », titrait dans son premier numéro l'hebdomadaire Liberté. Ce journal est né à Bouaké le 11 novembre 2002. Comme la radio qui s'insinue de temps à autre sur la fréquence de Radio France internationale ou la télévision qui interrompt sans vergogne le film du soir diffusé par CFI, la presse est un bon moyen de soutenir le moral des troupes du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) et l'attention de la population. Pour l'opinion internationale, ces hommes sont des « mutins », devenus au fil du temps « rebelles ». Ils tiennent toute la moitié nord du pays, jusqu'à Bouaké, leur capitale. C'est une immense zone de savane arborée, parcourue de routes et de pistes et semée de villages par milliers.

Des gens disciplinés. Contrairement à ce que l'on a pu croire dans un premier temps, les rebelles du MPCI sont très organisés et plutôt disciplinés. L'organigramme officiel est un modèle du genre. À sa tête, le secrétaire général Guillaume Kigbafori Soro. C'est lui l'homme public, le « visage » de la rébellion. On l'a vu en novembre 2002 à Lomé lors des premières négociations de cessez-le-feu, puis en janvier 2003 à Bouaké, où il a accueilli le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin, on l'entend régulièrement à la radio et à la télévision locales. Quoique jeune - il est né en 1972 -, il a su faire valoir auprès de ses compagnons d'armes ses qualités d'organisateur et son sens politique, acquis notamment lorsqu'il était leader de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci), de 1994 à 1998. À cette époque, il est plutôt proche du Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo, socialiste. Après la transition militaire du général Gueï, ses idées évoluent et il se place dans la mouvance du Rassemblement des républicains (RDR) d'Alassane Dramane Ouattara, mais n'est pas militant. Il est cependant colistier d'Henriette Diabaté, la numéro deux du RDR, à Port-Bouët, en périphérie d'Abidjan, lors des législatives de 2000, avant que le parti décide de ne pas participer à la compétition. Les convulsions politiques qui ont suivi lui ont fait choisir l'envol vers le Canada, Bruxelles, Paris, et peut-être ailleurs encore, où il a participé à l'élaboration de la journée du 19 septembre 2002.
Sur le papier dépendent de lui, d'une part, le secrétariat politique, qu'il dirige et où officient quelques vieux camarades de la Fesci comme Sidiki Konaté, porte-parole et « sherpa » chargé des problèmes de la société civile et de l'organisation des manifestations, et, d'autre part, la branche militaire. Celle-ci est placée sous les ordres du colonel Michel Gueu, officiellement commandant en chef des opérations, assisté par le colonel Soumaïla Bakayoko, commandant en second. Le colonel Gueu est un homme agréable, courtois, discret, qui s'exprime d'une voix douce dans un français châtié. Son âge ? « Ce n'est pas la clé du problème », glisse-t-il. Il n'est pas un insurgé de la première heure, mais a rallié le mouvement une semaine après le début des événements. Le 19 septembre, il était encore commandant en second de la IIIe région militaire, basée à Bouaké. Arrêté par les mutins lors de la prise de la ville, il a été « convaincu de la pertinence de leur lutte, qu'[il] estime être un combat juste ». Les raisons qu'il avance pour expliquer son adhésion sont les mêmes que celles de l'homme du rang : « Je trouve inacceptable de classifier et diviser les Ivoiriens, de laisser s'installer l'injustice et l'impunité et de placer dans la Constitution un article destiné à écarter du pouvoir un individu en particulier. »
Sa présence est un atout considérable pour le MPCI, car c'est un militaire de haut niveau, un technicien doublé d'un tacticien, avec l'expérience du commandement. Formé à Saumur puis à Compiègne, en France, il est monté au feu en janvier 1990 en Côte d'Ivoire, comme précurseur des opérations militaires dans l'Ouest, lors du déclenchement de la guerre au Liberia. Il est ensuite devenu instructeur à Daloa (Centre-Ouest), puis commandant en second du IIe bataillon d'infanterie d'Akouédo (Abidjan) avant d'en être le chef de corps. C'est sous la transition du général Gueï qu'il a été nommé à Bouaké. « Les mutins des premiers jours étaient composé à 75 % d'éléments formés par moi-même ou ayant servi sous mes ordres. C'est la raison pour laquelle, d'emblée, ils m'ont nommé commandant en chef des opérations. »
On reconnaît en tout cas la « griffe » du stratège dans la façon dont sont organisés sur le terrain les commandements opérationnels, les fameux CO, qui sont les antennes militaires du MPCI disséminées sur toute la zone Nord. Le premier d'entre eux est celui de Bouaké, dirigé par l'adjudant Tuo Fozié et son alter ego, le sergent Chérif Ousmane. Il en existe beaucoup d'autres. Sur une ligne nord-sud se trouvent les plus importants : Korhogo, placé sous les ordres de l'adjudant-chef Koné Messamba, semble être une forte base arrière ; Ferkessédougou, dirigé par Moussa Koné, est probablement un centre d'entraînement pour les nouvelles recrues. D'autres CO sont répartis sur des lignes est-ouest : Boundiali et Odienné, sur la même latitude que Korhogo ; au centre, Katiola, Mankono et Séguéla, puis, plus au sud, c'est-à-dire proches de la ligne de front, Sakassou, Vavoua et Boundiali. De chaque CO dépendent plusieurs postes. Chacun est dirigé par un chef choisi tant pour ses compétences militaires que pour sa personnalité, car c'est à lui qu'incombe la charge de contrôler les « éléments », autrement dit les combattants de base. Il y a des personnages hauts en couleur, comme le chef Konaté, alias « Petit Vélo », responsable du secteur de l'École nationale des sous-officiers d'active (Ensoa), à l'entrée sud de Bouaké et point le plus proche du cantonnement des militaires français. Autrement dit, il est sur la ligne de front, car les loyalistes ne sont pas loin. Son quartier général est particulièrement original. Derrière un tas de voitures déglinguées s'élèvent deux cloisons en tôle ondulée formant un angle droit. Au fond, un lit à baldaquin étonnant, muni d'une moustiquaire en tarlatane qui a dû connaître des jours meilleurs. Devant trônent deux immenses fauteuils en cuir, pivotants et bien confortables. La place du chef et de son assistante, une jeune femme fine et élégante. Un téléphone filaire, un téléphone satellitaire, un ordinateur dernier cri, une télévision qui reçoit toutes les chaînes possibles grâce à une gigantesque antenne parabolique installée au dehors, voilà l'essentiel du matériel du poste.
Une troupe hétéroclite. Les armes ? Cachées sous des chiffons, derrière des sacs de sable, hors de la vue d'éventuels espions. Grand, fort, d'un sang-froid à toute épreuve, le chef Konaté n'a rien d'un rond-de-cuir, même s'il est chargé de signer toutes les autorisations de circulation des hommes et des rares véhicules non « réquisitionnés » par le MPCI. Il se targue d'avoir repoussé à cinq reprises les forces loyalistes. Lors des deux tentatives importantes de reprise de la ville, il s'est révélé un artilleur compétent, juché sur ce qu'il appelle sa « machine », un petit canon tirant des obus de 20 mm, monté sur un pick-up. « J'ai protégé les reporters de guerre. Ils étaient derrière moi et me posaient des questions ; moi, je dirigeais mes éléments et je bombardais l'ennemi. » Le chef Konaté raffole des journalistes et soigne son image au point d'avoir fait imprimer des petits calendriers 2003 avec sa photo en couverture. On dîne bien chez lui. Le poisson est bon, le riz est cuit à point et les légumes sont en abondance. Un pareil bonhomme a tout pour entraîner derrière lui le plus inexpérimenté des soldats. Car aujourd'hui, de l'aveu même du colonel Gueu, les troupes sont composées de 75 % à 80 % de civils. Ce sont eux les plus visibles, dans la rue et aux barrages. Leur nombre est estimé, par les Français, entre 4 000 et 6 000 hommes armés, et tout le monde n'est pas encore mobilisé.
Cela donne une armée hétéroclite que l'on voit parcourir les rues de Bouaké à petites foulées et en chantant, le matin de bonne heure. L'entraînement est surtout fait de culture physique fondée sur l'endurance et de maniement du kalachnikov. Parmi les recrues, on note la présence de nombreux dozos, les chasseurs traditionnels, traités avec déférence par leurs compagnons. Il y en a près de 2 000, mobilisés depuis début novembre sur tout le territoire, en réponse à l'appel des doyens de la confrérie. On les reconnaît à leurs visages blanchis au kaolin et à leurs longs fusils devenus armes de guerre pour la circonstance. Le 6 novembre dernier, la confrérie a organisé un grand rassemblement dans le stade de Bouaké. Les chasseurs ont chanté et dansé, prononcé des paroles incantatoires destinées à assurer la victoire. Mais, selon un témoin, ils ont aussi appelé de leurs voeux l'abrogation de la loi sur l'identification et la fin de l'ivoirité, car la magie s'ancre tout de même dans la réalité. Chaque combattant est bardé d'amulettes. C'est ce qui explique le volume étonnant du buste de certains. Ce n'est pas un gilet pare-balles à l'occidentale qui gonfle le tee-shirt ou la veste de treillis, mais des gris-gris chargés de détourner les balles, de rendre invisible, de transformer les hommes en tourbillon ou en abeilles. Le centre hospitalo-universitaire de Bouaké a soigné, le mois dernier, un homme qui, pour tester ses protections, s'est tiré lui-même une balle dans le ventre. Ces croyances ont à tout le moins un effet bien réel : celui de donner un courage à toute épreuve au soldat. Julien, chef de la « Cobra Force One », est spécialiste du combat isolé. Il raconte : « Les détecteurs de mouvements ne captent pas mon image. Lorsque je suis bloqué, j'ai un guerrier mystique qui m'ouvre la voie, et ensuite j'y vais. » Résultat : avec seulement six compagnons, il est parvenu à prendre la ville de Sakassou aux loyalistes. Les forces françaises, stationnées depuis à Tiébissou, dernier verrou avant Yamoussoukro à 25 km au sud, témoignent de la réalité de l'exploit. D'autant plus que le chef Julien a fait des émules, et que certains de ses jeunes gens ont été surpris, il y a quelques semaines, « en train de boire une bière dans un maquis de Tiébissou. Nous leur avons demandé de déguerpir, ils n'avaient rien à faire de ce côté-là de la ligne », commente un militaire français. L'anecdote a bien fait rigoler Julien, même si elle fait grincer les dents de l'adjudant Tuo Fozié, qui doit parfois se demander s'il parviendra encore longtemps à maintenir ses troupes l'arme au pied.
Mais pourquoi Fozié est-il si préoccupé ? Simplement parce que la belle organisation pyramidale n'est qu'un leurre. Les véritables chefs militaires sont lui-même et le sergent Chérif Ousmane à Bouaké, l'adjudant-chef Koné Messamba à Korhogo, le caporal Zakaria Koné à Vavoua, et d'autres, plus discrets. Soutiens du général Gueï lors du coup d'État de 1999, ces jeunes soldats ont fini persécutés par celui qu'ils avaient porté au pouvoir. Leur amitié a été scellée par la souffrance commune en prison. Chérif Ousmane a eu les dents brisées à la pince-monseigneur, Wattao a été roulé dans les barbelés, tous ont été battus durement et quotidiennement. Ceux qui ont déclenché l'insurrection au Nord et pris les principales villes forment aujourd'hui un collectif, dont Fozié est le représentant au secrétariat général du MPCI lors des négociations à l'étranger. À la direction du MPCI, il n'y a pas un seul homme qui décide, mais plusieurs, et les politiques n'ont pas autorité sur les militaires. Ce serait même souvent le contraire. Tuo Fozié est un homme jeune, modeste, qui défend ses idées avec conviction. Ses hommes le respectent parce qu'ils l'admirent. On peut même dire, sans exagération, qu'il est une figure charismatique. Sans lui, il y aurait probablement davantage de débordements et d'exactions. Il a l'art de convaincre parce qu'il y a proximité entre lui et ses soldats. Il a lui-même souffert des mauvaises conditions de vie et du manque de reconnaissance, il connaît le combat, la peur d'être tué. À fréquenter ces jeunes sous-officiers, on est frappé par leur authenticité, qui confine parfois à la naïveté. Si le mouvement a été déclenché par des hommes qui avaient intérêt à déstabiliser, voire à renverser, le gouvernement de Laurent Gbagbo, il semble aujourd'hui que les idéalistes soient moins faciles à manipuler que les mécontents, une des raisons pour lesquelles le conflit perdure. Beaucoup de questions demeurent sans réponse : qui paie le carburant, les factures de téléphone satellitaire, les munitions, les soldes ? Qui a organisé et financé le démarrage des opérations ? Un exercice intéressant consiste à comparer les numéros de téléphone. Fozié, Chérif, Messamba, Zakaria Koné ont presque le même numéro, seuls les trois derniers chiffres sur treize, changent. Les appareils ont dû être mis en service pratiquement au même moment. Le colonel Gueu, Guillaume Soro, Wattao, aujourd'hui chargé de la sécurité du secteur de la gendarmerie, ont, eux aussi, des numéros très proches, mais peut-être attribués postérieurement. En attendant le dénouement, le pays continue à vivre à la va-comme-je-te-pousse. La population, motivée régulièrement au cours de meetings et de manifestations, participe à l'effort de guerre et accepte de nourrir les combattants et de les vêtir au besoin. Le commerce est sinistré, les échanges avec le Sud ne se font plus et les quelques camions qui montent vers le Nord ou vers le Ghana ne suffisent pas à compenser les pertes d'activité. Curieusement, les marchés sont remplis. À Dar es-Salaam, l'un des quartiers populaires de Bouaké, les rues grouillent de monde. Il faut toutefois mettre un bémol à cette quasi-« normalité » : les banques sont fermées depuis quatre mois, et il est très difficile de trouver de l'argent liquide. Les paysans sont les moins touchés. Les travaux des champs continuent : le coton est récolté, la canne à sucre irriguée, et les premières coupes ont commencé. Ces denrées seront probablement acheminées et vendues dans les pays limitrophes, seuls débouchés à l'heure actuelle. La situation est plus grave encore dans le secteur de l'enseignement. Écoles, collèges, lycées, université, tous les établissements ont fermé, et les enseignants ont fui. Au MPCI, Sidiki Konaté a mobilisé des étudiants pour assurer des cours dans quelques écoles, mais c'est un pis-aller.
Il apparaît assez clairement que le MPCI s'est employé rapidement à éviter les exactions. Les chefs de poste ont reçu l'ordre de veiller à ce qu'il n'y ait pas trop de vengeances et de pillages. Il y en a malgré tout, et les villageois se plaignent régulièrement de vols de bétail, doléances reçues par le commissaire Ouattara, à Bouaké. « Nous enquêtons aussi sur les crimes de sang. Deux corps ont été découverts du côté du village de Kanhoukro. Une semaine après, nous avons arrêté un suspect. » Mais en l'absence de tribunaux, la justice risque d'être expéditive... Il est légitime de s'interroger sur les corps découverts dans la fosse commune, que l'on appelle le « charnier de Bouaké ». S'agit-il, comme l'a dit le secrétaire général du MPCI Guillaume Soro, uniquement de morts au combat, d'un côté comme de l'autre ? L'enquête reste à faire. Se pose aussi la question des crimes pour appartenance ethnique ou religieuse. Le MPCI tient beaucoup à ce qu'on ne puisse le taxer de xénophobie. Il y parvient assez bien, et Sidiki Konaté, le porte-parole, explique que les populations ont fui davantage par peur des combats et d'éventuels massacres que parce qu'elles étaient chassées. « Nous n'avons aucun intérêt à vider la Côte d'Ivoire de ses habitants. Quels qu'ils soient, ils sont sur leurs terres, et ce sont des Ivoiriens à part entière », déclare-t-il. Effectivement, les villages baoulés ne se sont pas entièrement vidés, en dépit des difficultés.
À Kouassiblékro, à 15 km au sud de Bouaké, Alphonse Koffi, fonctionnaire à la Compagnie ivoirienne d'électricité (CIE), a monté une cellule de crise, qu'il dirige avec son frère Elvis, enseignant. Kouassiblékro est au centre d'une communauté de vingt-deux villages baoulés, répartis jusqu'à Brobo, à 25 km à l'ouest de Bouaké. Situé au bord de la route, Kouassiblékro s'est naturellement transformé en étape pour les fuyards qui espéraient rejoindre leur famille installée dans le Sud. Les villageois ont d'abord créé une gare routière, d'où des véhicules ont pu faire la navette pour évacuer les vieillards et les invalides vers Brobo, voire jusqu'à M'Bahiakro, une agglomération importante située à 65 km du village. Vingt-deux mille cent soixante-dix personnes ont transité par Kouassiblékro entre le 25 septembre et le 24 octobre. Un tiers a passé une nuit sur place, et le reste a continué à pied. Aujourd'hui, le village accueille encore 558 déplacés pour 794 résidents habituels. Si Alphonse Koffi dispose de chiffres aussi précis, c'est qu'il a fait une demande d'aide auprès du Programme alimentaire mondial (PAM). Pour délivrer ses vivres, l'agence onusienne demande un recensement exact de la population concernée. Pour les médicaments, le petit stock du dispensaire à permis de parer au plus pressé. Le 27 novembre, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a fait parvenir des médicaments pour environ 10 000 personnes. Médecins sans frontières, qui travaille actuellement au CHU, a également fait parvenir des comprimés et des sirops. Les maladies sont banales : diarrhées enfantines, paludisme, plaies. Une alerte se dessine toutefois : un village voisin a signalé un cas de méningite. Une demande de vaccin a donc été adressée d'urgence à Bouaké, afin d'éviter une épidémie. En ce qui concerne l'eau potable, Kouassiblékro est connectée sur le réseau national géré par la Sodeci, la société nationale des eaux de Côte d'Ivoire. Hélas ! depuis deux mois, l'alimentation est coupée. Les quatre pompes ont donc été remises en service, mais elles tombent en panne les unes après les autres, et chaque réparation est estimée à 150 000 F CFA. Cette situation incite les femmes à aller puiser de l'eau au marigot, d'où un risque accru de parasitoses. Les frères Koffi ont remis au PAM, il y a un mois, le recensement en bonne et due forme. Mais, depuis, rien n'a bougé, l'aide alimentaire n'est pas encore arrivée, et l'on se débrouille pour faire un peu de commerce avec les ignames tout juste récoltés et les légumes que l'on échange contre du riz. Alphonse Koffi a bien du mal à cacher sa colère contre ceux qui lui ont volé la semaine dernière « un pack de boeufs », soit vingt-huit têtes. « Nous ne nous sentons pas en sécurité. Le 29 décembre, des rebelles sont entrés à Fertékro, ils ont demandé à voir le chef et lui ont extorqué 100 000 F CFA. Après leur départ, les villageois ont poussé un ouf de soulagement, mais les bandits sont revenus et, froidement, ont abattu le chef. Ensuite, ils ont interdit les funérailles, pour que leur forfait soit tenu secret ! » Mais l'histoire est allée jusqu'aux oreilles des soldats français qui, en dehors de leur mission de surveillance de la ligne de cessez-le-feu, sont souvent sollicités pour faire la police. Ils n'ont pas mandat pour enquêter, mais ils ont écouté d'une oreille attentive les différents témoignages. À Kouassiblékro, on se sent un peu victime de la situation. Les écoles sont fermées, faute d'instituteurs et, de toute façon, les autorités d'Abidjan ont signalé que les degrés obtenus dans une école ou un collège de la « zone de guerre » ne seraient pas validés par le ministère. De toute façon, l'insécurité ambiante retient les parents d'envoyer leurs enfants à pied jusqu'à la ville. Car, là, circulent les hommes du MPCI, et certains sont bien inquiétants. Un « kalach' » dans les mains, ça vous change un homme. D'abord, ça lui donne de l'imagination. On le voit dans les noms et les décorations peints à la main sur les voitures des chefs de poste. Ils vont de « Ninja noire » (sic), « Cobra rouge » ou « Force pure » au masque de « l'Araignée », alias Spiderman, plutôt bien dessiné. « No problem » côtoie « À l'attaque ». « Après God, c'est nous », clament les plus sérieux, à moins que ce ne soit « Le MPCI ou rien ». Bref, tous ces jeunes ont été nourris, comme tant d'autres, de séries télévisées américaines. Ils brandissent haut leurs armes et conduisent à toute allure, au risque d'avoir un accident, ce qui n'est pas rare. « Ils font un peu de dissuasion et effraient par leur apparence, mais ils ne sont ni méchants ni dangereux », affirme le placide colonel Gueu. Il y a quand même eu, surtout dans les premières semaines, quelques éléments incontrôlés, et il a fallu instaurer une discipline de fer pour éviter les problèmes. « Loi du talion » serait d'ailleurs une expression plus exacte, si l'on en croit les propos d'un chef de poste : « Un voleur écope en général de quarante-huit heures de prison et d'une correction. Un criminel ou un violeur est fusillé devant tout le monde, pour que cela serve d'exemple. » Difficile à vérifier. Seule la rumeur publique se fait l'écho d'exécutions sommaires, et la nuit résonne souvent de rafales mystérieuses. En revanche, les chicotes en cuir que l'on voit aux mains de certains sont de taille à faire passer l'envie de récidiver. Quoi qu'il en soit, les punitions n'ont pas dû arriver tout de suite. Car les ordinateurs, les téléviseurs, les ventilateurs ou encore les frigos ne sont pas tombés du ciel. Idem pour les voitures, dont beaucoup sont des pick-up fatigués mais aussi des 4x4 en bon état et quelques grosses berlines climatisées. Toutes les plaques d'immatriculation ayant été arrachées, on est bien en peine d'en identifier la provenance. « Ce sont les voitures de fonction », répond-on au secrétariat général du MPCI. Le gouvernement nous a privés des moyens de l'État et utilise l'argent public à ses propres fins, nous n'avons donc aucun scrupule à nous servir sur ses biens propres. » L'état-major s'est installé dans les locaux de l'Institut national de formation des agents de santé (Infas), qui dépendait du ministère de la Santé publique. En se promenant dans les bureaux, on constate qu'effectivement rien n'a été touché. Les dossiers administratifs sont bien rangés, les listes des maladies contagieuses sont toujours punaisées au mur de la salle de réunion, et les photos de famille des précédents occupants dorment dans leurs cadres. Les ordinateurs sont maintenus en état de marche et correctement protégés des virus par Issa, l'informaticien. Est-ce la vie dans la clandestinité qui a enseigné aux membres du bureau politique du MPCI à laisser le moins de traces possibles, imprimées ou sur un disque dur, des réunions, des discussions, des décisions, des projets ? Sur les ordinateurs du premier étage, celui de Mme Coulibaly, la secrétaire, et celui du bureau contigu, veille en permanence Antoine Beugré, le très malin chargé de communication que l'on appelle familièrement « Alain », comme son homologue gouvernemental, ce qui n'est pas très éloigné de sa véritable identité. Toujours est-il qu'en cas de brutal revers de fortune les oiseaux s'envoleront du nid en ne laissant derrière eux quasiment aucun souvenir.
Mais un tel événement est impensable dans les rangs du MPCI. Tout le monde est persuadé que le mouvement atteindra son but, quel que soit le prix à payer. À Ferkessédougou, le chef du CO Moussa Koné ne prend pas de rendez-vous au-delà du lendemain, « car après-demain, je risque d'être au Plateau d'Abidjan ». Il parle sérieusement. Tout aussi sérieusement que le Julien de Sakassou, dont la voix s'altère lorsqu'il parle de ses deux filles restées à Abidjan. C'est pour elles qu'il se bat, il veut les revoir vite et il est impatient de reprendre la route du Sud. En attendant, il faut bien vivre.




Politique   

Dossier Blanchiment d’argent, enrichissement illicite, financement occulte… : Sarkozy ouvre une enquête sur les activités des Ouattara
Le matin d’abidjan


 En cette période pré-électorale en Côte d'Ivoire, marquée par le processus de paix aujourd'hui à l'étape du désarmement, les services secrets français ont enquêté sur Alassane Ouattara et son épouse, sur instruction de l'Elysée. Les résultats des investigations mettent à nu les pratiques d'enrichissement illicite auxquelles s'adonne le président du RDR. Pourquoi donc cette enquête ? Et pourquoi maintenant ? Nous avons tenté de trouver des réponses à ces préoccupations.



Arrivé aux affaires après avoir battu au deuxième tour de l’élection présidentielle française, la candidate socialiste Ségolène Royal en mai dernier, Nicolas Sarkozy a hérité d’un grand nombre de dossiers chauds de son prédécesseur Jacques Chirac, qui a aujourd’hui de sérieux ennuis avec la justice de son pays. Au nombre de ces dossiers, figure en bonne place la crise ivoirienne qui a, ces 5 dernières années, rendu totalement exécrables les relations entre la Côte d’Ivoire et la France. Pour inverser la tendance, le nouveau patron de l’exécutif français en qui les opposants à Laurent Gbagbo voyaient un ‘’Chirac bis’’ a décidé de ne pas se jeter aveuglement dans la bataille entre le numéro 1 ivoirien. Afin de mieux connaitre les principaux acteurs politiques ivoiriens, une enquête est ouverte sur chacun d’eux. En somme une carte de visite complète de présidentiable ivoirien que les barbouzes français se chargent de confectionner à l’attention du ‘’grand patron’’. A l’exercice, les petites notes blanches sur Ouattara sont les plus nombreuses. Les raisons ? Nul ne le sait car le rapport des agents est muet sur la question. Mais il ressort des investigations des services secrets de l’Elysée qu’Alassane Dramane, est totalement inconnu des fichiers du fisc français et ne détient en son nom propre aucun bien immobilier. On pourrait croire qu’il y a erreur sur la personne de M. Ouattara. Eh bien, non ! il s’agit bel et bien du patron du RDR et son état civil est ainsi établi dans le document top confidentiel des services de renseignements français dont nous avons obtenu copie : ‘’Né le 1er janvier 1942 à Dimbokro (Côte d’Ivoire), de nationalité ivoirienne, titulaire d’une carte de séjour privilégiée valable 10 ans. Figure également sur le registre des diplomates accrédités auprès des autorités françaises, est marié avec madame Nouvian Dominique Claudine, veuve Folloroux, née le 16 décembre 1953 à Constantine (Algérie), de nationalité française. De statut résident étranger, il fait élection de domicile à Paris, 140 avenue Victor Hugo- Paris 16ème, dans un appartement propriété de son épouse. A Abidjan où il réside régulièrement, il demeure quartier Ambassade Cocody 01 BP 1206 Abidjan – Côte d’Ivoire.’’ On ne peut s’empêcher de se demander comment une personnalité de la trempe de Ouattara, qui a résidé de longues années en France où il disposait de comptes en banque, peut-il être ‘’inconnu des services fiscaux français’’. Avec lui, son épouse Dominique Nouvian dont les contributions sont jugées nettement en deçà de ses avoirs tant en nature qu’en numéraire. Ayant trouvé cela suspect, les enquêteurs de l’Elysée ont suivi des pistes qui leur ont permis de mettre au grand jour les pratiques du couple Ouattara pour échapper au fisc français et s’enrichir de façon illicite. Les autres membres de la famille ne sont pas ignorés ; les activités et avoirs de chacun sont passés au peigne fin.

Le mythe sur les comptes de Ouattara
Avec étonnement, les renseignements se sont rendus à l’évidence que l’homme politique ivoirien n’est propriétaire d’aucun compte bancaire ni d’un quelconque bien, imposable, sur le territoire français. Ils découvrent, après un travail de longue haleine, qu’en 1993, alors qu’il était le tout puissant premier ministre d’ Houphouët Boigny, Alassane Ouattara a ouvert un compte spécial dans une banque parisienne. Notamment à la City Bank Paris. Ce compte a fonctionné régulièrement jusqu’au 30 octobre 1999, date à laquelle le titulaire a décidé de sa fermeture et du transfert de tous les fonds qui y étaient logés, à la ‘’City Bank Génève’’. A cette date, ce compte classé rouge selon le jargon bancaire, géré par le fondé de pouvoirs, était créditeur à sa fermeture d’environ 9,5 milliards FCFA. Il était alimenté par des fonds en provenance soit des Caraïbes, soit des Antilles anglaises, les paradis fiscaux attitrés. Mais aussi des dépôts au guichet. L’analyse des mouvements sur ce compte entre 1996 et 1999 montre que les fonds qui y logeaient ne restaient jamais plus de trois à quatre mois en place. Ils étaient transférés vers d’autres destinations, au gré des placements effectués par l’ancien gouverneur de la BCEAO. Ce compte géré par un haut responsable de la City Bank Paris faisait l’objet d’une attention toute particulière et aucune information ne pouvait être livrée si ce n’est dans le cadre d’une enquête comme celle menée par les grandes oreilles françaises. En réalité, la City Bank Paris, une fois le compte fermé, n’en conserve aucune archive. Tous les documents et informations y afférents sont transférés pour partie, à l’agence où le compte est nouvellement domicilié, c’est-à-dire à la City Bank Genève. C’est là qu’un service centralisé va se charger de leur traitement et leur conservation. Selon les investigateurs, Ouattara n’a fait à ce jour, aucune vente de patrimoine et n’a aucun enregistrement à son nom aux services des hypothèques de Paris, du Var et des bouches du Rhône. La plupart des biens où l’on retrouve ses traces sont la propriété de son épouse Dominique Nouvian et son fils Loïc Folloroux, né le 16 avril 1975 à Buhl en ex-République fédérale d’Allemagne.

Dominique Nouvian Folloroux comme Ouattara
C’est en 1990 que Dominique Nouvian, officialise devant le maire de Paris, sa relation amoureuse avec le premier ministre de Côte d’Ivoire d’alors, Alassane Ouattara. Alors qu’elle résidait dans le pays depuis de longues années et avait même à charge la gestion des biens immobiliers de l’Etat ivoirien tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Elle n’était donc pas une inconnue à Abidjan où elle s’est établie également Cocody Ambassades avant son mariage avec Ouattara. Dans la capitale française, ‘’la blanche colombe’’ habite avec son mari une résidence au 140, avenue Victor Hugo – Paris 16ème. Son compte principal, de type spécial est repéré à la Société générale Paris, 29 BD Hausmann Paris 9ème, n° 30003 0 3000 000 500 85 153/20, au nom de Nouvian Folloroux épouse Ouattara. Au moment de l’investigation qui remonte à quelque six mois, ce compte qui, selon toute vraisemblance, est la propriété du couple, était créditeur de plus de sept milliards de francs CFA. Comme son époux, un compte où elle disposait de fonds énormes à la City Bank Paris, géré dans les mêmes conditions de confidentialité que celui de son époux, a été fermé. En même temps que celui-ci de Ouattara. Les fonds suivent le même trajet pour se retrouver dans la succursale de la City Bank de Genève. Pour échapper aux fisc français. A sa fermeture, il contenait un peu plus de 4,2 milliards de francs CFA. Ainsi Dominique Ouattara, qui partage le rêve de son époux d’élire domicile un jour à la résidence présidentielle de Cocody, peut contribuer à forcer le destin à coups de billets de banque. Tout en échappant à la dextérité des services de renseignements français qui ne manqueraient pas de lui demander des comptes concernant les flux financiers du compte en cas de décaissement de sommes faramineuses. La trouvaille est donc de taille et il fallait certainement être un économiste de la trempe de Ouattara pour faire tout ce montage. En outre, Mme Nouvian Folloroux Ouattara est propriétaire en nom propre de deux appartements de 126 m2 l’un et 142 m2 l’autre au 140, avenue Victor Hugo. C’est l’un de ces appartements qu’elle occupe avec son époux quand la seconde est habitée par son fils Loic Folloroux. Ces biens immobiliers sont évalués à neuf cent millions de francs FCFA , soit 48 millions pour le premier et 52 millions pour le second. Sous le nom de Dominique Nouvian, son nom de jeune fille, Mme Ouattara est également titulaire d’une propriété dans le Sud de la France, à Mougins (06) sur le front de mer au 598 chemin Pablo Picasso, référence cadastrale CD 26. Bâtie sur une superficie de 6.495 m2 avec piscine, cette résidence qui est une propriété privée de Mme Ouattara est estimée à plus de 12 millions FF, soit 1,2 milliard CFA; la taxe foncière à 28.306 FF (2 millions 830 mille 600 FCFA) et la taxe d’habitation à 44.295FF ( 4 millions 429 mille 500 FCFA). C’est dans cette maison que réside le couple Ouattara et l’on ne peut savoir à ce jour si elle a été cédée ou non à l’ancien premier ministre. La vérité, c’est qu’il n’y a aucun document attestant qu’il en est le propriétaire. Toujours au titre des biens immobiliers, les renseignements français signalent une maison à Sanary sur mer, propriété des parents de Dominique Nouvian, qui revient à la famille Ouattara, d’une valeur estimée entre 2,5 et 3 millions, soit 250 à 300 millions CFA.

Les affaires du couple
La seule entreprise de Madame Ouattara officiellement connue est l’Agence internationale de commercialisation immobilière (AICI.SA) dont elle est le PDG. Avec pour objet, selon ses statuts, la création et l’exploitation de tous les fonds de commerce d’agences immobilières, de négociation mobilière, immobilière et commerciale. Avec un capital de 5 millions FFF, son siège est situé 124, avenue Victor Hugo Paris 16ème. L’entreprise possède un compte bancaire à la Société générale également à l’avenue Victor Hugo. Et en plus de ce compte , gros de plusieurs millions, et dont les opérations au moins à chiffres témoignent de la bonne santé de l’entreprise, AICI.SA, qui a de nombreuses succursales à travers le monde, garde ses avoirs dans un compte secondaire logée à la banque Gallière, 38 rue Laffite, à Paris 9ème. Cet autre compte est également créditeur de plusieurs millions. Le chiffre d’affaires de la société entre 1995 et 1998 montre bien qu’elle brasse des millions qui bénéficiait largement au trésor public français à travers les impôts sur le revenu et autres taxes à laquelle elle était soumise. On note 3913 millions de FF (391,3 millirds CFA) en 1995, 527,2 milliards CFA en 1996, 539,1 milliards CFA en 1997 et 692,0 milliards CFA en 1998. Depuis 1999, date de la l’ouverture de comptes bancaires à la City Bank Genève, les fonds générés à l’extérieur par AICI ne profitent plus à la France. Désormais, ils dorment dans les paradis fiscaux. Les actions de l’entreprise sont reparties entre trois entités qui ramènent unilatéralement à la famille Nouvian Folloroux Ouattara. La famille Folloroux se taille la part du lion avec plus de 50% des parts. Alassane Ouattara, selon les chiffres, ne détiendrait que 22% des parts de l’entreprise quand d’autres Loïc Folloroux a à son actif plus de 25%. Tout naturellement, on retrouve comme administrateurs de AICI.SA, outre Dominique Ouattara, le PDG, Mme Nouvian Véronique épouse Cornuel qui s’est remariée le 8 aout 1992 avec M. Padovany Marcel Hubert, après avoir divorcé de son premier époux. Sur la liste figurent également les noms de Folloroux Loïc et d’Alassane Ouattara. En somme, une affaire familiale qui emploie une quinzaine de personnes mais brasse des fonds énormes. Surtout en vendant et rachetant par des circuits détournés des biens immobiliers de l’Etat ivoirien principalement dans la période où le chef de famille était aux affaires à Abidjan. A travers notamment l’opération de privatisation qui devrait servir à renflouer les caisses de l’Etat, des biens immobiliers de l’Etat se retrouveront en grand nombre dans l’escacerelle de M. et Mme Ouattara par le biais de prête-noms et autres sociétés écrans.

Les entreprises écrans
Il faut noter également que AICI.SA de Madame Ouattara est propriétaire à 100% de la SARL Malesherbes Gestion, au capital de 1 million FF, soit 100 millions CFA, et dont le siège est situé 3 rue Mérimée Paris 16ème. Cette société spécialisée dans la gestion d’immeubles résidentiels emploie une vingtaine de personnes avec des chiffres d’affaires largement supérieurs à ceux de AICI.SA sur la même période de 95 à 98. Respectivement, on a 652,8 milliards CFA en 95 ; 726,3 en 1996 ; 709,5 en 1997 et 812,6 milliards CFA en 1998. Madame Ouattara dont les biens se confondent ainsi à plusieurs niveaux avec ceux de son époux est aussi propriétaire de Radio Nostalgie Afrique dont le siège est basé 22, rue Boileau Paris 16ème, avec un capital de 2.500.000 FF, soit 250 millions CFA. De cette entreprise dont Ahmed Bakayoko, actuel ministre des Nouvelles technologies de la communication sous la bannière du RDR de Dramane Ouattara, est l’un des administrateurs, découle Radio Nostalgie Côte d’Ivoire. Notons que cette radio, dans sa volonté de défendre la cause de l’homme politique, a souvent eu maille à partir avec les population abidjanaises. En outre, madame Ouattara est titulaire de franchises Jacques Dessanges, des espaces très fréquentés, aux Etats-Unis et particulièrement à New York. Ces quelques structures qui ont été repérées, exerçant dans les secteurs les plus divers et ayant un lien direct ou indirect avec les Ouattara, leur permettent de blanchir des fonds provenant de pratiques illicites. Dans le même but, Dominique Nouvian a eu la géniale idée de créer l’association ‘’Children of Africa’’ dont le siège est à New York avec des bureaux à Paris, dans les locaux de AICI.SA et à Abidjan. Cette structure humanitaire est un maillon essentiel dans le procédé assez complexe pour faire circuler, loin de tout soupçon, l’argent sale. Fait remarquable, indique le document des renseignements généraux français, c’est Dramane Ouattara en personne qui est le représentant légal de ‘’Children of Africa’’ en France. Et comme par hasard ( ?) le compte principal de l’ONG est logé à la City Bank de New York. Dans l’impossibilité de trouver des éléments de réponse à certaines questions relatives aux ramifications entre AICI.SA, Children of Africa et l’homme politique ivoirien, la DGSE aurait décidé de poursuivre les investigations dans ce sens. Afin de mettre au grand jour les pratiques par lesquelles des fonds devant alimenter les caisses de l’Etat français lui échappent, par le bien de l’ONG.

Un Israélien comme homme lige
Renseignés sur le fonctionnement des paradis fiscaux et judiciaires, dotés de systèmes très complexes qui ont pour but d’empêcher la localisation de fonds d’origine illicites, les agents des services secrets français ont passé au peigne fin les opérations menées sur les différents comptes dont l’existence a été révélée. Mais aussi toutes les actions menées sur des comptes soupçonnés d’avoir un lien direct ou indirect avec les Ouattara. Ils ont fini par se rendre compte, souligne une source, que Ouattara s’est offert les services d’un Israélien rompu aux arcanes de la haute finance. Du nom de Midale Simon, ce proche du couple, expert comptable ou avocat de formation, largement rémunéré pour ses services, est le patron visible de l’empire financier frauduleux des Ouattara. Toujours entre deux avions, il est soit en déplacement pour exécuter les ordres de son employeur et séjourne régulièrement à Abidjan, Genève, Tel Aviv (Israël), dans les îles Caraïbes, dans les îles anglaises et aux Etats Unis. L’Elysée et Matignon en sont persuadés, Midale Simon est le gestionnaire des avoirs de Alassane Ouattara dans les paradis fiscaux. Très discrets, la les renseignements de l’Hexagone notent que l’homme a le profil de l’emploi et joue bien son rôle en tant que prête nom. Mais pendant combien de temps encore Ouattara pourra-t-il continuer de se cacher derrière ses sociétés écrans et autres prête-noms pour continuer de ne pas payer des impôts au fisc français ?

Trois mois avant le coup d’Etat de 1999
Néanmoins, des indices existent, qui permettent d’établir un lien entre la fermeture du compte de Ouattara en France, le transfert de ses fonds dans les paradis fiscaux où la confidentialité sur les mouvements financiers est très rigide, et les événements marquants de la Côte d’Ivoire post Houphouët Boigny. En octobre 1999, la guerre ouverte entre les héritiers Bédié et Ouattara atteint son point culminant. En effet, courant juillet 1995, l’ancien premier ministre décide de quitter son poste de directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI). Il annonce son retour en Côte d’Ivoire où il compte disputer à Henri Konan Bédié le fauteuil présidentiel qu’il n’avait pu accaparer par la force à la mort de Houphouët Boigny. Il s’en suit un mandat d’arrêt lancé contre lui par le pouvoir en place, pour ‘’faux sur l’identité et usage de faux documents administratifs’’. Ouattara qui avait certainement muri son idée avant d’annoncer son départ du FMI ne se laissera pas pour autant intimider, lançant à maintes reprises des menaces à peine voilées à celui qui est aujourd’hui son allié dans le cadre du RHDP. ‘’Lorsque je déciderai de frapper ce pouvoir, il tombera’’, ne cessait-il de répéter. Le 24 décembre 1999, c’est chose faite. Bédié est renversé par le général Guéi et Ouattara se fait présenter comme étant le nouveau président de la République de Côte d’Ivoire dans l’avion qui le ramène de Paris où il vivait en exil. Les mois qui suivent, les Ivoiriens finiront par se rendre à l’évidence qu’il était le véritable commanditaire de ‘’la révolution des œillets’’ version ivoirienne. Le choix des paradis fiscaux pour loger ses avoirs en France dès octobre 1999, soit moins de trois mois avant l’entrée en scène du général Guéi et ses jeunes gens, n’était donc pas fortuit. les renseignements généraux français qui avaient choisi jusque là de fermer l’œil sur les activités des Ouattara indiquent même clairement dans leur rapport que ce sont ces fonds qui ont servi à fomenter le coup d’Etat. Et au delà, la quasi-totalité des actes attentatoires à la sureté de l’Etat, particulièrement le coup d’Etat manqué de septembre 2002 qui a engendré la rébellion. Avec le soutien de la France alors dirigée par Chirac qui vouait une haine viscérale à Laurent Gbagbo.

Enrichissement illicite !
Dans notre édition n° 610 du vendredi 16 novembre 2006, nous publions un dossier sur la fortune d’Alassane Dramane Ouattara à travers le monde. Une manne, nous l’avons souligné, constituée parfois dans des conditions irrégulières et gardée dans les paradis fiscaux à travers le monde. Son passage à la tête du gouvernement entre 1990 et 1993 avait été déterminant pour l’ancien gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui profitera de la maladie du président Houphouët Boigny pour pomper les caisses de l’Etat. Premier ministre et ministre de l’Economie et des Finances, les recettes des différentes régies financières, y compris le trésor public, convergeaient vers la Primature où le seul maitre à bord du navire Ivoire à cette époque se servait à sa guise. Lui seul avait la maitrise du mécanisme mis en place pour la gestion de ces ressources. Une bonne partie de cet argent échappera totalement à l’Etat, transportée en Europe de façon régulière par l’ancien premier ministre. Le prétexte était tout trouvé : l’hospitalisation du chef de l’Etat agonisant dans les hôpitaux français, puis en Suisse. Les fréquentes visites à son cheveu permettront en tout cas à Ouattara de disposer dans des comptes ouverts dans les banques européennes des centaines de milliards. Il avait pourtant été appelé à la rescousse par le vieux pour assainir les caisses de l’Etat. Tous ces fonds ont été convoyés, nous le signifions, hors du pays et placés dans les paradis fiscaux. Avec les investigations menées par les renseignements français au sujet des Ouattara, on peut le dire, le voile se lève progressivement sur les origines des fonds dont Ouattara se sert pour mettre sans cesse à mal la sureté de l’Etat ivoirien depuis plus d’une décennie. Il se bat bec et ongles pour s’installer au palais présidentiel du Plateau. N’hésitant pas à combattre une rébellion qu’il a lui-même élevée contre la République.

Pourquoi maintenant ?
La célérité avec laquelle une enquête a été commanditée par le président français au sujet de Ouattara et son épouse soulève des interrogations. Surtout que Nicolas Sarkozy fut le témoin de mariage de Dramane Ouattara avec qui il a beaucoup d’amis en commun. A son arrivée à l’Elysée, le président du RDR et le RHDP avaient jubilé, voyant en Sarko celui qui viendrait parachever l’œuvre de Chirac. Dans les faits, le nouveau locataire de l’Elysée qui se veut pragmatique montre qu’il n’a pas envie de s’aliéner des amitiés. Tout est parti du fait que l’opposant politique échappe aux fichiers des services des impôts de la France dont il se targue d’être un allié. Aussi a-t-il été présenté à maintes occasions dans des salons comme étant un pro-américain qui voulait se servir de la France pour arriver au pouvoir en Côte d’Ivoire. A travers ses propres réseaux aux Etats-Unis où il compte personnellement beaucoup d’amis, Sarkozy lui-même en a entendu parler. C’est donc pour avoir le cœur net sur cette question, au moment où les élections approchent à grands pas en Côte d’Ivoire, que le président français instruit les services de renseignements français. Une tâche qui ne sera pas au-dessus des moyens des services secrets français qui avaientt déjà mené pareille investigation sur Outtara, du temps de la transition militaire du général Guéi Robert. Le dossier avait été déposé en son temps sur la table de Jacques Chirac qui avait préféré le mettre dans le fond de son tiroir. Il est remis au goût du jour. Avec de nouvelles annotations qui tiennent compte de la réalité du moment. Et dont le contenu est clair sur le clair- obscur qui entoure les relations que Ouattara entretient avec la France. Sait-on jamais, peut-être est-ce là une conséquence du rapprochement entre les présidents Gbagbo et Sarkozy ? En tout cas, cette hypothèse n’est pas à écarter, vu le réchauffement des relations entre Abidjan et Paris depuis les rencontres entre les deux chefs d’Etat, d’abord à New York, puis récemment à Lisbonne. En marge du dernier sommet Europe- Afrique.




Le lobby noir américain et la Côte d’Ivoire.
Le Courrier d’Abidjan
La crise ivoirienne et le combat du président Gbagbo sont en train de gagner d’autres terrains. Le lobby noir américain entend désormais mieux s’organiser pour aider la Côte d’Ivoire républicaine. Dans cet entretien, M. John Watusi Branch, universitaire, homme d’Affaires prospère, éminente personnalité du monde Africain américain parle du combat que ses frères de la diaspora et lui entendent mener à travers le monde pour que la victoire de la Côte d’Ivoire soit effective et totale.
Mr. John Watusi Branch, vous êtes le fondateur et le Directeur exécutif de “The Centre For Culture, The African Peotry Theatre, Inc.” basé aux États-Unis. Que faites-vous en ce moment à Abidjan ?
J’arrive d’Addis-Abeba où nous avons réfléchi, dans le cadre d’un forum international, sur les maux qui minent notre mère patrie, l’Afrique. Je suis en route pour le Sénégal d’où je devais rallier les États-Unis. Mais la Direction exécutive du Centre a souhaité que je fasse une escale de 3 jours ici pour mieux m’informer de la situation de crise en Côte d’Ivoire et rendre compte de ce que vivent ce pays et sa population depuis septembre 2002.
Voudriez-vous nous présenter l’Institution que vous dirigez ?
‘‘The Centre for Culture, the African Poetry Theatre, Inc.’’ existe depuis 20 ans. Il est basé aux États-Unis, plus précisément à Jamaica, Queens. Il a des activités multiformes et multisectorielles. Mais nous travaillons surtout dans les domaines de l’expertise, des échanges et du lobbying.
Nous sommes aussi organisés pour promouvoir l’Afrique et défendre ses intérêts. Nous sommes les ‘‘watchdogs’’ de l’Afrique et faisons en sorte que les anciennes douleurs qu’a connues le continent – l’esclavage, la colonisation, les coups d’État et l’exploitation – ne se reproduisent plus. A ce sujet, nous nous retrouvons aussi bien aux États-Unis qu’en Afrique pour des forums, conférences et sommets pour faire le point et prendre des mesures idoines dans l’intérêt de l’Afrique et des fils de la diaspora. Nous mettons à la disposition des Américains et surtout des Africains-Américains la vraie information sur l’Afrique et les conflits qui freinent son développement. Nous agissons ainsi dans plusieurs domaines. Nous travaillons avec des personnalités politiques, des leaders d’opinion et des hommes de médias. Avec toutes ces personnalités, nous parlons de la condition des Noirs partout dans le monde.
En ce moment, nous basons notre travail sur la projection de films sur les événements qui ont actuellement lieu en Afrique, particulièrement en Afrique de l’Ouest. Cela est, bien entendu, suivi de discussions pour permettre aux uns et aux autres de comprendre les diversités culturelles.
Nous invitons aussi des écrivains qui viennent nous parler de leurs œuvres. Cela nous permet d’avoir une idée de la richesse culturelle de la littérature africaine-américaine et africaine tout court. Nous avons aussi des programmes à l’attention des élèves et des jeunes à l’effet de développer en eux des talents dans plusieurs domaines dont l’art, la littérature, les contes africains, la peinture et l’industrie cinématographique.
Nous créons aussi des liens économiques entre l’Amérique et l’Afrique. Ce que nous appelons la renaissance des deux grands ‘‘A’’. Un aspect de notre travail, c’est que nous faisons venir en Afrique aussi bien des touristes que des investisseurs noirs américains désireux d’y investir. Depuis 9 ans, nous initions un programme au Ghana pour nos étudiants qui y passent 4 ou 5 semaines en été, pour faire de la recherche, se perfectionner ou apporter leur expertise dans plusieurs domaines socioculturels et éducatifs. Nous organisons aussi des forums politiques, économiques et des séminaires à notre siège central et dans plusieurs États américains, qui nous permettent de donner toutes les informations sur le continent africain, cher à nos aïeux, à nos parents et à nous-mêmes.
Possession française ?
Nous le faisons, parce que toutes les informations sur l’Afrique que nous recevons de l’Occident ne sont pas toutes crédibles par rapport à ce qui s’y passe réellement. Nous portons ainsi la vraie information sur l’Afrique aux journaux noirs américains pour leurs lecteurs qui sont nos frères africains américains. C’est cela notre mission depuis plus de 20 ans. Une mission au service de l’Afrique et des Africains. Elle vise à établir le lien entre nous et l’Afrique. Une espèce de retour à la mère patrie tel que préconisé par Marcus Garvey.
Avez-vous fait cas de la situation en Côte d’Ivoire lors de vos forums, galas et conférences de presse ?
Oui. Il y a trois semaines, des jeunes patriotes ivoiriens basés à New York nous ont fait l’amitié de nous inviter à une conférence de presse suivie de projection de film sur les douloureux événements que connaît la Côte d’Ivoire. Le centre que je dirige a abrité cette conférence, en collaboration avec M. Druid Bailly, un Ivoirien expert en économie qui travaille à Wall Street. Il est le représentant des jeunes patriotes à New York. L’Ambassadeur de Côte d’Ivoire aux Nations Unies, S.E.M. Philippe Djangoné Bi Djessan et bien d’autres responsables ivoiriens y étaient.
Avec la projection de films et les explications données par les uns et les autres, nous avons pu comprendre la vérité sur la crise ivoirienne et surtout la réalité sur les tueries de l’Hôtel Ivoire début novembre 2004.
A partir de là, nous avons conclu que l’acte posé par l’armée française à l’Hôtel Ivoire est très grave. Ayant moi-même quelquefois vécu en Côte d’Ivoire et connaissant très bien l’Hôtel Ivoire, j’ai eu de la peine à comprendre le bien-fondé d’un tel acte. C’est absolument incroyable, cette façon de traiter des êtres humains en ce 21è siècle ! Et puis les arguments des Français n’ont pas manqué de nous amuser. Pour ceux qui connaissent Abidjan, il n’y a pas de doute : un gros mensonge a conditionné cette opération de la Force Licorne qui a causé tant de victimes et un bain de sang inutile au sein de la jeunesse sortie pour poser un acte républicain, celui de défendre aux mains nues la République en danger. Mais ce que j’ai apprécié le plus, c’est la résistance dont ont fait montre ces jeunes gens. Voir des gens tomber à côté d’autres qui avancent les mains nues contre la Licorne et sa machine à tuer est une résistance qui inspire. Nous avons vu toutes ces scènes. Les conférenciers et les organisateurs ont échangé, ont répondu aux préoccupations des uns et des autres. Nous aussi avons été bien instruits de ce qui se passe actuellement dans votre pays et avons décidé d’aider fondamentalement la Côte d’Ivoire.
Plusieurs personnes dans la salle, des Américains et Africains-Américains, ont adhéré au combat et ont décidé de créer un comité de soutien aux idéaux démocratiques des Ivoiriens. Nous allons donc mettre ensemble nos forces pour informer davantage la population et le public américain au sujet de la situation en Côte d’Ivoire. Nous envisageons prendre contact avec d’autres personnes ressources ayant une grande maîtrise des relations bilatérales entre la France et la Côte d’Ivoire pour nous instruire véritablement sur ce qui ne va pas.
Pendant longtemps, la France a fait croire à une certaine catégorie de politiques américains que la Côte d’Ivoire était hostile aux USA.
Aujourd’hui, nous découvrons la vérité. Nous allons donc travailler davantage au rapprochement des deux. Ce que vous devez savoir, c’est que le plus puissant groupe de pression anti-apartheid est né au sein de la communauté noire à Harlem, aux États-Unis. C’était nous. Nous avons décidé de faire la même chose en ce qui concerne la Côte d’Ivoire, en développant nous-mêmes une stratégie de communication internationale efficace et un puissant comité de soutien.
Il faut que le monde entier soit informé de la barbarie française.
Un pays qui ne s’attaque qu’aux plus petits, aux plus faibles.
Avec les évènements de novembre, la France ne mérite plus le qualificatif de pays des Droits de l’Homme et de la Liberté.
Le Président Chirac, le Président de l’Afrique ?
C’est un État colon plein de haine et de contradictions. D’ailleurs, la grande majorité des pays européens ne lui accordent aucun crédit parce que sa contribution au sein de la communauté européenne est exclusivement tirée de l’exploitation des richesses africaines et des réseaux mafieux qu’elle a mis en place dans ses ex-colonies. Regarder la situation actuelle de la France depuis que ses ex-colonies, dont particulièrement la Côte d’ Ivoire, vont mal. Chaque jour, ce sont des grèves et des marches en cascade dans ce pays. Le pouvoir d’achat des Français est très faible et le gouvernement français n’a pas les solutions pour améliorer l’économie du pays et résoudre les problèmes du chômage, du racisme et de la pauvreté galopante.
Voilà pourquoi les autorités françaises s’acharnent sur l’Afrique et particulièrement sur la Côte d’Ivoire.
Nous allons aider les Ivoiriens à mettre fin à cet état de fait.
Le Comité de soutien que nous avons mis en place pense que la France ne mérite pas d’organiser les Jeux Olympiques de 2012.
Nos réseaux ont déjà commencé à travailler dans ce sens et la France n’aura pas les J.O de 2012. Nous avons décidé de combattre la politique honteuse, cruelle et moyenâgeuse de la France en Afrique. Et croyez-moi, aux États-Unis, il y a des millions de personnes qui pensent comme nous et qui sont prêtes à nous soutenir.
Le combat en Côte d’Ivoire est le début de la renaissance de l’Afrique francophone.
Nous allons surtout apporter notre soutien sans faille au président de l’Afrique du Sud, médiateur de l’Union Africaine dans la crise ivoirienne. Le Comité a décidé de lui adresser un message d’encouragement et solliciter une audience auprès de lui pour lui faire part de nos préoccupations, nous fils de la diaspora, vis-à-vis de ce que le gouvernement démocratiquement élu de Côte d’Ivoire endure comme méchanceté de la part de la France.. Nous lui proposerons notre collaboration dans le cadre de sa médiation, de sorte que des mesures communes soient prises pour mettre fin à cette forme d’injustice.
Ensuite, nous irons voir le président Obasanjo du Nigeria, président en exercice de l’Union Africaine, pour lui exprimer les mêmes préoccupations.
En plus de cela, nous allons actionner le Black Caucus (Ndlr : Groupe de pression parlementaire, composé de sénateurs et de représentants noirs, qui influence la politique étrangère des USA. On y retrouve aussi bien des républicains que des démocrates. Ce groupe est incontournable en matière de décisions qui concernent directement l’Afrique) et le gouvernement des États-Unis afin qu’ils s’impliquent directement dans la résolution de la crise ivoirienne par une prise de position sans ambiguïté à l’ONU. Nous ferons en sorte que toutes ces actions convergent vers la résolution définitive de la crise ivoirienne.
Et nous sommes sûrs de réussir si nous, fils de la diaspora, mettons ensemble nos forces pour venir au secours de la Côte d’Ivoire. C’est de l’indépendance totale de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique qu’il est question là. Et nous allons y travailler sérieusement,
car il est temps que les Ivoiriens et, partant, les Africains réfléchissent d’eux-mêmes et s’autodéterminent seuls, sans une influence quelconque.
Les rapports entre la France et ses ex-colonies africaines doivent être des rapports de respect mutuel et de souveraineté. Aujourd’hui, on ne peut pas accepter, en Afrique, des coups d’État et guerres suscités et sponsorisés par des puissances étrangères. La France doit aider les pays africains à consolider la démocratie plutôt qu’à créer les conditions du désordre, de la haine et de guerre civile. Pour venir 10 ans après, comme ce fut le cas au Rwanda, présenter des excuses pour la guerre et le génocide qui ont détruit ce pays. Nous ne pouvons l’accepter. Nous ferons donc tout, avec l’aide des Ivoiriens patriotes et des Africains panafricanistes, pour que le cas de la Côte d’Ivoire soit le dernier acte du néocolonialisme en Afrique.
Comment percevez-vous le fait que, pendant que de nouveaux leaders politiques, partisans de l’expression démocratique émergent, d’autres se munissent d’armes pour tenter de changer l’ordre démocratique en marche ?
Mon sentiment, en tant qu’américain, est qu’un coup d ’État est ce que nous appelons ‘‘The step backward’’, c’est-à-dire un retour en arrière. Il faut que les partisans de coups d’État aient à l’esprit beaucoup de choses. On ne peut pas travailler pour soi et contre l’intérêt général.
On ne peut pas prendre un fusil contre ses propres frères et penser que cela réglera les choses.
Or, c’est généralement cela l’esprit des coups d’État.
L’Afrique doit rejeter ce mode de gestion politique, ce mode d’accéder au pouvoir. Cela n’honore pas ce continent qui a des choses si merveilleuses à apprendre et à offrir au monde. Vous êtes les fils d’une même mère et il n’est pas souhaitable de vous entretuer. Il faut privilégier la discussion, le dialogue, qui a toujours fait le charme de ce continent. L’Afrique doit désormais accepter les principes démocratiques, la bonne gouvernance et surtout l’émergence d’un nouveau type de leaders politiques.
Vous qui êtes un des initiateurs du retour des hommes d’affaires africains-américains vers l’Afrique. Est-ce que vos projets de coopération économique entre les Africains et leurs frères de la diaspora ne se retrouvent-ils pas menacés par les différentes rébellions ?
Cela constitue effectivement un frein aux initiatives que nous entendons davantage prendre pour l’Afrique, parce que cette méthode heurte sérieusement les initiatives économiques en général. Cela effraye les investisseurs qui voudront s’intéresser à l’Afrique. Même les simples prospecteurs seront découragés. Quand il y a des conflits dans une zone, cela fait fuir les investisseurs, parce que “l’argent n’aime pas le bruit”. Malheureusement, c’est dans ce cas de figure que nous allons nous trouver. C’est pour toutes ces raisons que nous appelons à la fin de la guerre, parce que nous envisageons faire venir beaucoup d’investisseurs américains en Afrique, pour offrir des facilités et le vrai développement aux Africains.
Vous avez certainement appris par voie de presse beaucoup de choses sur la Côte d’Ivoire. Après avoir organisé des conférences de presse, des forums et galas aux USA pour expliquer la crise ivoirienne, vous voila à Abidjan. Quel est aujourd’hui votre point de vue par rapport à ce qu’on vous expliquait ?
J’ai séjourné en Côte d’Ivoire plusieurs fois et je n’ai constaté aucun changement négatif. La Côte d’ivoire est restée aussi accueillante qu’elle l’a toujours été. Les Ivoiriens sont pourtant qualifiés de xénophobes…Tout ce qui a été dit à propos de la Côte d’Ivoire dans la presse internationale, surtout dans la presse française, sur l’Internet, ne m’a jamais ébranlé. Je suis toujours resté en contact avec des Ivoiriens sur place à Abidjan. Ils m’ont toujours rassuré sur l’état des lieux. Je n’ai jamais douté des qualités humaines des Ivoiriens et je n’ai jamais eu peur de venir à Abidjan malgré ce qui se racontait. Abidjan est formidable et les Ivoiriens sont toujours aussi formidables. Par contre, les événements de début novembre 2004 ont jeté le discrédit sur la force Licorne. Dernièrement, quand je suis arrivé ici, j’ai fait une petite visite guidée à l’hôtel Ivoire. Je vous assure que quand vous voyez les différents films réalisés sur ces événements de novembre et le site même de l’Hôtel Ivoire, vous avez de la peine à comprendre comment une telle barbarie a pu y avoir lieu. C’est d’ailleurs ce pour quoi les membres du Conseil Exécutif du Centre m’ont demandé de faire une escale à Abidjan. Il m’appartient de leur rendre compte de ce que j’ai vu et entendu. Mon message est qu’il fait bon vivre à Abidjan.
Si l’on vous demandait de comparer le président Houphouët au président Gbagbo, que diriez-vous ?
Des gens qui connaissent bien le président Gbagbo m’ont dit beaucoup de bien de lui. Ils m’ont donné des informations mêmes historiques sur sa personne. Entre autres, le fait qu’il ait fait la prison à 4 reprises en tant qu’opposant sans jamais avoir pris les armes à sa sortie de prison. Le fait qu’aussi bien son père (paix à son âme !), son épouse, son fils, en somme toute sa famille ait fait la prison et ait pris la chose comme faisant partie du parcours normal d’un opposant politique africain. Car il est rare en Afrique de s’opposer au pouvoir du parti unique sans faire la prison. J’ai aussi lu les œuvres écrites par l’actuel président ivoirien et les articles de journaux concernant sa vie et son action politique. Sa vision de l’Afrique et l’analyse qu’il fait de son parcours montrent qu’il est un grand homme d’État. Ce sont des choses qui comptent énormément et positivement quand on veut faire de la politique. Nous voudrions l’encourager à persévérer dans la voie de la paix et saluer sa large vision à la fois humaniste et panafricaniste. Quant au président Houphouët- Boigny, je pense qu’il a posé les bases du leadership de la Côte d’Ivoire.
Et le président Gbagbo est en train de travailler à pérenniser ce leadership. Il est sur les traces de Stockely Carmichaël alias Kwame Turray, de Kwame Nkrumah, Julots Nyéréré, Lumumba, Thomas Sankara… Ces leaders panafricanistes qui ont marqué l’Afrique et que le pouvoir néo-colonial , à travers ses sous-préfets locaux, a combattus à mort. Quand on connaît l’histoire d’un tel homme, on peut aisément comprendre pourquoi il a beaucoup de problèmes avec la France. Nous allons l’aider avec notre groupe de lobby, car son combat est en train de donner une autre image de la Côte d’Ivoire qui se réveille enfin. Mais rien ne se fait du jour au lendemain, il faut lutter contre toutes ses forces du mal. Je suis très émerveillé de voir que le président Gbagbo ne recule pas du tout sur certaines des décisions courageuses qu’il prend.
Si vous devriez vous adresser personnellement aux rebelles de Guillaume Soro, que leur diriez-vous ?
Je leur dirais qu’ils doivent faire corps avec leur pays pour l’intérêt de tous, penser aux souffrances des populations. Le plus grand message que je peux leur donner, c’est qu’il ne faut pas créer la division juste pour régler un problème particulier. Ils doivent cesser de servir d’agents exécuteurs pour protéger les intérêts de la France et des multinationales.
“Unis, on résiste. Divisés, on chute”, dit-on.
Ils doivent méditer ce message. Il faut que les rebelles sachent que les Européens ne sont pas intéressés par leurs préoccupations. Ils ont plutôt autre chose derrière la tête. Nous sommes honnêtes en leur disant cela, car nous savons de quoi nous parlons.
L’Afrique doit rester unie et revenir aux Africains, comme Marcus Garvey l’a dit.

Quel message à l’endroit du président Gbagbo ?
Je lui demanderai de toujours résister. Il doit reste r fort là où il est. Pour nous, il est sur le bon chemin, celui de la libération de toute l’Afrique. Il est aujourd’hui un exemple pour les autres Africains. Particulièrement ceux de l’Afrique francophone qui doivent aujourd’hui dire non à l’impérialisme français. Gbagbo doit servir d’exemple à toute l’Afrique, à tous ceux qui veulent dire non à la forfaiture européenne et qui sont encore hésitants. Il est temps pour les Africains de prendre leur destin en main. Ne faiblissez pas, parce que vous êtes dans le vrai. Et votre position sera défendue partout dans le monde, partout où nous serons, partout où les combattants pour la dignité de l’homme noir seront. Nous invitons à cet effet le Président Gbagbo à venir aux États-Unis d’Amérique pour non seulement s’adresser au Conseil de Sécurité des Nations Unies mais surtout pour nous permettre de lui offrir des tribunes pour faire connaître son combat et celui de son peuple. Nous avons partagé cette idée avec l’Ambassadeur Philippe Djangoné Bi qui a promis lui transmettre notre invitation.
Et à Blé Goudé et aux jeunes patriotes ?
Je les encourage à toujours mener le combat qui est le leur. Aux États-Unis, nous avons connu cette période dans les années 60 et ce sont nos jeunes patriotes, dont je faisais partie, qui nous ont tirés d’affaire. Ce sont eux qui ont l’énergie nécessaire pour mener ce combat. Je salue au passage Blé Goudé pour tout ce qu’il fait. Le chemin est long, il sera vilipendé mais il devra résister. Personnellement, je préfère une jeunesse de ce genre-là, celle qui prend la rue les mains nues pour exiger ses droits et défendre la République en danger, qu’une jeunesse qui use du canon pour se faire entendre.
Les ‘‘Jeunes Patriotes’’ de Côte d’Ivoire devraient même exporter leur mode de combat.
Je les encourage personnellement pour l’énergie et le génie qu’ils mettent dans leurs initiatives.
Que vous inspire la médiation MBéki ?
Le président MBéki est un grand homme d’Etat. Il dirige un État qui a une histoire de lutte pour la libération et l’émancipation. Nous savons qu’il va réussir à ramener la paix et la stabilité en Côte d’Ivoire. Nous allons lui apporter notre soutien sans faille. Il a soumis une feuille de route à toutes les parties impliquées dans la crise ivoirienne, Et selon les informations en notre possession, seul le bloc rebelle continue de ne pas assumer sa part de responsabilité. Selon des informations précises, la communauté africaine, avec l’appui des Nations Unies, s’apprête à les obliger à désarmer. Nous soutiendrons les nouvelles mesures à venir. Et s’il y a des pays et des chefs d’État qui s’y opposent, nous allons les dénoncer et amener l’opinion publique américaine à les combattre. Par exemple, si le Burkina Faso continue de soutenir la rébellion en Côte d’Ivoire, nous demanderons à tous nos concitoyens de boycotter ce pays.
  • Nous entendons, en tant que lobbyistes africains-américains, impliquer tous nos représentants au Congrès et aider le président MBéki à réussir sa mission. Qui est notre mission à nous tous. Je suis convaincu qu’il n’échouera pas. Car il est plus qu’important que cette espèce d’esclavage et d’apartheid en Afrique s’arrête aux portes de ce millénaire où l’intelligence personnelle devrait primer sur tout.
Les affaires explosives et secrètes qui ont marqué le secteur de la téléphonie cellulaire en côte d’ivoire





samedi 12 janvier 2008 - Par L'intelligent d'Abidjan -
Les années 2006 et 2007 ont été florissantes pour le secteur de la téléphonie cellulaire qui a même été classé comme l’un des plus dynamiques de l’économie ivoirienne, tandis que tout le monde fantasmait sur le pétrole.
A ce jour, l’Agence des télécommunications de Côte d’Ivoire a distribué plusieurs licences de téléphonie, dont quatre sont déjà en activité pleine. Chaque opérateur a son histoire, ses fortunes et infortunes. Au cours de l’année qui vient de se terminer, un
certain nombre d’investissement et de flux financiers importants ont été réalisés dans le secteur. De quoi s’agit-il ? A côté des quatre premiers opérateurs, que pèsent et que réservent les trois prochains qui arrivent ? La synergie Côte d’Ivoire Telecom –Orange a-t-elle atteint ses objectifs. Le pionnier Côte d’Ivoire Telecom n’est-il pas en train de devenir un géant aux pieds d’argile ? Les cahiers de l’intelligent d’Abidjan ont mené l’enquête.

Jour de gloire pour Apollinaire Compaoré
Roi de la moto et du tabac dans son pays, Apollinaire Compaoré est un self made man qui a fait fortune dans la vente légale mais aussi la contrebande de cigarettes Malgré les dénégations en privé, il aurait toujours bénéficié de la bienveillance de Blaise Compaoré dont il demeure pour certains, l’homme d’affaires et le bras armé financier. Animé d’une légendaire et intrigante discrétion, Apollinaire Compaoré passe pour n’être jamais apparu dans les médias. Ainsi il serait difficile pour le grand public et toute personne ne l’ayant jamais rencontré de l’identifier et de le reconnaître à son passage. La relative fortune de cet homme et même son destin prennent une tournure exceptionnelle alors qu’il rencontre le très entreprenant Koné Dossongui. Les deux hommes se sont sans doute connus au niveau de ladistribution, des assurances et de la banque. Dossongui veut prendre pied au Burkina Faso et a besoin d’un associé local au moment ou Miko Rwayitaré l’associé de Yérim Sow, dans Telecel-MTN, cède ses parts en Afrique de l’Ouest pour se renforcer en Afrique Centrale.
Atlantic Group est alors actionnaire au Burkina, au Togo, en Côte d’Ivoire, au Bénin. Si Koné Dossongui est partenaire et associé avec Apollinaire Compaoré au Burkina et en Côte d’Ivoire, ailleurs il vole de ses seules ailes. La mise d’entrée du patron de Burkina Mob et de Planor Afrique dans Atlantique Telecom pour des parts de Telecel s’élève à cinq milliards de FCFA.
Pendant longtemps, de nombreuses rumeurs circuleront sur la destination et l’usage de ces cinq milliards de FCFA sans lesquels Koné Dossongui, selon la version des pro-Compaoré, n’aurait jamais pu réunir la garantie bancaire qui lui a permis de ravir sa part des actions de Telecel de côte d’Ivoire et ensuite dans la sous-région. La crise de confiance entre les deux commence lorsque l’attention de M. Apollinaire. Compaoré est attirée au sujet de l’actionnariat de Telecel, puisque malgré sa mise initiale de cinq milliards de FCFA, et en dépit de deux représentants qu’il a dans le conseil d’administration et surtout malgré les managements fees qu’il percevait, l’homme restait inconnu du fichier des actionnaires. Le burkinabé restait inexistant pour les autorités ivoiriennes de régulation qui estimaient à raison qu’il n’était pas du tout actionnaire de Telecel Côte d’Ivoire, avouant par là qu’elles n’ont pas fait correctement leur travail qui consiste entre autres , à bien connaître les montages financiers faits par les promoteurs et les opérateurs, ainsi que l’obligation d’avoir l’accord du régulateur ou de tout déclarer lorsqu’intervient un changement d’actionnaires. Quand Apollinaire Compaoré en parlait, quelques uns édifiés par la fortune et le parcours de Koné Dossongui le prenaient pour un imposteur, refusant de croire que cet homme fut partenaire de notre Rockefeller national . Lorsque M Compaoré a exprimé ses préoccupations à Koné Dossongui, celui-ci aurait expliqué que compte tenu des relations difficiles entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, il paraissait risqué de faire figurer le nom de son associé burkinabé parmi les principaux actionnaires de Telecel dans un secteur d’activités sensible, étant donné déjà que le premier actionnaire en l’occurrence Yérim Sow, bien qu’ivoirien, cultivait particulièrement ses origines non nationales. A encroire l’entourage de M Compaoré il fallait, selon M Dossongui, éviter que la société Telecel soit perçue comme une entreprise appartenant à des étrangers. C’est ainsi que les 16,5(seize et demi) pour cent d’actions de M Compaoré étaient intégrées et incorporées au titre des actions appartenant à Atlantic Telecom. Mais Apollinaire Compaoré qui croit en l’intégration économique sous régionale, qui a des affaires au Niger et connait un peu l’environnement ivoirien, grâce à deux brillants collaborateurs nationaux, qui suivaient à l’époque certaines affaires pour lui, dont la société Colgate Palmolive Côte d’Ivoire qui est sa propriété, refuse de se laisser amadouer par les explications de son associé. Il approche alors les autorités ivoiriennes de régulation du secteur. Ce qui devait en principe être une simple opération de régularisation devient une foire à l’arnaque. Des lobbyistes de tout bord et tout acabit entrent en scène avec la bénédiction de l’ATCI.
L’affaire est pourtant simple : Apollinaire Compaoré réclame à Koné Dossongui une attestation, un document qui prouve qu’il est bel et bien actionnaire de Telecel Côte d’Ivoire à hauteur de seize pour cent et demi. Koné Dossongui traîne et n’est pas trop chaud pour le satisfaire. Encore principal actionnaire avant l’entrée en lice des sud-africains, Yérim Sow et désormais patron de Telyum Group présent dans l’immobilier, l’aviation, les Télécoms et la banque, semble favorable aux prétentions de M Compaoré puisque cela affaiblirait la position de M. Dossongui et éviterait qu’il revendique tout seul les 33 pour cent détenus par Atlantique Telecom. Dans la même période et avant que l’autorité politique n’impose clairement MTN pour le rachat d’au moins cinquante et un pour cent de Telecel, Koné Dossongui, qui sera alors consolé plus tard par l’attribution d’une licence, voulait mettre en avant le droit de préemption pour rafler la mise à Yérim Habib Sow et devenir le patron de son bébé devenu très grand et l’objet de toutes les convoitises, au prix de mille et une péripéties sur lesquelles il est même possible d’écrire un livre entier : Telecel Côte d’Ivoire.
L’associé du patron de la Banque Atlantique prend finalement tous les documents qu’il a en sa possession pour les transmettre à l’ATCI ainsi qu’à la tutelle. Il revendique la qualité d’actionnaires à hauteur de seize et demi pour cent contre dix sept et demi pour Dossongui sur les 33 pour cent des actions notifiée pour le compte d’Atlantique Telecom. Il est peut-être vrai que dans l’affaire Dossongui Koné a pu gager et nantir les 33 pour cent d’actions pour d’autres opérations financières sans avertir son associé, mais les pressions qui ont été tentées sur lui, par l’ensemble des intermédiaires et des lobbyistes laissent à désirer. Un conseiller de l’ex argentier ivoirien de l’époque, un ancien ministre, des démarcheurs et entremetteurs de justice, un dirigent sportif, des hommes politiques de tous les bords, et diverses autres personnalités sont montées au créneau Apollinaire Compaoré finira par obtenir son précieux document dans des circonstances rocambolesques qu’ilest encore trop tôt de révéler, au prix de plusieurs centaines de millions de FCFA, et au grand bonheur de tous ceux qui ont attisé le feu entre lui, et Dossongui Koné qui ne tardera pas à faire tourner le vent contre son ex-bras droit. L’occasion se présente lors de sa sortie de MTN. D’ailleurs pour cette autre opération, les relais et lobbyistes de M Compaoré qui voulait alors casser du Dossongui, ont encore tenté de faire subir des pressions au patron de la Banque Atlantique, en vue de l’obliger à céder tôt et au meilleur prix (pour MTN et accessoirement M Compaoré) ses parts.
En effet dans la perspective du lancement de Moov, Koné Dossongui ne pouvait pas continuer à être actionnaire de Telecel. Il devait sortir de l’entreprise .Mais il semblait traîner et trop prendre son temps. Ce qui n’était pas au goût du burkinabé Compaoré qui obtiendra de l’ATCI, que l’ivoirien Dossongui soit mis en demeure de céder ses parts dans les meilleurs délais requis. Naturellement MTN était également impatient, espérant dans l’attente du bouclage des négociations entre Dossongui et Etisalat, que le premier vende à bas prix ses actions dans Telecel.
Qu’à cela ne tienne ! Dossongui cède ses parts au plus offrant à savoir MTN, avec encore la complicité de l’ATCI dont le flagrant double jeu devra un jour être su de tous, en particulier ceux qui traquent la mal gouvernance, la corruption et l’enrichissement illite et en vitesse ayant cours dans le secteur juteux de la téléphonie cellulaire. M Kla Sylvanus en l’espace de
quelques années est ainsi devenu un richissime homme qui aura laissé de douloureux souvenirs à de nombreux acteurs et opérateurs du secteur. Malgré les dispositions et les textes, et en dépit du travail réalisé au profit de Compaoré, le régulateur offre le temps dont il avait besoin à Dossongui pour conclure la transaction avec MTN et réaliser un coût plus élevé, une plus value inestimable et impossible si les choses avaient été faites dans les délais. Cela avait fait l’objet d’un accord de reversement de commission entre M Hamed Cissé et des lobbyistes qui jurent sur tous les dieux que le patron de Moov et son homme de main n’ont jamais tenu leurs engagements. Et vous êtes priés de les croire !
Tout cela se fait au grand dam de M Compaoré qui n’est alors pas en mesure de répondre immédiatement aux offres de vente faites par Dossongui Koné. MTN rafle alors la mise, avant encore et toujours d’avoir dans son collimateur Apollinaire Compaoré qui ne lâche pas
affaire, qui ne lâche pas prise! En temps et en heure, il exige comme le prévoit un protocole la cession de la moitié des parts de Dossongui qui ont été rachetées par MTN.
Les sud-africains qui ne veulent pas renforcer cet actionnaire pas trop accommodant à leur goût, traînent les pieds, poussant l’homme d’affaires du chef de l’Etat burkinabé à mettre en alerte son armée de lobbyistes et de relais qui lui permettent d’obtenir gain de cause à la mi-juin 2007 dans des circonstances sur lesquelles nous reviendrons un de ces jours. En commissions et frais divers, M Compaoré aura dépensé au moins deux milliards de FCFA pour satisfaire tous ceux qui ont attisé le feu pour ensuite tenter de l’éteindre. Bien entendu la distribution de toute cette manne ne se fera pas de façon équitable et satisfaisante pour tout le monde, poussant souvent à délier les langues et à faire des confidences.
Devenu depuis lors le deuxième actionnaire de Telecel, le très discret mais actif et entreprenant homme d’affaires de Ouaga roule au ralenti et attend le retour sur investissement. Si c’est maintenant qu’il commence à se faire connaître du camp présidentiel
ivoirien malgré quelques amitiés dans le cercle, il faut noter que l’ex rébellion connaît mieux cet homme d’affaires qui aurait souvent fait bénéficier de sa générosité aux hommes de Guillaume Soro. L’information avait d’ailleurs attiré à l’époque l’attention des services secrets d’Abidjan qui lui reprochent d’avoir facilité l’accès des ex-rebelles au téléphone satellitaire Thuraya. Cette autre version de son histoire devrait faire prochainement l’objet d’un récit particulier.
Ainsi donc l’année 2007 aura été l’année de M Apollinaire Compaoré qui a joint l’utile à l’agréable en organisant vers la fin de l’année un mariage digne de son rang pour sa fille!
Koné Dossongui est selon plusieurs témoignages, l’homme d’affaires Ivoirien le plus riche et le plus prospère
Ancien patron de la Palmindustrie, il fait partie , avec Bra Kanon et tant d’autres , de ces cadres qui ont su tirer profit de leur position au cœur de l’Etat naissant ivoirien, pour , grâce à la bienveillance et surtout aux recommandations d’Houphouët invitant les grilleurs d’arachides à se servir, prendre pieds dans le monde des affaires.
Aujourd’hui il est possible d’être fier de son parcours même s’il est jalonné de quelques petits
mics-macs et faux coups désastreux pour son image, sur lesquels il ne faut peut-être pas trop s’étendre pour le moment. Toujours est-il qu’on peut rappeler l’aspect judiciaire de son contentieux avec Apollinaire Compaoré, tant à Ouaga qu’à Abidjan. Le bruit avait même couru en son temps de l’existence d’un mandat d’arrêt pour malversations et abus de confiance au Burkina Faso contre à la fois M Koné Dossongui et M Hamed Cissé le patron de Moov Côte d’Ivoire, autrefois patron de Telecel au Burkina. Aujourd‘hui, l’homme d’affaires ivoirien envisage de sortir de Moov ou d’y réduire davantage sa participation aussi bien en Côte d’ivoire que dans la sous-région, pour concentrer ses affaires dans la banque. Il rêve dans les cinq prochaines années de faire partie des dix meilleures banques d’Afrique, après avoir été la première de Côte d’Ivoire. Cependant cette option stratégique n’est pas du goût de nombreuses personnes autour de lui, qui font mine de banaliser les mésaventures qui lui sont arrivées au Togo et au Benin sur la téléphonie cellulaire. Contrairement à la banque qui est pour l’heure prometteuse et à la téléphonie cellulaire, Koné Dossongui n’a pas connu autant de succès dans la distribution avec Centradis une de ses affaires de base. Cela lui a fait traîner quelques casseroles et des contentieux suspects avec le fisc ivoirien. Un procès a toujours cours à Ouaga entre M. Compaoré et Dossongui. Le premier refuse que Telecel Burkina devienne Moov. Le cas échéant, il exige une prime parce que selon lui, Etisalat aurait payée pour cela. Les déboires après le changement de nom et d’actionnaires (Telecel à Moov) de Koné Dossongui au Togo et au Benin ne sont pas étrangers à cela. En effet, c’est sur la base d’informations de détracteurs et de lobbyistes mécontents, que le Bénin et le Togo ont été convaincus que dans le protocole entre Etisalat et Moov, la firme de Dubaï a racheté les licences que détenait M. Dossongui. Pour la Côte d’Ivoire, il devait percevoir les 40 milliards de FCFA et 30 milliards ou 20 milliards de FCFA pour les autres pays. Autre souci ou rumeurs auxquels le patron de la banque devrait faire face est la promesse non tenue de la cession de 15% des actions de Moov, au fils d’un chef d’Etat africain. Comment cela est-il possible.
Discret, efficace et rapide dans ses prises de décision, et semble-t-il dans le choix de ses collaborateurs, Koné Dossongui continue d’intriguer sur ses relais et partenaires. Les uns jurent qu’il est un prête-nom sans jamais donner des preuves, tandis que d’autres assurent qu’il ne doit rien à personne sans pourtant arriver à convaincre. Lui-même se tait sur la question et entretient un mystère aussi troublant que déroutant. Avant que le chef de l’Etat Laurent Gbagbo entretienne désormais et selon plusieurs sources crédibles, des relations sans à priori ni arrières pensées avec lui, il a dû prendre en compte les réserves de son entourage dont la première dame sur cet PDCI pas trop clair réputé Alassaniste et considéré à l’époque comme tel par Henri Konan Bédié qui l’avait fait entrer au gouvernement pour isoler le mentor du RDR.
Koné Dossongui peut être intraitable sur des détails et refuser de céder à ce qu’il considère comme des pressions et du chantage, sauf si elles mettent ses affaires en péril, au point de le faire renoncer à sa réputation de mauvais payeur.par contre il sait se montrer généreux pour ménager les hommes politiques ou dans l’octroi des marchés et dans le paiement ou la distribution des commissions en faveur de leurs proches, lorsqu’il a besoin d’eux. En Côte d’Ivoire, il est réputé pour la contribution apportée aux principaux partis politiques, histoire de ne pas avoir de soucis, sait-on jamais. C’est le même cas ailleurs en Afrique. Dans la région, ou la transparence et la bonne gouvernance ne sont pas des valeurs respectées, il reste encore difficile de résister à certaines pratiques si l’on veut prospérer durablement en affaires.
Il n’est pas inexact de dire qu’après l’épisode Telecel, Moov ne réussit pas trop à Koné Dossongui qui fait face en Côte d’ivoire aux deux pionniers que sont MTN et Orange ; et dans d’autres pays aux appétits des dirigeants politiques et régulateurs du secteur. Son retrait annoncé au profit d’Etisalat pour se concentrer sur la banque devrait inspirer les nouveaux qui veulent investir dans un secteur ou l’Etat n’assure manifestement pas la régulation de façon
rigoureuse, se contentant de distribuer des licences et des agréments à la pelle. (Nous y reviendrons). Moov ça ne mouve pas(ou plus) trop, c’est le cas de le dire !
Reste désormais à suivre de près dans les semaines à venir l’homme dans son expansion au niveau des finances : (assurances-MACI et banques). Assurément 2008 pourrait encore être l’année du natif de Gbon (au Nord de la Côte d’Ivoire) qui a décidé de ne plus se mêler de politique active, après l’épisode du gouvernement Bédié-Duncan et quelques articles de presse élogieux, pour la Primature en Côte d’Ivoire, alors que le débat faisait rage sur les noms de
Tiemoko Yadé, Ouassenan Koné et Charles Konan Banny. Si au niveau national, il adopte bien volontiers le profil bas, tel n’est pas le cas dans son département ou il est très respecté. Koné Dossongui pourrait donc demeurer député pour bénéficier de l’immunité parlementaire, et pourquoi pas de l’exonération comme pour cette Mercédès 500 qu’il a acheté et offert en
profitant de sa qualité de député pour être exonéré des droits de douane. On n’est jamais trop riche ! Ainsi donc après être sorti de Moov en tant qu’actionnaire, il pourrait recevoir un jackpot mensuel de cent millions de FCFA comme émolument, ainsi que d’autres frais de représentations pour service rendus à Etisalat.
La déception de l’année c’est Orange et Côte d’Ivoire Telecom
En 2007, Côte d’Ivoire Telecom a déçu. L’entreprise vit désormais de rente et de l’utilisation de son plateau technique par les opérateurs du cellulaire. Pour arrêter la chute aux enfers, l’entreprise de téléphonie fixe et le leader de l’internet en Côte d’Ivoire a envisagé une synergie avec Orange Côte d’Ivoire. Il s’agissait de mutualiser certaines offres pour réduire les charges. Mais comme à la clé, il n’y avait aucune stratégie pour renforcer et développer la téléphonie fixe, Côte d’Ivoire Telecom a dormi sur ses lauriers, préférant refuser d’affaiblir Orange dans le
cadre de la synergie au lieu d’améliorer les offres de la téléphonie fixe. Les offres Fidelis et le CDMA (une concurrence non loyale faite à la téléphonie cellulaire) n’ont pas permis à Côte d’Ivoire Telecom de parvenir au chiffre d’un million d’abonnés. Côte d’Ivoire Telecom également soupçonné d’avoir partie liée dans les déboires de Arobase Telecom, semble être désormais un géant aux pieds d’argile, sauvé pour le moment du gong par l’internet et la survivance d’Orange, sa filiale qui engrange désormais plus de value que la maison -mère En 2007, Orange a pris une décision qui a déplu en Côte d’Ivoire et a suscité une impression négative au sujet de l’entreprise. Alors qu’elle utilise l’image des joueurs et des stars de football de Côte d’Ivoire
pour vendre son produit et s’incruster davantage dans le cœur des Ivoiriens qui sont des fanas de Drogba, Dindané et Kolo, Orange a choisi pour un milliard de Francs Cfa de faire faux bond à la FIF et au championnat de Football ligue 1. Comme si pour devenir grand joueur et un Eléphant qu’Orange sponsorise, on n’avait plus besoin d’un championnat national fort et crédible. Cette décision faite suite à une série de mauvaise méthode de management ayant permis à la société en Bleu et Or de lui ravir le leadership apparent en Côte d’Ivoire et dans la sous-région. Comment ne pas noter les déboires de fin d’année des usagers de la société Orange ? Ils n’ont pas pu donner des coups de fil, ni envoyer des SMS durant les fêtes alors que les abonnés MTN, Moov et Koz étaient aux anges, pour une fois. Orange a préféré accuser Alcatel mais les désagréments restent incalculables et sont à mettre à l’actif du flop aussi bien d’Orange que de Côte d’Ivoire Telecom au cours de l’année 2007. Faut-il espérer qu’en 2008, le couple va connaître une meilleure année et un sort plus reluisant ? Dossier à suivre de très près au cours des douze prochains mois…
De Cora-Comstar à Koz-Comium, les péripéties d’un avènement
Un quatrième opérateur est entré dans le secteur très ouvert et encore rentable, (jusqu’à quand ?) de la téléphonie cellulaire
Comium a obtenu sa licence à un moment où l’Etat ivoirien et le régulateur étaient tenus de respecter la loi ivoirienne qui fixait à quatre le nombre total de licence. Des licences étant déjà attribuées à MTN et à Orange, il ne restait alors que deux, dont celle de Cora de Comstar non commercialisée à cause du contentieux entre les actionnaires. Au lieu de monter un dossier tranquille et non compliqué comme Moov et les trois derniers autres, les investisseurs et financiers de Koz-Comium, même s’ils s’en défendent, ont été entraînés dans les démêlés entre les actionnaires de Cora-Comstar. Dans cette affaire, Banny et ses collaborateurs ont joué un rôle nocif. Dans l’avant-projet de convention avec le régulateur et l’Etat ivoirien, Comium s’est engagé à payer environ 3 milliards de FCFA comme ticket d’entrée pour l’obtention de la licence. Cette générosité dont aucun autre opérateur ou attributaire de licence n’a fait preuve,(ni avant ni après) devait permettre à l’Etat ivoirien de dédommager, la partie américaine actionnaire dans Comstar.
Tandis que l’actionnaire ivoirien Alexandre Galley était à nouveau mis à l’écart, de même que les ex-employés de l’entreprise, en dépit des décisions de justice reconnaissant 51% des actions au profit d’Alexandre Galley, l’Etat ivoirien prenait l’argent avec (ou de) Comium pour dédommager la partie américaine. Un montant qu’il pouvait pourtant directement mobiliser lui-même sans aucun lien avec le ticket d’entrée payé par l’opérateur Le second aspect impliquant Comium dans le contentieux est l’activisme débordant du régulateur et de certaines autorités, en faveur de l’entreprise. D’abord ils ont retiré la licence de Cora de Comstar, ensuite ils ont excellé à une époque où le marché était encore protégé et les licences n’avaient pas explosé, dans l’art de la compromission avec M. Dalloul, patron de Comium-international et avec ses relais et lobbyistes locaux.
A présent près de quatre mois après son lancement, Comium revendique 400 000 abonnés au grand plaisir de M. Alexandre Galley qui déballe en petit comité sa stratégie à venir, comme pour ne pas faire mentir tous ceux pour qui sa réputation d’escroc et de voyou est définitivement établie. Selon donc M Galley l’entreprise Koz-Comium lui appartient. Il attend simplement des moments propices et meilleurs, notamment le retour à un Etat de droit et la fin de l’Etat d’exception, après des élections transparentes, pour faire valoir ses droits et récupérer Comium. Sur la base des actes de collusion, de trahison et de concussion avérés, dont des autorités ivoiriennes se seraient rendus coupables, il entend mener une forte action après avoir laissé Koz-Comium entraînée par des relais et lobbyistes locaux dans les méandres ivoiriens qui ont fait fuir les américains face Galley Alexandre certes plus que jamais voyou mais fort redoutable et imprévisible!.
Si pour le moment, il n’est pas opportun de livrer tous les détails des transactions, il faut tout de même noter l’imprudence de M. Kla Sylvanus dans l’affaire, à un certain moment. En effet, non content d’avoir empoché des commissions consistantes, le président du Conseil général de San-Pedro s’était selon des témoignages concordants lui-même présenté devant la notaire de Comium pour signer l’acte concernant ses parts dans l’entreprise au mépris de la loi.
Il a fallu que Me Georges N’Gouan lui rappelle qu’il s’agissait d’un délit d’initié flagrant susceptible d’entraîner la nullité des actes et la dissolution de la société pour qu’il consente à sortir du bureau de la notaire. L’attitude laissera pourtant et tout de même des traces, alimentant de nombreuses conversations dans les milieux d’affaires. A ce jour, ses détracteurs (et même ses amis) restent encore curieux et soucieux de savoir qui finalement porte ses actions dans Comium. Ce sont là autant de banderilles que M. Galley Alexandre compte allumer en temps opportun. Comme on le constate, le secteur de la téléphonie cellulaire est une véritable poudrière qui peut exploser à tout moment. Conscients de cela, et tenant peut être des informations susceptibles de faire du mal à l’un et à l’autre, le ministre des NTIT Hamed Bakayoko et le DG de l’ATCI Kla Sylvanus ont enterré la hache de guerre et collaborent désormais comme si de rien n’était. Avant même le dialogue direct entre le camp patriotique et la rébellion, le protégé présumé de la première dame Simone Gbagbo avait déjà fait son dialogue direct avec le protégé de M. Ouattara. FPI et RDR, savent s’entendre sur l’essentiel. Tout commence par les affaires et tout finit par les affaires. Avant la politique, les hommes politiques tâtent les affaires, et après les affaires, ils tâtent le terrain politique et vice-versa ! Les observateurs qui sont au courant de ces alliances pas forcement contre-nature, rient bien quand le RHDP accuse le pouvoir FPI de mal gouvernance et de malversations. Assurément personne n’a les mains propres à moins de les avoir coupées. Depuis lors M. Kla Sylvanus loue chaque semaine un petit avion pour rallier Abidjan-San-Pedro en aller retour. Cela peut-il justifier l’arrogance et la suffisance dont il fait désormais preuve, selon des sources concordantes? D’une part sans doute. En effet, se disant intouchable parce qu’il est un contributeur qui sait se montrer généreux à l’endroit de ses protecteurs et protectrices dans la refondation, il dit n’avoir peur de rien et n’avoir aucun compte à rendre à personne, encore moins au chef de l’Etat qu’il prend souvent plaisir à mener en bateau avec des arguments techniques spécieux lorsque certaines personnes sollicitent l’intervention de Laurent Gbagbo, après avoir refusé de céder à son jeu qui consiste à mettre des entraves et des bâtons dans les roues sur des questions pourtant simples, pour des intentions inavouées. Soit.
En vérité, cette arrogance est dictée par la peur d’être dévoilé et d’être mis à nu un jour. Il n’a pas tort puisque bien mal acquis ne profite jamais. Tôt ou tard, il faudra bien affronter le tribunal de l’histoire moral. Tous les magouilleurs du secteur des Télécoms ne perdent rien pour attendre… !Derrière chaque grande fortune, se cache un crime impuni, ont dit les chefs de la mafia, mais un jour il faudra bien payer pour le crime commis et impuni. Pendant ce temps, Koz-Comium poursuit son petit bonhomme de chemin. Au petit trop au goût de certains qui s’interrogent sur la réalité des investissements annoncés. Cela n’émeut guerre les dirigeants de l’entreprise qui restent sereins et assurent que les perspectives sont bonnes. Lobbyiste et consultant pour le compte des actionnaires et des promoteurs dans la période de galère et des moments difficiles de l’entrée de Comium en Côte d’Ivoire, l’ivoiro-libanais Mohamed Salami, n’a jamais pu en dépit de son entregent et de la proximité de ses origines avec les promoteurs, entrer dans l’actionnariat de Comium, encore moins dans le management, alors qu’à défaut de la Direction générale ou de la présidence du conseil d’administration( qu’il voulait pour Lambert Kouassi Konan) , il se serait volontiers contenté d’un poste d’administrateur ou de directeur de la stratégie et du développement. Son passé fulgurant, fringuant et un peu sulfureuxnotamment auprès de Charles Taylor y est pour quelque chose Son bagout et ses intrigues n’ont pas eu raison du charismatique Eugène Diomandé, solidement installé pour le moment au poste de PCA, même si quelques langues aigries, disent qu’il est un faire-valoir. Comme si le président du Sewé Sport, qui lorgne toujours la fédération ivoirienne de football pouvait se contenter d’être un simple prête-nom et un faire valoir. ! C’est mal le connaître ! Sans doute, on entendra encore parler du talent et de l’entregent qui lui ont permis de prendre pied dans le milieu sélect et fermé de la téléphonie cellulaire qui n’était pas le sien au départ. On n’est pas magicien par hasard !
Arrêtons-nous là sur les péripéties de l’avènement de Koz Comium pour se garder de tout dire pour le moment, puisque d’autres informations méritent des investigations supplémentaires, avant d’être livrées sur la place publique. Mais il est bon de rappeler que le lobbyiste Houphouët. H, déjà en contentieux à l’époque avec Dossongui au sujet de l’attribution de la licence de Moov (l’affaire serait au tribunal), et qui se retrouvera plus tard au cœur des tractations entre M. Compaoré et MTN, (la seule opération où une avance sera perçue par lui, et où il n’a pas été doublé sans que les résultats espérés aient été atteints,) avait encore été mêlé au départ à la question de la licence de Comium. Mais redoutant une absence de discrétion, puisque le lobbyiste Houphouët Hamilton a la réputation d’être tapageur ( ce qui n’est pas forcément un défaut dans ce monde cupide), Kla Sylvanus et d’autres intermédiaires, après un premier contact téléphonique ou physique avec lui, arrêteront net et sine die toute transaction. Cela n’empêche pourtant pas le sulfureux lobbyiste de réclamer au sujet de Comium des commissions. A cet effet, il a monté un mémoire qu’il compte transmettre prochainement à des juges, aussi bien au Liban qu’en France et en Côte d’Ivoire. Il y relate des détails sur la manière dont il a été mis hors jeu dans les négociations et dans les transactions. Chacun se bat comme il peut !
Les moyens et les méthodes des autres ne sont assurément pas les meilleures…
Oricell, Comcell et Aircom sont les bienvenus.
Oricell a déjà recruté. Des équipes travaillent. Issa Bamba, Xavier Abouanou, et d’autres transfuges des anciennes sociétés sont hyper occupés. Drissa Ballo, qui se souvient de ses débuts dans le secteur alors que personne ne croyait en lui ou pis ne le prenait au sérieux, ni en ses capacités, attend son jour de gloire. Mais que peut-il ? N’a-t-il pas laissé trop de plumes en route ? Milliardaire lui-même, ayant fait fortune dans l’enseignement, il a des partenaires arabes et aussi des associés africains. Oricell est attendu, mais pour-être tranquille le promoteur devra, s’il ne veut pas traîner les casseroles comme les autres, désintéresser tous les intermédiaires, qui ont défendu à un moment ou à un autre son dossier et lui ont ouvert des portes jusqu’à l’obtention de sa licence. Pour l’heure, il est tranquille, mais dès qu’Oricell va pointer du nez, l’armée des lobbyistes et des affairés polluera l’environnement et l’atmosphère. Un homme averti en vaut deux !
Comcell. Avec la mort de Seri Cyriaque, l’entreprise a pris un coup et subi un gros retard.
Elle devait démarrer avant Koz-Comium. Aujourd’hui, tout ne semble pas encore réglé. Le Abou Dhabi Group qui a racheté la majorité des parts traîne encore les pieds. En fait, Comcell et ses associés tentent d’augmenter le nombre limité de leurs canaux mais l’affaire a été mal menée. Même le chef de l’Etat qui a été approché n’a pas pu opposer des arguments aux affirmations et explications vengeresses du DG de l’ATCI qui a estimé qu’il était impossible de retirer les canaux encore inexploités à Orange et à MTN pour les attribuer à Comcell et à Kouao Niamoutié. C’est qu’entre temps, les associés de Dally Zabo Ernest avaient eu l’outrecuidance de le faire déplacer un week-end, de son San-Pedro natal pour affaires. Tout cela s’était finalement mal terminé. Pis pour une affaire de commission de deux millions de FCFA, à donner à un intermédiaire, les dirigeants d’Abou Dhabi Group et d’autres intermédiaires s’étaient retrouvés dans un commissariat de la place.
Kouao Niamoutié s’est beaucoup battu pour avoir sa licence.
Il voulait celle attribuée à Koz-Comium, parce qu’elle possédait une vingtaine de canaux. Lui, il est le plus mal loti et aurait à peine 5 canaux. Voulant montrer à M Dossongui , qui l’a écarté(?) de Moov, apprend-ton, qu’il avait ses entrées au Palais et était capable d’obtenir une licence, il a mis à contribution son ami Allou Eugène, et dealé avec Roger administrateur dans son affaire et premier détenteur de la licence Cet appui n’a pas été suffisant pour freiner les appétits de Kla Sylvanus et des membres du conseil d’Administration face aux assauts du concurrent Pourtant bien rodé en la matière, M Kouaho a perdu la bataille d’une licence plus favorable malgré le soutien décisif du PCA de l’ATCI qui, au contraire du DG et des autres voulait favoriser un opérateur national au détriment de Comium. En réalité, le patron du guichet unique qui possède le talent fort envié de faire de bonnes entrées chez tous les tenants du pouvoir sans partager leurs options politiques, mais dans le seul but de faire prospérer ses affaires, n’a peut-être plus le cœur à la téléphonie cellulaire. Il veut, dit-on, se concentrer désormais sur l’énergie sa nouvelle passion, qui en plus des Libyens lui permet de traiter avec Bouygues. Pour lui, le secteur énergie et électricité est aussi stratégique et vital que celui des Télécoms. En attendant, Kouaho Niamoutié a presque fait le tour du monde avec sa licence. Il est allé en Chine, a monté des dossiers de financement, a rencontré de nombreux hommes d’affaires, mais les choses tardent parce qu’il refuse un sort à la Koffi Bergson : céder l’essentiel des parts et actions tout simplement parce qu’il n’a pas la possibilité de lancer seul les investissements de départ. Surtout qu’à la différence de feu Koffi Bergson, il dispose lui, d’un épais matelas financier. Kouao Niamoutié remis de sa brève incursion dans l’aviation joue donc les prolongations. Jusqu’à quand ? Cette situation amène à se demander si l’Etat ivoirien qui attribue les licences dans des conditions très favorables aux promoteurs (ils commencent à payer les 40 milliards de FCFA de redevances à partir d’un seuil d’abonnés, et d’une période d’exploitation, là où d’autres pays font payer cash) a fixé un deadline pour le démarrage de l’exploitation d’une licence octroyée. Ensuite, le régulateur a-t-il déjà anticipé sur les possibilités de concentrations ou de revente des licences. En tout état de cause, lorsqu’on connaît l’etendu du réseau de MTN en Afrique, lorsqu’on sait qu’Orange est un groupe multinational, et que Moov a malgré tout derrière lui Etisalat, que Comium est une filiale d’un autre grand groupe international, on a du mal à avoir peur pour eux, devant l’annonce de l’arrivée des prochains opérateurs.
Avec environ 20 millions d’habitants, la Côte d’Ivoire compte presque 5 millions de puces vendues ou d’utilisateurs, soit 25% de la population. Il est certes possible d’atteindre dans les cinq années à venir 50%, c’est à dire séduire et récolter encore 5 nouveaux millions de clients. Mais quand on prend en compte le fait que MTN gère au Nigéria 14 millions d’utilisateurs sur 40 millions repartis entre 4 opérateurs (contre 7 opérateurs annoncés en Côte d’Ivoire pour un potentiel de 5 à 10 millions d’utilisateurs), on se dit que les anciens opérateurs ne laisseront pas les trois nouveaux qui s’annoncent,conquérir tout seul les nouveaux utilisateurs potentiels à séduire dans les cinq prochaines années. La chasse est ouverte. Bonne chance à tous. Heureuse année 2008 à chacun !
Pour conclure presque…
Toutes les informations distillées et révélées font trembler n’est ce pas ? Cela paraît peut-être explosif. Et pourtant l’Intelligent d’Abidjan n’a encore rien dit. L’IA n’a pas tout dit. Tant de choses restent à révéler mieux informer les lecteurs et les Ivoiriens sur ce qui se joue dans le secteur des Télécoms. Après avoir planté le décor sur ce qui se trame et s’est tramé autour du juteux secteur de la téléphonie cellulaire et des télécoms en général, nous parlerons sous peu de la gestion même des entreprises et des autres activités connexes et dérivés qui se développement autour, à savoir les revendeurs de cartes de recharge, puces et cellulaire (Mercure Telecom) et les sociétés de pylônes et autres, les régies publicitaires, les banquiers…etc.…
Ces relais et autres prestataires, au même titre que les opérateurs eux-mêmes, ont fait fortune dans ce secteur très rentable, qui après une dizaine d’années d’expansion continue et no limit every where you go, à faire causer ensemble, tout ceux qui veulent aller encore plus loin, qu’il soit habillé en orange ou dans d’autres couleurs. Toutefois de l’avis de quelques experts, dans cinq ans au maximum, il n’est pas exclu que des concentrations ou des rachats des sociétés qui n’ont pas atteint une taille critique se fassent au profit des encore deux leaders du secteur (à savoir MTN et Orange). A bientôt !
Enquête réalisée par la Rédaction de l’I.A.

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